Les droits de l’homme en milieu carcéral. Christine Soucille. 24-05-3022

Les droits de l’homme en milieu carcéral

Christine Soucille

24-05-3022

Podcast
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Introduction

La prison est pour la très grande majorité de la population un univers inquiétant et mal connu, malgré l’attention médiatique dont elle est couramment l’objet.  
La réalité du monde carcéral est quasi imperceptible pour celui qui n’a pas franchi les hauts murs. On ne se doute pas du drame qui se joue au quotidien derrière les barreaux ; drame dans lequel on peine parfois à distinguer les coupables, des victimes.
Depuis quelques années, la surpopulation carcérale bat des records. Et la France est régulièrement condamnée par la CHDH pour conditions de détention indignes Et pour cause, en Europe, la France est au 4ème rang des prisons surpeuplées juste après la Roumanie.
Ces condamnations sont corroborées par les rapports rédigés par les organes de contrôle qui enquêtent régulièrement sur l’état de prisons françaises (rapports parlementaires, rapports du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Libertés des droits….
Constat d’autant plus inacceptable pour un pays qui se veut « patrie des droits de l’Homme. » 
Un constat qui fait écho au cri d’alarme lancé par Dominique Simonnot  Controleuse générale des lieux privatif de liberté (CGLPL) qui dans une tribune publiée dans le monde au mois de février 2022 invite en ces termes les députés et les juges à se confronter à la réalité des établissements pénitentiaires elle écrit  :
« Entrez dans les prisons ! Venez découvrir les colonnes de cafards qui cavalent en rangs serrés et les rats qui grignotent dans la cour ! Voyez ces trois hommes dans 4,30 mètres carrés d’espace vital. Écoutez ce que me dit celui-ci: « Je suis dans un trou qui s’appelle une prison, à trois dans une cage pour un ». 
Mais dans le même temps elle écrit également :
« Venez, écoutez les surveillants, les directeurs pénitentiaires dire leur colère, leur désespoir…vous décrire leurs tâches rendues folles par la folie des cellules qui débordent ». 
Ces propos nous invitent à réfléchir sur l’effectivité du respect des droits de l’homme dans les prisons françaises ? Face à une tache aussi ambitieuse mon travail n’aura pas la prétention d’être exhaustif 
J’ai volontairement écarté un grand nombre de problématiques telles que l’évolution des politiques pénitentiaires ou le bien-fondé philosophique de l’incarcération. 
A défaut d’exhaustivité, mon exposé se limitera à éclairer l’effectivité des droits de l’homme à partir de constats émis par les rapports officiels de diverses autorités de contrôle (Observatoire International des Prisons, la Commission nationale consultative des droits de l’homme) et la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme).
Mais cet exposé repose également sur des témoignages de détenus, de membres du personnel pénitentiaire que j’ai été amenée à côtoyer, il y a quelques années.  En effet, pendant 3 ans je suis intervenue en tant que visiteuse de prison et enseignante bénévole à la prison de la santé à Paris.
Malgré ce vécu et même si certains éléments pourraient peut-être vous choquer, mon propos cherchera à être le plus objectif possible en refusant de céder ni à l’émotif ni à l’angélisme tant il est difficile de faire la part des choses une fois plongé au cœur de la spirale carcérale 

