Le Concours Eurovision, témoin et acteur de la construction européenne de 1956 à 2024. Q. Viguier. 23-05-23 .

Podcast : https://audioblog.arteradio.com/blog/215487/podcast/230767/midi-conference-junior-l-eurovision-dans-la-construction-europeenne-quentin-viguier-23-05-2024

Introduction

Vous le connaissez de près ou de loin, il apparaît chaque année sur les postes de télévision des foyers français, le Concours Eurovision de la Chanson, créé le 24 mai 1956 à Lugano en Suisse, est mu par la volonté de créer des liens insécables entre les pays participant au concours. [Diapo] Cette initiative est portée par l’UER, créée en 1950, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, son président Marcel Bezençon ainsi que par la télévision italienne, la RAI, qui propose un concours de la chanson européenne sur le modèle du Festival de Sanremo fondé en 1951.
Le réseau Eurovision, mettant en relation les diffuseurs publics indépendants des pays d’Europe de l’Ouest, découle tout d’abord d’une idée, [Diapo] d’un projet politique en lien direct avec la création de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier en 1952. Le concours véhicule les valeurs du projet européen, avec la volonté d’unir par la musique et de célébrer la diversité du continent. Malgré son grand âge, presque 70 ans, le concours a su se réinventer, s’émanciper peu à peu de la dimension « kitch » qui l’a tant desservi dans les années 80, pour devenir le porteur d’un idéal, celui d’une Europe unie pour la paix et la liberté.
Un sujet d’actualité à l’heure du retour de la Guerre en Europe et des élections européennes qui se tiennent le 9 juin prochain. L’occasion pour nous de replonger dans l’histoire du plus grand concours musical au monde, une manière de percevoir l’histoire de la construction européenne sous un autre angle, celui de la musique et de l’unité, deux valeurs portées par le concours depuis sa création faisant de lui un témoin, mais également un acteur de la construction européenne.

I L’Eurovision, témoin de la construction européenne

– Les origines du concours sont liées au projet européen :
Le concours Eurovision est un moyen pour les pays européens du bloc de l’Ouest de promouvoir le réseau Eurovision, originellement défini par un journaliste de la BBC comme « un système de coopération permettant un échange de programmes télévisés entre les pays d’Europe de l’Ouest » (et oui, cela s’inscrit dans un contexte de Guerre Froide où l’Ouest compte bien concurrencer le réseau Intervision du bloc de l’Est !). Le premier concours diffusé en Eurovision en 1956 est une révolution technologique, car il est diffusé en direct et en simultané sur quatorze chaînes différentes. Les pays fondateurs du concours, à l’exception de la Suisse, sont les mêmes qui signent le Traité de Rome instituant la Communauté Economique Européenne en 1957, date à laquelle le Royaume-Uni, le Danemark et l’Autriche rejoignent le concours naissant, qui apparaît donc comme un pionnier des élargissements européens à venir, ces trois pays ayant intégré la CEE au cours des décennies suivantes.
L’Eurovision est un concours où l’on chante la paix et l’amour, il est porteur d’une vision pacifiste d’après guerre et d’une amitié entre les peuples d’Europe. L’arrivée en 1961 de l’Espagne franquiste et de la Yougoslavie de Tito montre que la concours a pour vocation d’imaginer une Europe libre et unie, une vocation quelque peu naïve au vu de l’utilisation du concours par les gouvernements espagnols et yougoslaves afin de promouvoir la modernité des pays dirigés d’une main de fer par des dirigeants totalitaires.

– L’Eurovision face à l’élargissement vers l’Est :


