Conférences

Les conférences organisées à l’initiative des professeurs ou en partenariat avec l’université intègrent le projet d’ouverture culturelle à la formation pluridisciplinaire et la préparation des concours.
Chaque conférence est précédé par un travail de lectures et de cours. Les étudiants rédigent un article de synthèse de la conférence, publié sur le site.

Francis Wolff « Qu’est-ce qu’une personne ? »
(janvier 2022)

« André Comte-Sponville dans le dernier ouvrage d’entretiens, Le monde à la première personne (Fayard, 2021) tient F. Wolff « pour le plus grand philosophe français vivant». C’est un philosophe atypique dans le paysage intellectuel français. Il revendique de faire encore ou à nouveau de la métaphysique, et pas simplement pour en proclamer sans fin la mort. Plus précisément, dans Dire le monde, il propose une ontologie descriptive du monde. Et sur cette base, il déploie une anthropologie (par exemple dans D’Aristote aux neurosciences, dans Plaidoyer pour l’universel (Fayard 2019), une esthétique (dans Pourquoi la musique ? (Fayard 2015), voire une éthique et une politique (dans Trois utopies contemporaines, Fayard 2017). Par l’ampleur et la cohérence, voire la systématicité de sa pensée, il répondez ainsi à une définition classique de la philosophie qu’on pouvait croire disparue au profit par exemple de l’  « intellectuel spécifique » ou du chercheur en histoire de la philosophie.
La question de la personne est au cœur des débats contemporains, en droit, en éthique ou en bioéthique notamment. Pourtant, la personne est peut-être d’abord une des trois catégories ontologiques de base pour décrire le monde, avec celles de chose et d’événement. Cette approche a le mérite de libérer le concept de personne de la thèse “herméneutico-historique” sur sa valeur relative. Mais en quel sens la personne est-elle une catégorie ontologique ou métaphysique paradoxalement inappropriée pour répondre à la question qui, ou encore, en quel sens la personne en première personne (“je”) est-elle la réfutation du concept métaphysique de personne ? Mais il faut d’abord se demander sans détour : « Qu’est-ce qu’une personne ? » qui fait l’objet de l’exposé de F. Wolff. » (Laurent Cournarie)

Antoine Compagnon « Tous égaux devant la mort »
(octobre 2017)
Vidéo (extraits)
Conférence — A. Compagnon Tous égaux devant la mort (extraits-fin

