Poétique du confinement

Les étudiant.es ont répondu au projet d’écrire librement, littérairement, plastiquement, philosophiquement à la contrainte du confinement.

Bonne lecture

Espace et temps en confinement : dé-familiarisation et paralysie du mouvement — un regard bergsonien
(3 mai 2020)

Ileana Reinhold

La “guerre” contre le covid-19, comme la nomme notre président, est une drôle de guerre… Il s’agit là d’une guerre que l’on mène depuis chez soi. Au diable les bataillons de soldats bien rangés, les chars d’assaut lancés à toute vitesse contre l’ennemi ! Ici on combat en restant tranquillement chez soi, confortablement assis dans son fauteuil en similicuir gris clair. La bataille consiste précisément, pour la majorité des citoyens, à ne rien faire, à ne pas prendre les armes, à ne pas “aller” au combat. Il ne faut aller nulle part, justement. Nous sommes confinés, assignés à demeure. Drôle de guerre, en effet. Chaque citoyen français (et du monde sommes-nous tentés de dire) fait depuis plus d’un mois l’expérience inquiétante de l’obligation de “ne pas sortir ”. Nous voilà ainsi contraints à l’espace intérieur de notre chez-nous. Un espace intérieur qui au fil des jours perd de sa familiarité. L’espace privé de la maison correspond à l’espace le plus intime, le plus subjectivé qui soit. Il y a une hiérarchie des espaces à partir du « corps propre » ou « corps phénoménal, […] sans mystère »[1], du plus intime au plus exotique. L’espace de la maison c’est la possibilité d’un intérieur dans l’extériorité glaciale et radicale de l’espace : « partes extra partes »[2]. L’appartement ou la maison, voire la chambre à coucher, pour évoquer les lieux les plus intimes, déploient des intérieurs seconds. Il y a le corps-propre, qui pose « les premières coordonnées spatiales »[3], puis il y a la chambre à coucher, la maison et enfin le reste de l’espace, le grand ailleurs infini, objectif et partagé avec les autres hommes. Cet espace privé est donc l’endroit crucial de la subjectivité. L’espace de la maison est chargé affectivement par notre manière de l’habiter. On hante notre lieu de résidence, en laissant traîner des objets à certains endroits ou en associant les propriétés physiques du lieu à des souvenirs positifs ou négatifs… C’est un espace rassurant par sa familiarité. On se sent à l’aise et libre dans l’espace intime du chez-soi : on ne subit pas cet espace, on le connaît par cœur, on anticipe ses moindres recoins, il est “sans mystère” lui aussi. C’est donc un espace de liberté : d’une part la liberté d’être en privé, de pouvoir se soustraire de l’espace public, des règles communautaires et du regard d’autrui. D’autre part on profite également de la liberté de choisir de retrouver cet espace. C’est un espace dont on peut disposer comme bon nous semble, on peut choisir de regagner notre chez-soi quand on le désire. Sauf en temps de confinement où l’on se retrouve privé de cette liberté de l’espace privé. 

[1] Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, p. 123.

[2] Anfray Jean-Pascal, « Partes extra partes. Étendue et impénétrabilité dans la correspondance entre Descartes et More », Les Études philosophiques, 2014/1 (n° 108), p. 37-59.

[3] Merleau-Ponty, id., p. 116-117.

La Petite Boîte Noire
Coline Janon
(12 mai 2020)

Lire dans la version originale    La petite Boîte N

C’est sombre. C’est froid. C’est métallique.
C’est silencieux. C’est oppressant
Quelques cliquetis découpent l’atmosphère par moments. Tout à l’heure j’ai entendu un battement sourd et régulier qui semblait pétrir les parois de ma grotte, la faisant trembler. Cela me berçait, un peu… Mais maintenant, le silence, opaque et moelleux, a pris possession des lieux.

J’ai perdu toute notion du temps, j’étouffe et j’ai mal, à l’étroit dans ma petite prison. Quand je ferme les yeux je revois le ciel, les arbres, les rayons de soleil filtrant entre les feuilles, kaléidoscope végétal que j’épousais avec habileté et puis ces royaumes entrelacés, multitudes d’univers, strates invisibles. Je passais d’un monde à l’autre à la seule force de mes petits muscles solides, l’oreille aux aguets, la gorge ouverte pour crier ma liberté. Je me revois virevolter, saisissant au vol les croches d’une symphonie délicieuse et solidaire, l’effervescence de mes camarades.
Et à quoi suis-je réduite maintenant ? Insignifiante, vulnérable, captive à guetter le moindre bruit, le cœur aigri par l’angoisse latente qui ne quitte plus ma gorge qui s’est tue pour la première fois depuis bien longtemps.

C’est sombre. C’est froid. C’est métallique. C’est silencieux.
C’est oppressant.

