Art abstrait et/ou abstraction ?
Nathalie Cournarie
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De quoi parle-t-on quand on évoque l’art abstrait ? L’expression « art abstrait » convient-elle pour ce qu’elle désigne ? Le mot exprime-t-il correctement la chose qu’il est censé nommer ? La querelle de l’art abstrait ne serait-elle qu’une querelle verbale ?
Il y a sans doute deux manières principales de comprendre et d’aborder le thème de l’art abstrait.
Lecture A/ : la plus obvie, consiste à considèrer que l’art abstrait désigne l’abstraction de l’art moderne : l’art abstrait ce ne peut être autre chose que l’abstraction moderne et c’est pourquoi le thème tel qu’il est proposé n’est assorti d’aucune périodisation comme c’est d’usage pour un programme d’histoire (ici d’histoire de l’art). L’évidence rend superflue la datation : quand on parle d’art abstrait on parle d’un courant majeur de l’art du XXè siècle, càd d’une forme d’art telle qu’il n’en existe pas avant le XXè siècle. L’art abstrait désigne donc une révolution dans l’histoire de l’art et il appartient à l’historien d’art qui s’intéresse à cette question d’une part de dater le début de l’art abstrait et d’autre part de se demander si l’abstaction moderne n’a pas suivi plusieurs formes, tant il est vrai que l’abstraction est né plusieurs fois en des lieux différents (cf. Jean Laude, « Les naissances des abstractions »). Autrement dit, par « art abstrait » il faut entendre les abstractions de l’art moderne.
Lecture B/ Mais on peut aussi traiter l’art abstrait comme un genre ou un style, entendus dans la plus grande généralité de ces termes. Cette fois par art abstrait, on entend l’abstraction dans l’art. Ce parti pris peut s’autoriser de l’absence de répères dans le programme. L’abstraction est l’une des deux possibilités fondamentales de l’art avec la figuration. Et cette possibilité est originaire et non pas historique. Il y a toujours eu sinon un art abstrait du moins des motifs abstraits dans l’histoire de l’art.
Le genre principal du portrait
Nathalie Cournarie
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Centralité du portrait
Il faut commencer par établir la centralité du portrait dans l’histoire de l’art (et pas seulement de la peinture puisqu’il y a un genre sculptural du portrait, sans oublier les médailles et la monnaie) — et dans l’histoire de l’art occidental. En effet si l’on supprimait tous les portraits des musées, la peinture serait amputée non seulement de ses principaux chefs d’œuvres mais aussi du plus grand nombre d’œuvres.
C’est que le genre du portrait est un genre premier de l’histoire de la peinture (contrairement à celui du paysage par exemple). Et si le genre du portrait occupe cette place, cela tient au fait que le portrait bénéficie immédiatement des fonctions positives de la peinture (art libéral). Ou plutôt c’est le portrait qui légitime la peinture. C’est ce qu’illustre ce propos bien connu d’Alberti : « Comme l’application qu’il faut mettre à cette étude risque de sembler trop pénible aux jeunes gens, je pense qu’il convient ci de montrer que la peinture mérite pleinement que nous lui consacrions notre travail et notre application. Elle a en elle une force tout à fait divine qui lui permet non seulement de rendre les absents présents, comme on le dit de l’amitié, mais aussi de montrer après plusieurs siècles, les morts aux vivants, de façon à les faire reconnaître pour le plus grand plaisir de ceux qui regardent, et pour la plus grande gloire de l’artiste » (De la peinture, 1435). La justification de l’art de la peinture tient à l’art du portrait. À quoi bon la peinture qui imite c’est-à-dire redouble le réel (Pascal) ? Alberti et toute la Renaissance répondent : parce que la peinture a le pouvoir de rendre présents les absents, vivants les morts.
Romantismes européens : une introduction
Nathalie Cournarie
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Reconnaissons-le d’emblée. « Romantisme » est une notion interprétative, qui comme tous les « –isme », doit être employée avec circonspection et dont l’usage accompagne toujours en partie la recherche de sa définition. Toutes les notions en « -isme » sont problématiques puisqu’au lieu de servir à définir leur objet elles sont toujours elles-mêmes à définir. En plus, en ce qui concerne le romantisme, cette catégorie interprétative n’appartient pas exclusivement à l’histoire de l’art, ce qui doit inciter à redoubler de prudence. Par ailleurs, cette notion n’a pas le même sens selon qu’elle est revendiquée ou combattue, qu’elle est célébrée ou méprisée (cf. “la bataille d’Hernani“). Le romantisme est encore en quête de sa définition[1]. Nous sommes encore loin de pouvoir dire ce qu’est le romantisme tant il nous est difficile de savoir ce qu’il fut pour les romantiques eux-mêmes.