Présentation par Marcel Marty

Ancien élève de l’Ecole Polytechnique, ingénieur des Ponts et chaussées, docteur ès lettres, Antoine Compagnon compte parmi les personnalités les plus passionnantes et les plus fécondes de l’université française. Depuis 2006, il est professeur titulaire de la chaire de « Littérature française moderne et contemporaine : histoire, critique, théorie » au Collège de France. Son enseignement hebdomadaire connaît un succès inattendu : outre l’amphithéâtre Marguerite-de-Navarre, deux amphithéâtres sont mis à la disposition du public, avec projection vidéo.
Disciple de Roland Barthes, Antoine Compagnon consacre sa thèse à Montaigne (La Seconde Main ou le travail de la citation, Seuil, 1979), puis oriente ses recherches autour des questions de critique, d’histoire et de théorie littéraires, sans jamais négliger ses deux écrivains de prédilection : l’auteur des Essais, et Proust.
Maître conférences à l’Ecole Polytechnique de 1978 à 1985 et, parallèlement, à l’université de Rouen (1981-1985), il a ensuite enseigné comme professeur à l’université Columbia de New York (1985-2006) et, parallèlement, à l’université de Paris IV-Sorbonne (1994-2006).
Aux Etats-Unis, Antoine Compagnon a été professeur invité à l’université de Penssylvanie à Philadelphie (en 1986 et 1990) ; il a été membre de la John Simon Guggenheim Memorial Foundation, et de l’American Academy of Arts and Sciences (depuis 1997). En Grande-Bretagne, il a été, en 1994, membre invité du All Souls College d’Oxford.
Ses missions universitaires et éditoriales sont nombreuses : membre du conseil de rédaction de la revue Critique(depuis 1977), secrétaire général de l’Association internationale des études françaises – AIE – depuis 1998, membre du Haut conseil de l’éducation – HCE – et du Haut conseil de la science et de la technologie (depuis 2006), président de l’Association pour la qualité de la science française (depuis 2004). Il a été, par ailleurs, membre du Conseil national des universités – CNU – de 1999 à 2003 – et membre du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche – CNESER – de 2002 à 2007.
Dans une bibliographie abondante, il convient de mentionner Nous, Michel de Montaigne (Seuil, 1980), la Troisième République des Lettres (Seuil, 1983), Proust entre deux siècles (Seuil,1989), les Cinq paradoxes de la modernité (Seuil, 1990), Chat en poche : Montaigne et l’allégorie (Seuil,1993), le Démon de la théorie (Seuil, 1998), les Antimodernes : de Joseph de Maistre à Barthes (Gallimard, 2005), Une question de discipline : entretiens avec Jean-Baptiste Amadieu (Flammarion, 2013) et Le Collège de France : cinq siècles de libre recherche (Gallimard, 2015).
Il a en outre procuré l’édition de Du côté de chez Swann de Proust dans la collection Folio (Gallimard, 1988), de Sodome et Gomorrhe dans la Bibliothèque de la Pléiade et dans la collection Folio (Gallimard, 1988 et 1989), de même que des Carnets du même auteur (Gallimard, 2002).
La leçon inaugurale de M. Antoine Compagnon au Collège de France est disponible aux éditions Fayard/Collège de France : La littérature, pour quoi faire ? (2007).
En 2012, Antoine Compagnon reçoit de Philippe Val, directeur de France Inter, une proposition surprenante : réaliser un feuilleton estival sur Montaigne, qui sera diffusé à l’heure du déjeuner. Ce feuilleton connaîtra un succès inattendu, et le livre qui reprend les chroniques, Un été avec Montaigne, s’est vendu à plus de 150.000 exemplaires ! L’été 2014 sera consacré à Baudelaire, avec le même succès.
Antoine Compagnon a aussi publié récemment deux récits à caractère autobiographique : la Classe de rhéto(Gallimard, 2014), dans lequel il évoque sa scolarité au Prytanée de la Flèche, et l’Age des lettres (Gallimard, 2015) où il évoque son amitié avec Roland Barthes.

Débat avec Marcel Gauchet, animé par les optant.es de philosophie (mars 2018)

Marcel Gauchet est né en 1946 à Poilley en Normandie. Il est est le fils d’un père cantonnier, gaulliste et d’une mère couturière, fervente catholique, élevé au sein d’une communauté rurale conservatrice. A 15 ans, il s’inscrit à l’Ecole normale de Saint Lô et envisage de devenir instituteur. Il quitte la Manche pour préparer l’ENS au lycée Henri IV. Mais l’atmosphère qui y règne le fait revenir dans son Ouest natal où il enseigne le français pendant deux ans. Profitant d’une disponibilité, il entreprend des études  de philosophie et de sciences humaines, à Caen puis à Paris. En 1966-67, il assiste aux cours de Cl. Lefort qui lui fait découvrir Machiavel, Marx et Tocqueville et lui fait rencontrer des intellectuels en marge du gauchisme de l’époque : Fr. Furet avec lequel il collabore dans deux revues Textures et Libre et P. Nora, également historien, avec qui il fonde Le Débat en 1980.
Article intégral  Cournarie Présentation M. Gauchet prepasaintSernin 2018

Bibliographie sélective et thématique
Avènement du sujet
La Pratique de l’esprit humain : l’institution asilaire et la révolutiondémocratique, Gallimard, Paris, 1980.
L’Inconscient cérébral, Éditions du Seuil, « La Librairie du xxe siècle », Paris, 1992*Histoire du sujet et Théorie de la personne PU Rennes, 2009.
Religion et politique
Le Désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Gallimard, Paris, 1985.
La Religion dans la démocratie : parcours de la laïcité, Gallimard, Paris, 1998
Le religieux et le politique, Paris, Desclée de Brouwer, collection Religion & Politique, 2010.
Education et démocratie
Pour une philosophie politique de l’éducation, Hachette littératures, coll. « Pluriel », Paris, 2003.
Conditions de l’éducation, Stock, Paris, 2008.
Transmettre, apprendre, Stock, Paris, 2014
Une anthropologie historique de la démocratie
L’Avènement de la démocratie, t. 1, La Révolution moderne, t. 2 La crise du libéralisme, Gallimard, Paris, 2007.
L’Avènement de la démocratie, t. 2, La crise du libéralisme, Gallimard, Paris, 2007.
L’Avènement de la démocratie, t. 3, A l’épreuve des totalitarismes, 1914-1974, Gallimard, Paris, 2010.
L’Avènement de la démocratie, t. 4, Le Nouveau Monde, Gallimard, Paris, 2017
Ouvrages de synthèse sur l’œuvre
La Condition historique, Stock, coll. « Les essais », Paris, 2003
La Condition politique, Gallimard, Paris, 2005
La Démocratie d’une crise à l’autre, Cécile Defaut, Paris, 2007.