1ère PARTIE Un état des lieux des prisons françaises 
A Un constat : réalité de la surpopulation carcérale
Au 1er octobre 2021, la France comptait 187 centres de détention dont 81 maisons d’arrêts et une centaine d’établissements pour peine
On recense en 2022  235 000 personnes placées « sousmain de justice » (expression qui regroupe les personnes incarcérées et celles faisant l’objet d’une peine alternative à l’incarcération), toutes suivies par l’administration pénitentiaire. Il faut cependant distinguer les personnes effectuant leur peine en milieu ouvert et les détenus en milieu fermé.
Parmi celles-ci 31 mars 2022, on compte 85 136 détenus incarcérés pour environ 60000 places disponibles dans nos prisons (60 619 exactement)
Un déficit de 25000 places expliquant les condamnations récurrentes de la France par la CEDH pour fait de la surpopulation carcérale en moyenne on estime de 1700 personnes dorment aujourd’hui sur des matelas à même le sol
B D’autres chiffres accablants 
Le nombre de personnes incarcérées a plus que doublé au cours des quarante dernières années.
-1/3 des détenus souffrent des troubles psychiatriques ou psychologiques graves et sont internés avec les autres détenus faute de places dans les structures adaptées. 
-Parmi les 42 pays du Conseil de l’Europe, la France affiche le taux le plus élevé de suicide,  soit un taux 2 fois supérieur à la moyenne européenne Une hausse des suicides en détention s’élève à plus d’une centaine par an (122 en 2021 contre 111 en 2020)
Nous interroger sur l’effectivité du respect des droits des détenus  suppose de rappeler brièvement de quels droits peuvent se prévaloir les détenus.
Jusqu’au milieu du XXe siècle, le détenu n’avait aucun statut juridique. Progressivement, la prison s’est « humanisée ». Aujourd’hui, un certain nombre de droits ont été reconnus aux détenus Il s’agit notamment : du droit à une vie familiale, du droit à la santé, de la liberté deconscience, droit de vote droit à un avocat…etc. Surtout la Cour européenne a rappelé à la France que le respect de  la dignité et des droits fondamentaux des individus ne s’arrête pas aux portes des prisons. 
Toutefois, reconnaissance ne veut pas dire effectivité. L’affirmation de ces droits et leur application sont, pour diverses raisons, parfois en décalage.

2èmePARTIE La France régulièrement condamnée pour : « traitements inhumains ou dégradants subis par les détenus en raison des conditions de détention indignes » 
Ces mots sont extraits de l’arrêt J.M.B ctre France du 30 janvier 2020 par lequel la Cour Européenne des Droits de l’Homme a condamné la France sur la base de l’art 3 de la Convention européenne des droits de l’homme qui interdit aux États de pratiquer la torture ou de soumettre une personne à des traitements inhumains ou dégradants .  
Concrètement que met-on derrière les termes de conditions de détentions indignes et de traitement inhumains ou dégradants ?
A Des conditions de détentions indignes 
-Des expressions qui renvoient à une réalité vécue subie mais également à un encadrement juridique 
En France la notion de « conditions de détentions indignes » renvoie à un état de vétusté́ et d’insalubrité́ des établissements pénitentiaires, à la promiscuité́, la présence de puces, punaises de lit, cafards et rats Personnellement lors de mes visites à la santé nous nous amusions à compter le nombre de rats qui en une après-midi traversaient en toute hâte notre parloir 
-Les rapports de l’OIP (Observatoire Internationale des Prisons) ou ceux du CGLPL (Controleur Général des lieux Privatifs de Libertés) dénoncent l’insalubrité des espaces sanitaires, des espaces de douches dégradés, la présence de moisissures, l’absence d’aération, le manque de lumière dans les cellules, les difficultés récurrentes pour avoir du chauffage, de l’eau chaude, des ventilateurs 
-Cette énumération non exhaustive de conditions déplorables d’hygiène et d’insalubrité́, sont connues depuis des années de la part de de l’État. Mais il est difficile d’y remédier.
En effet, les conditions de détention indignes résultent surtout de la surpopulation carcérale, un mal chronique des prisons françaises. Théoriquement en 1885 avec la loi Béranger a été posé le principe de l’encellulement individuel, sans cesse réaffirmé par les réformes pénitentiaires au XX ème et XXI ème siècles mais dont l’application a sans cesse été repoussée. 
Indignité des conditions de prise en charge de la santé en prison 
Outre la vétusté des bâtiments le Comité européen de prévention de la torture qualifie également d’indignes les conditions de prise en charge des soins des détenus. 
A partir de 1994, la politique de santé a été rénovée et placée sous la responsabilité des hôpitaux et non plus de l’administration pénitentiaire. Cette réforme  prévoit  entre autre la création d’une unité sanitaire au sein de chaque prison et la présence d’unités hospitalières sécurisées pour des hospitalisations prolongées. Pourtant ces dispositions n’empêchent pas la persistance de graves dysfonctionnements.
La Contrôleuse générale des lieux privatifs de liberté Dominique Simonnot mentionne le cas de détenus qui finissent par se percer eux-mêmes l’abcès dentaires faute de pouvoir accéder à une  consultation dentiste,  
La Cour des comptes, (dans un rapport en 2019) à son tour, dénonce la gestion calamiteuse des politiques de prévention en matière de maladies transmissibles, véritables fléaux en prisons : le VIH, l’hépatite C, la tuberculose Ceci explique également la gestion dramatique du COVID en 2020 a débouché sur des mutineries comme à la prison d’Uzerche en Corrèze, en 2020 ; avant que les autorités ne se décident à libérer un grand nombre de détenus tant la situation était explosive. 
D’autres règles, dans la prise en charge de la santé des détenus sont violées au quotidien. Par exemple, les articles 147 et suivants du code de procédure pénale prévoient la suspension de la peine d’emprisonnement du détenu lorsque son état de santé physique ou mentale est incompatible avec son maintien en détention. Or en réalité l’effectivité de ce droit est régulièrement bafouée. 
Est également pointée du doigt la prise en charge médicale des détenus particulièrement surveillés (DPS). Ces derniers peuvent demeurés constamment menottés au lit d’hôpital pendant des semaines et ne peuvent consulter un médecin sans présence policière.
Mais la réalité de conditions de détention renvoie à une réalité qu’on ne peut décrire qu’avec « le poids des mots  et le choc des images ».
-Pour le poids des mots je reprends ceux de de Dominique SIMONNOT (CGLPL) qui déclare à la sortie de la prison de Fresnes « ….Là-bas, les cafards sortent des plaques chauffantes…. »., 
Mais sortant de la prison de Seysses elle s’exclame : « on nous a rapporté que les détenus s’enroulent dans les draps et se mettent du papier toilette dans les oreilles pour que les cafards n’entrent pas dedans ». 
-Quant au choc des images je pense que certaines parlent d’elles-mêmes ( cf : prisons de Seysses ; les Baumettes …)Souvenons-nous que la France est également condamnée pour « traitements dégradants » 

