
Le Concours Eurovision, témoin et acteur de la construction européenne de 1956 à 2024. Q. Viguier. 23-05-23 .

Introduction
Vous le connaissez de près ou de loin, il apparaît chaque année sur les postes de télévision des foyers français, le Concours Eurovision de la Chanson, créé le 24 mai 1956 à Lugano en Suisse, est mu par la volonté de créer des liens insécables entre les pays participant au concours. [Diapo] Cette initiative est portée par l’UER, créée en 1950, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, son président Marcel Bezençon ainsi que par la télévision italienne, la RAI, qui propose un concours de la chanson européenne sur le modèle du Festival de Sanremo fondé en 1951.
Le réseau Eurovision, mettant en relation les diffuseurs publics indépendants des pays d’Europe de l’Ouest, découle tout d’abord d’une idée, [Diapo] d’un projet politique en lien direct avec la création de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier en 1952. Le concours véhicule les valeurs du projet européen, avec la volonté d’unir par la musique et de célébrer la diversité du continent. Malgré son grand âge, presque 70 ans, le concours a su se réinventer, s’émanciper peu à peu de la dimension « kitch » qui l’a tant desservi dans les années 80, pour devenir le porteur d’un idéal, celui d’une Europe unie pour la paix et la liberté.
Un sujet d’actualité à l’heure du retour de la Guerre en Europe et des élections européennes qui se tiennent le 9 juin prochain. L’occasion pour nous de replonger dans l’histoire du plus grand concours musical au monde, une manière de percevoir l’histoire de la construction européenne sous un autre angle, celui de la musique et de l’unité, deux valeurs portées par le concours depuis sa création faisant de lui un témoin, mais également un acteur de la construction européenne.
I L’Eurovision, témoin de la construction européenne
– Les origines du concours sont liées au projet européen :
Le concours Eurovision est un moyen pour les pays européens du bloc de l’Ouest de promouvoir le réseau Eurovision, originellement défini par un journaliste de la BBC comme « un système de coopération permettant un échange de programmes télévisés entre les pays d’Europe de l’Ouest » (et oui, cela s’inscrit dans un contexte de Guerre Froide où l’Ouest compte bien concurrencer le réseau Intervision du bloc de l’Est !). Le premier concours diffusé en Eurovision en 1956 est une révolution technologique, car il est diffusé en direct et en simultané sur quatorze chaînes différentes. Les pays fondateurs du concours, à l’exception de la Suisse, sont les mêmes qui signent le Traité de Rome instituant la Communauté Economique Européenne en 1957, date à laquelle le Royaume-Uni, le Danemark et l’Autriche rejoignent le concours naissant, qui apparaît donc comme un pionnier des élargissements européens à venir, ces trois pays ayant intégré la CEE au cours des décennies suivantes.
L’Eurovision est un concours où l’on chante la paix et l’amour, il est porteur d’une vision pacifiste d’après guerre et d’une amitié entre les peuples d’Europe. L’arrivée en 1961 de l’Espagne franquiste et de la Yougoslavie de Tito montre que la concours a pour vocation d’imaginer une Europe libre et unie, une vocation quelque peu naïve au vu de l’utilisation du concours par les gouvernements espagnols et yougoslaves afin de promouvoir la modernité des pays dirigés d’une main de fer par des dirigeants totalitaires.
– L’Eurovision face à l’élargissement vers l’Est :

D’un concours uniquement lié à l’Europe de l’Ouest à un concours européen : l’Eurovision a évolué tout comme le projet européen initial.
C’est justement la victoire de la Yougoslavie à l’Eurovision 1989 qui marque un tournant dans l’histoire du concours. Il s’agit en effet de la première fois qu’un pays non aligné remporte l’Eurovision, et accueille donc l’édition de 1990. Une victoire qui anticipe l’évolution du projet européen, la CEE étant devenu de fait, dans le contexte de la Guerre Froide, une communauté réservée aux seuls pays d’Europe de l’Ouest.
L’édition 1990 du concours se déroulant à Zagreb en Croatie, est riche en messages pro-européens au vu de l’actualité du continent, notamment celle de la récente chute du mur de Berlin et de la future réunification allemande. Cela inspire directement ou indirectement un quart des chansons de l’édition : la chanson autrichienne s’intitule « plus jamais de mur », la Norvège chante « la Porte de Brandebourg » qui s’est ouverte avec l’effondrement du Mur, l’Allemagne envoie une chanson sur sa liberté retrouvée. Toto Cutugno, qui représente l’Italie, remporte l’Eurovision 1990 avec sa chanson pro-européenne Insieme, qui défend le futur traité de Maastricht de 1992, traité qui pose les bases du fonctionnement de l’Union Européenne telle qu’elle existe aujourd’hui et qui anticipe le futur élargissement massif de 2004. Cette chanson a un écho tout particulier, car elle est chantée à Zagreb, l’une des capitales fédérales d’un pays au bord de l’implosion, qui devient 30 ans plus tard la capitale florissante d’une Croatie indépendante et intégrée à l’Union Européenne.
1993 sert de base pour les élargissements futurs, tant pour ceux de l’Eurovision que pour ceux de l’Union Européenne. Il s’agit d’une période de grands espoirs, où tout semble possible. A l’échelle du concours d’abord, 1993 est marqué par la fusion du réseau Eurovision et du réseau Intervision, si bien que tous les pays de l’ex bloc de l’Est deviennent éligible à participer au concours Eurovision, éligibilité représentée par la couleur verte sur les cartes que vous avez derrière vous. Le réseau s’ouvre au reste de l’Europe tout comme le projet européen s’adapte à cette nouvelle géopolitique du Vieux Continent. C’est simple, entre 1996 et 2005, le nombre de pays participants au concours passe de 23 à 40 ! L’Eurovision constitue le témoin de l’Europe des années 1990, celle qui répare ses blessures causées par le Mur, tant matériel, qu’idéologique qu’a constitué le Rideau de Fer.

Au cours de la même année, l’Union Européenne institue les Critères de Copenhague, qui permet de fixer les conditions pour que les pays d’Europe Centrale et Orientale puissent inspirer une intégration future à l’Union Européenne.
L’Eurovision ayant intégré dix nouveaux pays en deux ans, le concours se retrouve confronté à la difficulté de composer entre une émission ayant une durée raisonnable et un nombre grandissant de pays participants. Le système de relégations institué entre 1994 et 2004 a traumatisé de nombreux pays : il s’agissait pour l’UER d’exclure du concours les pays les plus bas du classement. Un système injuste qui a surtout constitué un choc idéologique pour les pays d’Europe de l’Ouest qui, pendant presque 40 ans, avaient eu le concours pour eux tout seul, et qui avec ce système peuvent être relégués en faveur de pays et de nations qui sont apparus du jour au lendemain dans le quotidien des pays de l’Ouest. Un choc identique à celui des élargissements de l’Union Européenne vers l’Est, où tous les pays-membres sont placés sur un pied d’égalité. C’est ainsi que le Luxembourg, qui ne supporte pas ce système, quitte le concours en 1994 avant de ne revenir qu’en 2024, pour l’édition de cette année !

Ce système injuste constitue toutefois un laboratoires d’expériences pour créer le concours que nous connaissons aujourd’hui ; un miroir de la réflexion en Europe d’un élargissement ambitieux, mais juste, où les états-membres sont placés sur un pied d’égalité. C’est en effet à ce moment-là que l’Union Européenne procède le 1° mai 2004 à l’élargissement le plus ambitieux de son histoire, intégrant 10 nouveaux pays d’Europe Centrale et orientale. Le système de relégations est abandonné au profit des demi-finales tandis que les éditions du concours des années 2000 sont marquées par les victoires des pays de l’Est nouvellement arrivés.
– L’Eurovision et l’argent :

Or, lorsqu’il est question des frais de participation au concours, les inégalités entre les pays ressortent inévitablement. L’Eurovision a instauré en 1999 le système des Big 5, où les 5 plus gros contributeurs financiers de l’UER sont qualifiés d’office pour la finale de chaque édition.

Il s’agit sans surprise des pays les plus riches que vous voyez sur l’écran. Le Big 5, créé en guise de compromis pour éviter que d’autres pays riches quittent le concours comme l’avait fait le Luxembourg, pose la question de certains pays plus méritants que d’autres en fonction de leurs moyens financiers. Une question également au coeur de la construction européenne, où celle-ci intègre au départ des pays riches, puis des états en difficulté économique de l’adhésion de la Grèce à la CEE en 1981, aux élargissements de 2004 et ultérieurs. Le système des Big 5 est souvent critiqué, il n’est d’ailleurs pas rare de voir des Big 5 en bas des classements. 2021 franchit une étape dans cette contestation : le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Espagne ne reçoivent aucun point du vote du public. [Diapo] Des éléments à nuancer toutefois, avec la victoire italienne de 2021, les secondes places de la France en 2021 et du Royaume-Uni en 2022 et de la troisième place espagnole en 2022 également.
A l’inverse du Big 5 qui est toujours qualifié d’office, il n’est pas rare de voir des pays comme la Bulgarie quitter périodiquement le concours en raison de difficultés financières. Les Balkans occidentaux notamment sont confrontés à ces difficultés, une enclave de l’Union Européenne dont le processus d’adhésion n’a repris de son activité qu’avec la Guerre en Ukraine en 2022. Le coût exorbitant de la haute technologie embarquée dans les scénographies toujours plus ambitieuses du concours, les inflations liés aux diverses crises depuis la période COVID ont entraîné des coûts de participation de plus en plus exorbitants. [Diapo] L’UER défend cette augmentation des coûts par le fait que le concours ne serait plus « viable financièrement ». L’exemple de l’Irlande peut être mobilisé grâce aux révélations de Michael Kealy, le chef de la délégation irlandaise, qui indique que la RTE (la télévision Irlandaise) a dépensé 1/3 de son budget dans les frais de participation en 2024. Il illustre l’augmentation des frais en révélant qu’ils sont passés de 93 000€ en 2022 à 106 000€ en 2023, soit une augmentation de 13 000€ en un an !
Une autre dimension est à prendre en compte : la participation ou non à l’Eurovision relève d’une volonté politique, car toutes les chaînes participant à l’Eurovision sont des médias publics, qui sont financés par l’État. [Diapo] C’est ainsi que l’ex-directeur des divertissements de France 2, Yves Bigot, annonce en mai 2023 qu’il aurait reçu l’ordre de ne pas remporter l’Eurovision, ce qui expliquerait les résultats catastrophiques de la France dans années 2000. [Diapo] Et ce pour une raison très simple : une édition du concours coûte en moyenne 100 millions d’euros, la moitié est financée par l’UER, 1/4 par la chaîne de télévision et un autre quart par la ville hôte. Accueillir le concours peut donc être perçu comme un cadeau empoisonné pour le pays hôte, surtout si l’État n’est pas intéressé par le financement du concours.
A l’inverse, les petits pays mettent tous les moyens pour remporter l’Eurovision, une vitrine internationale permettant la mise en valeur de la culture du pays hôte. C’est ce qui explique la participation sans interruption de la Moldavie depuis 2005, ce même pays qui est le plus pauvre du continent européen et qui est candidat pour l’adhésion à l’UE depuis le 23 juin 2022.
[Diapo] Transition : L’Eurovision constitue ainsi le témoin des défis de la construction européenne : géopolitique du continent, fonctionnement de l’Union ainsi que la question de l’égalité entre les Etats-membres. En même temps que l’Union Européenne, le concours fait face à l’actualité et réagit à celle-ci, ce qui le rend acteur en défendant de fait une certaine vision du projet européen. [Diapo]
II L’Eurovision, acteur de la construction européenne
– l’Eurovision face à l’actualité :
Le superviseur exécutif actuel de l’Eurovision, Martin Österdahl, martèle que l’Eurovision n’est pas politique et ne doit pas être politisé, comme dans une récente interview du 29 avril 2024 où il tient les propos suivants : « La seule chose que nous [l’UER] pouvons contrôler, ce sont les trois minutes sur scène, et c’est pourquoi je suis parfois frustré lorsque beaucoup de gens veulent faire de la politique à partir du Concours Eurovision ». Un discours que je souhaite nuancer avec un autre entretien de Martin Österdahl qui date de 2022, après que l’UER ait pris une décision historique : celle d’exclure pour un temps indéfini le télédiffuseur russe au nom de la réputation du concours. Le 27 mars 2022, Österdahl déclare à Eurovoix, journal spécialisé dans l’actualité eurovisionesque : « Nous ne voulons pas faire de manifestations politiques sur scène, mais nous ne pouvons pas faire le plus grand spectacle de divertissement du monde sans toucher à ce à quoi tout le monde pense en ce moment en Europe. »
Que l’UER veuille l’entendre ou non, ils prennent nécessairement parti et adoptent des positions faisant écho à des programmes politiques. En 2016, l’UER organise avec la SVT (la télévision suédoise) un entracte appelé « Gray People ». [Diapo] 2016 est en effet une année charnière dans la politique migratoire de l’UE, 1 an après l’entrée illégale d’1M de réfugiés syriens au sein de l’Union, dont l’ampleur sans précédent a eu des répercussions sur les sociétés d’Europe et les discours politiques, notamment par la montée de l’extrême-droite. Au travers de « Gray People », l’Eurovision dénonce l’accueil parfois inhumain des migrants en montrant une réalité crue et même la mort sur scène. Les danseurs sont vêtus et maquillés en gris afin de représenter l’image que se ferait l’UE des migrants : une masse informe, où l’on ne peut distinguer les êtres humains se cachant derrière une vague grise de nouveaux venus. L’acte s’achève avec l’acquisition d’un visa par l’un des migrants et par le retrait de la peinture grise sur leur visage, faisant finalement apparaître l’être humain derrière le masque idéologique. Vous l’aurez compris, Gray People est une dénonciation virulente des partis d’extrême-droite qui diaboliseraient l’arrivée massive de migrants. La performance constitue un plaidoyer pour une Europe sociale, humaine et juste pour tous, plaidoyer voulu par Martin Österdahl (encore lui) à l’époque où il était producteur exécutif de la télévision suédoise. Selon lui, « C’est toujours ce qu’on essaie de faire à l’Eurovision, pour aborder la question brûlante, mais sans en faire de la politique. »

– L’Eurovision face à la guerre :
Sans faire de politique donc.

Pourtant, comme je l’ai dit tout à l’heure, l’UER décide en mars 2022 d’exclure la Russie du concours pour une période indéfinie en raison de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine. Une première pour le concours alors que ce n’est pas la première guerre à avoir eu lieu depuis 1956. [Diapo] Israël a pu participer au concours malgré la guerre du Kippour en 1973 et malgré l’actuelle guerre contre le Hamas. L’Azerbaïdjan n’en est pas moins coupable, ce pays ayant été en conflit ouvert avec l’Arménie fin 2020 puis en 2023 autour de la région du Haut-Karabakh, mais qui n’a pas été exclu du concours de 2021 et de cette année. Österdahl défend cette décision en estimant que « l’Eurovision est un concours entre diffuseurs, pas entre gouvernements ». Il s’agit cependant de diffuseurs publics, qui sont financés par l’État. Même s’ils sont indépendants dans les démocraties, ce n’est pas le cas en Azerbaïdjan par exemple où la chaîne AzTV est contrôlée de manière non officielle par l’État azéri.
– L’Eurovision et la guerre en Ukraine : la création d’une identité eurovisionesque, un concours conscient des messages qu’il transmet :
Conscient de l’influence du concours dans le monde, rassemblant entre 120 et 200 Millions de téléspectateurs dans le monde chaque année, l’UER a décidé de doter l’Eurovision d’un logo générique, United by Music, celui-ci faisant écho de manière transparente à l’« unité dans la diversité » que constitue la devise de l’UE.

