Médiations Histoire des arts Textes des étudiant.es


Naissance de saint Étienne,  Antoine Olivier, Jean Puechaut, Toulouse, 1532-1534 — « Toulouse Renaissance », exposition au Musée des Augustins
Jeanne Martinez (2018)

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Introduction 
Le sujet de cette tapisserie est tiré d’une légende, d’après un manuscrit conservé au Mont Cassin, Vita fabulosa sancti Stephani protomartyris. Saint Étienne aurait été enlevé par le diable le jour de sa naissance. Celui-ci aurait substitué un démon à l’enfant. Le diable aurait ensuite confié le saint à l’évêque Julien.


Journal de bord Collection Motais de Narbonne — Fondation Bemberg, 2019
Article intégral PDF  Journal de bord collection Motais de Narbonne Fondation Bemberg 2019

Abattoirs — Dossiers d’approfondissement — 2018
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Ces dossiers sont la transcription de médiations effectuées par les étudiantes et les étudiants de 2ème année de l’option Histoire des arts, en classes préparatoires littéraires à l’occasion d’un partenariat entre le musée des Abattoirs et le lycée Saint-Sernin. Ils ont pour but d’offrir un approfondissement de certaines œuvres et servent de documents d’archive sur les expositions temporaires, parmi d’autres ressources disponibles sur le site web.

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Photographies : Quentin Bernet
Rédaction : Isis Thursch
Direction du travail de préparation des médiations, coordination et relecture : Eric Vidal
Relecture : Mme Nathalie Cournarie, M. Eric Vidal
Sous la direction de Annabelle Ténèze, directrice du FRAC-Musée des Abattoirs et de Laurence Darrigrand, responsable du service des publics 

Etudiants médiateurs :
Coline Abadie
Quentin Bernet
Alice Dubreuil
Coline Féa
Lucie Gillet
Clémentine Villas


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MedellIn, une histoire colombienne
Medellin Une histoire colombienne

Cette exposition se propose d’aborder l’histoire récente de la Colombie à travers le regard de ses artistes pour qui, répondre par l’art aux traumatismes et à l’ahurissement provoqués par les conflits des dernières décennies semble être une nécessité.


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Hessie, Survival Art 
Hessie, Survival Art

Femme, autodidacte, immigrée, Hessie est une des rares artistes de couleur active sur la scène française des années 1970. A partir de la fin des années 1960, celle-ci a développé une œuvre singulière, faisant de la broderie et du collage un message de survivance et de féminisme. Comme d’autres artistes de sa génération, elle se réapproprie cette pratique féminine artisanale pour en faire une écriture contemporaine du fil et de l’aiguille.


Nicolas Bachelier, Toulouse à la Renaissance — La traduction des expressions
Nina Reguillot

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Une rupture s’est opérée entre le Moyen Age et la Renaissance à tous les niveaux : scientifique, littéraire, philosophique, artistique, etc. Dans l’art, cette rupture s’est notamment traduite par un passage de thèmes essentiellement religieux à des thèmes plus humanistes et mythologiques avec un retour à l’antique admiré par sa grandeur. Mais surtout, l’art renaissant semble avoir mis l’homme au centre de ses préoccupations : l’individu prend de la valeur et les artistes cherchent à l’humaniser et à le représenter de façon plus réaliste, comme un homme. Un homme qui s’ouvre à la nature et au monde, avec une individualité et une sensibilité.
La Renaissance commence en Italie avec une Pré-Renaissance à la fin du XIIIe siècle, mais Toulouse au XVe siècle est un centre artistique florissant, et l’exposition « Toulouse Renaissance » du musée des Augustins propose d’approcher le rayonnement de ses artistes.


Exposición Chillida, Musée des Abattoirs (2018)
31.05.2018

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“Un hombre tiene que tener siempre el nivel de la dignidad por encima del nivel del miedo”.