B – es détenus victimes de traitements dégradants 

Juridiquement on estime que peut être qualifié de dégradant « tout traitement qui humilie ou avilit un individu, porte atteinte à sa dignité́ humaine qui suscite chez l’intéressé́ des sentiments de peur, d’angoisse ou d’infériorité́ ».
Pour illustrer l’exemple de traitements indignes et dégradants vécus dans les prisons j’ai choisi de prendre comme exemple la question sensible des violences carcérales qui a notamment fait l’objet d’un rapport de l’Observatoire internationale des prisons en 2019 intitulé « Omerta opacité impunité » trois mots clés qui reflètent parfaitement le halo de violence permanent qui habite nos prisons (surtout dans les maisons d’arrêt) 
Les accès de violence sont multiformes : violence entre détenus, de surveillants à détenus, de détenus à surveillants, entre détenus avec la complicité des membres du personnel pénitentiaire ce dernier phénomène s’aggravant. Ces violences s’abattent prioritairement sur les catégories les plus vulnérables de détenus (malades, étrangers, indigents en sont les premières victimes  )
Cependant dans l’ensemble, ces agissements sont le fait d’une minorité́ de surveillants, au comportement isolé. 
De multiples facteurs ont ces dernières années favorisé l’aggravation de ce climat de violence : une dégradation des conditions de détention, l’obsession sécuritaire au mépris du le respect des droits, des règles de discipline vécues comme incohérentes un sentiment d’arbitraire…. 
Il est vrai qu’en prison les règles ne sont pas les mêmes pour tous. Les détenus auxquels je rendais visite s’insurgeaient régulièrement contre les conditions de détention confortables dont jouissaient   Maurice Papon ou Bernard Tapi tous deux logés dans le quartier VIP et arbitraire 
La violence carcérale, connue de longue date par l’État, et celui-ci a l’obligation en théorie de protéger les détenus en tant que personne vulnérables.  