Cette standardisation du concours en tant qu’évènement regroupant des pays qui souhaitent, en théorie du moins, défendre la paix et l’unité envoie un message fort au reste du monde, tout comme souhaite le faire l’UE dans sa communication vis-à-vis des conflits armés dans le monde. Il s’agit de prendre parti, la défense de la paix étant une position politique s’opposant à celle du bellicisme. L’adoption de ce slogan unique en 2024 n’est pas un hasard, il s’agit de la deuxième édition du concours où l’Ukraine est en guerre contre la Russie. L’Eurovision s’apparente dorénavant à un club de pays prônant la paix (en théorie du moins !), où l’Ukraine participe et réalise des résultats plus que satisfaisants et où la Russie est exclue. Et oui, exactement comme l’Union Européenne !
Cependant, l’UER n’assumant pas sa dimension politique (ou alors ne faisant rien pour freiner la politisation de plus en plus explicite du concours), cela mène à des prises de position paradoxales. L’édition de cette année a été marquée par une politique d’une fermeté inédite concernant les drapeaux, ayant de fait interdit pour la première fois de l’histoire du concours le drapeau de l’UE dans l’arène, un choc pour la communauté de fans du concours ainsi que pour le vice-président de la Commission Européenne, Margaritis Schinas, qui s’est exprimé en estimant que la décision ne faisait qu’aider les « ennemis de l’Europe », propos tenus à moins d’un mois des élections européennes. Par ailleurs, le niveau de sécurité du concours n’a jamais été aussi élevé, et ce en raison du fait que les manifestations contre la participation d’Israël à l’Eurovision se sont multipliées à Malmö, la 3° ville suédoise comptant la plus grande diaspora musulmane du pays.

– L’Eurovision Junior, les enfants de l’Europe ?
J’aimerais achever cette présentation sur l’Eurovision par une réflexion autour de l’édition Junior du concours. Créé en 2003, il s’agit d’un format de 2h30 où les chanteurs sont des artistes âgés de 9 à 14 ans.

Concours a priori à l’écart des intérêts politique, il n’est pas rare que les délégations participantes envoient des chansons prônant un monde meilleur, comme ce fut le cas de la chanson ukrainienne de 2018, où la chanteuse Darina Krasnovetska dénonce la guerre de manière générale alors que son pays est impliqué depuis 2014 dans une guerre irrégulière dans le Donbass. La chanteuse arbore un haut parleur rouge qui se détache dans une scénographie en noir et blanc.
Ce haut parleur témoigne également de la volonté de l’Eurovision Junior à mettre en avant le pouvoir des générations futures et de leur capacité à créer le monde de demain. Les slogans tournent souvent autour de cette idée, comme celui de 2020, Move the World (Faites bouger le monde!), de 2021, Imagine, ou de 2023, Heroes. [Diapo] L’Eurovision Junior de 2019, marqué par l’actualité autour du mouvement Fridays for Future et Jeunesse pour le Climat initié par Greta Thunberg en Suède le 20 août 2018, où plus du tiers des chansons de l’édition comportent des paroles en lien avec le climat. La scénographie de la chanson serbe Podigni Glas (qui veut dire Elève ta voix) reprend le slogan « We don’t have a Planet B » utilisé dans les Marches pour le Climat. La Pologne remporte même l’Eurovision Junior 2019 avec sa chanson Superheroes qui chante le pouvoir des générations futures à changer le destin d’un dérèglement climatique sur un fond de compte à rebours. C’est le mois suivant, en décembre 2019, qu’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission Européenne, lance le Pacte Vert pour l’Europe, avec l’objectif de la neutralité carbone pour 2050.
Dans sa structure pour finir, l’Eurovision Junior encourage davantage l’amitié entre tous autour d’une chanson commune. Il s’agit d’un hymne (souvent louant le pouvoir des enfants ou la paix dans le monde) chanté par tous les artistes participant au concours, une chanson commune inexistante dans l’édition originale du concours. [Diapo] L’Eurovision Junior 2021 a également vu dans ses coulisses la rencontre hautement symbolique de la délégation arménienne et azérie sur fond de guerre ouverte dans le Haut-Karabakh : les deux chanteuses ont été filmées par les deux délégations en train de se prendre dans les bras, symbole fort pour des ennemis héréditaires où l’Eurovision se place une nouvelle fois comme un défenseur de la paix entre tous. Le Junior, tout comme l’Union Européenne, désirent dans leur communication mettre en avant le pouvoir des générations futures à penser l’Europe de demain.
Conclusion :
[Diapo finale] Vous l’aurez donc vu, le Concours Eurovision représente bien plus qu’un concours de chant : il est depuis ses origines intimement lié au projet européen, a grandi et s’est réformé au rythme des élargissements et de la transformation de la CEE vers l’Union Européenne sous sa forme actuelle.
Un concours qui ne peut toutefois ignorer sa dimension politique, qui du moins doit trouver une cohérence interne afin de ne pas se compromettre par l’instauration de fait d’un système deux poids deux mesures, où la tolérance vis-à-vis de tous les pays participants ne semble pas être équivalente pour tous. Pire, avec le système du Big 5, cela ne place pas les pays participants dans un système égalitaire, ce qui entre en contradiction avec les valeurs mêmes du concours.
Regarder l’Eurovision, c’est observer l’évolution géopolitique de l’Europe au fil des décennies. En 2024, à quelques semaines des élections européennes, l’Eurovision retourne en Suisse, là où tout a commencé en 1956. Il s’agit pour le concours de puiser de nouveau dans ses racines afin d’inspirer les réformes qui s’avèrent nécessaires après une édition qui aurait pu mener le concours à sa propre perte. Un miroir de l’Union Européenne, qui pour faire face aux nouveaux défis qui l’attendent doit également se réformer pour perdurer.
Je vous remercie.