« Guerre en toutes lettres »
Conférence-rencontre Mardi 5 décembre 2017
Jean-Pierre COLIGNON
lexicographe, ancien directeur
du service de correction du Monde
Exercices lexicographiques et réflexions sur l’étymologie

Résumé de la conférence de Jean-Pierre Colignon : « Le mots des Poilus https://prepasaintsernin.files.wordpress.com/2017/12/origines-de-quelques-mots-et-expressions-de-14-prepasernin-.pdf


Présentation par Marcel Marty
Correcteur d’imprimerie, d’édition, puis de presse, Jean-Pierre Colignon a dirigé pendant vingt ans le service de correction du quotidien Le Monde.Parallèlement, de 1985 à 2005, il a participé, aux côtés de Bernard Pivot, à l’aventure des « Dicos d’or », championnats de France d’orthographe, devenus ensuite championnat du monde d’orthographe, qui ont connu un immense succès, relayés par la radio et la télévision. En 1992, la manifestation a été accueillie au siège des Nations unies, à New York.
Jean-Pierre Colignon organise aussi des dictées publiques pour des villes, des associations caritatives, des Salons du livre, ou des Journées de la langue française. Aujourd’hui, il conçoit, organise et anime chaque année plus de 25 dictées publiques dans toute la France, de même que toutes les épreuves du Championnat d’orthographe et de langue française du Maroc, créé en 2005. Jean-Pierre Colignon a rédigé à ce jour plus de 350 dictées !
Jean-Pierre Colignon est aussi très sollicité comme formateur par les écoles de journalisme : Centre de formation et de perfectionnement des journalistes de Paris (CPJ-CFPJ), Institut français de presse (université Assas-Paris II), Ecole supérieure de journalisme de Lille (ESJ), Formacom (école de formation des correcteurs-réviseurs, secrétaires de rédaction), Centre d’écriture et de communication.
Jean-Pierre Colignon a été membre de trois commissions ministérielles de terminologie (ministère de la Culture et de la Communication, ministère des Affaires étrangères, ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie) et aussi du COSLA (Comité pour la simplification du langage administratif – Modernisation de l’Etat), tout en participant aux actions de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France.
Administrateur de l’association « Défense de la langue française », Jean-Pierre Colignon est par ailleurs membre d’honneur de l’Académie de Bretagne et des Pays de la Loire.
Jean-Pierre Colignon a publié une cinquantaine de livres, la quasi-totalité traitant de la langue française. Parmi ces titres, on peut relever Donner sa langue au chat, et autres expressions félines (2016), Un point c’est tout : la ponctuation efficace (2011), Curiosités et énigmes de l’histoire de France (2008), Le français écorché (2012), La majuscule, c’est capital (2005), L’orthographe, c’est logique (2003), Etonnantes étymologies (2004)
Discours d’accueil pour Jean-Pierre Colignon par Carole Catifait
Jean-Pierre Colignon, oserais-je rappeler, avec Francis Ponge, qu’entre la cage et le cachot, il y a le cageot ? Oserais-je imaginer que, dans un dictionnaire qui mêlerait les hommes et les choses, il y ait entre le colifichet et le colimaçon, le nom de Colignon ? Ah ! Que vous vous sentiriez bien, ainsi logé, au milieu des mots, dans cette brique dense, solide, fidèle, qu’est le dictionnaire ? Il faut bien les poètes –encore Francis Ponge et ses pairs- pour s’emparer du dictionnaire, le malmener, le mener hors de l’usage, préférer l’impropre au sens propre, le figuré / défiguré, pour décider d’abolir soudain l’arbitraire du signe, marier le signifiant et le signifié (drôle de mariage, endogamique, entre le mot en gras et majuscule, et l’autre, juste après, entre crochets et dans un exotique alphabet « pour l’oreille » -mon dissemblable, mon frère…).