“La obra es para mí contestación y pregunta”.
Dos frases del gran escultor vasco que permiten comprender su obra a través de la exposición de algunas piezas emblemáticas de su producción comentadas por los estudiantes especialistas en historia del arte: el título de la exposición, La gravedad insistente, nos muestra que la frase de Bachelard calificando al escultor de artista herrerotoma verdadero sentido. De nuevo encontramos los cuatro elementos que vertebran la muestra de sus obras, tierra, fuego, agua y cielo, así como ese vaivén entre lo vacío, lo lleno y la gravedad.
Más de sesenta esculturas de hierro, alabastro, mármol y terracota completadas por grabados sobre los derechos humanos que recuerdan también el compromiso del artista por la paz y la tolerancia.

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Obras comentadas por Alice, Amandine, Lucie y Quentin estudiantes de 1 SUP A:
La casa del poeta, IV. (1983)
Homenaje a la mar.(1984)
Dos poemas de Eduardo Chillida
« Desde el espacio 
con su hermano el tiempo 
bajo la gravedad insistente 
con una luz para ver como no veo. 
Entre el ya no y el todavía no 
ui colocado. 
El asombro ante lo que desconozco 
fue mi maestro. Escuchando su 
nmensidad he tratado 
de mirar, no sé si he visto » (Eduardo Chillida).
« Con nobleza como la mar, no con malicia, 
esfuerzo constante sin aparente fin. 
¿Para qué sus blancas y tremendas luchas?
Así el arte, que no es refugio, sino intemperie
no orienta.
Quizás desorienta hacia delante. 
El presente: lugar activo.
¿Actividad sin dimensión?
Nada es previsible desde que empieza hasta que 
termina. 
Como en la vida, todo se integra después
(ese es el tiempo muerto del pasado) » (E. Chillida).


PICASSO ET L’EXIL : UNE HISTOIRE DE L’ART ESPAGNOL EN RÉSISTANCE.
Lectures vagabondes, politico-poétiques, poético-politiques à travers l’exposition du musée des Abattoirs, Toulouse.
Article intégral PDF Picasso et l’exil Textes


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Texte 1 : Hemingway, Pour qui sonne le glas. 
Nul homme n’est une isle complète en soy-mesme ; tout Homme est un morceau de Continent, une part du tout ; si une parcelle de terrain est emportée par la Mer, l’Europe en est lésée, tout de même que s’il s’agissait d’un Promontoire, tout de même que s’il s’agissait du Manoir de tes amis ou du tien propre ; la mort de tout homme me diminue, parce que je suis solidaire du Genre Humain. Ainsi donc, n’envoie jamais demander : pour qui sonne le glas ; il sonne pour toi.


Lecture vagabonde — Autour de l’exposition PICASSO ET L’EXIL

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Lecture par les élèves de classes préparatoires du lycée St-Sernin
Jeudi 11 avril 18h30 — Entrée Libre
E. Hemingway, Pour qui sonne le glas.
A.Trapiello, Les cahiers de Justo Garcia. 
L. Salvayre, Pas pleurer. 
A. Trapiello, Les cahiers de Justo Garcia.
P. Picasso, cité par Pierre Daix,La vie de peintre de Pablo Picasso.
P. Picasso,Propos sur l’art.
P. Picasso, Songes et mensonges de FrancoEcrits.
M. Leiris, « Faire-part », Cahiers d’art.
R. Char, Recherche de la base et du sommet, Poésie.
A. Trapiello, Les cahiers de Justo Garcia. 
A. Machado, Poésies de la guerre
L. Salvayre, Pas pleurer. 
A. Trapiello, Les cahiers de Justo Garcia.
D. Ibarruri, dite « La Pasionaria », Discours du 19 juillet 1936, Madrid.
F. Maspero, L’Ombre d’une photographe, Gerda Taro.
16.G. Celaya, Todo esta por inventar.
P. Picasso, propos cité par A. Malraux, La tête d’obsidienne.
M. Hernández, Romancero y cancionero de ausencias.
P. Picasso, Ecrits.
A. Trapiello, Les cahiers de Justo Garcia. 
Federico García Lorca, Llanto por la muerte de Ignacio Sánchez Mejías.
P. Picasso, Songes et mensonges de FrancoEcrits.
L. Cernuda, Las Nubes.
P. Neruda, España en el corazón.
A.Trapiello, Les cahiers de Justo Garcia. 
Serge Pey, Le trésor de la guerre d’Espagne.
L. Cernuda, Las Nubes.
A.Trapiello, Les cahiers de Justo Garcia. 
P. Picasso, Propos sur l’art.