Anglais Spécialité Programme et bibliographie 2025
Professeure : Anne-Sophie André
Programme Spé Anglais
ENS Lyon-Saclay 2025
Dysfunctional families, societies and natural phenomenons are the common ground of this year’s set texts. Another common point? A richly evocative language drawing on all the resources of English. Prepare to be amazed!
Epreuve de Theme
Commune aux deux ENS de Lyon et Paris-Saclay, elle consiste en la traduction en anglais d’un texte de fiction française d’environ 400 mots. Elle est dotée d’un coefficient 2 (Lyon) ou 6 (P-S). Pour s’y préparer, il faut maîtriser la grammaire et le vocabulaire. Les outils bibliographiques suivants sont préconisés:
– une bonne grammaire (Persec chez Ophrys par exemple, ou Berland-Delépine, La Grammaire anglaise de l’Etudiant, chez Ophrys aussi)
– un bon dictionnaire bilingue (Robert & Collins Senior) en plus du Concise English Dictionary (qui est obligatoire)
– P. Rafroidi, Le Nouveau Manuel de l’Angliciste, Ophrys, (obligatoire)
– F. Grellet, Initiation au thème anglais, Hachette
Literature
ENS Lyon
– William Shakespeare, The Tragedy of King Lear, New Cambridge Shakespeare, ed. Jay Halio, Third edition (2020). ISBN : 978-1316646977
– Seamus Heaney, North (1975), Faber & Faber (2001). (Recueil entier). ISBN : 978- 0571108138
– Kate Chopin, The Awakening (1899), Penguin Modern Classics (2003). ISBN : 978- 0142437322
You are expected to have read all set texts by the start of the school year.
Bibliography
In addition to the set texts above, you are expected to purchase either M. H. Abrams, A Glossary of Literary Terms, Boston, Wadsworth, 2005 or F. Grellet, A Handbook of Literary Terms, Paris, Hachette, 1996 or 2009.
Further Reading:
The Awakening : The introduction to your edition is very comprehensive. Articles will be added to Nextcloud. You can also check out The Cambridge Companion to Kate Chopin, 2008.
The Tragedy of King Lear: Try to catch a performance either on stage or on DVD. (see anglais.colin-andre.fr for recommandations) before reading the play.
Once you’ve read the play, read the introduction until p. 50. And then re-read the play!
Jan Kott, Shakespeare , Notre Contemporain, 1962, 1978 pour la trad. française
Richard Marienstras, Shakespeare et le désordre du monde, « Lear ensauvagé », Paris, 2012.
The Oxford Handbook of Shakespearean Tragedy, Neil & Schakwik eds, 2016.
North: it will be useful to be familiar with the historical background of Ulster until 1975. See https://www.universalis-edu.com/encyclopedie/irlande-du-nord-ulster/ as a starting point.
The Vikings and bogmen play a great role in the collection: see https://www.museumsilkeborg.dk/welcome-to-the-story-about-tollund-man and https://www.museum.ie/en-IE/Museums/Archaeology/Exhibitions/Viking-Ireland
More material will be added to NextCloud and on the website’s poetry page.
ENS Paris-Saclay
There is no set syllabus. In order to prepare, read as extensively as you can. There are several good anthologies of English & American literature available on the market. Do not worry: universal knowledge is impossible in this crowded field!
Civilization
ENS Lyon
British & American culture and civilisation as seen through the press : see M. Petit’s syllabus.
ENS Paris-Saclay
« La montée des populismes et de l’extrême-droite au Royaume-Uni et aux États-Unis depuis 2015 ».
The question was announced very late. I shall provide you with a reading list during the year. In the meantime, keep track of D. Trump’s and N. Farage’s campaigns…
Nouveau programme ENS Lyon A/L LSH 2025
Littérature française – Programme et bibliographie 2026
ENS LSH-LYON, SESSION 2026
Présentation du programme de Lettres tronc commun 2026
Bibliographie pour le programme de Lettres tronc commun 2026
Enjeux éthiques de l’articulation entre la justice et le droit à la santé. J.-P. Coujou. 7-05-2024.
Nous considérerons la notion de justice en tant que guide pour le jugement et idéal pour l’action.
Si l’on se réfère à la signification du terme de justice qui appartient originellement au vocabulaire éthique et juridique, il traduit l’idée d’une conformité au droit ainsi qu’un sentiment moral d’équité. En effet, dérivé du jus latin, la notion de justice revêt la double signification de droit et de justice; ainsi elle désigne 1°) l’adéquation au droit, la justice rendue par le pouvoir judiciaire lui-même, et 2°) ce qui renvoie à un sentiment d’équité, relevant non plus d’une institution, mais d’une exigence morale, d’un sens éthique.
Cette double acception étymologique est à l’origine de ce qui peut apparaître comme une ambiguïté ; néanmoins, on pourra y voir l’expression d’une polysémie constitutive : la justice est d’abord une idée donnant un contenu aux revendications de l’individu dans son rapport au social et aux autres en général ; or cette idée est également incarnée dans un ordre juste des choses auquel elle renvoie. En ce sens, la manière dont les ressources de santé sont distribuées, illustre effectivement les différentes théories de la justice, leur principe mais aussi les conceptions de la société et du rapport entre l’individu et l’Etat qui les sous-tendent.
Nous avons ainsi de la justice des représentations exprimant un idéal que l’on réfère au registre de la répartition et de la distribution : égalité des parts, égalité des rapports ou proportion. En ce sens, la formule la plus connue afin de définir la justice est: donner à chacun ce qui est sien (suum cuique tribuere), ce qui lui est dû, cette perspective ne saurait par ailleurs masquer la question de savoir qui peut et doit légitimement présider à une telle donation.
Cette première approche de la notion de justice permet de nous renvoyer à l’article 15 de la déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme, précisément parce qu’elle concerne la question du partage des bienfaits dont nous rencontrons une forme emblématique avec la revendication du droit à la santé (une contradiction pouvant par ailleurs être soulevée entre l’extraordinaire offre de la médecine et un bien-être refusé ou contingenté pour des raisons économiques). Un tel droit répond à la recherche d’un accord légitime entre le progrès de la science et le devoir d’humanité; ce devoir rappelle que profiter de tels bienfaits n’a pas pour mesure l’investissement de tel ou tel Etat particulier dans la production de ces bienfaits, mais le fait d’être tout simplement humains. Conformément à l’exigence inconditionnelle d’attribuer à chacun ce qui lui revient, il appartiendrait dès lors aux progrès médicaux de s’ordonner au principe selon lequel doit être respecté tout homme et tout l’homme au moment même où la question qui se pose à nous en prolongement de la question traditionnelle « Qu’est-ce que l’homme? » est précisément celle de savoir ce que nous allons faire de l’homme.
Par là même, la santé est promue au rang de droit de l’homme parce qu’elle constitue l’une des garanties pour tout être humain, dans les limites qui sont les siennes, de sa puissance à exister, à agir et à s’accomplir. Quant à la connaissance scientifique, elle est ce sur quoi, dans ce cas particulier, doit s’adosser une théorie du juste partage des bienfaits, pour ne pas errer dans son exercice; selon cette perspective, une interrogation bioéthique est par définition promise à se constituer et à se transformer afin qu’elle ne réponde pas de manière purement formelle aux progrès des techniques médicales et aux avancées de nos savoirs et de nos pouvoirs.
Par conséquent, l’idée du juste apparaît en tant que norme de référence dans l’application du savoir scientifique en matière de santé, dès lors qu’il lui appartient, par exemple, de délimiter ce qui revient à la sphère du rationnel et à celle du raisonnable, du possible et du légitime. Et il y a en retour dans cette articulation, une implication de la vérité contribuant à un exercice réglé et judicieux de la justice. Ainsi, poser que la fin visée par la connaissance est bonne, n’induit pas nécessairement que les moyens ou les conséquences d’un tel savoir soient légitimes ou acceptables; il est clair que nombre de résultats de la recherche apparaissent difficilement dissociables de leurs conditions d’acquisition. L’article 15 sous-entend, en ce sens, que les sociétés contemporaines apporteraient leur adhésion à une éthique de la connaissance dans la mesure où cette dernière serait en adéquation avec une éthique des droits de l’homme (et sans faire référence, le temps nous faisant défaut à l’article 20 portant sur l’évaluation et la gestion des risques).
Trois difficultés s’en dégagent : 1°) celle des rapports conflictuels entre obligation universelle et cas particulier, à savoir la liaison entre la règle et l’exception; 2°) celle de la santé privée et de la santé publique dans laquelle semblent souvent se contredire éthique de la personne et éthique de la collectivité; 3°) celle du respect conservatoire et du respect entreprenant induisant le risque d’une opposition entre le souci de l’humanité présente et celui de l’humanité future.
On pourrait esquisser, à partir de là, les enjeux éthiques (autonomie, bienfaisance, non-malfaisance …) du lien en mesure d’être établi entre la justice et le droit à la santé en se référant notamment au rapport Belmont (1978).
1°) Ne pas expérimenter sur une personne sans son consentement libre et informé. Le patient est une personne libre de décider de son propre bien et ce dernier ne peut lui être imposé contre sa volonté en faisant usage de la force ou en profitant de son ignorance. Par conséquent, le respect de la liberté ne pouvant manquer de s’accompagner de la visée du bien.
2°) Respecter la personne humaine requiert la juste mesure des bienfaits réels ou possibles de la biomédecine pour sa santé. Toute recherche visant au progrès thérapeutique diagnostique ou cognitif doit être évaluée à l’aune de la règle fondatrice: Primum non noscere, d’abord ne pas nuire (par exemple: faire usage de la bonne pratique médicale enjoignant au médecin de donner au patient les meilleurs soins prescrits par l’état de l’art). On retrouve un vieux précepte de la sagesse antique: ne faire à autrui que ce que l’on accepterait pour soi-même ou pour ses proches. La prudence en recherche s’impose en évaluant les risques et les bienfaits d’autant plus que la maîtrise croissante de la procréation, de l’hérédité et du système nerveux ne sauraient dissimuler les risques relatifs à notre identité et à notre liberté. Le droit à la santé est indissociable d’une information privée et publique permettant d’en appeler à des protections contre les méfaits de l’imprévoyance et les procédures injustifiables.
Le respect de la personne humaine s’inscrit par conséquent dans le refus de sa conception réductrice. Le droit à la santé rappelle que l’homme n’est pas réductible à un organisme biologique d’une grande complexité. Ainsi, l’humain est indissociable d’une sphère institutionnelle juridique ainsi que de valeurs sur lesquelles on interagit en exerçant une influence sur son corps. Le droit à la santé est par là même inséparable de la liberté du sujet en chaque personne qui a pour condition de son respect le fait de la traiter selon l’héritage kantien comme une fin en soi et jamais simplement comme un moyen. Comme l’écrivait Kant: « l’humanité elle-même est une dignité. »
Conformément à cette perspective, sera contraire à l’éthique toute procédure induisant à des degrés divers la chosification de l’homme que ce soit par l’expérimentation sur un malade sans aucun bénéfice potentiel le concernant. Aucune expérimentation sur l’être humain ne saurait faire l’économie de la demande préalable du consentement libre et éclairé du sujet à l’application du traitement. Cela implique dans cette logique du respect de se donner les moyens de répondre de ceux qui ne peuvent pas ou plus répondre d’eux-mêmes (malades mentaux, états végétatifs comateux …).
3°) Il convient de mettre en place une répartition équitable des charges de la recherche de sorte que les contingents de sujets de la recherche ne soient pas toujours tirés des mêmes populations, celles qui sont sans défense comme les malades sans ressources engendrant par là même des procédures irresponsables et contraires à l’éthique. (Si l’on considère l’accès à des technologies coûteuses ou à des listes d’attente pour les greffes d’organes, les réponses apportées en termes de justice distributive peuvent recourir à des critères multiples: âge, gravité, espérance de vie, ressources économiques…).
Pour que l’articulation entre justice et droit à la santé puisse commencer à acquérir une effectivité, il convient par là même de concevoir un élargissement de l’objectif arbitrairement réduit d’une efficacité de simple gestion privée à celui d’une efficacité globale intégrant les valeurs non négociables d’une humanité civilisée (on est renvoyé à l’alternative suivante: évaluation technocratique de la rentabilité dans les pratiques et dépenses de santé ou évaluation démocratique d’efficacité globale liée par exemple à une politique de la prévention se substituant à une logique assurantielle de l’indemnisation? Profits privés et responsabilité publique).
Si l’argent nous confine à la sphère de l’avoir, la santé nous réfère à la sphère de l’être, du mieux être et du plus être, d’une qualité de la vie, ce qui signifie, pour que la justice dans ce domaine ait un sens, que le corps humain demeure strictement non hors échange, mais hors commerce. Si l’on considère par exemple la question de l’embryon, la manière de le traiter et de le manipuler engage inévitablement la moralité de notre relation à la personne et à la collectivité humaine dans sa globalité. En ce sens, le devoir de justice est également là pour refuser de se limiter à l’énonciation de ce qu’implique l’impératif du respect de la personne, il n’a de cohérence que dans sa mise en œuvre à partir de la claire détermination de ses conditions d’application tant au niveau national qu’international, la télémédecine constituant par exemple un auxiliaire à une telle démarche.
En fonction de cet impératif de justice émergent, par conséquent, la nécessité de critères non marchands, ainsi que la légitimité du partage des coûts et la recherche de nouvelles solidarités. Toute économie de la santé suppose l’intervention de critères non marchands grâce auxquels la personne doit trouver les moyens de reprendre possession de son propre respect. Toute la difficulté consiste dans une réorganisation des régulations des mécanismes du marché afin de promouvoir la prépondérance des êtres humains dans leur intégrité physique et morale, tout autant conformément à la hiérarchie des fins que conformément au choix des moyens économiques. Au-delà d’une logique de la marchandisation de la santé, est-il possible de concevoir sa reconfiguration et son dépassement au bénéfice d’un processus démocratique d’expérimentation sociale, de responsabilité partagée, ne se limitant pas au caractère non négociable de la non commercialisation du corps humain ? En liant justice et droit à la santé, on ne peut dès lors faire l’économie 1°) d’une interrogation sur le statut ontologique de la personne et son engagement quant à la valeur de la connaissance, 2°) des relations entre éthique de l’individu et éthique de la collectivité, 3°) entre impératif éthique (celui d’une éthique du monde de l’homme) et rentabilité financière.
Les enjeux éthiques, étant donné que la nature de l’action humaine a effectivement changé, peuvent précisément être ramenés à la formule énoncée par Lucien Sève : « quelle humanité voulons-nous être? » En effet, la bioéthique s’inscrit dans la perspective d’un rapport théorique et pratique à un avenir désormais universel pour le genre humain. Les développements de la biomédecine ne peuvent plus être considérés comme une avancée analogue aux autres domaines des savoirs et des pouvoirs par les conséquences auxquelles ils confrontent (Maîtrise de la vie ou respect de notre nature?). Il apparaît que la condition humaine elle-même cesse de constituer une donnée irréformable confrontant par là même à un questionnement renouvelé sur les frontières de l’humain. Renvoyée à d’imprévisibles changements, cette condition par sa possible plasticité présente l’humain comme créateur de lui-même, et donc mis en demeure de prendre en charge l’infini d’une telle liberté et d’une telle autonomie dont il nous appartient qu’elle ne se retourne pas en une aliénation tragique. Cette dernière constituerait en fin de compte l’expression d’une impuissance s’enracinant dans la puissance et elle porterait également atteinte à ce que les Anciens appelaient l’humanitas de l’homme. Cela suppose, par exemple, que l’on se prémunisse dans notre monde contemporain de toute confusion entre existence personnelle et existence biologique, condition sans laquelle l’homme ne peut être respecté pour lui-même.
D’une part, il faut se prémunir de l’écart croissant entre ce que l’homme sait faire et ce qu’il est en demeure de maîtriser. Il revient à la bioéthique, aidée par le droit, de rendre concevable une réappropriation collective de ce que la science biologique est en train de transformer de la représentation de nous-mêmes du fait de ses pratiques médicales bouleversant nos vies. D’autre part, l’exigence de justice consiste à répondre à des forces économiques bien souvent étrangères à ce qui fait notre humanité ou tout simplement à ce qui fait un monde vivable. Ainsi que le formulait Kant : « c’est en soi le devoir de l’homme que de se faire une fin de l’homme en général. » Appliqué à notre monde actuel, cela signifie que nous sommes rendus sans recours à notre autonomie responsable, tout en étant renvoyés aux règles de son usage raisonnable, c’est-à-dire notamment au refus de toute instrumentalisation biomédicale de l’homme.
Conjuguer justice et droit à la santé induit la référence à des principes valant pour obligations intransgressibles : le respect du libre consentement et du secret médical, l’accès aux soins et l’indisponibilité du corps humain. Telle est la présence insistante de ce qui contribue à nous faire humainement homme, à participer à l’estime de soi; dans cette perspective, la fonction de la bioéthique consisterait à esquisser les moyens théoriques et pratiques de se prémunir du risque d’un monde plus pauvre en humanité.
Résumé
L’examen des enjeux éthiques de l’articulation entre la justice et le droit à la santé nous confronte au problème de la conciliation entre le devoir d’humanité et les progrès de la science, conformément à un souci de démocratisation des politiques de santé publique. Ainsi, la question du partage des bienfaits exprimée par l’article 15 de la déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme rappelle, en conformité avec l’esprit de son principe fondateur, que doit être respecté tout homme et tout l’homme. La protection de la vie et de la santé humaine, afin d’être légitime dans sa démarche, se réfère aux grands principes de la bioéthique et du droit de la biomédecine: le respect du corps humain et sa non patrimonialité, le principe de l’anonymat, celui de l’intégrité de l’espèce humaine et de la protection du patrimoine génétique.
C’est à partir de ce cadre que l’on peut essayer d’esquisser ce que l’homme veut faire de l’homme.
Au commencement étaient les verbes irréguliers. G. Kenny. 29-04-2024.
Les universaux. Paul Laurens (2024)
(khôlle de l’étudiant P. Laurens (2024) dans le cadre du programme sur « La métaphysique »)
Entre le XIIe et le XIVe siècles, le concept des « universaux », issu de la philosophie antique, fut l’objet de la célèbre querelle des universaux. L’objet du débat était de savoir si les universaux étaient des êtres réels (position réaliste), que ce soit au sein des choses de notre monde ou dans un monde transcendant ; ou si, comme le pensaient les nominalistes, les universaux n’étaient que des concepts ou des noms, n’ayant d’existence que dans le langage. Les débats auxquels ont donné lieu cette querelle, ainsi que sa réactualisation au XXe siècle, ont fait du problème des universaux un des problèmes centraux de la métaphysique.
Mais traiter des universaux suppose d’abord de trouver une définition sur laquelle réalistes et nominalistes pourraient s’accorder. On les définit généralement comme des propriétés qui ont un caractère universel, au sens où elles peuvent être dites de plusieurs (elles sont prédicables de plusieurs sujets, propres à plusieurs choses particulières). Par exemple, « girafe » ou « jaune » sont des universaux, partagés par toutes les girafes particulières. En fait, il suffit de choisir n’importe quel nom commun, adjectif ou verbe, et de le faire précéder par « le fait de » pour obtenir un universel : le fait d’être un chien, le fait de pondre des œufs, etc. Les universaux ne sont donc universels que dans le sens où ils s’appliquent universellement à tous les particuliers de leur « classe », par ex l’universel « girafe » peut être dit de toutes les girafes. Mais on pressent ici une sorte de tautologie… La question est en fait la suivante : la girafe possède-t-elle ses propriétés (long cou, 4 pattes, …) car elle est une girafe (réalisme), ou est-ce au contraire en raison des propriétés qu’elle possède qu’on l’appelle girafe (nominalisme) ? Si la position réaliste semble d’emblée plus difficile à admettre, voire absurde, on peut essayer de montrer qu’elle n’est pas totalement infondée. Le cœur du problème des universaux est celui de leur rapp avec les particuliers : les précèdent-ils ou sont-ils conçus à partir d’eux ? Et comment un universel pourrait-il être présent dans plusieurs particuliers ? Le concept d’universel englobe plusieurs autres concepts, comme celui d’essence (par ex, définir l’universel girafe consiste à déterminer la combinaison de propriétés spécifique à la girafe, et donc l’essence de la girafe). Une loi de la N peut être considérée comme un universel (la loi de l’attraction universelle consisterait ainsi à attribuer à tous les corps l’universel « exercer une force de gravité »). La question du statut ontol des universaux (qui peuvent avoir une existence matérielle, conceptuelle, transcendante, …) a donc des conséquences scient et métaph. On n’obtient pas la même métaph selon que l’on considère les universaux (et donc les essences) comme des réalités ou comme de simples noms, qui risquent de faire de la métaph une S purement verbale. Il faut donc étudier les avantages et les carences ontol des universaux : sont-ils indisp à la description du M ? Et quelles sont leurs alternatives ?