Lorsque, Jean-Pierre Colignon, vous luttez –comme Francis Ponge- avec bataillons joyeux et ludiques armes, contre le délitement de la langue, la débandade orthographique, à coup d’ouvrages (une cinquantaine : grandes orgues de l’épopée !), de dictées (les vôtres ont plus de succès que les miennes), de rapports ministériels ou de leçons à l’usage des journalistes, quel n’est pas votre plaisir de prendre le parti des mots, sûr que c’est le meilleur moyen de prendre le parti des choses ? Les poètes ne vous contrediraient pas, eux qui « défendent et illustrent » comme vous la langue française, non par académisme étriqué, mais avec la certitude que seule la justesse du dire peut nous amener à y voir un peu plus clair sur ce monde trouble, qu’il s’agisse de botanique, de géopolitique, ou de discours amoureux. Compte-tenu des mots, et c’est ce qui nous fait hommes, nous n’avons pas mieux que les mots et leur agencement en phrases pour mettre en ordre le grand monde. On pourrait s’en désoler, et, avec d’autres poètes qui ont décidé d’en pleurer, regretter l’indigence des mots, incapable de dire autre chose que la surface des choses. Vous avez, et Francis Ponge s’en réjouit avec vous, ô joie ! objoie…- décidé de vous en régaler, et de nous en régaler, corrigeant par le rire nos pratiques orthographiques parfois bien défaillantes : et c’est là –ô pantagruélique vertu du rire- que vous vous faites poète, en nous rappelant qu’il suffit qu’un « e » s’envole pour que la poule, grasse et picorant bassement la terre, têtue et terre-à-terre, elle aussi s’envole, et laisse place à un adjectif léger vaporeux, avec sa finale en l’air et son allitération en liquides : « volatil ». Après L’Encyclopédie du Professeur Colignon, ne voulez-vous pas enfin vous décider à écrire un Glossaire, j’y serre mes gloses à la manière de Michel Leiris ? Certes, ce dernier fait parfois bref en matière de définition : résisterais-je à ces raccourcis irrésistibles : « BRAGETTE = Magique ! » ? Si bref, mais si juste : « BOURREAU = Beau rouge ». Mais poète vous l’êtes déjà, et je ne suis pas la seule à me délecter de vos formulettes (aïe, aïe, aïe, avec mon suffixe je suis en train de faire un pléonasme !!), pour retenir une règle d’orthographe. Désormais, dans toutes les copies de mes étudiants qui s’acharnent à écrire « champ lexical » avec un « s », j’écrirai : « Après la moisson, on offrira le champagne » ! D’aucuns croiront que je me prends pour Rimbaud, Lautréamont ou Breton, les autres comprendront qu’il faut courir sur votre blog : d’abord c’est un excellent antidépresseur, ensuite c’est la meilleure façon d’en finir avec nos fautes de français… A visiter, sans modération, donc.
Difficile de mettre un point final à ce jeu avec les mots : votre enthousiasme est communicatif. Je terminerai en évoquant vos travaux sur la ponctuation, cette ponctuation que j’aime tant dans les textes littéraires. Merci, Jean-Pierre Colignon, pour votre belle définition de la virgule : « La virgule est le signe de ponctuation qui exprime le plus la subtilité, la finesse d’esprit, l’acuité de l’intelligence, voire la ruse et la rouerie ». Merci d’avoir réinventé le point d’ironie (je suscite la curiosité chez nos étudiants…) : je n’en dirai pas plus. Reste à expliquer la virgule et le point d’ironie à Donald Trump… Autre question… Ayons le plaisir de vous lire. Et à présent de vous écouter.
Merci Jean-Pierre Colignon de venir ici, devant nos étudiants de classes préparatoires, partager votre gai savoir et votre virtuosité généreuse.