Pourtant si je suis entrée ici c’est qu’il y a forcément une issue, que je peux sortir. Je dois me mettre en quête d’une échappatoire, ne pas abandonner. Je suis en vie, j’ai un corps, un cerveau et du temps, il serait profitable d’en tirer parti. Je commence à tâtonner, palper, analyser l’environnement étrange qui m’entoure. Mes griffes glissent sur cette matière noire sans vie, mon odorat ne m’est d’aucune aide dans cette boîte informe sans saveur. En avançant à l’aveugle, je rencontre enfin quelque chose. Surprise, je caresse la forme géométrique aux reliefs inégaux que je viens de découvrir. J’essaie de suivre les lignes qui se dessinent faiblement dans l’obscurité. Cela ressemble à un labyrinthe doré qui s’étend dans tous les sens. La matière est encore chaude comme si elle venait de servir. En fait tout cela ressemble un peu à ces boîtes en bois qu’ils mettent pour nous dans les jardins mais plus exigu, plus complexe, le relief n’est pas régulier et je n’y comprends rien.
Soudain, tout mon corps se raidit, se crispe, je reste immobile le souffle coupé.
Un flash de lumière vient d’inonder ma petite prison. Je ferme les yeux, me concentrant pour ne pas bouger, ne pas trahir ma présence… Ça y est… Le battement sourd de tout à l’heure, il est de retour… Bo-bom…bo-bom…bo-bom… La prison se met à trembler, à osciller dans tous les sens… Je suis terrifiée, je vais être repérée c’est sûr ! « Mes derniers instants vont être pathétiques » pensai-je, quelle humiliation !

Je me force à respirer lentement, calmement, je ne suis apparemment pas visible pour la chose qui me tient captive. On dirait que ça se stabilise. Dans ma stupeur je ne m’étais pas rendue compte que la boîte s’était miraculeusement dotée d’une fenêtre. Une sorte de rectangle translucide… Je distingue quelques couleurs vaguement à travers… « Cela doit être la seule issue » pensai-je. Rassemblant mon courage, je me mets à tambouriner la paroi de toutes mes forces, osant même de petits cris plaintifs. La matière sur laquelle je m’acharne est impitoyable, mon bec n’a jamais rien rencontré de si dur et glissant. Caressant les contours du rectangle de la patte, j’essaie de comprendre comment il est fixé, ce qui le maintient en place. J’ai le sentiment qu’il y a plusieurs couches superposées.
« Tu te fatigues pour rien, laisse tomber. »
Un frisson parcourt tout mon petit corps agile.
Une voix. Une vie. Un espoir.

– Qui…qui est là ? tentai-je, hésitante.
« Tu ne me vois pas mais je suis juste à côté. Regarde à ta gauche, il y a une sorte de mécanisme. Cela permet de passer d’un compartiment à l’autre. » répond-t-il d’une voix grave et faible.
Surprise, je me mets à chercher ce fameux mécanisme. Tout un tas de reliefs étranges, de leviers tordus, de formes incertaines. Tout ceci est bien loin des perchoirs habituels. Allez, concentre-toi ma grande, ça va aller. Je tâte les murs, lentement. Ah ! je crois que je tiens quelque chose ! La paroi semble plus fragile dans cette zone, je pousse délicatement… Oui, ça coulisse ça y est ! C’est presque comme une petite porte. Prudemment, je m’avance dans ce nouveau lieu, quasi identique. Je me demande combien il y a de boîtes comme celles-ci dans cet endroit. En tout cas, ça fait du bien de se sentir un peu moins seule.

Dans la semi-obscurité je distingue une forme sombre dans un coin. Elle ne semble pas vouloir bouger.