Mais depuis des années la situation évolue peu : pourquoi ? 
Tout simplement parce que la prison est régie par une loi d’airain qui freine toute évolution : une loi d’airain reposant d’abord sur l’omniprésence de l’omerta qui règne sur l’existence de la violence carcérale 
En effet, comme le dénoncent avocats, détenus, lanceurs d’alertes, directeurs d’établissements, : tous ceux qui seraient tentés de dénoncer des violences en tant que victimes ou témoins ont souvent plus à perdre qu’à gagner.

Pourquoi cette omerta ?
Parce que dans l’univers carcéral, les conditions de vie de travail, ou de survie de chacun dépendent d’un équilibre très précaire  .. Un rien et tout dérape. 
Aussi la cohésion entre surveillants d’une part, et entre détenus d’autre part, est-elle très forte car la survie de chacun, en prison dépend de son appartenance à un groupe, que l’on soit détenu ou surveillants. Dénoncer, c’est trahir et prendre alors le risque d’être en permanence s’exposé à des pressions, des humiliations, des représailles (comme le transfert ou le placement au quartier disciplinaire) (ces cas sont fréquents : cf prison de Liancourt en 2006)
Il est donc rare que les témoins se portent spontanément volontaires pour témoigner dans le cadre d’une enquête. Ces violences sont d’autant plus inquiétantes qu’elles s’accompagnent d’un sentiment d’impunité envers les auteurs de violences

Une impunité résultant d’une conjonction de facteurs 

– Obtenir justice pour une personne détenue victime de violences relève d’un véritable parcours du combattant : il faut pouvoir déposer plainte, étayer les faits par un certificat médical, recueillir des témoignages ou des images de vidéosurveillance. Autant d’éléments faisant souvent font défaut puisque cela suppose de franchir des d’obstacles souvent impossibles à surmonter dans l’univers contraint et fermé de la prison. 
Et une fois la plainte déposée, elle débouche le plus souvent sur des classements sans suite en raison de l’inertie du parquet -S’il n’existe pas de données officielles permettant d’objectiver la part de classements sans suite dans ce type d’affaires, tous les organes de contrôle s’accordent à dénoncer l’inertie de la justice, et en premier lieu celle du parquet. Dans la grande majorité́ des cas portés à la connaissance de l’OIP, les plaintes à l’encontre de faits de violence carcérale sont classées sans suite. 
-Enfin si des sanctions sont néanmoins prononcées elles obéissent souvent au principe du « deux poids deux mesures ». On constate, en effet, que le détenu, même s’il a commis des infractions de moindre gravité écope de peines bien plus lourdes que le surveillant à l’origine des faits de violence.
Examinons à titre d’exemples certaines décisions (affichées)
Tribunal de Nîmes Décembre 2018  Un détenu, qui s’oppose à un placement en cellule avec des détenus avec lesquels il était en conflit, frappe un surveillant d’un coup de pied au visage. Sept mois de prison ferme. 
Tribunal de Laval, janvier 2019 Un détenu de la maison d’arrêt est condamné à sept mois de prison ferme pour avoir menacé́ et insulté deux surveillants qui lui ont confisqué du cannabis. 
Tribunal de Lyon, décembre 2018 Un surveillant de la maison d’arrêt de Lyon-Corbas est reconnu coupable de violences pour avoir poussé́ et frappé au visage un détenu, avoir cogné sa tête contre un mur et s’être « placé à califourchon» sur lui une fois au sol pour le frapper il écope  trois mois de prison avec sursis  .
Tribunal de Metz, janvier 2018. Un surveillant de la maison d’arrêt de Metz-Queuleu déjà condamné en 2015 à Nancy pour violence aggravée est à nouveau condamné pour avoir frappé́ un détenu en avril 2018 six mois de prison avec sursis et une amende. 

Pourquoi une telle carence et une telle clémence de la part des autorités judiciaire et pénitentiaires ?