Nous examinerons d’abord les forces et les limites de la conception réaliste des universaux, puis nous verrons que les conceptions nominalistes et la théorie des tropes constituent des alternatives séduisantes à ce réalisme, avant de nous demander si on ne peut cpdt tenter de le prendre au sérieux, en le recentrant sur le réalisme immanent.
I) A) Quelles sont les forces et limites d’une conception réaliste des universaux ? Il faut d’abord revenir sur la définition des universaux. C’est Aristote qui semble le premier évoquer les universaux, sans les nommer ainsi. Il écrit dans De l’interprétation : « Il y a des choses universelles et des choses singulières. J’appelle « universel » ce dont la nature est d’être affirmé de plusieurs sujets, et « singulier » ce qui ne le peut. » La question est alors de savoir si par « choses » (pragmata), Aristote entend des réalités concrètes ou des concepts. Le problème est soulevé par Porphyre de Tyr dans son Isagogè. Il s’agit de savoir si les universaux sont « des réalités subsistantes en elles-mêmes ou seulement de simples conceptions de l’esprit ». Mais, si l’on admet la première thèse, deux autres problèmes se présentent : les universaux, s’ils existent, sont-ils corporels ou incorporels ? Enfin, sont-ils séparés ou n’existent-ils que dans les choses ? Càd, existent-ils de manière transcendante ou immanente aux choses ? La position réaliste consiste à soutenir que les universaux existent réellement. Les propriétés partagées par plusieurs particuliers permettraient d’expliquer les ressemblances entre ces particuliers, leur appartenance à des espèces, ou mêmes leurs interactions causales (et jusqu’aux lois de la nature). Par exemple, la structure chimique de l’eau (une combinaison entre un atome d’oxygène et deux atomes d’hydrogènes) serait l’universel « eau », existant réellement dans chaque particulier composé d’eau, et qui expliquerait les ressemblances et les réactions des différentes eaux. Mais ce qu’on appelle ici universel est-il une propriété (la molécule d’eau) partagée à l’identique par plusieurs particuliers, ou bien quelque chose encore au-delà de toutes les molécules d’eau, qui ne seraient que les instanciations imparfaites et non identiques de l’Idée de molécule d’eau ? On retrouve ainsi les problèmes de Porphyre, qui dessinent l’opposition entre deux types de réalisme : un réalisme transcendant et un réalisme immanent.
B) Quels sont les arguments et avantages respectifs de ces deux réalismes ? Le réalisme transcendant correspond à celui de Platon et à sa théorie des Formes. Les choses sensibles nous semblent appartenir à des espèces ou types parce qu’elles sont les actualisations de Formes ou Idées intelligibles. Comme il l’écrit dans le Timée, « Il faut convenir qu’il existe premièrement ce qui reste identique à soi-même en tant qu’idée, qui ne naît ni ne meurt […] qui n’est accessible ni à la vue ni à un autre sens » et « deuxièmement ce qui a même nom et qui est semblable, mais qui est sensible, qui naît, qui est toujours en mouvement ». Seules les Idées seraient alors les vrais universaux. Les choses sensibles peuvent se ressembler, mais ne sont jamais entièrement identiques, et comme elles se modifient sans cesse, il serait impossible de les concevoir comme des universaux stables. On reconnaît pourtant que certains objets sensibles font partie d’une même catégorie. Il doit donc exister une Idée qui informe tous ces objets. Par exemple, c’est parce que tous les humains participent de l’Idée d’ « humanité » qu’ils sont des humains. Même si le rapport causal de l’Idée à la ch est difficile à concevoir et peut apparaître comme une hypothèse infondée, le concept d’entités intelligibles et séparées est compréhensible. Les entités mathématiques, comme le cercle, sont bien des universaux incorporels, chaque cercle particulier étant toujours imparfait. Tous les cercles sont qualifiées ainsi en référence à cet universel transcendant de cercle. L’idée d’universaux non instanciés peut aussi s’appliquer aux objets créés par la science. Par exemple, le nylon a été créé par réaction chimique en laboratoire, donc « être du nylon » était avant sa création un universel non instancié. Les universaux non instanciés pourraient donc être admis, sinon comme des Idées platoniciennes, du moins comme des possibles non actualisés voire non actualisables. Cependant, Aristote considère qu’il est impossible de concevoir un universel indépendamment des entités individuelles. Que signifierait l’humanité en dehors de tout humain particulier ? Les universaux sont immanents et ne peuvent exister que dans les choses. L’universel « être du nylon » n’existait pas avant l’invention du nylon, et l’universel « être un cercle » n’existerait pas s’il n’y avait aucun cercle. L’universel existe bien cependant : il est une propriété réelle, partagée par plusieurs particuliers, qui permet de comprendre leurs ressemblances. Ainsi, deux chiens ne font pas partie de la même espèce parce qu’ils se ressemblent, mais c’est au contraire parce qu’ils ont tous les deux en commun l’universel « chien » qu’ils se ressemblent. L’existence de tels universaux fonde la possibilité de la science, qui peut rechercher ce qui est vrai pour tous les particuliers d’un même type (chien, eau, pestiféré, …).
C) Ces deux réalismes ont cpdt des limites. Pour les universaux non instanciés, il semble qu’il y ait une contradiction entre affirmer qu’ils sont séparés des choses sensibles, qu’ils existent sur un plan intelligible, mais qu’en même temps ils interagissent avec les choses sensibles qui sont leur manifestation. La relation entre les universaux et les particuliers implique des régressions à l’infini, exposées par Platon lui-même dans le Parménide, puis reprises par Aristote dans sa Métaphysique avec l’argument du troisième homme. Dans le Parménide, l’Etranger soumet à Socrate ce problème : si les choses grandes sont grandes en vertu d’une Idée de Grandeur, elles ont en commun la grandeur. Mais cette grandeur qui leur est commune n’est ni la grandeur des choses particulières, ni l’Idée de Grandeur qui ne saurait s’incarner. Il s’agit donc d’une troisième grandeur. Or cette troisième grandeur, pour être une grandeur, doit avoir un rapport à une autre Idée de grandeur, ce qui implique de faire encore intervenir une autre grandeur pour comprendre ce rapport, et ce à l’infini. Il ne faut donc pas substantialiser les propriétés universelles, en faire des entités qui existeraient indépendamment des particuliers, car cela conduit à des impasses logiques : « aucun attribut universel n’est une substance », comme l’écrit Aristote dans sa Métaphysique. Pour autant, le réalisme immanent d’Aristote pose lui aussi des difficultés, notamment celui rapport entre particuliers et universaux : comment une propriété universelle peut-elle être présente à l’identique dans des individus différents ? Comment l’un peut-il exister dans le multiple tout en restant un ? Le simple fait qu’un universel existe dans deux entités différentes n’implique-t-il pas de concevoir deux universaux ?
Bien que le réalisme immanent des universaux soit plus aisé à admettre que le réalisme transcendant, il aboutit donc lui aussi à des contradictions qui remettent en question la pertinence même du réalisme. Aller au bout du réalisme immanent n’implique-t-il pas de dissoudre complètement les universaux, pour ne plus les considérer que comme des concepts ?
II) A) Les conceptions nominalistes et la théorie des tropes apparaissent alors comme des alternatives séduisantes. Le nominalisme affirme que les universaux ne sont que des noms ou des concepts, conçus a posteriori à partir de ressemblances observées dans les choses, et non des propriétés universelles qui se retrouveraient à l’identique dans chaque chose et les expliqueraient. Guillaume d’Ockham affirme ainsi dans sa Somme de logique que « l’universel est une intention [autrement dit une conception] de l’âme apte à être attribuée à un grand nombre de sujets ». Les universaux n’existent que dans l’âme, et non dans les choses, dont toutes les propriétés sont particulières. Le réalisme semble en fait opérer une inversion inacceptable de l’ordre logique : ce n’est pas parce que deux chiens ont en commun un universel « chien » (une essence de chien) qu’ils se ressemblent, mais c’est parce qu’ils se ressemblent qu’on les regroupe sous la même catégorie de « chien ». On peut distinguer un nominalisme faible qui refuse l’existence d’universaux mais admet celle de propriétés particulières (il n’y a pas « le rouge », mais des rouges), et un nominalisme fort qui nie aussi l’existence des propriétés particulières (il n’y a pas des « rouges », il n’y a que des objets rouges). Le premier nominalisme peut être assimilé à la théorie des tropes, terme introduit par Donald Williams dans son article « Les éléments de l’être » : il existe des tropes ou « particuliers abstraits », résidant dans les « particuliers concrets » (les objets). Chaque trope résidant dans un particulier, il se distingue de tous les autres : le rouge de la cerise n’est pas celui d’une autre cerise. Deux tropes peuvent être en relation de ressemblance exacte, ce qui explique la ressemblance de deux rouges, sans qu’il s’agisse pour autant du même trope, ce qui évite le problème de la localisation multiple des universaux. Les tropes seraient donc de bons substituts aux universaux, disposant des mêmes capacités explicatives, mais avec un moindre coût ontologique (évitant de supposer des entités embarrassantes).
B) Il existe encore des raisons supplémentaires de refuser le réalisme des universaux. D’abord parce que les universaux nous masqueraient la réalité, qui serait toujours singulière. On retrouverait ici ce que Bergson a dit sur le langage et les concepts : les universaux (ou concepts chez Bergson) sont un moyen utile par lequel l’intelligence peut agir sur les choses, mais ils ne constituent pas le fond du réel et doivent être abandonnés lorsqu’on tente de connaître l’absolu. Les universaux peuvent aussi donner lieu à une critique plus générale : ils sont alors accusés d’oublier les particularités. On retrouverait cette fois les critiques de l’universalisme, comme celle dvp par Sylviane Agacinski dans Métaphysique des sexes : l’universel du christianisme est un universel masculin (« l’Homme »), qui oublie la femme. Cela rejoint les injonctions à ne pas « essentialiser », à ne pas former d’universaux (qu’on les conçoive comme des entités ou des concepts), qui ne seraient jamais que des manières de privilégier arbitrairement certaines particularités aux dépens des autres. Mais l’argument le plus fort reste sûrement le constat que les universaux ne sont pas universels. Comme l’ont montré Berlin et Kay, toutes les langues n’ont pas les mêmes MBC. Elles ne reconnaissent donc pas les mêmes universaux. Si le chinois classique utilise la couleur 青(qing) pour désigner toutes les nuances du bleu au vert, les réunissant dans un universel, ce qui est impossible pour le français qui y verrait deux universaux distincts, il faudrait en conclure, si l’on croit à l’existence réelle des universaux, que l’une des deux langues a tort. Il semble donc plus naturel de considérer que les universaux sont des concepts inventés par les hommes.
C) Les nominalismes ont cpdt des limites. Les tropes ne sont-ils pas encore des entités en trop ? Le nominalisme le plus extrême, dit nominalisme de la ressemblance, considère que même les tropes sont des entités superflues. Les propriétés ne sont que des manières de réifier des ressemblances entre les choses : deux objets se ressemblent, et c’est en constatant cette ressemblance que l’on invente l’idée d’une « propriété » (par exemple le rouge) qui serait commune aux deux objets, sans être identique. Mais en fait, la notion même de trope semble contradictoire : si deux tropes sont toujours différents, pourquoi les regrouper sous un même nom ? Si tous les rouges diffèrent, pourquoi les dire rouges ? Il n’y a pas des particuliers possédant des propriétés particulières, qui existeraient en eux mais pourraient en être distinguées, mais seulement des particuliers, dont les ressemblances sont posées comme le fait fondamental (Quine défend ce nominalisme fort dans « De ce qui est », en admettant l’existence de particuliers sans reconnaître celle des propriétés).
Le nominalisme peut donc être une alternative séduisante au réalisme, mais d’un côté la théorie des tropes semble encore postuler des entités inutiles, et d’un autre côté le nominalisme de la ressemblance pose la ressemblance comme un fait premier et inexplicable, ce qui est encore insatisfaisant. Les deux nominalismes échouent également à expliquer pourquoi certains particuliers se ressemblent autant, et réagissent de la même manière. Le réalisme leur oppose la simple identité de propriétés. Après les contorsions des nominalistes, il ne semble plus si coûteux d’affirmer que, si toutes les eaux gèlent, c’est parce qu’elles possèdent une même propriété…
III) A) Il s’agirait donc de prendre au sérieux le réalisme des universaux, en le recentrant sur le réalisme immanent, comme l’a proposé David Armstrong dans Universals and Scientific Realism. Il rappelle les avantages du réalisme, comme expliquer les ressemblances entre particuliers ou leurs comportements récurrents (offrant ainsi une assise métaphysique aux lois de la N). Mais il suggère surtout de se concentrer sur l’étude des « propriétés rares » ou « naturelles », càd des propriétés les plus fondamentales, qui causent toutes les autres. Cela permet d’écarter les propriétés « abondantes », qui ne sont en fait que leurs simples conséquences. Ces propriétés sont censées être en nombre restreint, et il est donc possible de les étudier toutes, afin de rendre compte du réel. L’inventaire de ces propriétés revient à la science, puisque cela nécessite d’analyser précisément les particuliers. Par exemple, « être une molécule d’ADN », « avoir une charge » ou « avoir un spin » sont de telles propriétés rares. Les propriétés rares, qui sont finalement les universaux fondamentaux, permettent d’expliquer plus précisément les ressemblances que le recours aux autres universaux, sur lesquels pèse toujours un soupçon d’arbitraire (comme on l’a vu pour les couleurs). Ainsi, le léger goût de viande des champignons ne sera pas expliqué par le recours à l’universel « avoir un goût de viande », qu’on aurait du mal à localiser, mais par l’universel « avoir des molécules d’Inosine », beaucoup plus précis. Les propriétés rares permettent aussi de distinguer des ressemblances trompeuses. Une bille noire et une zone d’ombre peuvent sembler posséder le même universel, ou deux tropes en situation de ressemblance exacte. Pourtant, le noir de la bille résulte d’une absorption de lumière, le noir de l’ombre d’une obstruction physique. Les propriétés rares permettent donc de déterminer les ressemblances réelles. La théorie des propriétés rares permet donc de redonner du crédit au réalisme immanent des universaux.
B) Cpdt, le réalisme d’Armstrong rencontre aussi des limites. D’abord, le problème de la localisation multiple demeure : si une propriété rare est présente dans plusieurs particuliers, peut-il vraiment s’agir de la même propriété ? Ensuite, cette théorie semble aboutir à une marginalisation de la métaphysique. En effet, l’étude des universaux (des propriétés rares) bascule du domaine de la métaphysique vers la physique. La métaphysique cède la place au discours scient, et même si Armstrong défend son rôle en affirmant qu’elle doit énoncer ce qu’est une propriété, là où la science se contente de les énumérer, il semble tout de même que la métaphysique soit cantonnée à un simple travail de définition. Mais peut-être ce travail est-il après tout fondamental, et peut-être est-ce un moyen de redonner sa noblesse à la métaphysique, puisqu’il semble que toute la querelle des universaux soit liée à un problème de définition.
C) L’existence réelle ou conceptuelle des universaux dépend en effet de la façon dont on définit l’identité et la propriété. Deux propriétés qui ont les mêmes caractéristiques (comme deux sphères de même volume) sont-elles identiques (et les deux objets seraient alors deux instanciations de l’universel « sphère »), ou bien ne peuvent-elles jamais être totalement identiques, par le simple fait qu’elles ne sont pas au même endroit ds l’espace (et donc ne sont pas exactement soumises aux mêmes forces, etc.) ? Tout dépend aussi de la façon dont on définit une « propriété ». Considère-t-on qu’une propriété est une caractéristique qui explique et informe la chose, par ex la propriété sphère est la cause du fait que la balle est sphérique ; ou bien la propriété est-elle dégagée a posteriori : on voit la balle et on la dit sphérique car on reconnaît une forme identifiée ailleurs ? Il y aurait ainsi 2 questions fondamentales : deux propriétés peuvent-elles être identiques, ou sont-elles toujours particulières ? Et la propriété est-elle ce qui explique que la ch est comme elle est, ou est-elle dégagée a posteriori ? La réponse à ces 2 questions détermine le type d’existence accordé aux universaux : réel (immanent) ou conceptuel, mais détermine aussi le type d’existence accordé à l’essence et aux lois de la nature. Si une propriété peut être identique à une autre et qu’elle est un vrai agent causal, alors l’essence est ce qui, étant présent en plusieurs choses, fait que ces choses sont ce qu’elles sont, et qu’elles sont essentiellement les mêmes choses bien qu’elles diffèrent au niveau des accidents. Par exemple, tous les chiens sont des actualisations de l’essence du chien. Mais si chaque propriété est particulière et qu’elle est constituée a posteriori par notre esprit, alors l’essence ne précède pas les choses, mais n’est qu’un concept qui réunit des caractéristiques communes à plusieurs choses et permet ainsi d’identifier ce qui fait la spécificité de ces choses, même si ces caractéristiques sont en fait différentes. Par exemple, l’essence du zèbre est d’avoir 4 pattes, des rayures noires et blanches, etc., par quoi on distingue le zèbre des autres animaux, même si les rayures ne sont jamais identiques, et qu’il faudrait donc en fait inventer une essence pour chaque individu (mais alors le concept d’essence perdrait son utilité qui est justement d’ordonner le réel en regroupant les individus dans des catégories). De même, une loi de la nature sera ou bien une sorte de cause universelle et éternelle (la loi existe donc vraiment), ou bien la généralisation par induction de phénomènes s’étant produits dans un très grand nombre de cas (la loi est donc une simple description du réel).
En conclusion, les universaux naissent de l’intuition que les choses qui se ressemblent ou réagissent de la même manière possèdent des propriétés identiques, qui permettent d’expliquer leurs similitudes et les phénomènes récurrents. Concevoir ces universaux comme des entités transcendantes pose de nombreux problèmes, comme celui de leur relation avec les autres entités, et cette théorie semble alors beaucoup trop coûteuse pour pouvoir être admise. La vraie alternative serait donc entre le réalisme immanent et les différentes formes de nominalisme. Le réalisme immanent rencontre lui aussi des limites, notamment celui de la localisation multiple des universaux, qui semblent faire du nominalisme une position plus facile à défendre. Cpdt, les nominalismes ne parviennent pas à expliquer les ressemblances, voire supposent des tropes qui sont accusés, soient d’être encore de trop, soit de n’être que des ersatz d’universaux. On peut alors tenter de prendre au sérieux le réalisme des universaux, en le recentrant sur le réalisme immanent et les propriétés rares, même si cela ne résout pas toutes les difficultés, et semble réduire la métaphysique à un rôle définitionnel. Mais si tout dépend finalement de la manière dont on définit les notions d’identité et de propriété, la métaphysique retrouve en fait un rôle fondamental. A elle pourrait revenir la charge, sinon de trancher entre les définitions, du moins de déterminer clairement les conséquences logiques qui suivent le choix de telle ou telle définition, afin d’identifier les nœuds conceptuels à partir desquels s’élaborent les différents systèmes en concurrence.
Paul Laurens (2024)
Bernard Lavilliers : chanteur-voyageur d’Amérique latine et d’ailleurs. J. Nunez. 25-03-2024.
Le principe de précaution : le principe pragmatique d’une politique prudentielle. L. Cournarie. 4-04-24