– Euh, bonjour… Vous êtes ? murmurai-je.
– Je suis un vieil étourneau sansonnet un peu désabusé. Je ne sais même plus depuis combien de temps je suis ici… On se tutoie hein ma grande, c’est bien le dernier endroit où les conventions pourraient avoir de l’importance, ha ha !
– Oh, je vois… Enchantée. Moi je suis une petite sittelle, je suis arrivée aujourd’hui.
– Oui, je t’ai entendue. Bien trop agitée à mon goût d’ailleurs. Tu devrais économiser tes forces, il n’y a pas grand-chose à manger ici.
– J’essaie de trouver une issue, je suis persuadée qu’on peut sortir de là. Ce n’est qu’une question de temps, je vais tout explorer et on va y arriver, ensemble, d’accord ? Je ne te laisserai pas tomber, je pense que…
– Oh là, oh là tout doux ma belle ! Désolée de briser tes rêves de liberté mais j’ai tout essayé. C’est foutu. Il faut se résigner.
– Ah bon ? Tu as vraiment tout essayé, tu es sûr ?
J’ai du mal à dissimuler ma déception. Moi qui croyais avoir trouvé un agréable compagnon pour m’aider…
– Je t’assure, j’y ai réfléchi à m’en fendre le crâne et à m’en déchirer les plumes.
– Tu veux dire que depuis que tu es là tu n’as rien trouvé de plus que moi ? Mais cette fenêtre… On peut forcément l’ouvrir non ?
– Écoute, petite sittelle têtue, je suis peut-être vieux et grincheux mais je sais encore ce que je dis !
– D’accord, d’accord… Je ne voulais pas t’offenser. Mais… Tu sais s’il y a d’autres compartiments ? On est peut-être nombreux !
– Ah, ça. Oui, oui en effet il y en a d’autres. En fait, il y a plusieurs zones et dans certaines même des petits coins de nature. Tu as ton propre coin attitré d’ailleurs, il se trouve juste derrière la première strate de la fenêtre sur laquelle tu t’acharnais tout à l’heure. Inutile d’abîmer ton joli petit bec, il faut se glisser délicatement dans le rectangle dans la fente du côté. Moi je n’ai jamais été très sociable et mon aspect en rebute plus d’un. Tu connais la chanson, pour nous les étourneaux c’est la marginalisation totale ha ha, nous sommes de vieux anarchistes utopiques que personne n’écoute… Mais vas-y toi si tu veux, va faire connaissance avec tes nouveaux amis.
– Il y en a d’autres ! C’est merveilleux, je vais faire des rencontres et explorer de nouveaux univers ! Comment peux-tu être si sombre ? Tu exagères, tout n’est pas perdu ! m’écriai-je, toute heureuse de cette nouvelle excitante.
– T’emballe pas va, tu vas vite comprendre qu’on n’est pas dans la forêt, qu’ici la nature est fade, on compte la moindre graine, on se bat pour un coin tranquille, on passe des heures à disserter sur notre échappatoire impossible. Tout est paralysé. Rien d’exaltant je t’assure. Enfin bref, tu verras…

Grisée par la curiosité et la soif de découverte, je recherche le levier pour accéder au prochain compartiment. Maintenant habituée à la semi-obscurité, je le trouve assez facilement. J’exerce une légère pression et bascule doucement dans une nouvelle boîte. A peine ai-je pénétré à l’intérieur que je reçois une violente gifle d’air. L’oiseau m’accueille avec des battements d’ailes affolés. Tourbillonnant inlassablement dans l’espace de manière frénétique, cette petite mésange a l’air complètement désorientée. Elle ne m’a pas remarquée. Je commence un peu à m’impatienter, je vais tenter une approche.
– Hé ho ! Je suis là ! Je ne veux pas te faire de mal, je veux juste faire connaissance !
– Chuuuut, ne…m’in…terromps…pas…s’il…te…plaît… me répond-t-elle, essoufflée, sans cesser son manège.
– Mais interrompre quoi au juste ? Tu me donne le tournis !
– Je…fais…de l’exercice… A force de…rester à…rien faire…je vais…me ramollir !
– D’accord, je comprends mais tu ne veux pas t’arrêter quelques secondes pour me faire visiter un peu ?
– Ah ! Tu es…nouvelle ? D’accord…attends une seconde j’arrive…
Elle se pose gracieusement, lisse quelques instants ses jolies plumes colorées et me lance :
– Bon, tu veux qu’on commence par mon mini jardin privé ?
– Avec grand plaisir, j’ai hâte de voir ça !
– Ha ha, vous les sittelles, toujours de vraies fouineuses hein ? Bon, très bien, suis-moi. Je te préviens c’est pas incroyable hein, mais j’ai quand même la chance d’avoir une petite branche de chêne, ça c’est pas mal !
Elle me guide jusqu’au fameux rectangle lumineux, tape quelques coups réguliers aux extrémités de celui-ci jusqu’à ouvrir une petite fente. Elle m’offre son aile et nous nous coulons lentement dans son petit monde. En entrant, je crois rêver. Un rayon de soleil perce les feuilles du chêne, le lichen se répand en gracieuses tâches blanchâtres sur l’écorce. Les nuages se dessinent faiblement au loin. Il y a même une ou deux chenilles rampant entre les aspérités du bois strié de traces de griffes et enduit d’une mousse duveteuse.
– C’est beau… dis-je dans un souffle.
– Hum, oui pas mal n’est-ce pas ? Mais bon, on en fait vite le tour tu sais.
– J’imagine mais c’est quand même plus agréable que cette obscurité constante oppressante.
– Ah oui, cette obscurité-là… Il va falloir t’y faire ma grande parce que c’est complètement aléatoire. Parfois on est plongés dans le noir sans nature pendant des jours entiers et à d’autres moments on peut profiter longtemps de ce lieu. C’est variable en fait.
– Ah bon ? Mais d’où ça vient ça ? C’est pas le même cycle que dehors ?
– Eh non, tu vois bien. Le seul truc sympa c’est qu’à chaque fois que la lumière revient, la nourriture du lieu aussi. Ces chenilles par exemple, elles reviennent à chaque fois et ça pour le coup je ne m’en lasse pas. Non, par contre, sans rire, il n’y a rien qui te chiffonne dans ce décor ?
– Euh, non pas vraiment, c’est comme dehors en plus petit quoi…
– Hum, hum. Regarde de plus près.
Doucement je me risque à explorer un peu ce petit coin de nature. Je vais jusqu’au bout. Les pattes agrippées à cette branche qui semble si réelle, j’essaie d’aller un peu plus loin. Mon petit crâne vient se heurter à la même matière noire et glissante qui m’a accueillie, impossible de continuer. Sans me décourager, je fais marche arrière et lève la tête vers le rayon de soleil. Étrange, on dirait qu’il manque quelque chose… Oui, c’est ça. Le rayon de soleil existe, je peux le traverser, il m’éblouit même. Mais il ne produit aucune chaleur. Déstabilisée par cette découverte, je poursuis mon exploration. C’est alors que ma patte heurte l’une des chenilles rampant sur la branche. Habituée à la masse grouillante, dynamique et souple, je laisse échapper un cri d’effroi… Elle est parfaitement immobile. J’essaie de la pousser doucement, interloquée, mais rien à faire. C’est comme si elle était restée bloquée en plein milieu de son mouvement…
– Hé, doucement avec ma chenille, la nourriture est précieuse ici ! me lance la mésange, indignée, me ramenant au réel.
– Tout semble…paralysé, articulai-je avec difficulté.
– Hélas oui… Paralysé, c’est le mot. Mais ça va aller, tu vas t’habituer je te le promets. Moi aussi, je suis comme toi, pas du genre à me laisser faire, plutôt du genre à me battre. Je te soutiendrai.
– Merci… dis-je, les yeux humides.
– Allez, on se reprend, suis-moi je vais te présenter mon ami !
– Ton ami ?
– Oui, un vieil et sage hibou féru de science. Il a fait une merveilleuse découverte il y a quelques jours, il faut absolument que je te montre ça !
– Ah oui ? Hâte de le rencontrer !
La mésange m’entraîne avec elle dans un nouveau compartiment. Étrangement, celui-ci est complètement vide.
– C’est normal, ne t’inquiète pas. Il a découvert un nouvel endroit passionnant et depuis il ne le quitte pas une seule seconde. Pour y aller c’est un peu comme une sorte de passage secret, un peu labyrinthique par contre, reste près de moi d’accord ?
– Promis.