Ces classements sans suite, cette clémence dans les sanctions s’expliquent par la crainte des magistrats de déstabiliser l’institution pénitentiaire dans son ensemble. Ce que craint par-dessus tout, l’administration pénitentiaire : déclencher un mouvement de grève parmi les surveillants pénitentiaires : une grève, s’inscrivant le plus fréquemment dans un contexte explosif, perturbe gravement le fonctionnement de la prison. Ce bras de fer entre les surveillants et leurs syndicats, d’une part et directeurs de prisons, d’autre part sont fréquents (cf exemples rapport OIP mars 2019)
La CGLPL en 2022 rappelle, en outre, que les traitements inhumains concernent aussi les surveillants. La prison est brutale du fait qu’il s’y trouve beaucoup de monde. « Je parlerai même dit-elle de mauvais traitements sur les surveillants. En 2004 de Toulouse-Seysses, un surveillant était prévu pour cinquante détenus. Actuellement, il y a un surveillant pour 156 détenus. 
Surveillant de prison est un métier ingrat dévalorisé voire aliénant. Pour m’être entretenue parfois avec quelques surveillants je dirais qu’en la matière la meilleure volonté se heurte souvent à la réalité du choc carcéral tant les conditions de travail et de vie sont éprouvantes.
Néanmoins dans un souci d’objectivité il me semble important de pour nuancer le tableau accablant que je viens de dresser des prisons françaises.

3ème partie La France tente progressivement d’évoluer vers un meilleur respect des droits des détenus 

A Une amélioration des conditions matérielles de détention 
Le gouvernement tente de rénover et de moderniser son parc carcéral : 
-Rénovation quelques exemples : prison de la Santé à Paris  prison des Baumettes (photos).
-Politique d’extension du parc carcéral avec la construction de nouveaux d’établissements pénitentiaires se succèdent depuis Plan Chalandon en 1987 (13000 places) jusqu’au projet d’Emmanuel Macron lors de son premier mandat.
– création d’UVF (unité de vie familiale) ou de parloirs familiaux pour faciliter l’effectivité des droits familiaux dans les prisons françaises (cf photos)

B La justice comme rempart à l’arbitraire 
Pour prendre le contre-pied du sentiment d’impunité et d’arbitraire évoqué précédemment je voudrais montrer le juge et législateur ont progressivement facilité la mise en cause de la responsabilité de l’administration pénitentiaire, pour atteinte aux droits fondamentaux des détenus. 
Certes dès 1873 dans un arrêt célèbre Tribunal des Conflits Blanco (TC 8 février 1873 Blanco).
Le juge a reconnu la possibilité de mettre en cause la responsabilité de l’administration. Pourtant il faut dire que pendant plus d’un siècle la responsabilité de l’administration pénitentiaire n’a été que très rarement mise en cause.
En effet pour que l’administration voie sa responsabilité engagée il fallait que celle-ci commette une faute grave. D’autre part, le juge administratif rechignait à examiner et à remettre en cause des décisions des autorités pénitentiaires En les qualifiant de « mesures d’ordre intérieur » (M.O.I ) il estimait qu’elles étaient insusceptibles elles étaient insusceptibles de recours.  
Ce régime de responsabilité administrative à l’avantage de l’administration prévalait également à l’égard de décisions disciplinaires prises au sein de l’école, de l’armée et des hôpitaux 
Mais progressivement partir de l’arrêt Marie en 1995 le juge a reconnu progressivement la possibilité de contester les décisions disciplinaires prises dans les prisons et d’engager ainsi la responsabilité de l’administration.
Il admet que certaines de ses décisions sont susceptibles de recours parce qu’« elles font grief », c’est-à-dire qu’elles entrainent un préjudice pour le requérant.  
Quelques exemples :  
CEDH 12 juin 2007 Frérot c. France : condamnation d’un directeur de prison  pour refus d’acheminer son courrier à un détenu
CE 30 juillet 2003 Garde des sceaux ministre de la justice ctre M Remli le juge a estimé que le placement « à l’isolement d’un détenu contre son gré est susceptible de recours car cette décision porte atteinte à ses droits fondamentaux 
CDHE 9 juillet 2009 Khider c. France , la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour traitements inhumains et dégradants sur un prisonnier qualifié de DPS (Détenu Particulièrement Surveillé) Khider avait été reconnu complice de la tentative d’évasion de son frère. Ses conditions de détention sont alors devenues intenables : régulièrement envoyé en cellule d’isolement, subissant continuellement des fouilles corporelles intégrales humiliantes, en 7 ans changement 14 fois de prisons La CEDH a condamné la France pour traitements abusifs. 
CEDH 4 février 2016 Reynolds La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour le suicide d’un détenu atteint de troubles psychiques et qui n’a pas pu recevoir son traitement parce que pendant 3 jours il avait été mis au quartier disciplinaire 
-2007 CAA Nancy la cour administrative d’appels de Nancy a condamné l’administration pénitentiaire pour le suicide d’un détenu en raison d’une défaillance de l’organisation du service ; en effet les personnels n’ont pas pu accéder à la porte de la cellule car la nuit le surveillant d’étage n’avait pas accès aux trousseaux de clés ouvrant la porte de la cellule et le suicide n’a pas pu être évité
Enfin il serait erroné de penser que les condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’homme ou les décisions de justice restent inefficaces. Pour preuve suite à l’arrêt J.M.B (CEDH 30 janvier 2020) le législateur en 2021 a instauré par la loi du 8 avril  la possibilité pour tout détenu de saisir le juge pour les conditions indignes de détention. Désormais une fois saisi, le juge doit répondre dans les 10 jours et si l’indignité des conditions de détention sont reconnues  l’administration doit trouver dans les 10 jours une solution pour faire cesser cette atteinte à la dignité. 