Choix des textes, coordination :
Carole Catifait (Lettres Modernes)
Nathalie Cournarie (Histoire des arts)
Ludovic D’Agostin (Espagnol)

Remerciements chaleureux à
Mme Anabelle TÉNÈZE, Directrice du musée Les Abattoirs
Mme Laurence DARRIGRAND, Responsable du service des publics
Mme Michèle POINTET, Proviseure du Lycée Saint-Sernin
Eric VIDAL, conférencier au musée


La douleur du Christ : l’Ecce Homo d’Albi — médiation (2018)
Marie Pacaly

La représentation de la douleur du Christ apparait comme un enjeu social dans le sens où la douleur de cette figure divine est l’une des principales figurations d’une douleur physique, et surtout d’une émotion forte à la Renaissance. Son visage est le seul à pouvoir se tordre de douleur, son corps est le seul à pouvoir souffrir dans les œuvres. Ainsi, la souffrance du Christ est la seule qui puisse se dire, ou du moins la seule qui puisse être pleinement représentée, sa souffrance étant une référence visuelle pour les croyants. Si bien que son corps est le lieu de toute la pensée chrétienne : la devotio moderna. Développée dans les Pays-Bas au début du XIVe siècle, elle insiste sur la nécessité du dépouillement préalable de celui qui va prier. Il faut avant tout imiter l’humanité du Christ et allier vie active et contemplation. C’est un détachement des sens et une ascèse personnelle dans L’Imitation du Christ. L’Ecce Homo, présente une vision frôlant l’horreur, une épine semble s’enfoncer directement dans son front, grâce à une récente rénovation, les traces sanglantes et abondantes de sa précédente flagellation parcourent son corps, de même pour la Descente de Croixoù du sang coule comme par flots sur le bois de la croix. Le Christ est un corps souffrant, le retable d’Issenheimprésente les mêmes déchirures externes, témoignant au spectateur que sa douleur surpasse celle de tout homme, une manière de dire que personne n’a souffert ainsi, d’autant plus que c’est grâce à son corps et par sa mort prochaine que le Christ, selon le message chrétien, sauve l’humanité. La douleur est donc un élément de référence sociale, un corps souffrant synthétisant la conduite de tous et englobant leur douleur physique et morale.


« L’humanisme en sculpture à la Renaissance : entre héritage artistique et modernité »
— Médiation au Musée des Augustin, exposition « Toulouse à la Renaissance »
Eloïse Merle

La Renaissance est un courant artistique qui marque une rupture dans l’histoire de l’art, notamment dans le domaine de la sculpture. Contrairement aux représentations du Moyen-Age, la sculpture cherche au contraire à s’étendre vers d’autres sujets. La culture renaissante ne rejette pas pour autant la religion. Cela se fait par exemple avec le Concile de Trente (entre 1545 et 1563), c’est-à-dire une assemblée d’évêques de l’Église catholique qui convoque des foules considérables qui représentent une part très large de la société, afin notamment de lutter contre les idées protestantes, réformer le clergé catholique et maintenir le culte des saints. La pratique artistique devient ainsi une arme essentielle au service de la reconnaissance catholique.
La sculpture renaissante cherche à atteindre un certain réalisme ou naturalisme. Elle devient un art autonome : la statue se suffit à elle-même, elle n’a plus seulement une fonction décorative ou éducative.
La Renaissance est également synonyme d’humanisme. Dans un sens large, l’humanisme concerne toute philosophie qui place l’homme au centre de la pensée ou du système de représentation. Humanisme est synonyme de transformation de la vision du monde. Le propre de l’humanisme est de regarder vers le passé, les esprits les plus admirés sont les intellectuels. Le projet des humanistes est de revaloriser la dignité de l’homme : « l’homme est la mesure de toute chose » (Protagoras). Les humanistes développent un idéal de beauté, inspiré directement de l’Antiquité, qui se trouve dans les rapports de proportions idéaux. La nudité, le contrapposto, la chevelure bouclée, la musculature, le corps et le visage renvoient par exemple à cette beauté idéale. La démarche naturaliste des sculpteurs renaissants traduit une volonté humaniste, par la recherche de l’authenticité et de l’exactitude dans l’expression des formes.
Bien que la Renaissance se définisse comme une rupture, elle s’affirme dans la modernité à partir d’un certain héritage artistique dont elle profite, surtout l’art antique. Dans le domaine de la sculpture, l’art renaissant renoue avec cet idéal antique qui magnifie le corps humain, un mélange entre équilibre des formes et beauté.
La Renaissance n’est donc pas pour autant une rupture dans le sens où l’art antique, et même l’art médiéval, peuvent servir d’inspiration pour mettre en place une modernité dans l’histoire de l’art, en affirmant la place de l’homme au sein même de l’art. 
À travers cette exposition, comment les Prophètes et Sibylles et le buste de Saint-Lizier illustrent-ils l’art de la Renaissance, entre la rupture créée par l’humanisme renaissant et le lien entre l’héritage antique et cette modernité ? 