Tous les sens en éveil, attentive au moindre bruit, à la moindre forme, nous progressons prudemment dans notre prison. Nous traversons des endroits incroyables. Des sortes de filaments colorés s’étendent sur les murs comme de petites vipères silencieuses. Nous traversons de multiples marches, longeons des sortes de roues noires rugueuses, nous cognant parfois maladroitement contre de petits cercles froids. Le plus étrange, et dont j’ai eu un peu peur d’ailleurs, ce sont les secousses régulières qui animaient les lieux, parfois violentes, nous projetant l’une contre l’autre dans les méandres du labyrinthe et manquant de nous perdre. Après quelques minutes de marche, nous sommes enfin tombées sur l’entrée du lieu fatidique. Celle-ci est vraiment atypique. Après la géométrie du labyrinthe et la rectitude de ses murs et de ses pièces comme autant de carrés imbriqués, elle est étonnamment ronde. Imposante, massive, cette porte magistrale me laisse sans voix. Que peut-il bien y avoir derrière ce cercle ?
– Nous y voilà ! lance ma compagne, visiblement ravie. On va y aller tout doucement et ça va secouer un peu, tu es prête ?
– Oui !
Après une manipulation rapide, la mésange pousse la porte avec habileté comme si elle avait fait ça toute sa vie, une sorte de routine peut-être. Nous débouchons sur une nouvelle porte circulaire puis une troisième. J’ai le sentiment de me trouver dans une sorte de tunnel sans fin comme si j’étais entrée à l’intérieur de la branche de chêne sur laquelle je me promenais tout à l’heure.
– Attention ! Ne bouge pas, ça va trembler ! crie soudainement mon amie.
Alors que je m’apprêtais à lui répondre, une violente secousse fait trembler le tunnel. Progressivement, il se met à bouger vers l’avant comme s’il s’étirait. Le sol semble se dérober sous moi, je me sens comme projetée contre ma volonté. Heureusement habituée à la grimpette, je tiens bon fermement, les pattes crispées sur le sol. Après quelques hésitations le mouvement s’arrête enfin. Ouf, une accalmie.
– Tu ne t’y attendais pas à ça hein ? Ha ha ! si tu voyais ta tête ma pauvre ! se moque-t-elle gentiment.
– Bon, il est encore loin ton ami ? m’impatientai-je.
– Patience, nous y sommes presque.
Après une dernière et ultime porte circulaire un peu plus grande nous débouchons sur une nouvelle boîte construite comme un grand tunnel surmonté d’une sorte de vitre tout aussi circulaire. Là aussi il semblerait qu’il y ait plusieurs strates. Un peu comme une loupe en quelque sorte. Un vieil hibou vénérable se tient face à la fenêtre, nous tournant le dos. Il a l’air complètement absorbé par ce qu’il voit.
– Bonsoir, vieux sage, souffle mon amie avec respect.
L’oiseau, sans bouger, esquisse une torsion du cou et se retourne vers nous, son immense thorax se gonflant et ses plumes se mettant en mouvement.
– Ouh ! Quelle belle surprise ! Et tu as ramené une amie à ce que je vois, enchanté mademoiselle.
– Euh…moi de même, répondis-je timidement.
– Ce vieux sage passe ses journées à contempler cette vitre en essayant de comprendre comment fonctionnent les mécanismes de notre prison. Il paraît que d’ici on peut voir le dehors, tu te rend compte ? Cela fait des jours qu’il étudie et observe pour tenter d’apporter des réponses à nos innombrables questions, explique la petite mésange.
– Hélas, mes vieux yeux ne voient plus aussi bien qu’avant et j’ai beaucoup de mal à saisir la chose. En réalité, c’est une posture bien triste que la mienne. D’ici j’assiste en direct aux captures de nos collègues volatiles. Elles échouent souvent, heureusement. Mais lorsqu’elles réussissent c’est un déchirement de voir l’un de nos frères perdre en quelques secondes sa liberté. Impossible d’ouvrir cet opercule globuleux, même après des séances de calculs interminables à en faire vriller mes aigrettes je n’ai pas trouvé…
– Ce n’est pas grave, Grand Duc, on finira par y arriver ensemble, ma nouvelle amie et moi on va t’aider, on sera tes yeux et tes oreilles, fais nous confiance. Pas vrai petite sittelle ?
– Bien sûr, je le jure ! affirmai-je avec force.
– C’est gentil les filles, heureusement que vous êtes là. Votre fougue fait vibrer mes vieux os. En attendant, venez voir, même déformée derrière cette vitre, notre forêt reste somptueuse. Et puis ça bouge beaucoup, le spectacle est surprenant vu d’ici.
De ses grandes ailes protectrices et chaudes, le Grand Duc entoure les deux jeunes oiseaux et tous les trois restent longtemps à fixer l’horizon, les yeux brillants d’espoir.