Jean-Noël Jeanneney
14 novembre 2017
« Le rôle de l’historien dans la société »

Présentation : Un historien du temps présent, acteur des institutions républicaines
par Philippe Ruiz

ll existe un intérêt immédiat à la venue dans notre Lycée de Jean-Noël Jeanneney. Cet historien de la vie politique française au XXe siècle publie depuis cinquante ans à un rythme soutenu des ouvrages dont on pourrait trouver la thématique assez éparpillée : de la IIIe à la Ve République (un dernier ouvrage, présenté ce lundi à Ombres Blanches sur l’attentat du Petit Clamart) en s’attachant à des événements forts et fondateurs comme la Première Guerre Mondiale, des figures saillantes (Clémenceau, Mandel), des structures déterminantes de la vie politique (les milieux économiques et financiers, les grandes entreprises), des phénomènes plus ponctuels. Il y a pourtant une perspective commune à tous ces titres : rendre perceptible le lien qui articule le pouvoir à la société, c’est-à-dire comprendre le politique, dans le sens où l’ont défini Platon et Aristote il y a vingt-cinq siècles. Cela suffirait à retenir notre attention et à motiver notre intérêt pour les interventions des jours qui viennent.
Mais Jean-Noël Jeanneney, outre qu’il est un historien du « temps présent », est  aussi lui-même un moment d’histoire de la Ve République. Président de Radio France, Président de la Mission du Bicentenaire de la Révolution Française, Président de la Bibliothèque Nationale de France (pour ne retenir que les fonctions de premier plan…), il fut deux fois ministre de François Mitterrand. Il a connu, dirigé, développé nos institutions de l’intérieur, témoin et acteur de cette vie politique qui est par ailleurs l’objet premier de son propre travail d’historien. Il s’est plusieurs fois trouvé au cœur d’enjeux décisifs. Gérer le débat historiographique sur la Révolution, Furet et Ozouf d’une part, Soboul et Vovelle de l’autre, cela demande plus que du doigté. Piloter l’essor de la B.N.F. , identifier dès le début de ce siècle les enjeux et les risques de la numérisation universelle de notre patrimoine écrit, cela exige une singulière acuité du regard et de la pensée, celle que confère le sens de l’histoire. Jeanneney n’est plus exactement au cœur des institutions républicaines, mais sa voix continue pourtant de nous être familière : nous sommes dans la dix-huitième année de sa Concordance des temps sur France Culture, ce kiosque intelligent de l’actualité éditoriale des historiens français et européens.
C’est donc un historien de la vie politique française et une institution de la Ve République que nous allons recevoir mardi et notre intérêt sera doublement soutenu par la richesse de ce parcours.
Un élément cependant retiendra notre  attention de façon plus particulière : Jeanneney nous fait l’amitié d’une visite à la manière d’un retour aux sources : hypokhâgneux, khâgneux, normalien, agrégé, c’est une sorte de miroir qu’il tend à beaucoup d’entre nous.
Nous n’avons donc que de très bonnes raisons d’aller l’accueillir, l’écouter, le questionner mardi prochain.
Présentation : parcours biographique et bibliographiquepar Marcel Marty 
Ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure et diplômé de l’IEP de Paris, agrégé d’histoire, docteur ès Lettres, Jean-Noël Jeanneney s’est consacré toute sa vie à ses deux passions, « Clio » et « Marianne » : il a mené une brillante carrière d’enseignant-chercheur et, dans un même mouvement, s’est voué à la vie publique, occupant d’éminentes responsabilités.
Spécialisé dans l’histoire politique et culturelle, de même que dans l’histoire des médias, Jean-Noël Jeanneney a enseigné à l’université de Nanterre, puis, à partir de 1968, à l’IEP de Paris (sa thèse s’intitule François de Wendel en République : l’argent et le pouvoir, 1914-1940). Créateur du premier séminaire consacré à l’histoire de la radio et de la télévision, il comptera parmi ses disciples des universitaires de renom comme Jérôme Bourdon, Isabelle Veyrat-Masson, etc. A partir des années 1980, il occupe de hautes responsabilités dans l’audiovisuel public : de 1982 à 1986, il est président-directeur général de Radio France