Buste reliquaire de Saint-Lizier

Le buste reliquaire de Saint-Lizier sculpté par Antoine Favier (1518), qui se trouve à la cathédrale de Saint-Lizier, en Ariège, est un exemple d’alliance entre art médiéval et art renaissant. En effet au Moyen Age, la religion dominait toutes les pensées. Les activités étaient jugées en fonction de leurs conséquences religieuses : pour être reconnues et approuvées, elles devaient conduire l’Homme vers Dieu. Avec le Concile de Trente, la religion catholique utilisait l’art renaissant comme arme de promotion pour la reconnaissance de leur religion. Les protestants accusaient au contraire cette pratique, car elle menait selon eux vers une dérive vers l’idolâtrie et une utilisation scandaleuse de l’argent de l’Église. Les catholiques utilisaient donc divers arguments :
– l’imagerie sacrée peut être utilisée comme outil pédagogique, comme une Bible qui peut être lue par tous (exemple des frontons ou des tympans, comme le tympan de Conques).
– la riche décoration (des églises par exemple) est justifiée par l’aide qu’elle procure à la dévotion et par le culte qu’elle rend à la grandeur divine.
Les reliquaires renaissants comme celui de Saint-Lizier se situent dans cet état d’esprit. Les reliquaires sont destinés à conserver les restes terrestres de saints personnages ou d’autres objets qui ont été sanctifiés par leur contact en les préservant de la corruption et des souillures. Ils sont généralement en métal, au moins pour ceux contenant les reliques les plus précieuses. Ils servent aussi à garantir l’authenticité et l’intégrité des reliques.
Le buste reliquaire de Saint-Lizier fait partie des statues reliquaires d’orfèvrerie, comme celle de Sainte-Foy de Conques (cf. photo ci-contre), statue d’orfèvrerie la plus ancienne ayant été recensée. C’est un buste grandeur nature de Saint Lizier, second évêque du Couserans. Il est représenté en habit sacerdotal. Le buste est richement décoré à l’aide de pierres précieuses : l’orfroi du vêtement est orné de rinceaux et de pierres, et est fermé par un cabochon de cristal de roche formant un système de loupe sur un émail translucide, où est figuré l’évêque bénissant de la main droite et tenant sa crosse de la gauche, sur fond d’édifice et de ciel étoilé. Le col laisse entrevoir une aube plissée bordée d’un ruban doré. La haute mitre est ornée de rinceaux et de pierres. Le visage est jeune, imberbe, le teint coloré. Ici, tout est fait pour idéaliser la figure de l’évêque. Outre la jeunesse de la figure, le rapport des proportions du visage ne présente aucun défaut : il est parfaitement ovale, les sourcils rejoignent l’arête du nez… On retrouve dans ce buste une volonté de l’artiste de le magnifier, de lui donner une certaine dignité qui s’incarne dans la sérénité de son visage : on oublierait presque que Saint-Lizier est un martyr, la souffrance disparaît au profit de l’idéalisation, comme s’il avait vaincu la mort.
Même si le reliquaire d’orfèvrerie se développe majoritairement au Moyen-Age, pour montrer la richesse des abbayes de l’époque carolingienne comme le reliquaire de Sainte-Foy, le réalisme présent dans la représentation de Saint-Lizier, les détails précis montrent la maîtrise des orfèvres toulousains renaissants, et surtout la nouveauté qui s’affirme à la Renaissance avec ici l’apparition de la volonté de représenter aussi des hommes au visage réaliste et non plus des chefs reliquaires, de simples idoles comme c’était le cas auparavant, au Moyen-Age. 