Je vous propose aujourd’hui trois ensembles de remarques sur le principe de précaution : d’abord sur sa nature de principe, ensuite sur sa formulation juridico-politique et sur ses critiques, enfin sur la politique prudentielle qu’il inaugure. La thèse générale serait la suivante : le principe de précaution est un principe pragmatique[1] ambigu[2], proposé et adopté par les sociétés démocratiques pour répondre à de nouveaux risques qui engagent l’avenir de l’humanité autour de trois enjeux principaux : maîtriser la puissance de la technoscience, préserver le futur, protéger la Terre et la vie.
La précaution comme principe
Le premier objet d’étonnement philosophique porte sur la forme de ce principe. Par définition, un principe commande, conformément à l’étymologie (principium/archè)[3]. Or le principe de précaution a ceci de paradoxal qu’il est un principe négatif : il commande non pas de faire, mais de ne pas faire ou de s’abstenir de faire.
En un sens il n’y a là rien de nouveau : les principes éthico-religieux ont souvent une forme négative (devoir ne pas…). Mais le principe de précaution ne se présente pas comme un interdit (toujours particulier) : il est à la fois suspensif (ce qui est sa manière d’être négatif) et indéterminé. Autrement dit, il ne s’applique que si l’on juge qu’il doit s’appliquer. Et évidemment tout le problème est de savoir quand et comment il doit s’appliquer et qui est légitime pour s’en saisir.
Le second objet d’étonnement porte sur la question de savoir si le principe de précaution constitue un impératif. On peut hésiter.
En fait, le principe de précaution est un principe au sens où il désigne une règle supérieure (méta-règle) aux lois ordinaires dont on peut s’autoriser pour fonder une décision : le principe commande non pas une action mais la justification d’une action et, en l’occurrence d’une non-action. On notera que dans les textes juridiques où il est cité, le principe de précaution n’est jamais ni défini, ni formulé comme un impératif.
«Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage » (Charte de l’environnement intégré au préambule de la Constitution, par son article 5).
Si l’on veut y voir malgré tout un impératif, on sera plus enclin à l’identifier à un impératif « hypothétique » qu’à un impératif « catégorique ». Un impératif hypothétique désigne un devoir dont l’obligation est suspendue à une condition : si tu veux obtenir A (mais vouloir la fin A n’a rien en soi rien d’obligatoire en soi et dépend toujours en réalité d’un intérêt quelconque), alors tu dois vouloir B comme moyen de A. Le principe de précaution a apparemment tout l’air d’un impératif hypothétique[4]. Si l’on reprend l’article 5 : (a) il ne s’applique que « lorsque [= si] la réalisation d’un dommage… », donc le principe de précaution (non défini) ne commande pas absolument ou catégoriquement. Et (b) il le fait d’autant moins que les autorités « veillent » seulement à des dispositions provisoires et proportionnées à son application, ce qui subordonne celle-ci à des arbitrages politiques. Au fond, le principe de précaution entend seulement souligner que l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas empêcher un État de prendre des mesures qui pourraient permettre d’éviter un risque grave ou irréversible.
Toutefois, le contexte pragmatique (l’anticipation de risques graves sur l’environnement, la santé publique, ou l’alimentation) qui entoure son recours peut conférer au principe de précaution une valeur quasi-catégorique. En effet, si l’humanité devait être gravement menacée, directement ou indirectement, faute d’avoir mise en suspens sa trajectoire techno-scientifique, alors on doit vouloir le principe de précaution (impératif hypothétique). Or la menace potentielle de la vie (humaine) sur terre n’est pas une fin qu’on puisse vouloir ou, inversement, la préservation de la vie humaine sur terre n’est pas une fin qu’on ne peut pas ne pas vouloir. Donc le principe de précaution se donne aussi bien comme l’objet d’une obligation inconditionnelle (impératif catégorique).
D’ailleurs, le principe de précaution est très proche du « principe responsabilité » que le philosophe allemand H. Jonas formule en 1979 en le présentant comme l’impératif catégorique adapté au monde technologique. Le principe de précaution est la version « juridico-politique » du principe « éthique » de responsabilité :
« Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre »[5].
On peut retraduire en termes de précaution le nouvel impératif catégorique selon Jonas. « Agis en suspendant toute action[6] susceptible de compromettre la préservation d’une vie future authentiquement humaine sur terre », ou : « suspens toute action qui ne serait pas compatible avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre »
Le principe juridico-politique de précaution et ses critiques
Le principe de précaution comme le « principe responsabilité » a été « inventé »[7] pour faire face aux risques majeurs que la vulnérabilité de la nature sous l’emprise de la puissance technologique fait courir à l’avenir de la vie humaine et de toute vie sur terre. A nouveau monde, nouveau principe.
C’est cette prise de conscience qui a trouvé sa traduction juridique dans le principe de précaution. Celui-ci prend naissance en Allemagne dans les années 1970, pour compléter la politique de l’environnement par un « souci » de « prévention » et de « protection » plutôt que de simple réparation des dommages. On parle alors de Vorsorgeprinzip, l’expression étant formée sur Vorsicht qui signifie la prudence, la précaution. Sa première apparition juridico-politique date de 1976, dans un texte gouvernemental allemand intitulé « politique environnementale précautionneuse » (Vorsogende Umweltpolitik).
Depuis, il a été consacré comme une « méta-règle », supérieure aux lois, donc comme un principe, dans la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de 1992, dans le traité de Maastricht (1992), à l’article 191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne[8] et par le droit français, d’abord avec la loi Barnier en 1995, puis avec la Charte de l’environnement intégrée en 2005 au préambule de la Constitution, par son article 5 (déjà cité).
Cet entérinement assez rapide par les droits nationaux et internationaux ne doit pas dissimuler les difficultés qu’il a à s’imposer.
Il y a d’abord le problème pratique de son effectivité en dépit de l’affirmation de sa valeur juridiquement contraignante : il suffit de l’art. 191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européennepour s’en convaincre : le principe de précaution est un des principes (avec le principe d’action préventive ou le principe pollueur-payeur) de la politique européenne pour un « niveau de protection élevé » en matière d’environnement qui doit, par ailleurs, tenir « compte de la diversité des situations dans les différentes régions de l’Union ».
Ensuite, le principe de précaution soulève des problèmes plus théoriques. On peut critiquer l’abus ou le mésusage[9] qui en est fait, quand on l’utilise par exemple pour annuler une manifestation publique[10] ou fermer une autoroute : alors on confond à tort (principe de) « précaution » (anticipation en contexte d’incertitude de risques graves, voire irréversibles) avec (principe de) « prévention » (mesure par anticipation sur la base d’une certitude). En outre, le principe de précaution a pu être perçu comme un principe « anti-scientiste » qui limite la recherche et l’innovation, un principe « risquophobe » caressant le désir d’une société sans risque, un principe « anti-progressiste » qui s’appuie sur le mobile de la peur contre la confiance dans l’avenir, un principe « partialiste » enfin qui se focalise irrationnellement sur les risques au détriment des opportunités et des avantages[11].
Le principe pragmatique d’une politique prudentielle
Pourtant ces objections paraissent injustifiées, si l’on rétablit le contexte pragmatique du principe de précaution. En effet, celui-ci s’applique restrictivement :
– en situation d’incertitude (propre aux phénomènes ou aux systèmes complexes[12]),
– aux risques sur l’environnement et la santé,
– qui implique(rai)ent un dommage anticipé comme grave et/ou irréversible.
Ainsi à défaut d’une définition formelle, le principe de précaution paraît ainsi assez bien déterminé par ce tryptique[13] : risques graves ou irréversibles, incertitude, prise de mesure anticipée.
Or ce contexte pragmatique du principe de précaution n’a rien d’insolite. Il décrit notre monde, devenu à la fois fragile, complexe et incertain. Nous avons changé de monde. D’une part l’humanité n’est plus dominée par la nature, c’est la nature qui est dominée par la puissance technologique de l’humanité. Et d’autre part, l’humanité ne domine plus sa domination technologique de la nature, elle lui échappe. Autrement dit, la puissance technologique engendre des problèmes éthiques inédits. En effet, les actions humaines (techniques) ont des effets globaux dans l’espace et dans le temps. C’est pourquoi, selon Jonas l’humanité contracte une responsabilité nouvelle, qui n’est plus responsabilité « de » (imputation d’une action passé à un agent) mais responsabilité « pour » (les générations futures).
Ainsi, le monde en même temps qu’il est engagé dans un futur irréversiblement technologique se referme sur son dernier âge géologique, qu’on nomme « anthropocène » où l’action humaine et les processus naturels interférant et co-évoluant, produisent des effets dont les boucles rétroactives engendrent des conséquences aussi irréversibles qu’imprévisibles.
Dès lors, si l’on a des raisons de supposer, même sans aucune certitude scientifique (d’où le conditionnel « pourrait affecter »), que certaines décisions pourraient avoir sur l’environnement ou sur la santé des conséquences graves (càd affectant un grand nombre d’individus, et pas seulement humains), voire des conséquences irréversibles (càd dont le retour proche de la situation initiale est ou impossible ou seulement possible dans un délai et un à un coût déraisonnables), alors il est sage d’appliquer le principe de précaution. C’est pourquoi on peut dire que le principe de précaution soutient une politique « prudentielle », qui refuse de croire qu’il puisse y avoir une solution purement technique aux problèmes éthiques nouveaux posés par la civilisation technologique.
En conclusion, le principe de précaution n’est ni la précaution (qui reste locale), ni la prévention (qui reste déterministe), ni la vertu antique de prudence[14] (qui reste « centrée sur le soi et sur le proche »). Il inaugure une nouvelle politique qu’on peut nommer une politique « néo-prudentielle » (« néo » par rapport à la phronèsis grecque), certainement amenée à transformer le jeu de la démocratie contemporaine, puisqu’elle oblige à repenser voire à réinventer les rapports entre expertise scientifique et souveraineté populaire[15], en privilégiant (au moins pour les problèmes environnementaux pour lesquels le principe de précaution a été originellement inventé) des solutions de type bottom up plutôt que top down[16].
Bibliographie
Dupuy J.-P., Pour un catastrophisme éclairé, Paris, Seuil, 2002.
Grison D., Qu’est-ce que le principe de précaution ? Paris, Vrin, 2012.
Jonas H., Le principe responsabilité, Paris Cerf, 1990.
Larrère C., « Le principe de précaution et ses critiques », Innovations, 2003/2 n° 18, De Boeck supérieur.
Zarka Y. Ch., « Considérations philosophiques sur le principe de précaution », Revue de métaphysique et de morale, 2012/4, n° 76, Paris, PUF.
[1] Et non pas un principe moral, comme sa proximité avec la prudence le signale.
[2] Parce qu’il comporte quelque chose de la précaution, de la prévention et de la prudence sans se confondre avec elles. Le principe de précaution renoue avec une forme de sagesse prudentielle, qu’on nomme plus loin « politique prudentielle » ou « néo-prudentielle » qui n’est ni la prévision, ni la vertu antique de prudence que la modernité avait appris à dédaigner (Kant), « tout en comportant quelque chose de la prudence et de la prévention » (Y. Ch. Zarka, « Considérations philosophiques sur le principe de précaution », Revue de métaphysique et de morale, 2012/4, n° 76, Paris, PUF, p. 484).
[3] On pourrait traduire indifféremment le Prologue de Jean : « au principe/commencement/commandement était le Verbe (le Logos) » (In principio erat Verbum / Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ Λόγος).
[4] D’ailleurs on ne voit pas comment serait possible un impératif catégorique de précaution, sauf à être contradictoire puisque ce serait une règle pratique inconditionnellement toute action (un scepticisme pratique). Or il n’est pas vrai qu’il faille toujours et en tout lieu prendre pour mobile d’action de ne pas agir. On doit suspendre son action si…, au cas où…
[5] H. Jonas, ibid., p. 250.
[6] Encore une fois, c’est là le paradoxe du principe suspensif de précaution : l’action la plus sage (la plus prudente) est de ne pas agir ou de suspendre une action. Il suffit de « savoir » que les risques sont immenses et incompensables, même en l’absence d’une « certitude » scientifique avérée, pour « devoir » s’abstenir d’agir.
[7] C’est là une nouvelle source d’étonnement. Le principe de précaution est un nouveau venu dans l’arsenal des principes. Donc c’est un principe inventé. Or, à la réflexion, qu’un principe soit inventé ne va pas de soi. Par ex. on peut se demander si les (certains) principes théoriques le sont et si leur caractère principiel ne tient pas à leur caractère en quelque sorte a priori (ainsi du principe de contradiction), et donc si les principes pratiques (dont fait partie le principe de précaution) partagent la même « principialité » que les principes théoriques. Peut-on dire que le principe de précaution est un principe au même titre que le principe de contradiction, même en admettant la différence des domaines (connaissance/action) ?
[8] « Pour protéger l’environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement ».
On remarquera que la Déclaration se présente non pas comme une suite d’articles ou de lois, mais bien comme un ensemble de 27 principes : pour les Nations Unies, le développement durable dont la protection de l’environnement doit faire partie intégrante (principe 4) doit être coordonné et ordonné à/par des règles universelles, de fait, supérieures aux législations nationales qui doivent les intégrer.
[9] On notera, au passage, qu’il y a peut-être quelque chose de plus important que le principe : l’usage du principe. Or il n’y a pas de principe d’usage du principe, ou alors on tombe dans une régression à l’infini. Dans ces conditions, le principe ne dispense pas du jugement pour déterminer le bien-fondé ou l’étendue de son application.
[10] D. Grison (Qu’est-ce que le principe de précaution ?, Paris, Vrin, 2012) cite la déprogrammation à Berlin en 2006 de la mise en scène d’Idoménée par Hans Neuenfels. Mais depuis cette date, les exemples sont légion.
[11] On pourrait ajouter l’argument du « catastrophisme éclairé » (J.-P. Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé, Paris, Seuil, 2002) qui, pour des raisons inverses aux critiques précédentes, juge que le principe de précaution se contente d’une gestion probabiliste des risques sans anticiper la catastrophe. Voir C. Larrère, « Le principe de précaution et ses critiques », Innovations, 2003/2 n° 18, De Boeck supérieur.
[12] On peut prévoir l’évolution d’un système compliqué (décomposable en éléments simples), mais non celle d’un système complexe. En effet, dans un système dit complexe, la sensibilité aux conditions initiales, l’apparition de phénomènes de turbulences, ne permettent pas un déterminisme intégral. « Il peut arriver que de petites différences dans les conditions initiales en engendrent de très grandes dans les phénomènes finaux. (…) La prédiction devient impossible et nous avons le phénomène fortuit » (H. Poincaré, Science et méthode, cité par D. Grison, op. cit., p. 40). Pour ainsi dire vivre dans un monde incertain, c’est vivre dans un monde où les possibles ne sont pas la réalisation de probabilités mais sont eux-mêmes indéterminés : on ne peut déterminer les probabilités des possibles faute de déterminer les possibles. Tout ce qu’on sait et qu’on peut anticiper c’est la possibilité du pire — c’est pourquoi H. Jonas met en exergue ce qu’il nomme l’« heuristique de la peur ».
[13] Voir D. Grison, op. cit., p. 9.
[14] On rappellera que longtemps la prudence a servi à définir l’action raisonnable. Bien agir suppose de délibérer sur les moyens en vue d’une fin, d’agir au moment opportun (kairos), et de déterminer le bien et le juste dans le clair-obscur des situations éthiques, ce qui est impossible sans prudence. C’est pourquoi, la phronèsis, chez Aristote n’est pas exactement une vertu morale càd une vertu du caractère (vertu éthique comme le courage par exemple), mais une vertu (càd une excellence, arètè) de l’intelligence accompagnant l’accomplissement des vertus éthiques (pas de vertu éthique sans prudence) : pour viser le juste milieu entre deux excès en quoi consiste une vertu éthique, il faut user de prudence.
Mais le principe de précaution n’est pas la vertu de prudence. D’abord la prudence n’est justement pas un principe puisque, selon Aristote, la norme de la prudence n’est autre que l’homme prudent lui-même (phronimos). C’est l’homme prudent qui sert de « principe » de référence ou de modèle à (définition de) la prudence (voir, Aristote, Ethique à Nicomaque, II, 6, 1106b 36-38 ; VI, 5, 1140a 23-26). Ensuite, la prudence s’exerce à l’intérieur d’un cadre relativement stable (une incertitude limitée) et où les risques encourus concernent une personne ou un groupe (prudence domestique ou politique). Certes, pour Aristote, c’est parce qu’il y a de la contingence dans le monde, que l’action est possible et que la prudence est nécessaire. Mais l’action humaine n’étant pas d’une puissance telle qu’elle puisse troubler l’ordre de la nature, malgré l’avertissement du chœur d’Antigone, aucune éthique grecque ne peut formuler quelque chose comme un principe de précaution. En effet, celui-ci s’applique à ce qui est non local et lointain. Le risque du changement climatique par exemple engage, avec le déséquilibre de tous les écosystèmes, l’avenir de l’humanité et de l’ensemble du vivant.
[15] Le principe de précaution relève d’une éthique de la discussion qui doit arbitrer entre deux autres principes : le principe de l’égalité réelle des personnes qui participent à la discussion au nom de ceux qui n’y participent pas et le principe de compétence propre à l’expert ou au savant. On peut ainsi facilement substituer, dans la citation suivante d’H. Jonas, « principe de précaution » à « prudence » : « la prudence [le principe de précaution] est la meilleure part du courage et elle est en tous cas un impératif de la responsabilité (…). Il se peut qu’ici l’incertitude soit notre destin permanent — ce qui a des conséquences morales (H. Jonas, Le principe responsabilité, op. cit., p. 257).
[16] Voir C. Larrère, « Le principe de précaution », op. cit., p. 24.
P. Claudel : un théâtre de la mondialisation. S. Martinot-Lagarde. 27-02-2024.
Qui veut faire un Dobble avec moi ? J.-Ch. San Saturnino. 09-01-2024.
Qu’est-ce qu’un transfuge de classe ? A. Gomes-Samaran. 14-12-23
Qu’est-ce qu’un transfuge de classe ?
A. Gomes-Samaran
Podcast : https://audioblog.arteradio.com/blog/215487/podcast/217905/qu-est-ce-qu-un-transfuge-de-classe-angelique-gomes-samaran-14-12-2023
Un transfuge de classe est un individu qui a connu une mobilité sociale intergénérationnelle. Je m’explique : la mobilité intergénérationnelle désigne le changement de position sociale d’une génération à l’autre, à savoir du père au fils, de la mère à la fille, du père à la fille…
Les exemples que j’ai choisis pour cette conférence sont des exemples de mobilité ascendante, c’est-à-dire des individus qui ont connu un déplacement dans la structure sociale vers le haut et pour être plus précise de la catégorie « ouvrier » vers la catégorie « cadre ».
La part des trajectoires ascendantes a connu une hausse entre les années 70 jusqu’au début des années 2010, pour connaitre aujourd’hui une stagnation. Toutefois, cette mobilité ascendante est très souvent constituée de trajets courts, c’est-à-dire d’un père employé non qualifié à un fils qui exerce une profession d’employé qualifié.
Il n’en est pas ainsi pour les trois individus choisis qui ont la particularité d’avoir parcouru des trajets sociaux longs, ce qui nous permet de les classer du côté des trajectoires improbables. Dans les faits, cela se traduit par un père ouvrier dont le fils est devenu un intellectuel ou encore un père ouvrier dont la fille est devenue prix Nobel de littérature.
Si le point de départ portait sur les ressorts communs du caractère improbable de leur destinée, deux problématiques en filigrane se sont imposées à la lecture et la compilation de ces trois ascensions sociales :
1) être transfuge de classe, est-ce un désir de liberté, d’émancipation, une volonté ou bien le résultat d’un déterminisme par le rejet ? Autrement dit, le transfuge de classe renie t-il un milieu social ou bien est-ce le milieu social qui le renie ?
2) Etre un transfuge de classe, est-ce réellement passé de l’autre côté ? Devient-on irrémédiablement autre chose ?
Quels trajets pour Didier Eribon, Annie Ernaux et Edouard Louis ?