D’un concours uniquement lié à l’Europe de l’Ouest à un concours européen : l’Eurovision a évolué tout comme le projet européen initial.
C’est justement la victoire de la Yougoslavie à l’Eurovision 1989 qui marque un tournant dans l’histoire du concours. Il s’agit en effet de la première fois qu’un pays non aligné remporte l’Eurovision, et accueille donc l’édition de 1990. Une victoire qui anticipe l’évolution du projet européen, la CEE étant devenu de fait, dans le contexte de la Guerre Froide, une communauté réservée aux seuls pays d’Europe de l’Ouest.
L’édition 1990 du concours se déroulant à Zagreb en Croatie, est riche en messages pro-européens au vu de l’actualité du continent, notamment celle de la récente chute du mur de Berlin et de la future réunification allemande. Cela inspire directement ou indirectement un quart des chansons de l’édition : la chanson autrichienne s’intitule « plus jamais de mur », la Norvège chante « la Porte de Brandebourg » qui s’est ouverte avec l’effondrement du Mur, l’Allemagne envoie une chanson sur sa liberté retrouvée. Toto Cutugno, qui représente l’Italie, remporte l’Eurovision 1990 avec sa chanson pro-européenne Insieme, qui défend le futur traité de Maastricht de 1992, traité qui pose les bases du fonctionnement de l’Union Européenne telle qu’elle existe aujourd’hui et qui anticipe le futur élargissement massif de 2004. Cette chanson a un écho tout particulier, car elle est chantée à Zagreb, l’une des capitales fédérales d’un pays au bord de l’implosion, qui devient 30 ans plus tard la capitale florissante d’une Croatie indépendante et intégrée à l’Union Européenne.
1993 sert de base pour les élargissements futurs, tant pour ceux de l’Eurovision que pour ceux de l’Union Européenne. Il s’agit d’une période de grands espoirs, où tout semble possible. A l’échelle du concours d’abord, 1993 est marqué par la fusion du réseau Eurovision et du réseau Intervision, si bien que tous les pays de l’ex bloc de l’Est deviennent éligible à participer au concours Eurovision, éligibilité représentée par la couleur verte sur les cartes que vous avez derrière vous. Le réseau s’ouvre au reste de l’Europe tout comme le projet européen s’adapte à cette nouvelle géopolitique du Vieux Continent. C’est simple, entre 1996 et 2005, le nombre de pays participants au concours passe de 23 à 40 ! L’Eurovision constitue le témoin de l’Europe des années 1990, celle qui répare ses blessures causées par le Mur, tant matériel, qu’idéologique qu’a constitué le Rideau de Fer.


Au cours de la même année, l’Union Européenne institue les Critères de Copenhague, qui permet de fixer les conditions pour que les pays d’Europe Centrale et Orientale puissent inspirer une intégration future à l’Union Européenne.
L’Eurovision ayant intégré dix nouveaux pays en deux ans, le concours se retrouve confronté à la difficulté de composer entre une émission ayant une durée raisonnable et un nombre grandissant de pays participants. Le système de relégations institué entre 1994 et 2004 a traumatisé de nombreux pays : il s’agissait pour l’UER d’exclure du concours les pays les plus bas du classement. Un système injuste qui a surtout constitué un choc idéologique pour les pays d’Europe de l’Ouest qui, pendant presque 40 ans, avaient eu le concours pour eux tout seul, et qui avec ce système peuvent être relégués en faveur de pays et de nations qui sont apparus du jour au lendemain dans le quotidien des pays de l’Ouest. Un choc identique à celui des élargissements de l’Union Européenne vers l’Est, où tous les pays-membres sont placés sur un pied d’égalité. C’est ainsi que le Luxembourg, qui ne supporte pas ce système, quitte le concours en 1994 avant de ne revenir qu’en 2024, pour l’édition de cette année !


Ce système injuste constitue toutefois un laboratoires d’expériences pour créer le concours que nous connaissons aujourd’hui ; un miroir de la réflexion en Europe d’un élargissement ambitieux, mais juste, où les états-membres sont placés sur un pied d’égalité. C’est en effet à ce moment-là que l’Union Européenne procède le 1° mai 2004 à l’élargissement le plus ambitieux de son histoire, intégrant 10 nouveaux pays d’Europe Centrale et orientale. Le système de relégations est abandonné au profit des demi-finales tandis que les éditions du concours des années 2000 sont marquées par les victoires des pays de l’Est nouvellement arrivés.

– L’Eurovision et l’argent :


Or, lorsqu’il est question des frais de participation au concours, les inégalités entre les pays ressortent inévitablement. L’Eurovision a instauré en 1999 le système des Big 5, où les 5 plus gros contributeurs financiers de l’UER sont qualifiés d’office pour la finale de chaque édition.

Il s’agit sans surprise des pays les plus riches que vous voyez sur l’écran. Le Big 5, créé en guise de compromis pour éviter que d’autres pays riches quittent le concours comme l’avait fait le Luxembourg, pose la question de certains pays plus méritants que d’autres en fonction de leurs moyens financiers. Une question également au coeur de la construction européenne, où celle-ci intègre au départ des pays riches, puis des états en difficulté économique de l’adhésion de la Grèce à la CEE en 1981, aux élargissements de 2004 et ultérieurs. Le système des Big 5 est souvent critiqué, il n’est d’ailleurs pas rare de voir des Big 5 en bas des classements. 2021 franchit une étape dans cette contestation : le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Espagne ne reçoivent aucun point du vote du public. [Diapo] Des éléments à nuancer toutefois, avec la victoire italienne de 2021, les secondes places de la France en 2021 et du Royaume-Uni en 2022 et de la troisième place espagnole en 2022 également.