Tableau du tour des Corps Saints

Ce tableau est une peinture sur bois, provenant du 3ème quart du 18ème siècle d’un artiste anonyme. Elle était située également dans le déambulatoire de la basilique de Saint-Sernin, et permet de se représenter la décoration et l’agencement de la basilique comme elle était auparavant. Sur ce tableau, on peut voir que le déambulatoire est impressionnant, aujourd’hui, par un important ensemble de retables, d’armoires et de reliquaires en bois sculpté, peint et doré, disposés au XVII° s. dans chacune des chapelles et entre elles. On le désigne du nom évocateur de  » tour des Corps Saints  » car il présentait à la vénération des fidèles une part des très nombreuses reliques que l’église s’enorgueillissait de posséder, et fait allusion à la Confrérie des Corps-Saints de Saint-Sernin, chargée d’assurer certains offices, d’organiser les processions, la présentation des reliques et la gestion richesses du trésor de la basilique.
On peut voir dans le soubassement du déambulatoire, à droite du tableau, des statues encastrées, disposées dans des niches, dans les reliefs de marbre. Ces statues sont un ensemble de sculptures qui se trouvaient auparavant dans le déambulatoire de la basilique de Saint-Sernin. Elles sont originellement transférées au musée des Augustins au nombre de huit, mais seulement six entièrement conservées sont exposées dans l’église du musée des Augustins. Ces statues ont été modelées avec de la terre cuite, et comportent des traces de couleur. Les sculptures exposées représentent des prophètes et des sibylles. Les prophètes prédisent la venue du Christ Sauveur, tandis que les sibylles, figures provenant à l’origine de l’Antiquité grecque, annoncent les mystères joyeux ou douloureux de la vie du Christ. Le thème des prophètes était très répandu au Moyen-Age, en même temps que celui des sibylles, mais les représenter ensemble est une grande nouveauté à la Renaissance, étant donné le message différent qu’ils diffusent. Un des premiers à le faire à cette époque est Michel-Ange, qui unit sept prophètes et cinq sibylles pour la voûte de la chapelle Sixtine. À cette époque, la question du Salut était cruciale. Les Prophètes et Sibyllesparlent effectivement de naissance et de mort (ils attendent la venue du messie). On retrouve ainsi des figures sculptées dans toute la région à cette époque, comme celles sculptées autour du chœur de la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi (voir ci-dessous à gauche). Elles évoquent également celles situées sur le site Sacro Monte di Orta dans la région du Piémont en Italie (voir ci-dessous à droite). Implanté sur les hauteurs boisées du lac d’Orta, ce mont sacré est un chemin de dévotion, datant du XVIIème siècle, composé de vingt chapelles. Décorés de peintures murales et de statues en terre cuite polychrome grandeur nature, qui évoquent celles de Jean Bauduy, ces sanctuaires illustrent des épisodes de la vie de Saint François d’Assise.
Ces statues, celles de Jean Bauduy, sont posées sur des consoles sculptées qui les soutenaient les statues, ce qu’on appelle des culs de lampe. Au centre du tableau se tient probablement une fidèle, qui semble s’être arrêtée pour prier devant une des statues.
Cela permettait de rendre proche des figures religieuses pour l’homme. La disposition d’origine des sculptures de Jean Bauduy, à 2,50 m du sol, explique leur inclinaison : elles sont légèrement penchées pour mieux s’adresser au fidèle. A Toulouse se répand d’ailleurs une figure humaine idéalisée et expressive, sous la forme de portraits en médaillons, de bustes d’orfèvrerie – comme celui de Saint-Lizier – ou de statues comme celles de Jean Bauduy. On voit ici l’inclinaison des figures, et leur grandeur qui écrase presque le spectateur à cause de leur position en hauteur.  