Quels sont les ressorts communs à leur destinée sociale improbable ?
a) L’intériorisation de l’infériorisation sociale des parents
Avant d’aborder la honte qu’ils ressentent de leur origine sociale, il faut souligner que chacun a fait l’expérience de l’infériorisation sociale dès leur plus jeune âge au contact de leurs parents.
En effet, Annie Ernaux décrit précisément comment son père ressentait la honte d’être ouvrier, la honte d’être du côté des inférieurs. Tous trois ont donc largement intériorisé la hiérarchisation des goûts, des préférences et pratiques culturelles à la l’origine de cette honte.
Cela passait principalement par :
D’abord, un rapport craintif aux usages de la langue parce que socialement stigmatisant
En effet, dans l’univers des ouvriers, on parle à l’économie des mots devant les personnes qui parlent bien. On parle avec précaution par peur de mal dire et on s’interrompt pour laisser la personne en face le soin de finir. De même, les situations administratives, comme aller chez le notaire, sont des moments de confrontation malaisante à la culture écrite car on a peur des possibles fautes de compréhension et des fautes d’orthographe. Enfin, le père d’Annie Ernaux est fier de prendre de la distance avec son milieu en se défaisant du patois, ce parlé local qui était le signe d’infériorité et de comique.
Puis, il y a un sentiment de décalage par rapport à la légitimité culturelle
Les ouvriers portent en eux le sentiment d’être déplacé dans plusieurs des situations de la vie quotidienne et expriment souvent une déférence presque exagérée quand ils se retrouvent devant des notables, la hiérarchie, bref des personnes haut placées.
Enfin, il y a l’inéluctable usure et destruction des corps.
Tous trois font état de la progressive dégradation physique des corps de leur père soit en raison des conditions de travail (pénibilité, multiplication des emplois), des accidents du travail (invalidité, maladies professionnelles) mais aussi des pratiques de tabagisme et de consommation d’alcool courantes chez les ouvriers.
L’espérance de vie est plus courte pour les ouvriers que les cadres, la mort est prématurée et c’est en cela qu’Edouard Louis a voulu en faire un objet politique dans son livre Qui a tué mon père. Citation : Tu as à peine plus de cinquante ans. Tu appartiens à cette catégorie d’humains à qui la politique réserve une mort précoce.
Il y avait déjà sur cette génération un double mouvement à la fois des envies de se défaire de sa condition tout en ne sachant pas le faire ou maladroitement, risque de tomber dans la faute de mauvais goût (en matière esthétique décorative par exemple (Ernaux)).
b) L’expérience d’un monde social qui inspire la honte
La description du monde ouvrier dans lequel ils ont vécu est plutôt noire et laisse peu de perspectives.
C’est un monde de privation, de manque continuel, de sacralisation des choses, d’envie et de comparaison où l’on désire pour désirer sans savoir ce qui est beau. Un monde masculin où il est fortement déconseillé de danser, de pleurer, de faire des études au risque d’être efféminé. Un monde méfiant notamment à l’égard de la médecine, avec une hygiène corporelle douteuse. Un monde fermé, raciste et homophobe dont le vote est aujourd’hui acquis au Rassemblement National.
Ces descriptions sortent du souvenir souvent réactivé au moment de la consultation de photos de famille. Annie Ernaux se souvient des photos prises le dimanche car c’était le jour du temps libre et des efforts vestimentaires. Il ne fallait pas sourire, l’émotion n’était pas un sujet photographique. Ils prendraient des photos essentiellement de ce dont ils étaient fiers : les biens matériels, les cérémonies…
Quand Didier Eribon consulte des photos avec sa mère après la mort de son père cela lui rappelle lui enfant, l’adolescent qu’il était mais aussi son milieu d’origine, ce milieu ouvrier et la misère intérieure et extérieure du décor. De même, Edouard Louis propose de faire l’archéologie de la vie d’une femme et en creux sa propre socioanalyse à partir d’un selfie de sa mère. Le négatif de cette photo montre la lente et scandaleuse destruction de cette femme dans l’enfermement de sa vie domestique pour une part voulue et une autre part contrainte par son mari. Ainsi, la photo devient l’incarnation du passé social dans le présent à travers les corps, les postures, et donc l’incarnation des rapports de classe auxquels se superposent la condition des femmes, des personnes étrangères ou d’apparence étrangère, des minorités.
c) Une honte qui mène à la culpabilité
AE et DE ont rapidement éprouvé une honte de leur origine sociale, de leurs parents et des attributs du milieu modeste notamment leur manque d’éducation. Par exemple, pour DE se fut plus facile d’écrire sur la honte sexuelle que sur la honte sociale. Pour autant, aujourd’hui, comme un ultime pied de nez, ils éprouvent une honte de la honte, soit une culpabilité à l’égard du sentiment de honte. Cette honte qui est vécue comme une sorte de trahison de sa « race sociale », trahison envers les siens, un manque de loyauté. La hantise d’être un « ennemie de classe » ne les quitte pas.
Ce sentiment de honte est donc complexe et s’avère dual entre :
D’un côté : DE décrivant une gêne difficile à cerner qui s’emparait de lui devant des façons de parler et des manières d’être si différentes de celles des milieux dans lesquels il évoluait désormais, devant des préoccupations si éloignées des siennes.
Et d’un autre côté : le même DE qui ressent toujours de la gêne, voire de la haine, lorsqu’il entend autour de lui parler avec mépris ou désinvolture des gens du peuple, de leur mode de vie, de leurs manières d’être.
Un nouveau tourment se fait jour : comment prendre part à ces jugements sans être infidèle à sa propre enfance ? Chaque fois qu’il est infidèle, la mauvaise conscience finit par resurgir.
Est-ce pour cela que tous trois s’inscrivent dans une double démarche, d’une part, socio analytique et, d’autre part, politico-artistique ? A travers son œuvre, AE prend conscience que l’écriture devait servir à la description mais aussi à la dénonciation, à la fois le bonheur et l’aliénation d’un milieu social.
EL rappelle qu’on ne parle pas de ce monde social de dépossession, il est nié et que si l’on se prête au jeu de la description, le reproche adressé est que c’est trop caricatural, que ça n’existe pas veut. Il veut rendre visible par la littérature les invisibles.
c) Le rejet d’une figure sociale et la distance
Il y a une prise de distance progressive plus ou moins volontaire à l’adolescence, puis il y a la distance installée, consommée à l’âge adulte.
Quand Annie Ernaux décrit une distance venue très tôt à l’adolescence, une distance qu’elle nomme distance de classe, Didier Eribon entretient ardemment cette distance pour échapper à son milieu d’origine. Il déployait beaucoup d’efforts pour maintenir un lien qu’il souhaitait le plus ténu possible. Par exemple, il appelait sa mère une à deux fois par trimestre mais ne ressentait pas le besoin de les voir, il fuyait sa famille. Il connaissait l’adresse de ses parents mais pas le lieu et sa curiosité s’arrêtait là.
Si l’on sent dans l’écriture d’AE et DE une distance voulue, rien n’est moins sûr pour EL qui évoque une distance subie, le récit d’un échec, celui de quelqu’un qui n’arrive pas à s’intégrer dans un milieu et qui doit partir. Il aurait bien voulu être un excellent footballeur, incarné cette virilité tant plébiscitée dans les milieux ouvriers, n’y arrivant pas, il s’est senti rejeté par les siens, par un monde homophobe.
Cette prise de distance est à la hauteur du rejet essentiellement du père. DE et EL ont voulu fuir ce père. DE rappelle sans cesse combien il ne l’aimait pas et combien il ne l’avait jamais aimé. Il exprime une non-reconnaissance mutuelle et un fossé qui s’est creusé au fil des années au point de devenir des étrangers l’un pour l’autre.
Son père incarnait tout ce qu’il avait voulu quitter, tout ce avec quoi il avait voulu rompre, et qui, assurément, avait constitué pour lui une sorte de modèle social négatif, un contre-repère. Le seul lien qu’il reconnaissait avec son père est un lien juridique. A la mort de celui-ci, il ne ressentit pas du chagrin, n’était pas en deuil, seulement un désarroi en lien avec une interrogation sur le seul héritage que son père pouvait lui léguer qui ne pouvait autre que la maladie d’Alzheimer.
Dans le même sens, EL évoque dans sa relation avec son père, il était le seul à parler et que ce fait est une chose violente pour les deux : pour un père privé de la possibilité de raconter sa propre vie et pour un fils attendant une réponse qu’il n’obtiendra jamais. Cette impossibilité de se parler venait du fait qu’ils ne parlaient plus le même langage, tout ce qu’ils pouvaient se dire devenait une agression objective (tu parles comme un bourgeois, tu as fait des études pas moi).
Notons toutefois que tous reconnaissent que cet espace social qu’ils avaient mis à distance, rejeté, renié, cet espace mental contre lequel ils se sont construits, n’en constituent pas moins une part essentielle de leur être et qu’ils font l’expérience, quand ils font ce retour sur eux, de ce sentiment déroutant d’être à la fois chez eux et dans un univers complètement étranger.
d) Les stratégies pour changer
Fuir. Tous trois organisent une fuite vers une grande ville, vers la capitale, dans laquelle peut se produire un changement progressif de milieu social. Tous trois voyagent beaucoup dans le monde pour des raisons professionnelles mais aussi pour entretenir l’ouverture.
Mentir. DE mentait plus ou moins sur mes origines de classe. Il utilisait des subterfuges pour brouiller les pistes, les très rares amis qui savent mais gardent le secret.
Contrôler. Le contrôle permanent de soi, de ses gestes, de ses intonations, de ses expressions, pour ne rien laisser transparaître, pour ne pas se trahir soi-même.
Se réinventer. Travailler son accent et son vocabulaire pour éviter d’être situé. Utiliser les différents registres des discours en fonction des situations et des interlocuteurs, adopter d’autres codes vestimentaires pour ressembler à ce nouveau monde, changer d’apparence physique, changer de nom.
Allemand LSS/BL
En B/L, vous pouvez suivre les cours d’allemand en LVA (5 heures par semaine), ou en LVB (2 heures par semaine).
Dans les deux cas, vous bénéficierez de conditions d’enseignement particulièrement bonnes puisque que les groupes de germanistes sont en général réduits (5 à 10 étudiants). C’est l’occasion pour vous toutes et tous, quel que soit votre niveau d’allemand à l’issue du lycée, de faire des progrès conséquents, tant à l’écrit qu’à l’oral et de faire de l’allemand un point fort de votre cursus.
N’hésitez à visionner la capsule pour entendre le point de vue des étudiant.e.s et à consulter la bibliographie indicative dans les pièces jointes.
Anglais LSS/BL
Un très bon niveau de Terminale est requis. Pouvoir lire facilement un article de presse (type Vocable), disposer d’un vocabulaire étendu et maîtriser, à l’écrit comme à l’oral, les mécanismes élémentaires de la langue ainsi qu’une palette variée de structures linguistiques permettant de nuancer la pensée et de conduire une argumentation, est indispensable.
Au terme des deux années, l’élève de LV devra, à l’écrit, être en mesure d’analyser et de commenter un dossier de civilisation constitué de plusieurs textes (sur la ville, les femmes, etc.). Il saura dégager une problématique et présenter une argumentation à partir de ces documents.
A l’oral, en LV1 et en LV2, il saura comprendre de manière synthétique un article de presse afin d’en présenter le compte rendu et soutenir un entretien à son propos.
Les langues proposées au Lycée Saint-Sernin sont l’anglais I et II
Géographie LSS/BL
Venez en géo pour…étudier l’environnement et les enjeux qui se posent à l’heure de « l’anthropocène ». Réfléchir aux grands enjeux géopolitiques. Apprendre à décrypter des cartes et des paysages.
HK BL : le cours introduit à la géographie générale dans ses différentes dimensions. La première partie de l’année est consacrée à la lecture de nos environnements car le monde dans lequel nous vivons est fait de matière et de vie. La seconde partie s’intéresse à la géopolitique, car le monde est aussi fait d’idées, de représentations et d’intérêts que des personnes défendent…ou pas. Enfin, nous réfléchirons aux enjeux du développement et aux inégalités car argents et échanges jouent également un rôle majeur dans nos vies.
Le TD porte sur des études de cas, essentiellement à partir de la lecture de cartes topographiques et (normalement) de rencontres.
Vous devez d’ores et déjà vous y préparer : regardez autour de vous, observez, écoutez, réfléchissez à comment améliorer les lieux visités!
Pas d’instruction de lectures, mais si vous ressentez le besoin de lire, vous pouvez trouver de belles introductions à certains des problèmes que nous aborderons dans les essais du géographe Jared Diamond (en particulier effondrement) ou de l’historien Yuval Harari (en particulier Sapiens).
En khagne, Ulm donne une nouvelle question chaque année. En 2021, le concours portera sur les « migrations, migrants territoires ».
En 2020, c’était l’étude des paysages, en 2019 celle de l’alimentation dans le monde…Mais tout cela est déjà du passé!
Lettres LSS/BL
Classe d’Hypokhâgne
Les lettres représentent en hypokhâgne BL un volume de 4 heures hebdomadaires. Cet enseignement n’obéit à aucun programme défini et aborde les genres du roman, du théâtre et de la poésie. Le professeur propose une anthologie d’œuvres dans chaque genre, représentatives de la diversité des esthétiques littéraires, et propices à problématiser de grandes questions littéraires. Afin de vous préparer au mieux au premier semestre d’hypokhâgne, vous consulterez la bibliographie de lettres.
1.Objectifs
Les objectifs de cette première année sont multiples :
-analyser le fonctionnement du roman, de la poésie, du théâtre,
-acquérir des outils d’analyse littéraire,
-ancrer ses connaissances dans l’histoire littéraire et l’histoire des idées,
-s’initier à la lecture d’ouvrages critiques,
-se préparer à l’épreuve écrite de la dissertation littéraire et à l’épreuve orale de l’explication linéaire de texte.
2.Exigences
Pour réussir en lettres, il convient :
-d’avoir le goût de la lecture,
-d’effectuer un travail régulier, autonome et approfondi, en lisant les œuvres obligatoires mais aussi certaines œuvres facultatives,
-d’avoir le souci de la précision et de la rigueur dans les raisonnements.
3.Pré-requis
Afin de préparer au mieux votre année d’hypokhâgne, vous devez lire très sérieusement les œuvres obligatoires mentionnées dans la bibliographie, et maîtriser les connaissances acquises en Collège et Lycée.
4.Organisation de l’année et évaluation
L’année est divisée en semestre. Chaque genre fait l’objet de la même attention et de la même durée d’enseignement.
L’évaluation se fait par des devoirs surveillés (entre deux ou trois par semestre) et par des interrogations orales de 20 minutes où est mise en œuvre l’explication linéaire d’un texte littéraire (trois « colles » par an).
Il va sans dire qu’un de nos objectifs est de vous faire découvrir la diversité de la littérature française et européenne, de vous donner encore plus envie de lire en développant des compétences de lecture.
Classe de Khâgne
L’enseignement des Lettres en classe de Khâgne BL prolonge les acquis des connaissances et des compétences élaborées au cours de l’année d’Hypokhâgne, en approfondissant et complétant certaines notions, en prolongeant l’étude des 3 genres (Roman, Théâtre, Poésie), en en abordant d’autres (littérature moraliste, épistolaire, biographique, autobiographique, critique, d’idées …)
Le travail et la réflexion sont mis au service d’une interrogation problématisée portant aussi bien sur les genres que sur les textes. Cette réflexion est mise en œuvre par la pratique de deux types d’exercice aux exigences techniques précises : la dissertation à l’écrit, l’explication linéaire à l’oral, dans la droite ligne de l’année d’Hypokhâgne.
Cet enseignement n’obéissant à aucun programme défini aborde la littérature de l’Antiquité à nos jours sur le rythme d’un horaire de 4 heures hebdomadaires.
Pour se préparer à l’entrée en Khâgne, se reporter à la Bibliographie publiée sur l’ENT du Lycée.
Philosophie LSS/BL
La classe préparatoire B/L propose un enseignement général de philosophie qui ne donne pas lieu à option en seconde année et ne comporte aucun programme.
Pour y réussir, il faut avoir assimilé la rigueur et la précision propres à l’enseignement philosophique de Terminale mais une connaissance étendue de l’histoire de la philosophie (concepts et auteurs) n’est pas demandée. Les élèves issus de séries non littéraires ne sont donc en rien pénalisés. En revanche, des capacités d’analyse et d’approfondissement réflexif sont indispensables en B/L où l’exigence de recul personnel exclut tout esprit de bachotage. Des lectures variées sont requises pour l’acquisition d’une culture philosophique. Règles de la dissertation et usage de la langue française sont maîtrisés.
Sciences économiques et sociales LSS/BL
La formation en B/L vise à fournir aux étudiants des outils conceptuels et théoriques permettant l’analyse des sociétés et des économies. La place de la réflexion sur les indicateurs et méthodes y est importante. Le but est d’acquérir une double culture : économique (connaissance de l’histoire de la pensée, microéconomie, politique macroéconomique, etc.) et sociologique (socialisation et déviance, stratification et mobilité sociales, participation politique, etc.). Cette culture est aussi mobilisée sur des objets communs aux sciences sociales (l’entreprise, l’emploi, la consommation, l’Etat, la rationalité). Exemple de sujet de concours : « Le marché du travail est-il un marché comme les autres ? ».
NB : Des connaissances préalables en économie et sociologie ne sont pas nécessaires.
Mathématiques LSS
L’enseignement est très proche de celui des classes préparatoires E.C. ex. H.E.C. Il comporte trois grands domaines:
1/ Analyse: étude des nombres réels, étude de fonctions, de dérivées, calcul d’intégrales, études de suites de réels
2/ Algèbre : définition formelle des applications, des ensembles, etc. Un grande partie est consacrée aux espaces vectoriels (vecteurs, matrices, applications linéaires, produit scalaire)
3: Probabilités et Statistiques : probabilités (cas fini, discret, continu), variables aléatoires, calcul d’espérance, variance, etc.
Il n’y a pas de géométrie, d’arithmétique, ni de graphes, ni d’informatique. Nous n’avons ni formulaire, ni calculatrice, ni ordinateur.
L’objectif du programme est avant tout d’apprendre à raisonner, à développer le sens de la rigueur et à pouvoir réagir face à des situations nouvelles.
Il est accessible à des élèves issus des élèves ayant suivi au moins un enseignement de mathématiques en première et en terminale, sous réserve d’avoir un excellent niveau mathématique. Il vaut mieux avoir un certain goût pour l’abstraction.
Il faut maîtriser les techniques de calcul vues au lycée (factoriser, développer, équation du second degré, calcul de dérivées, calcul sur les inégalités, etc.).
Les frontières du texte littéraire. Maryse Palévody. 5-12-23.
Les frontières du texte littéraire.
Pourquoi la notice de mon lave-vaisselle n’est pas de la littérature ?
Maryse Palévody
Podcast : https://audioblog.arteradio.com/blog/215487/podcast/217062/les-frontieres-du-texte-litteraire-maryse-palevody-05-12-2023