et de Radio France internationale (RFI) : à ce titre, il refonde l’information sur France Inter, développe le réseau des antennes locales et fonde le « Festival de Radio France et de Monptellier-Languedoc-Roussillon » (devenu le « Festival de Radio France Occitanie »). Au-delà, il a travaillé pour la chaîne « Histoire », dont il a présidé le conseil d’orientation de 1997 à 2004, après avoir été l’un des membres fondateurs de la revue du même nom, en 1978. Président d’honneur du Festival international du film d’histoire de Pessac depuis sa création – 1990 –, il est aussi président du Conseil scientifique des « Rendez-vous de l’histoire » de Blois depuis 2003. Depuis 1999, il anime chaque samedi, sur France Culture, l’émission « Concordance des temps », qui porte un regard historique sur l’actualité.
Parallèlement, son engagement en politique, proche du Parti socialiste, attire l’attention de François Mitterrand : entre 1988, il est nommé à la Présidence de la Mission du Bicentenaire de la Révolution française et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : à ce titre, il organise avec Jack Lang, ministre de la Culture, le défilé historique du 14 juillet 1989. Plus tard, en 1991, il est nommé secrétaire d’Etat au Commerce extérieur (gouvernement Cresson), puis, est nommé, en 1992, secrétaire d’Etat à la Communication (gouvernement Bérégovoy). Il contribuera notamment à la création de la chaîne ARTE. De 1992 à 1998, il est aussi Conseiller général de Franche-Comté.
Nommé Président de la Bibliothèque nationale de France en 2002, Jean-Noël Jeanneney promeut l’archivage sur l’Internet, concrétisé, en 2008, par le projet de Bibliothèque numérique européenne « Europeana », et, à ce titre, combattra le projet de numérisation massive engagé en 2004 par Google. Son essai Quand Google défie l’Europe : plaidoyer pour un sursaut, édité en 2005, réédité en 2006 et 2010, a été traduit en 16 langues.
Jean-Noël Jeanneney est l’auteur de plus de 40 ouvrages, en particulier le Monde de Beuve-Méry (Seuil, 1979), l’Argent caché : milieux d’affaires et pouvoirs politiques dans la France du XXe siècle (Fayard, 1981), Une histoire des médias, des origines à nos jours (Seuil, 1990), l’Avenir vient de loin : essai sur la gauche (Seuil, 1994), le Passé dans le prétoire (Seuil, 1998), L’écho du siècle : dictionnaire historique de la radio et de la télévision en France (Hachette, 1999), La République a besoin d’histoire (Seuil, 2000),Victor Hugo et la République (Gallimard, 2002),le Duel, une passion française (Seuil, 2004). La biographie qu’il a consacrée à Georges Mandel (Georges Mandel : l’homme qu’on attendait – Seuil, 1991) et ses travaux sur Clemenceau font autorité, en particulier Clemenceau : dernière nouvelles du Tigre – CNRS Editions, 2016).
En 2016 et 2017, il fait paraître :
l’Histoire de France vue d’ailleurs, en collaboration avec Jeanne Guérout (Arènes, 2016) ;
Un attentat : Petit-Clamart, 22 août 1962 (Seuil, 2016) ;
le Récit national : une querelle française (Fayard, 2017)
l’Instant Macron (Seuil, 2017) :
Depuis son mémoire de Maîtrise, qu’il a consacré à la censure des lettres des « Poilus », l’intérêt de Jean-Noël Jeanneney pour la Grande Guerre n’a jamais faibli : outre ses nombreux travaux sur Clemenceau, il fait paraître, en 2013, Jours de guerre, 1914-1918 : les trésors des archives photographiques du journal « Excelsior » (Editions des Arènes), puis, en 2014 : la Grande guerre, si loin, si proche : réflexions sur un centenaire (Seuil).
Il a, en outre, réalisé une dizaine de documentaires pour la télévision, en particulier Léon Blum ou la fidélité (1973), Léopold Senghor entre deux mondes (1997), 1919-1939 : la drôle de paix (2009), Maghreb 39-45 : une destin qui bascule (2016).
Président du Conseil scientifique de l’Institut François-Mitterrand, président de la Fondation du Musée Clemenceau, Jean-Noël Jeanneney est Chevalier de la Légion d’honneur, Grand officier de l’ordre national du Mérite et Commandeur des Arts et Lettres.

Jean-Yves Le Naour — 9 janvier 2018
Conférence-rencontre avec l’historien Jean-Yves Le Naour
sur des problèmes d’épistémologie de l’histoire
mardi 9 janvier 2018