Le soir même, de retour dans mon compartiment, je me risque derrière le rectangle lumineux pour découvrir mon petit coin de nature privé. A l’instant où je vois poindre une ribambelle de lierre éclatante, l’image s’éteint et le noir complet s’installe.
Trop tard.
Un peu déçue, je cherche une position confortable pour dormir. Recroquevillée dans ma petite prison sombre, l’aile repliée sur la tête, j’essaie de retenir les larmes qui veulent s’échapper de mes petits yeux sombres.
La voix de mon voisin désabusé retentit soudainement, empreinte d’une mélancolie rauque :
« Bonne nuit petite… »

C’est sombre. C’est froid. C’est métallique. C’est silencieux.
C’est oppressant.

***

Comment aurait-elle pu imaginer ce qu’il se passait sous cette paroi noire, derrière cet écran, à l’intérieur de ce petit objet précieux ? Ce matin-là, elle était impatiente de retrouver sa famille et de faire part à ses proches de ses récentes découvertes. Quel bonheur de pouvoir réapprendre à observer, écouter, contempler le monde. Elle avait compris qu’on regardait souvent les choses sans réellement les voir. Que, perdus dans le tourbillon de nos pensées et de nos angoisses, nous ne prenions plus vraiment le temps de nous arrêter quelques instants, de prendre une grande inspiration et d’ouvrir les yeux pour observer toute cette vie qui grouille autour de nous, ces sons, ces odeurs, ces couleurs et ces manifestations discrètes, impalpables qui font la richesse de notre univers. Et elle se rappelait encore cette phrase de l’un de ses écrivains favoris :
« Il faut regarder le monde depuis l’intérieur. »
Tout est là.

Pour apprendre à regarder, elle avait cependant eu besoin d’un outil. Une simple petite boite noire capable de capturer le réel dans ce qu’il peut avoir de plus sensible et envoûtant : l’instant.