Je voudrais pour commencer vous lire une recette de cuisine, une recette de soupe aux poireaux, plus exactement les conseils originaux que me donnait une amie, aujourd’hui disparue :
« On croit savoir la faire, elle paraît si simple, et trop souvent on la néglige. Il faut qu’elle cuise entre quinze et vingt minutes, et non pas deux heures – toutes les femmes françaises font trop cuire les légumes et les soupes. Et puis il vaut mieux mettre les poireaux lorsque les pommes de terre bouillent : la soupe restera verte et beaucoup plus parfumée. Et puis aussi il faut bien doser les poireaux : deux poireaux moyens suffisent pour un kilo de pommes de terre. Dans les restaurants cette soupe n’est jamais bonne : elle est toujours trop cuite (recuite), trop « longue », elle est triste, morne […]. Non on doit vouloir la faire et la faire avec soin, éviter de l’ « oublier sur le feu » et qu’elle perde son identité. On la sert soit sans rien, soit avec du beurre frais ou de la crème fraîche. On peut aussi y ajouter des croûtons au moment de servir : on l’appellera alors d’un autre nom, on inventera lequel, de cette façon les enfants la mangeront plus volontiers que si on lui affuble le nom de soupe aux poireaux pommes de terre. Il faut du temps, des années, pour retrouver la saveur de cette soupe […]. Rien dans la cuisine française ne rejoint la simplicité, la nécessité de la soupe aux poireaux. »
Voilà un document simple, peu stimulant il faut bien le dire, sans doute un peu fastidieux à la lecture. Pourtant, votre intérêt sera sûrement éveillé si je vous dis qu’il s’agit d’une recette de Marguerite Duras : dès lors cette recette n’est plus un énoncé banal, utile si tant est qu’on veuille réaliser une soupe : cela devient un texte, i. e. un tissu, un système dans lequel j’identifie les signes qui établissent sa valeur littéraire, en d’autres termes sa littérarité.
C’est Roman Jakobson qui introduit ce concept de « littérarité » en 1919 : « ce qui fait d’une œuvre donnée une œuvre littéraire ».
Dès lors que je sais que Duras est l’autrice de ce texte, je la cherche, je cherche à reconnaître dans la recette des signes, des tics d’écriture que je sais caractéristiques de son style. C’est mon activité de lectrice qui, volontairement, construit la littérarité de la recette, indépendamment de sa destination et de son statut initial. En relisant la dernière page du roman de Duras L’Amant, je saisis par rapprochement la littérarité de la recette, et ce qui m’attire en elle :
« Des années après la guerre, après les mariages, les enfants, les divorces, les livres, il était venu à Paris avec sa femme. Il lui avait téléphoné. C’est moi. Elle l’avait reconnu dès la voix. Il avait dit : je voulais seulement entendre votre voix. Elle avait dit, c’est moi, bonjour. Il était intimidé, il avait peur comme avant. Sa voix tremblait tout à coup. Et avec le tremblement tout à coup, elle avait retrouvé l’accent de la Chine. Il savait qu’elle avait commencé à écrire des livres, il l’avait su par la mère qu’il avait revue à Saigon. Et aussi pour le petit frère, qu’il avait été triste pour elle. Et puis il n’avait plus su quoi lui dire. Et puis il le lui avait dit. Il lui avait dit que c’était comme avant, qu’il l’aimait encore, qu’il ne pourrait jamais cesser de l’aimer, qu’il l’aimerait jusqu’à sa mort. »
Si je déconnecte la recette de sa simple destination culinaire, j’y vois un art poétique possible, le point de départ d’une réflexion sur l’écriture dite « blanche » de Duras : « on croit savoir… elle paraît si simple », « non on doit vouloir la faire et la faire avec soin, éviter … qu’elle perde son identité », « on l’appellera d’un autre nom, on trouvera lequel », autant de formules qui semblent indiquer les recherches de Duras sur son propre style ;
La « simplicité » et la « nécessité », caractéristiques de la soupe aux poireaux selon Duras, se trouvent être les signes remarquables de son style : la « simplicité » se voit dans la multiplication des répétitions, le lexique simple ; la « nécessité », dans l’emploi d’expressions comme « il faut, on doit vouloir », et surtout, dans L’Amant, l’emploi absolu, sans complément, du verbe « dire » ;
Dans les deux textes, on ressent un engendrement morne des syntagmes, une parole comme épuisée (tout comme la soupe est « triste, morne ») ; le stylème (élément récurrent caractéristique du style d’un auteur) « et puis » se retrouve de façon remarquable et troublante, aussi bien dans la recette que dans L’Amant.
Que conclure de cette expérience : le rôle déterminant du lecteur dans la qualification du texte littéraire. Le texte littéraire est celui que par ma lecture je reconnais comme tel. Le lecteur est celui qui retient la leçon du peintre Magritte : « Ceci n’est pas une pipe ». Ceci n’est pas une recette de soupe aux poireaux, dont la seule visée serait performative, c’est-à-dire stimulant une action dans le réel (je lis la recette et je sors aussitôt une marmite, je fais chauffer de l’eau). Non, par ma lecture, le texte ne renvoie qu’à lui-même, qu’à la littérature, et à la relation, intellectuelle et affective, que j’entretiens avec lui. Comme le tableau de Magritte, le texte littéraire ne montre pas des objets du réel, mais les re-présente, les transfigure, et les place dans une autre sphère que celle du réel, qui est celle de l’art. C’est-à-dire que la recette de Marguerite continue d’exister comme document utilitaire, qui permet réellement de réaliser une soupe. Mais pour les durassiens, c’est un texte qui porte en lui l’œuvre de Duras et ouvre à une expérience poétique.
Cette démonstration potagère n’est pas sans implications esthétiques, mais aussi idéologiques.
Le 6 octobre 2022, le prix Nobel de littérature a été décerné à l’écrivaine Annie Ernaux. Les critiques se sont déchaînées à l’annonce de cette distinction ; je passe sur les attaques concernant l’islamo-gauchisme supposé de l’autrice, pour me concentrer sur la critique du statut même de son œuvre : ce ne serait pas de la littérature, au prétexte que son écriture serait « plate », « banale », relevant de la chronique ordinaire, du témoignage, dans une prose, peu noble et peu relevée. Pour les détracteurs d’Ernaux, il y aurait donc une essence du littéraire, qui serait en dehors du langage commun, et à laquelle l’œuvre d’Ernaux n’accède pas. En revanche, comment les lecteurs qui apprécient Annie Ernaux lisent-ils donc son œuvre pour la classer dans la catégorie de la littérature ? Qu’y voient-ils de plus que ce récit de soi dans une langue ordinaire ? ou encore qu’elle est la littérarité de la banalité ?
Dans cet extrait de son roman autobiographique La Place, Ernaux évoque ses parents, ouvriers, cherchant à s’installer comme commerçants :
« Le dimanche, ils sont allés voir à vélo les petits bistrots de quartier, les épiceries-merceries de campagne. Ils se renseignaient pour savoir s’il n’y avait pas de concurrent à proximité, ils avaient peur d’être roulés, de tout perdre pour finalement retomber ouvriers. »
Voilà typiquement un passage qui peut sembler plat, les indices de littérarité sont faibles. Mais la narratrice dans La Place justifie ainsi son style :
« Naturellement, aucun bonheur d’écrire, dans cette entreprise où je me tiens au plus près des mots et des phrases entendues, les soulignant parfois par des italiques. Non pour indiquer un double sens au lecteur et lui offrir le plaisir d’une complicité, que je refuse sous toutes ses formes, nostalgie, pathétique, ou dérision. Simplement parce que ces mots et ces phrases disent les limites et la couleur du monde où vécut mon père, où j’ai vécu aussi. Et l’on n’y prenait jamais un mot pour un autre. »
La littérarité de l’écriture d’Ernaux réside précisément dans la contrainte qu’elle s’est fixée, le choix et le travail d’une écriture qui vise à retrouver la langue simple de son père. Sa fameuse « platitude » est le résultat assumé d’un refus du romanesque, et de ce qu’on appelle le « beau style ». Réfléchissant à sa place sociale (professeure de lettres, fille d’un ouvrier devenu commerçant), elle ne peut adopter une écriture dominante, flamboyante ; son écriture « neutre » est le choix d’une « place » d’entre-deux, ni celle de son milieu d’origine ni celle de la classe bourgeoise que ses études la conduisent à côtoyer. Le choix conscient d’une écriture, fût-elle plate, est un acte créateur qui suffit à valider la littérarité de l’œuvre.
A charge donc au lecteur d’être actif et de reconnaître cette littérarité, alors même qu’il n’y a pas deux langages, l’un utilitaire et banal qui servirait à nos échanges ordinaires ou à écrire des recettes de cuisine, et l’autre sophistiqué voire sublime qui ferait pénétrer à l’intérieur des frontières bien gardées de la littérature. Il n’y a pas la poésie d’une part, grandiose et inutile, et d’autre part cette langue prosaïque que M. Jourdain dans Le Bourgeois gentilhommes’étonne de connaître et de maîtriser, cette prose, qui lui permet de dire : « Nicole apportez-moi mes pantoufles et me donnez mon bonnet de nuit », et d’être effectivement servi.
Mais est-ce à dire que tout énoncé peut se transformer en texte de littérature par le zèle ou l’imagination du lecteur ? Si cela me chante, puis-je lire l’annuaire comme un texte littéraire ou prétendre que la notice de mon lave-vaisselle est un morceau de poésie post-moderne ?
Soit donc la notice de mon lave-vaisselle Bosch Acquasensor :
« Rangez la vaisselle de telle sorte
– de sorte qu’elle repose de façon sûre et ne puisse pas se renverser.
– de sorte que l’ouverture de tous les récipients regarde vers le bas.
– debout inclinée lorsque les pièces présentent un galbe prononcé, afin que l’eau puisse s’écouler.
– qu’elle n’empêche pas le bras d’aspersion de tourner.
Il faudrait toujours ranger les couverts non triés, avec la pointe regardant en bas.
Pour éviter des blessures, déposez les pièces et couteaux longs et pointus sur la tablette à couteaux […].
L’acquasensor est un équipement optique (barrage photoélectrique) servant à mesurer la turbidité de l’eau. »
N’importe quel professeur de lettres facétieux peut se prêter au jeu de l’explication littéraire de cette notice ; d’ailleurs, je vais m’y livrer devant vous :
« Nous avons ici un texte qui d’évidence efface la voix auctoriale pour présenter la brutalité anonymisante du réel : l’apparente neutralité qui ressort de la mise en liste des injonctions fait pourtant sentir une présence autoritaire (l’emploi de termes savants est intimidant) ; un verbe inquisiteur (avec, par exemple, la répétition insinuante de la locution « de telle sorte ») s’impose face à un destinataire absent, ou plutôt ignoré, et pourtant visé par cette mise en demeure d’organiser cette caverne de l’intime, qu’est le lave-vaisselle, puissante métaphore du bas corporel et de nos instincts. Cette instance d’énonciation abstraite, quasi orwellienne, va jusqu’à la censure de toute sensualité, suggérée par le galbe des formes ainsi emprisonnées dans le squelette de fer de la machine. La ménagère, car c’est bien d’elle dont il s’agit, dépose les armes, les couteaux de sa volonté regardent vers le bas, vaincue qu’elle est par un Big Brother de l’aspersion mécanique qui prend le nom héroïque d’Acquasensor. A ce stade, l’esthétique est une métaphysique révélant l’abdication du vouloir et les remous turbides de l’existence. »
On voit l’imposture d’une telle démarche. Mais comment se garantir contre ce travers qui ferait de tout texte un texte littéraire en puissance, au risque de signer, dans l’indistinction, l’arrêt de mort de la littérature elle-même ? Pour prendre les choses sous un angle différent : qu’est-ce qui formellement me permet de différencier la rencontre de Mme Arnoux et de Frédéric Moreau dans L’Education sentimentale de Flaubert, d’une scène de rencontre dans un roman à l’eau de rose ? qu’est-ce qui m’interdit de les considérer à égalité ?
Flaubert, L’Education sentimentale :
« Frédéric, pour rejoindre sa place, poussa la grille des Premières, dérangea deux chasseurs avec leurs chiens.
Ce fut comme une apparition :
Elle était assise, au milieu du banc, toute seule ; ou du moins il ne distingua personne, dans l’éblouissement que lui envoyèrent ses yeux. En même temps qu’il passait, elle leva la tête ; il fléchit involontairement les épaules ; et, quand il se fut mis plus loin, du même côté, il la regarda.
[…]
Il la supposait d’origine andalouse, créole peut-être ; elle avait ramené des îles cette négresse avec elle ?
Cependant, un long châle à bandes violettes était placé derrière son dos, sur le bordage de cuivre. Elle avait dû, bien des fois, au milieu de la mer, durant les soirs humides, en envelopper sa taille, s’en couvrir les pieds, dormir dedans ! Mais, entraîné par les franges, il glissait peu à peu, il allait tomber dans l’eau, Frédéric fit un bond et le rattrapa. Elle lui dit :
— ‘’ Je vous remercie, monsieur.’’
Leurs yeux se rencontrèrent. »
Autre scène de rencontre dans Le Défi du Prince de Sharon Kendrick (édition Harlequin) :
« Elle ressassait ces pensées moroses lorsque la soudaine conscience d’une présence lui fit relever la tête.
Un homme se tenait debout devant le comptoir de la réception.
Seigneur, elle manquait à tous ses devoirs ! Se redressant, elle afficha sur ses lèvres le sourire qui s’imposait. Mais, quand son regard rencontra celui du visiteur, elle se figea, consciente de vivre un de ces moments rares, spéciaux, magiques, qui n’arrivent qu’une fois dans une vie…
Les yeux de l’homme étaient extraordinaires. Jamais elle n’en avait vu de semblables. D’un noir intense, ils étaient pailletés d’or.
Elle frémit de tout son être. Qui était ce visiteur ? Les traits de son visage semblaient avoir été taillés dans du granit par un sculpteur de talent : nez aquilin, lèvres bien ourlées, menton volontaire. Sa bouche affichait un sourire ensorceleur. Grand et élancé, doté d’une carrure impressionnante, il aurait été indéniablement élégant si son jean et ses bottes n’avaient été maculés de boue.
Troublée, Cathy avala sa salive avec difficulté.
— Euh… monsieur… je suis désolée mais vous ne pouvez entrer dans cet hôtel ainsi couvert de boue…
[…] Son regard [celui de l’homme] enveloppa son interlocutrice. De petite taille, elle était plutôt agréable à regarder et, surtout, elle possédait la poitrine la plus fascinante qu’il ait jamais vue. »
On est d’abord au désespoir de constater un certain nombre de points communs entre les deux textes : surprise de l’amour, focalisation interne à partir du regard de l’un des deux personnages, le travail du paragraphe dont la brièveté nourrit le romanesque, discours indirect libre si caractéristique de la manière de Flaubert et que l’on retrouve aussi sous la plume de Sharon Kendrick !
Alors quelles différences ? Quelles différences entre le cultissime roman de Flaubert et le roman de gare ? Intuitivement la vulgarité de la littérature commerciale (le roman Harlequin) qui a comme principe d’appeler un chat un chat, pourrait être un critère ; la scène topique de la rencontre amoureuse est dévoyée parce qu’elle dit tout, jusqu’à l’obscénité ; rien n’est suggéré. En ce sens Le Défi du Prince peut être qualifié de pornographique, alors que Flaubert, comme le dit Barthes, pratique une écriture érotique qui ne dévoile la chose qu’ « entre la manche et le gant ». Mais là encore cette intuition est trompeuse : l’obscénité, la pornographie peuvent aussi être un projet d’écriture, bien des exemples nous le montrent, de l’antiquité à nos jours. Ma classification relève en fait d’une subjectivité indépassable : ce sont mes précédentes lectures, tout un réseau de références qui me font dire que Le Défi du Prince est exécrable, qu’il est le produit d’une littérature industrielle, qui utilise toujours le même schéma de la scène de première vue (les hommes y ont invariablement le menton volontaire, et la carrure impressionnante !). Plus que l’objet lui-même, qu’on apprécie plus ou moins, c’est le lecteur, sa culture, ses attentes qui font la valeur de l’œuvre. C’est le lecteur qui peut juger de la dégénérescence d’un lieu commun – la rencontre amoureuse – en cliché, jusqu’à la nausée.
On constate donc la variabilité et l’instabilité de la notion de valeur, appliquée aux textes littéraires, valeur qui n’existe que parce qu’elle est proclamée. Ainsi la littérarité d’un texte obéit à deux types de critères :
– Au niveau du texte lui-même, dans ses particularités formelles, rythme, images, figures, etc. Selon ce critère, l’appartenance de certains textes au champ de la littérature apparaît indiscutable (un sonnet, une épopée, une tragédie en alexandrins) ;
– Mais aussi au niveau subjectif, selon la façon dont l’œuvre opère un retour sur le lecteur et le travaille en profondeur. Que dire d’autre sinon que la littérarité est un statut qui est accordé à l’œuvre, proportionnel à l’intérêt, au plaisir, au trouble que provoque sa lecture, parfois sans en comprendre davantage la raison ?
Mais dans cette reconnaissance de la littérarité de l’œuvre, le lecteur ne chemine pas seul. Sa démarche rencontre le projet d’un auteur. Ce que je peux considérer comme littérature est le fruit, miraculeux, d’un double projet : celui de l’auteur, avec sa logique propre ; celui du lecteur qui la reconnaît comme littéraire. On peut avec optimisme considérer que même les textes les plus originaux ou intéressants, produits par une intelligence artificielle, ne déclencheraient pas ce mouvement de désir du lecteur vers l’auteur. En l’occurrence Sharon Kendrick, prestataire d’une entreprise de production industrielle de romans d’amour, ne me permet pas cette rencontre avec le charme indicible d’une voix originale.
Roland Barthes avait proclamé la « mort de l’auteur » comme figure d’autorité, dans un texte décisif de 1967 ; il y revient en 1973 avec une nuance tout aussi décisive dans Le Plaisir du texte :
« Comme institution, l’auteur est mort […] mais dans le texte, d’une certaine façon, je désire l’auteur : j’ai besoin de sa figure (qui n’est ni sa représentation, ni sa projection) comme il a besoin de la mienne […] »
Barthes, comme revenu des rigueurs du structuralisme, évoque ailleurs le « retour amical de l’auteur », de ses « charmes ». Mais entendons-nous, la réhabilitation de l’auteur, qu’on croyait éliminé, se fait par le biais, non de sa personne réelle, mais de sa « figure ». Cette figure est nécessairement abstraite, rêvée en quelque sorte. Elle est, avec la « figure » du lecteur, ce qui structure le cadre d’un dialogue. L’auteur est celui qui s’absente corporellement de son texte mais qui est néanmoins la condition nécessaire pour qu’un texte me parle.
Le charme de Duras dans ses recettes, comble mon désir d’auteur, et de cette autrice tout particulièrement, ce qui n’a rien à voir avec la fétichisation de l’autrice réelle, médiatique (pas toujours sympathique, d’ailleurs la Marguerite de chair et de col roulé ; et franchement dérangeante lorsqu’elle s’est mêlée de l’affaire Grégory). Non, je n’aime dans la recette de la soupe que ses « et puis », sans désirer être invitée à sa table.
Contre une approche essentialiste de la littérature qui justifie la hiérarchie des œuvres et des genres (la poésie vaut mieux que le roman, une tragédie vaut mieux qu’une farce), les modernes font de la valeur littéraire une notion mouvante, contingente. On a inventé à partir du XVIIIe s. la subjectivité du Beau (grâce à Kant notamment) ; le jugement devient alors relatif à la notion de plaisir qui ne peut recevoir aucune démonstration.
Certaines œuvres, certains genres voient ainsi leur statut se modifier dans le temps, ou d’un lieu à l’autre. Par exemple l’autobiographie entre dans le champ des études littéraires dans les années 70. Ou encore, La Princesse de Clèves a pu être considérée comme un chef-d’œuvre de la littérature précieuse, le premier grand roman psychologique, ou, selon un certain président de la République, un pavé (sic), franchement inutile et indigeste, qu’un « sadique ou un imbécile » (je cite toujours) avait mis au concours de recrutement des postiers. Je me suis laissé dire que Sharon Kendrick pourrait remplacer Madame de Lafayette dans le dit-programme…
Définitivement la notice de mon lave-vaisselle Bosch Acquasensor n’est pas un texte littéraire. Je peux l’affirmer, non parce que je me réfère à des conditions objectives que ce document ne remplit pas, mais parce qu’il est écrit en quelque sorte dans une langue morte, indifférente, qui n’instaure aucun dialogue, ne suscite en moi aucun désir, pas plus que son instance d’origine ne constitue pour moi une figure « amicale ». Tout ne se vaut pas, on ne saurait céder aux facilités du relativisme. Mais il serait impertinent de refuser à la littérature la possibilité de révéler le banal, l’insignifiant, car sa valeur ne se situe pas au niveau des objets qu’elle décrit, mais bien au niveau des pratiques, des représentations, et des discours qu’elle suscite.
Bibliographie :
Roland Barthes, Le Plaisir du texte, Seuil, 1973
Marguerite Duras, L’Amant, Minuit, 1984
Marguerite Duras, La Cuisine de Marguerite, Benoît Jacob, 2018
Annie Ernaux, La Place, 1983
Gustave Flaubert, L’Education sentimentale, 1869
Sharon Kendrick, Le Défi du Prince, Harlequin, coll. Azur (disponible gratuitement en e-book sur le site de l’éditeur)
Notice d’utilisation du lave-vaisselle Bosch Acquasensor, p. 9-10-14 : 9000438182_A.pdf (bosch-home.com)
Cancel culture sous le Haut Empire romain ? M. Platon. 1-12-23.
Cancel Culture sous le Haut Empire romain ? La chute de Séjan (Cassius Dion, HR, 58.11.1-3).
M. Platon
Podcast https://audioblog.arteradio.com/blog/215487/podcast/216751/cancel-culture-sous-le-haut-empire-romain-marie-platon-01-12-23