A l’inverse du Big 5 qui est toujours qualifié d’office, il n’est pas rare de voir des pays comme la Bulgarie quitter périodiquement le concours en raison de difficultés financières. Les Balkans occidentaux notamment sont confrontés à ces difficultés, une enclave de l’Union Européenne dont le processus d’adhésion n’a repris de son activité qu’avec la Guerre en Ukraine en 2022. Le coût exorbitant de la haute technologie embarquée dans les scénographies toujours plus ambitieuses du concours, les inflations liés aux diverses crises depuis la période COVID ont entraîné des coûts de participation de plus en plus exorbitants. [Diapo] L’UER défend cette augmentation des coûts par le fait que le concours ne serait plus « viable financièrement ». L’exemple de l’Irlande peut être mobilisé grâce aux révélations de Michael Kealy, le chef de la délégation irlandaise, qui indique que la RTE (la télévision Irlandaise) a dépensé 1/3 de son budget dans les frais de participation en 2024. Il illustre l’augmentation des frais en révélant qu’ils sont passés de 93 000€ en 2022 à 106 000€ en 2023, soit une augmentation de 13 000€ en un an !
Une autre dimension est à prendre en compte : la participation ou non à l’Eurovision relève d’une volonté politique, car toutes les chaînes participant à l’Eurovision sont des médias publics, qui sont financés par l’État. [Diapo] C’est ainsi que l’ex-directeur des divertissements de France 2, Yves Bigot, annonce en mai 2023 qu’il aurait reçu l’ordre de ne pas remporter l’Eurovision, ce qui expliquerait les résultats catastrophiques de la France dans années 2000. [Diapo] Et ce pour une raison très simple : une édition du concours coûte en moyenne 100 millions d’euros, la moitié est financée par l’UER, 1/4 par la chaîne de télévision et un autre quart par la ville hôte. Accueillir le concours peut donc être perçu comme un cadeau empoisonné pour le pays hôte, surtout si l’État n’est pas intéressé par le financement du concours.
A l’inverse, les petits pays mettent tous les moyens pour remporter l’Eurovision, une vitrine internationale permettant la mise en valeur de la culture du pays hôte. C’est ce qui explique la participation sans interruption de la Moldavie depuis 2005, ce même pays qui est le plus pauvre du continent européen et qui est candidat pour l’adhésion à l’UE depuis le 23 juin 2022.
[Diapo] Transition : L’Eurovision constitue ainsi le témoin des défis de la construction européenne : géopolitique du continent, fonctionnement de l’Union ainsi que la question de l’égalité entre les Etats-membres. En même temps que l’Union Européenne, le concours fait face à l’actualité et réagit à celle-ci, ce qui le rend acteur en défendant de fait une certaine vision du projet européen. [Diapo]