Alors, aujourd’hui, après des mois d’isolement, alors qu’elle s’apprête à retrouver les êtres qui lui sont chers, elle souhaite immortaliser l’instant, cette seconde si précieuse qui persiste quand plus rien n’a de sens. Pourtant, malgré l’euphorie qui l’anime, un mauvais pressentiment inexplicable la traverse et durant quelques secondes elle croit entendre une petite plainte étouffée, tout près. Intriguée, elle s’immobilise quelques instants, attentive. Plus rien. Soucieuse de savourer ses retrouvailles, elle balaye d’un haussement d’épaule cette étrange sensation. Complètement absorbée par les préparatifs de la réunion familiale, elle ne s’est pas rendue compte que depuis quelques minutes un jeune oiseau la dévisage avec mépris, de petits cris perçants et répétitifs s’échappant de sa gorge qui se soulève sous l’effet de chaque note. Se mouvant avec énergie, passant de branche en branche, il y a quelque chose d’agressif, de violent en lui.

Les frères, les sœurs, les oncles, les tantes, parents, grands-parents, cousins, cousines, neveux, nièces sont maintenant assemblés en un petit groupe souriant et immobile.

Elle saisit son appareil photo, l’allume, se positionne, fait la mise au point, cadre et lance, insouciante, le sourire aux lèvres :

« Attention, le petit oiseau va sortir…! »


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Un roman graphique Sylvie et Boris Vian
23/04/20

Gabrielle Balagayrie

SYLVIE ET BORIS VIAN Gabrielle Balagayrie

Effondrement du corps propre
(17/04/2020)
Laura Brunet

Le 17 mars 2020, commence le confinement, commence la maladie. À vrai dire, elle était là depuis quelques temps déjà, attendant le moment propice pour se saisir de mon corps. Un matin, les dernières digues qui résistaient encore s’effondrèrent et je cédai sous mon propre poids.
Me voilà réduite à l’immobilité dans un corps incapable et voici que l’idée d’une spatialité du corps propre devient insupportable. Le corps propre, « ici absolu », « installation des premières coordonnées »*, devient un ici intolérable. Il apparaît que je suis indéniablement, malheureusement, mon corps. Je suis un corps qui habite l’espace. Merleau-Ponty éclaire à merveille le fait que le mouvement, et par suite, mon corps en mouvement « ne se contente pas de subir l’espace et le temps, il les assume activement, il les reprend dans leur signification originelle qui s’efface dans la banalité des situations acquises. »* Mais voici que tout s’éclaire. La maladie n’a rien de la banalité des situations acquises. Le corps, et l’espace qui l’habitent, n’ont plus rien d’évident, n’ont plus rien de donné. Si le mouvement assume activement temps et espace, s’il les reprend dans leur signification originelle, quelle est l’expérience du corps contraint par la douleur et la faiblesse à l’immobilité ? L’immobilité du corps est alors l’occasion de subir passivement temps et espace. Le corps malade n’habite plus l’espace, il n’y projette plus sa capacité d’action, il n’est plus une « puissance motrice »*, il n’est plus en adéquation de signification avec temps et espace : être immobile, c’est à la fois être détaché du temps et de l’espace, comme exclu des cadres principiels de l’existence, et être écrasé par le passage du temps et englouti par la présence de l’espace.
Les mouvements nécessaires à la survie de ce corps affaibli n’ont alors plus rien d’une projection de puissance d’une « intentionnalité motrice. »* Bouger dans l’espace, étendre son corps dans le mouvement, saisir un verre, lever la main vers son visage, respirer, c’est attiser la souffrance et réveiller la douleur. La douleur est la réponse du corps à tout mouvement, c’est la réponse du corps à l’obstacle démesuré qu’est l’espace. Tout serait moins douloureux si je pouvais rester en moi, ne jamais déployer ce corps dans l’espace. D’autant que je ne parviens jamais à m’y déployer pleinement : la douleur rappelle mon intentionnalité à l’intérieur, mon corps est arraché à l’espace habitable du dehors, il le ramène à lui, à son lieu, enveloppe immobile du corps propre. La douleur est un rappel impérieux de mon intentionnalité à l’intérieur, à l’espace exigu et divisé de mon corps lui-même.
Le corps malade perd alors toute unité. Il se fragmente et c’est comme si ses parties étaient juxtaposées, contrairement à l’expérience normale décrite par Merleau-Ponty. En devenant réfléchi, difficile, en perdant toute évidence et tout aspect synthétique, en se décomposant en une suite de gestes pénibles et hachés, en n’assumant plus l’espace mais en subissant l’étendue, le mouvement se fait manifestation (et sans doute seule manifestation possible autre que l’immobilité), d’un « corps comme une masse amorphe dans laquelle seul le mouvement effectif [ et ajoutons ici la douleur] introduit des divisions et des articulations. »* Amorphe de son impuissance et de son engourdissement fiévreux, le corps malade est pourtant incroyablement divisé en cas de douleurs lancinantes ou de mouvements épuisants : alors que certaines parties restent endormies, sourdes et insensibles, d’autres, insupportablement présentes, juxtaposées aux précédentes, se font le lieu d’une formidable énergie. Ce corps désarticulé ne connaît alors plus rien de la spatialité du corps propre, sinon cette assignation à un ici intolérable : il n’habite plus l’espace mais le subit, il ne connaît plus l’unité spatiale du corps vécu mais est soumis à l’ordre de la juxtaposition et de l’extériorité de la chose au sein même de son intériorité de sentant.
Mais alors, cette incapacité à l’espace du dehors apparaît comme conséquence du déploiement de l’être dans l’espace du dedans. La violence putride qui se joue à l’intérieur resserre l’être sur lui-même et je suis alors plus ouverte à l’espace du dedans qu’à l’espace du dehors, isolée de l’espace dans mon propre espace, enfermée dans ce corps qui, nous l’avons vu, « est lui-même un espace qui se parcourt et se décompose » **. Ainsi c’est en « circulant dans mon corps maudit » (Michaux, « Saint », LNR), que je découvre le lieu de la lutte de la chair, lutte très bruyante, si bruyante qu’on entendait « ce bruit, ce rythme net et multiple »(Michaux, « Au lit », LNR) à l’extérieur même du corps, au-delà de ses frontières. La violence infectieuse se déchaîne dans l’espace putride et l’enveloppe de ce corps, sa partie extérieure, exposée, nue et faible, s’effondre sur elle-même, tombe en ruine sur l’espace intérieur. On comprend mieux la difficulté du corps à se projeter au-dehors : il plonge dans l’espace du dedans. Carcasse creuse dévorante, la lutte de l’espace intérieur ronge le corps de l’existante. C’est comme si je n’étais plus ouverte à l’espace mais que j’étais moi-même espace dans l’espace : minuscule dans l’espace incommensurable, incontrôlable, inexplorable, qui m’entoure et m’isole, dans un vide toujours plus petit, toujours plus resserré, et pourtant inhabitable. Et je suis là, point d’origine d’un espace souverain et grandiose qui accable mon corps inerte, comme ouverte sur un intérieur creux, « tout le corps lui-même comme une vaste plaie immonde » (Lautréamont, Maldoror, Chant II), espace dynamique et parcouru, milieu d’une lutte violente et permanente, telle que toute la structure s’écroule sur elle-même, telle que tout mon corps s’effondre. C’est là, au croisement du corps propre ouvert à l’espace extérieur, grandiose et inaccessible, et de la chair abritant l’espace intérieur, violent, origine d’un effondrement, que se situe mon ici absolu, toujours plus écrasé, toujours plus effondré.
Ainsi, la maladie est l’occasion de se comprendre comme à la fois douloureusement ouvert au contact de l’espace de l’extérieur et lieu abritant l’espace de l’intérieur, absolument dans l’espace et moi-même un espace, enveloppant et enveloppé, dedans et dehors.
—-
* Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception
** Bellour, notice de La Nuit Remue, CO1, Pléiade, p. 1172-1173