Prophètes et Sibylles, Jean Bauduy

L’œuvre de Bauduy permet de mettre en lumière l’activité de sculpture intense dans la région toulousaine, présente depuis l’Antiquité, notamment celui de la statuaire en terre cuite, encore mal connue.
Ces sculptures furent délogées de la basilique lors des travaux entrepris par Viollet-le-Duc à partir de 1860. Lorsqu’il entreprit la restauration intérieure de la basilique, il enleva les statues pour rétablir les colonnes romanes.
Ces statues sont très mystérieuses : leur auteur, leur signification ou leur mode de conception ont suscité les hypothèses les plus diverses. On les assimila à certains citoyens de la ville, qui auraient donné de l’argent pour l’église. Ce n’est qu’en 1905 que Jules de Lahondès, peintre, historien et archéologue, rappelle que le tour du chœur était réservé aux personnages de l’Ancien et du Nouveau Testament. Il avance alors l’idée des prophètes et des sibylles. Ces statues sont cependant directement liées à l’action de la confrérie des Corps-Saints. Jean Bauduy fut payé pour sculpter des statues qui seraient au déambulatoire de la basilique, destinées directement à l’attention des fidèles, d’où leur légère inclination. En effet, elles menaient à la chapelle d’axe, consacrée à la Passion du Christ.
Bien que ces statues soient depuis leur création situées à Toulouse, Jean Bauduy était un artiste extérieur à Toulouse, probablement bordelais. Les statues de Saint-Sernin sont les premières à pouvoir lui être attribuées.
Jean Bauduy utilise de la terre cuite pour modeler ses œuvres, ce qui est assez novateur. (La tablette montre les différentes étapes du modelage). L’utilisation de la terre cuite s’impose dans la région toulousaine, notamment par la difficulté d’utiliser de la pierre, car les carrières les plus proches se trouvent dans les Pyrénées, soit à 200kms. La terre cuite présente en outre certaines limites : c’est un matériau très fragile, qui, exposé au froid, risque de sa casser. De plus, ces statues sont creuses, car elles doivent être vidées pour être mises au four.
Ces statues représentent à l’origine cinq hommes et trois femmes. Elles sont vêtues d’habits simples ou précieux probablement de l’époque : pourpoints ornés de pierreries, houppelandes serrées à la taille, chaperons pour les hommes, corsage couvert de perles pour les femmes. Ce qui frappe surtout le spectateur est le naturalisme brutal dont elles font preuve. Certains habits sont traités par modelage à partir d’une première surface, sur laquelle ont été appliquées de fines et longues bandes de terre plissées, qui permet de former un drapé. Les broderies, lanières et bijoux ont aussi été façonnés à part puis appliqués sur la terre fraîche, ce qui donne du réalisme aux vêtements. Les vêtements sont amples, et s’adaptent au contexte de l’époque, durant une période d’ère glaciaire. L’attention prêtée aux costumes s’exprime par leur diversité : si l’on compare les différentes statues, on s’aperçoit en effet qu’ils ne se ressemblent pas forcément et certains sont même à l’opposé. Le traitement des drapés par exemple varie selon les personnages. (voir photo ci-dessous pour la description des figures) Le drapé du prophète (1)est assez léger et épouse le corps de la statue, il est fait à partir de lignes verticales. Le drapé de la sibylle (5) est radicalement différent : la jupe est bouffante autour de ses hanches, alors qu’il n’y a aucun drapé présent sur son corsage. Certains habits sont plus travaillés et semblent plus riches que d’autres : par exemple si l’on compare le prophète (6) et la sibylle (5). La sibylle est habillée de manière très simple, avec un drapé bouffant au niveau des hanches, et de simples boutons à son corsage. Le prophète au contraire est habillé de manière très riche, avec beaucoup d’ornements qui décorent son pourpoint. Son accoutrement est assez féminisé, ce qui évoque les mignons du prince, c’est-à-dire ce qui à partir du XVIe siècle désigne le favori d’un seigneur. Durant le règne de Henri III, le terme prend une connotation péjorative dans le cadre des guerres de religion, faisant référence aux favoris et aux proches serviteurs du souverain en leur prêtant des mœurs frivoles et « efféminées », voire des pratiques homosexuelles. Il se distingue aussi d’ailleurs par le fait que tous les personnages ont un couvre-chef sauf lui.
Les visages sont également façonnés avec soin, les traits sont précis, comme par exemple les dents ou la langue dans les bouches entrouvertes afin de s’adresser aux fidèles, ce qu’on peut notamment voir dans le personnage situé au centre (4). Cet homme âgé, aux yeux gris, à la barbe courte, avec la bouche entrouverte laissant même entrevoir les dents supérieures. La diversité des personnages se retrouve également dans le modelage des visages et les expressions que ces derniers reflètent : le prophète (4) reflète de la peur, de la stupeur ou de la tristesse, alors que le prophète (6) semble plus apaisé, peut-être parce qu’il sait que le Christ va ressusciter. Les visages et les parties du corps étaient peintes de manière à se rapprocher le plus possible de la réalité : les yeux en gris ou bleu, les langues et lèvres en rouge, les vêtements et bijoux, broderies étaient rehaussées de touches dorées. On peut d’ailleurs apercevoir quelques traces de peinture restantes. Le naturalisme de ces figures est également accentué par leur taille (environ 1m60 chacune, soit la taille humaine de l’époque). Bauduy mène ainsi une véritable recherche naturaliste qui s’exprime notamment dans la conception des cheveux et des barbes, ou même les rides sur le visage, à l’aide de terre passée au tamis et finement reprise à la spatule. Les détails du visage étaient tellement réalistes qu’on cru longtemps que les visages avaient été réalisés d’après des masques mortuaires, ce qui n’est pourtant absolument pas le cas. 