II L’Eurovision, acteur de la construction européenne

– l’Eurovision face à l’actualité :
Le superviseur exécutif actuel de l’Eurovision, Martin Österdahl, martèle que l’Eurovision n’est pas politique et ne doit pas être politisé, comme dans une récente interview du 29 avril 2024 où il tient les propos suivants :  « La seule chose que nous [l’UER] pouvons contrôler, ce sont les trois minutes sur scène, et c’est pourquoi je suis parfois frustré lorsque beaucoup de gens veulent faire de la politique à partir du Concours Eurovision ». Un discours que je souhaite nuancer avec un autre entretien de Martin Österdahl qui date de 2022, après que l’UER ait pris une décision historique : celle d’exclure pour un temps indéfini le télédiffuseur russe au nom de la réputation du concours. Le 27 mars 2022, Österdahl déclare à Eurovoix,  journal spécialisé dans l’actualité eurovisionesque : « Nous ne voulons pas faire de manifestations politiques sur scène, mais nous ne pouvons pas faire le plus grand spectacle de divertissement du monde sans toucher à ce à quoi tout le monde pense en ce moment en Europe. »
Que l’UER veuille l’entendre ou non, ils prennent nécessairement parti et adoptent des positions faisant écho à des programmes politiques. En 2016, l’UER organise avec la SVT (la télévision suédoise) un entracte appelé « Gray People ». [Diapo] 2016 est en effet une année charnière dans la politique migratoire de l’UE, 1 an après l’entrée illégale d’1M de réfugiés syriens au sein de l’Union, dont l’ampleur sans précédent a eu des répercussions sur les sociétés d’Europe et les discours politiques, notamment par la montée de l’extrême-droite. Au travers de « Gray People », l’Eurovision dénonce l’accueil parfois inhumain des migrants en montrant une réalité crue et même la mort sur scène. Les danseurs sont vêtus et maquillés en gris afin de représenter l’image que se ferait l’UE des migrants : une masse informe, où l’on ne peut distinguer les êtres humains se cachant derrière une vague grise de nouveaux venus. L’acte s’achève avec l’acquisition d’un visa par l’un des migrants et par le retrait de la peinture grise sur leur visage, faisant finalement apparaître l’être humain derrière le masque idéologique. Vous l’aurez compris, Gray People est une dénonciation virulente des partis d’extrême-droite qui diaboliseraient l’arrivée massive de migrants. La performance constitue un plaidoyer pour une Europe sociale, humaine et juste pour tous, plaidoyer voulu par Martin Österdahl (encore lui) à l’époque où il était producteur exécutif de la télévision suédoise.   Selon lui, « C’est toujours ce qu’on essaie de faire à l’Eurovision, pour aborder la question brûlante, mais sans en faire de la politique. »



– L’Eurovision face à la guerre :
Sans faire de politique donc.

 Pourtant, comme je l’ai dit tout à l’heure, l’UER décide en mars 2022 d’exclure la Russie du concours pour une période indéfinie en raison de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine. Une première pour le concours alors que ce n’est pas la première guerre à avoir eu lieu depuis 1956. [Diapo] Israël a pu participer au concours malgré la guerre du Kippour en 1973 et malgré l’actuelle guerre contre le Hamas. L’Azerbaïdjan n’en est pas moins coupable, ce pays ayant été en conflit ouvert avec l’Arménie fin 2020 puis en 2023 autour de la région du Haut-Karabakh, mais qui n’a pas été exclu du concours de 2021 et de cette année. Österdahl défend cette décision en estimant que « l’Eurovision est un concours entre diffuseurs, pas entre gouvernements ». Il s’agit cependant de diffuseurs publics, qui sont financés par l’État. Même s’ils sont indépendants dans les démocraties, ce n’est pas le cas en Azerbaïdjan par exemple où la chaîne AzTV est contrôlée de manière non officielle par l’État azéri.
– L’Eurovision et la guerre en Ukraine : la création d’une identité eurovisionesque, un concours conscient des messages qu’il transmet :
Conscient de l’influence du concours dans le monde, rassemblant entre 120 et 200 Millions de téléspectateurs dans le monde chaque année, l’UER a décidé de doter l’Eurovision d’un logo générique, United by Music, celui-ci faisant écho de manière transparente à l’« unité dans la diversité » que constitue la devise de l’UE.

Cette standardisation du concours en tant qu’évènement regroupant des pays qui souhaitent, en théorie du moins, défendre la paix et l’unité envoie un message fort au reste du monde, tout comme souhaite le faire l’UE dans sa communication vis-à-vis des conflits armés dans le monde. Il s’agit de prendre parti, la défense de la paix étant une position politique s’opposant à celle du bellicisme. L’adoption de ce slogan unique en 2024 n’est pas un hasard, il s’agit de la deuxième édition du concours où l’Ukraine est en guerre contre la Russie. L’Eurovision s’apparente dorénavant à un club de pays prônant la paix (en théorie du moins !), où l’Ukraine participe et réalise des résultats plus que satisfaisants et où la Russie est exclue. Et oui, exactement comme l’Union Européenne !
Cependant, l’UER n’assumant pas sa dimension politique (ou alors ne faisant rien pour freiner la politisation de plus en plus explicite du concours), cela mène à des prises de position paradoxales. L’édition de cette année a été marquée par une politique d’une fermeté inédite concernant les drapeaux, ayant de fait interdit pour la première fois de l’histoire du concours le drapeau de l’UE dans l’arène, un choc pour la communauté de fans du concours ainsi que pour le vice-président de la Commission Européenne, Margaritis Schinas, qui s’est exprimé en estimant que la décision ne faisait qu’aider les « ennemis de l’Europe », propos tenus à moins d’un mois des élections européennes. Par ailleurs, le niveau de sécurité du concours n’a jamais été aussi élevé, et ce en raison du fait que les manifestations contre la participation d’Israël à l’Eurovision se sont multipliées à Malmö, la 3° ville suédoise comptant la plus grande diaspora musulmane du pays.