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Rose Meybeck (17/04/2020)


Envolée dans mon Palais Mental
Maïlys Waroux
(12/04/2020)

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Comme l’oiseau amphibie je suis capable de voyager dans différents espaces, entre mer et ciel, entre réalité et imaginaire, entre le monde sensible et le monde abstrait. A défaut de ne pouvoir faire l’expérience sensible du monde extérieur, d’un monde malade, j’ai choisi de découvrir un autre espace qui m’était jusqu’alors inconnu. Un espace incommensurable et pourtant à portée de main. Mon palais mental. Tant de merveilles semblent s’y entremêler, si bien que je ne sais par où commencer pour les découvrir. Il me suffit pourtant d’entrouvrir la porte et d’annoncer au monde qui s’ouvre à moi « C’est moi, je suis l’un des vôtres, je suis l’oiseau amphibie. » Et je nage et je vole. Je respire sous l’eau, je respire dans l’air. Enfin je suis libre, enfin je ressens ce qu’un monde trop rationnel, coupé de l’essentiel m’avait empêché de ressentir. Soudain je repense à cette chose qui me traverse régulièrement l’esprit : je ne crois pas à l’empirisme intellectuel. Selon moi, chaque être vivant est constitué d’un espace dans lequel se retrouvent une infinité de mondes. Le monde rationnel, ou le monde irrationnel. Le monde de la pensée, de la réflexion, celui de l’imagination, celui qui nous diverti et celui qui nous instruit. Le monde créatif, le monde éveillé, le monde spirituel et celui qui nous apprend à compter. Le monde qui dort et celui qui rêve. Et moi je rêve de tous les découvrir un par un. Je rêve de gravir cet espace plus haut qu’une montagne, de franchir ce flot de découvertes plus large qu’un océan, de survoler cette plaine de merveilles plus belles les unes que les autres. Alors oui mon espace sensible est réduit car la maladie menaçante sévit, mais me réfugier dans mon espace mental, le découvrir, le lire, le peindre, le mettre en musique, l’écrire, cela j’en ai l’immense possibilité et la joie curieuse. Être un oiseau parmi les poissons, voilà ce qui m’attend au sein de cet espace minuscule et gigantesque.