Culs de lampe 

Ces figures, des culs de lampe, étaient disposées sur des consoles décorées avec des petits anges, des « putti », par un sculpteur aujourd’hui toujours inconnu, posées sur les colonnes engagées du déambulatoire, ainsi qu’on peut le voir dans le tableau. Les putti sont empruntés aux sarcophages antiques et sont ici réutilisés au profit de l’art renaissant.
Son observation suggère qu’elles auraient probablement été réalisées vers la seconde moitié du XVIè siècle, en complément des statues. Les deux culs de lampe exposés sont en pierre, contrairement à la terre cuite des Prophètes et Sibylles. Ce sont des hauts-reliefs, c’est-à-dire une technique de sculpture en trois dimensions : les motifs et les figures en relief se détachent presque complètement du fond, alors que les figures de Jean Bauduy sont en ronde-bosse, technique de sculpture reposant sur un socle (ici en l’occurrence les culs de lampe) .
Le premier représente deux putti dos-à-dos se tenant par le bras. Celui de gauche est imberbe, tandis que celui de droite porte une barbe. Les deux putti font référence à l’idéal de beauté antique : ils sont nus, leurs proportions sont parfaites, aucun membre n’est disproportionné et ils ont les cheveux ondulés voire bouclés. Le réalisme est cependant ici encore frappant, notamment par les visages : rien que la barbe sur le putto nous permet de lui donner un certain âge, alors que les putti sont censés être des enfants. L’attention du spectateur est d’autant plus frappée par leurs regards de douleur, de déchirement dirigés vers le bas, probablement vers les pèlerins.
Le second cul de lampe représente également probablement un putto, bien que seule sa tête soit sculptée, qui semble sortir de la console. Il semble jeune, peut-être un enfant. L’expression de son visage est ici encore visible : peut-être de la douleur, de la tristesse, de l’espoir ? Bien qu’il ne regarde pas le spectateur, celui-ci est attiré par l’étrangeté de son regard. Les détails précis des lèvres et du nez sont frappants et accentuent le réalisme de cette figure.
La présentation de ces œuvres permet avant tout de mettre en valeur l’activité de la région toulousaine dans le domaine de la sculpture, loin d’être inexistante, même si certaines œuvres comme les Prophètes et Sibylles ont eu peu de reconnaissance.
Toutes ces sculptures font partie de l’art de la Renaissance et représentent des sujets religieux, souvent développés au Moyen Age (prophètes et sibylles) ou même à l’Antiquité (avec les putti). Ces figures expriment cependant une modernité par le traitement naturaliste de ces oeuvres : les artistes renaissants utilisent des éléments antiques (ce qui est propre à l’humanisme) et médiévaux mais dans un but tout autre, qui est de mettre en avant l’humanisme des sculptures et ainsi affirmer l’indépendance de la sculpture qui se libère et gagne en autonomie. 