– L’Eurovision Junior, les enfants de l’Europe ?

J’aimerais achever cette présentation sur l’Eurovision par une réflexion autour de l’édition Junior du concours. Créé en 2003, il s’agit d’un format de 2h30 où les chanteurs sont des artistes âgés de 9 à 14 ans.


Concours a priori  à l’écart des intérêts politique, il n’est pas rare que les délégations participantes envoient des chansons prônant un monde meilleur, comme ce fut le cas de la chanson ukrainienne de 2018, où la chanteuse Darina Krasnovetska dénonce la guerre de manière générale alors que son pays est impliqué depuis 2014 dans une guerre irrégulière dans le Donbass. La chanteuse arbore un haut parleur rouge qui se détache dans une scénographie en noir et blanc.
Ce haut parleur témoigne également de la volonté de l’Eurovision Junior à mettre en avant le pouvoir des générations futures et de leur capacité à créer le monde de demain. Les slogans tournent souvent autour de cette idée, comme celui de 2020, Move the World (Faites bouger le monde!), de 2021, Imagine, ou de 2023, Heroes. [Diapo] L’Eurovision Junior de 2019, marqué par l’actualité autour du mouvement Fridays for Future et Jeunesse pour le Climat initié par Greta Thunberg en Suède le 20 août 2018, où plus du tiers des chansons de l’édition comportent des paroles en lien avec le climat. La scénographie de la chanson serbe Podigni Glas (qui veut dire Elève ta voix) reprend le slogan « We don’t have a Planet B » utilisé dans les Marches pour le Climat. La Pologne remporte même l’Eurovision Junior 2019 avec sa chanson Superheroes qui chante le pouvoir des générations futures à changer le destin d’un dérèglement climatique sur un fond de compte à rebours. C’est le mois suivant, en décembre 2019, qu’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission Européenne, lance le Pacte Vert pour l’Europe, avec l’objectif de la neutralité carbone pour 2050.
Dans sa structure pour finir, l’Eurovision Junior encourage davantage l’amitié entre tous autour d’une chanson commune. Il s’agit d’un hymne (souvent louant le pouvoir des enfants ou la paix dans le monde) chanté par tous les artistes participant au concours, une chanson commune inexistante dans l’édition originale du concours. [Diapo] L’Eurovision Junior 2021 a également vu dans ses coulisses la rencontre hautement symbolique de la délégation arménienne et azérie sur fond de guerre ouverte dans le Haut-Karabakh : les deux chanteuses ont été filmées par les deux délégations en train de se prendre dans les bras, symbole fort pour des ennemis héréditaires où l’Eurovision se place une nouvelle fois comme un défenseur de la paix entre tous. Le Junior, tout comme l’Union Européenne, désirent dans leur communication mettre en avant le pouvoir des générations futures à penser l’Europe de demain.

Conclusion :

[Diapo finale] Vous l’aurez donc vu, le Concours Eurovision représente bien plus qu’un concours de chant : il est depuis ses origines intimement lié au projet européen, a grandi et s’est réformé au rythme des élargissements et de la transformation de la CEE vers l’Union Européenne sous sa forme actuelle.
Un concours qui ne peut toutefois ignorer sa dimension politique, qui du moins doit trouver une cohérence interne afin de ne pas se compromettre par l’instauration de fait d’un système deux poids deux mesures, où la tolérance vis-à-vis de tous les pays participants ne semble pas être équivalente pour tous. Pire, avec le système du Big 5, cela ne place pas les pays participants dans un système égalitaire, ce qui entre en contradiction avec les valeurs mêmes du concours.
Regarder l’Eurovision, c’est observer l’évolution géopolitique de l’Europe au fil des décennies. En 2024, à quelques semaines des élections européennes, l’Eurovision retourne en Suisse, là où tout a commencé en 1956. Il s’agit pour le concours de puiser de nouveau dans ses racines afin d’inspirer les réformes qui s’avèrent nécessaires après une édition qui aurait pu mener le concours à sa propre perte. Un miroir de l’Union Européenne, qui pour faire face aux nouveaux défis qui l’attendent doit également se réformer pour perdurer.

Je vous remercie.