Tous les matins, l’espace et moi
Emma-Louise Hurtin
(11/04/2020)

Tous les matins, je franchis 4 m jusqu’à la porte de la chambre, puis 5 dans le couloir, et enfin 3 pour parvenir au frigo. Depuis la cuisine, il faut que je me déplace d’environ 3 m jusqu’à la table du salon, et le canapé est encore 4 m plus loin. De la chambre à la salle de bain, 1 m. L’appartement fait 80 m². Si l’on soustrait à l’étendue de cette surface l’espace occupé par les meubles, l’espace libre dans lesquels nos corps se meuvent descend probablement à 50 m². Une seule pièce dans laquelle je ne vais jamais : la chambre du colocataire, 18 m². Je peux me rendre successivement dans les 6 pièces de l’appartement en moins de 19 secondes, à allure normale. Je mesure 1,66 m, je suis mince, j’occupe donc peu d’espace. Nous sommes trois. Nous ne nous gênons  pas particulièrement, bien que je me sois ajoutée à leur collocation lors de l’annonce du confinement. On ne peux pas dire que nous soyons à l’étroit. L’appartement est au 7ème étage et le balcon est trop petit pour y installer ne serait-ce qu’un tabouret. Je m’y penche souvent pour sentir le vent dans mes cheveux. Il n’y a pas d’herbe dans la rue et les arbres qui la bordent à intervalles irréguliers ne parviennent pas à donner l’illusion d’une nature artificielle. Le confinement se fait long ; l’enfermement, la distanciation sociale, pesants. Et depuis quelques temps, parfois, il arrive que je sente monter en moi, depuis la zone de mon cerveau qui traite les souvenirs heureux d’avant le confinement jusqu’à la zone qui s’occupe du moment présent, une vague et désespérante velléité d’un retour immédiat à la normale une vague de panique quant à l’idée d’être enfermée là où je suis, où je me trouve, pour un temps indéterminé. Une vague qui me fait perdre pied le temps d’un instant. Puis je focalise de nouveau mon attention sur ce que j’aime ici, ce que j’ai, ce qui m’est permis. Et puis, heureusement, le sol de l’appartement est en parquet. Heureusement, le salon offre un espace d’environ 12 m² vide, devant – chance inouïe – une baie vitrée. Une fois le volet roulant abaissé, la vitre reflète la pièce à la manière d’un miroir. Dans cet espace, mon corps se déplace, s’étire, se module anormalement, de manière saccadée ou fluide, libre d’exprimer tout sentiment. Ici tous les matins vers 11h le plus souvent, je fais vibrer l’air : je lance de la musique et je laisse mon corps s’approprier les ondes sonores invisibles qui le parcourent. Je ne peux pas bouger en longueur, je ne peux pas courir, mais je peux jeter mes bras et mes jambes vers le haut, vers le bas, tourner, me rouler au sol. Je danse. Ramener le bras droit sur 1, 2, bras gauche ensuite, 3, 4, monter les deux, descendre, croiser, décroiser, sur 5 et 6 et 7 rond de jambe vers l’arrière, droite, puis gauche, ramène genoux, pousse genoux, tombe au sol 1, désespoir, jambe droite, pliée devant, prière des bras, en tournant, sur le ventre, sur le dos, grand écart 4, ramène droite en haut, relève-toi, doucement, souffrance, épuisement, mais jette tes bras 8 et 1, secoue la tête, lève la jambe puis plus haut encore, plus haut, saute, tourne pliée, tourne tendue, les doigts, joie des poignets à la sévillane, tape tes épaules, tes cuisses, tape le sol, regarde tes pieds, vers tes mains, embrasse l’air, aime-toi, vise l’horizon, imagine l’eau, le remous, imagine le regard, jeu des hanches, séduction, imagine le nombre, imagine l’ambiance. Libre dans mes mouvements, libre de bouger dans mon bocal. Personne ne me regarde. Jusqu’à ce que je m’épuise ou que la porte s’ouvre, cet espace accueille mon corps qui se l’approprie.

Je sors de la pièce essoufflée, heureuse, comme si je revenais de loin, d’avoir vu ou fait de belles choses, des choses différentes, comme si j’étais sortie de cet appartement, sortie du quotidien, sortie de l’ordinaire. Chaque jour je brasse l’air autrement. Quand le confinement prendra fin, que l’espace qu’il m’est permis de parcourir sera de nouveau ouvert, j’irai brasser l’air ailleurs, j’irai danser dans un jardin où je pourrai courir et sauter, me prendre pour une ballerine en transe, piquée par une mouche folle. J’irai ; j’ai faim de grands espaces.