Religion et humanisme ne sont donc pas pour autant opposés, ils peuvent être réunis par l’art de la Renaissance. C’est d’ailleurs précisément ce que l’on appelle Re/naissance : un renouvellement de la pratique artistique par un profond bouleversement de l’art mais sans être pour autant une véritable rupture. L’héritage artistique est bel et bien présent dans la représentation renaissante, comme nous avons pu le voir avec ces différentes sculptures. Le but est ainsi de montrer un autre aspect de la Renaissance peut-être moins connu, c’est-à-dire qui utilise cet héritage artistique dont il bénéficie pour exprimer une nouvelle modernité, une nouvelle naissance de l’art. 


Carlo Maratta : Judith et Holopherne ; Josué arrêtant la course du Soleil (coll. Mortais de Narbonne) — commentaire comparé en médiation à la Fondation Bemberg (2019)
Mélaine Chirot
Article intégral PDF (avec images) Carlo Maratta collection de Motais de Narbonne médiation Fondation Bemberg prepaSernin

Ces deux tableaux sont l’œuvre de Carlo Maratta, artiste italien du XVIIe siècle. Ils ont été réalisés pour une commande à la fin du siècle. Mais c’est une commande qui a un objectif particulier car ils sont ce qu’on appelle des cartons, qui servent ensuite de modèle pour la réalisation de mosaïques. On peut observer aujourd’hui ces mosaïques dans une chapelle de la Basilique Saint-Pierre de Rome.


Lecture Morosophie, sagesse e(s)t folie — 12 avril Musée des Augustins (2018)

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Morosophie, sagesse e(s)t folie  

Lecture par les étudiants de classes préparatoires (1ère année, LSHB) 

12 mars : 19h et 21h au Musée des Augustins

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Comme l’exposition, les textes se veulent un vaste panorama de l’effervescence culturelle de la Renaissance. L’idée qui les rassemble est paradoxale mais féconde :« Morosophie : sagesse e(s)t folie ». Du sérieux au comique, les auteurs interrogent la folie qui se loge dans nos prétendues sagesses et la vérité qui sort parfois de la bouche de la folie. Rabelais est à l’honneur, dans cette pantagruélique déambulation littéraire.

Textes :
Rabelais,Gargantua : L’abbaye de Thélème comme seuil de l’entrée en royaume de Renaissance, ou plutôt d’Utopie.
Rabelais, Pantagruel : La lettre de Gargantua à son fils Pantagruel, comme ‘soif encyclopédique’.
Michaux, Qui je fus : « Le Grand Combat ». La sagesse renaissante a-t-elle mis fin à la fureur des armes ?
Louise Labé, Sonnets et Débats de folie et d’amour : De la guerre à l’amour, folie toujours.
Rabelais, Pantagruel : le tour de France d’un jeune Prince humaniste, qui passe par Toulouse.
Rimbaud, Voyelles : Hommage aux artistes, hommage aux couleurs.
Michel Pastoureau, Le Petit livre des couleurs : L’or bleu du pastel, le rouge et le noir des Capitouls.
Du Bellay, Les Antiquités de Rome : La romaine grandeur et Toulouse la romaine.
Du Bellay, Les Antiquités de Rome : « Au Roi ».
Castiglione, Le Courtisan : Leçon pour devenir un parfait homme de cour.
Rabelais, Gargantua : L’éducation de Gargantua. Ce qu’on croyait sagesse n’est-il pas démesure folle ?
Erasme, Eloge de la Folie : A qui le dernier mot ?

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Carole Catifait, pour le choix des textes et le travail avec les étudiants d’hypokhâgne
Patrick Condé, comédien, pour l’aide artistique à la lecture

Nos remerciements à :
M. Axel HÉMERY, directeur du musée des Augustins
Mme Emilie MICOULEAU, chargée de projet au service des publics, étudiants
Mme Michèle POINTET, proviseure du lycée Saint- Sernin