CONCLUSION

J’espère que vous comprenez un peu mieux pourquoi s’expliquent les condamnations répétées de la France. 
On comprend également le mot de Bernard Tapi à sa sortie de prison, qui déclare :
« Il n’y a pas de système répressif collectif parfait, mais je sais qu’on a choisi le plus mauvais, que la prison ne répond à aucun de ses objectifs affichés, et que dans sa pratique quotidienne, elle est une véritable honte pour le pays des droits de l’homme. »
Tous les rapports émanant du Contrôleur Général des lieux privatifs de liberté, de l’Observatoire international des prisons, de la Commission nationale consultative des droits de l’homme évoquent de nombreuses pistes de réforme pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale et  mettre fin aux conditions de détention indignes pour lesquelles la France est régulièrement pointée du doigt par la communauté internationale. 
Cependant toute solution pérenne à cette situation suppose de repenser dans son ensemble l’institution pénitentiaire ms également l’institution judiciaire. Il s’agit également de s’interroger sur la pertinence de l’incarcération, en privilégiant toujours davantage  les peines alternatives à l’emprisonement .
A la lecture des recommandations figurant les rapports successifs des autorités on n’est tenté de penser, qu’à priori leur mise en œuvre semble si simple… vu de l’extérieur…. 
Pourtant, une fois à l’intérieur des murs, on comprend pourquoi les rouages de l’univers carcéral représentent une force d’inertie incroyable à toute réforme d’envergure et on comprend également pourquoi le choc carcéral a souvent raison de la meilleure bonne volonté. 

Bibliographie
CHAPLOTTE Claire : « La personne détenue un usager protéiforme » mémoire Master 2- Institut de droit et Économie -Agen- 2018.
JEGO Alain : « Les conséquences de la surpopulation en détention » AJP – 2018
Observatoire International des Prisons : « Omerta, opacité, impunité : enquêtes commisses par des agents pénitentiaires sur les personnes détenues » -Mai 2019
MUCCHUIELLI Laurent « Violences et insécurité fantasmes et réalités dans le débat français »- La découverte – 2002
TULKENS Françoise « Prison et santé mentale. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme » Justice et santé mentale Vol 48 Presse université de Montréal -2015
Commission nationale consultative des droits de l’homme « Avis sur l’effectivité des droits fondamentaux en prison »-Mars 2022
CEDH Guide sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme « Droits des détenus » 31 Aout 2021-Strasbourg