Détruire les images ou effacer le nom d’un dirigeant pour signifier sa déchéance ou protester publiquement contre les injustices dont on l’estime responsable, voilà le mode d’action adopté par certains militants ou activistes actuels, qu’ils se revendiquent féministes, décolonialistes ou antiracistes.

Qu’on songe en particulier au vaste mouvement de déboulonnages à travers le monde qui suivit la mort de Georges Floyd, afro-américain tué par un policier blanc en 2020. On a forgé pour désigner ce phénomène un néologisme emprunté à l’anglais : la cancel culture, ou « culture de l’annulation » en français. Néanmoins le procédé consistant à déboulonner ou mutiler les portraits des dirigeants n’a rien de nouveau en lui-même : déjà dans l’Égypte antique (au XIVe siècle avant J.-C.), des pharaons comme Akhénaton ou la reine Hatshepsout en ont fait les frais, victimes de cette volonté d’effacement. Les Romains de l’Antiquité furent les premiers à institutionnaliser cette pratique : par un vote au Sénat, une personne accusée de crime contre l’État pouvait en effet se faire « effacer », en général post mortem, et cette condamnation entraînait la destruction des statues de la personne visée ainsi que la suppression de son nom sur les monuments publics, les monnaies à son effigie et même les documents publics et privés.
Jamais, cependant, les Romains ne donnèrent de nom particulier à ladite procédure. Ce sont les savants de l’époque moderne qui forgèrent le concept encore en usage aujourd’hui : celui de damnatio memoriae (littéralement « condamnation de la mémoire »). .
Nous allons ici en étudier un exemple précis de damnatio memoriae à travers le récit du traitement infligé aux images de Séjan, le favori de l’empereur Tibère, au moment de son arrestation en 31 après J.-C.. Nous nous interrogerons sur ensuite la pertinence d’un rapprochement entre cette damnatio et les déboulonnages de statues dont l’actualité récente nous offre le spectacle récurrent.

Commençons par quelques repères historiques : l’empereur Tibère s’était retiré en 27 après J.-C. sur l’île de Capri d’où il continuait à diriger le monde romain par l’intermédiaire de son homme de confiance, le préfet du prétoire L. Aelius Séjan, devenu en quelques années le second personnage de l’empire. Bien que chevalier, ce dernier obtint les honneurs du consulat en 31, mais il fut bientôt soupçonné de comploter contre le prince. Tibère envoya alors secrètement une missive demandant aux sénateurs la destitution et l’arrestation de son rival présumé. Dans la nuit du 17 au 18 octobre 31, le favori, attiré à la Curie (lieu de réunion du Sénat) par la fausse promesse de recevoir la puissance tribunitienne, est appréhendé et conduit à la prison Mamertine, avant d’être condamné à mort et exécuté.

Le récit historique le plus complet de ces événements se trouve au livre de 58 de l’Histoire romaine de Cassius Dion, un historien-sénateur romain d’expression grecque du IIIe siècle de notre ère. Bien qu’il ait rédigé son œuvre plus de deux siècles après les faits, Dion décrit avec beaucoup de vivacité l’ambiance fiévreuse qui régnait à Rome à la nouvelle de l’arrestation de Séjan :
[58,11] (1) Ἔνθα δὴ καὶ μάλιστα ἄν τις τὴν ἀνθρωπίνην ἀσθένειαν κατεῖδεν, ὥστε μηδαμῇ μηδαμῶς φυσᾶσθαι. Ὃν γὰρ τῇ ἕῳ πάντες ὡς καὶ κρείττω σφῶν ὄντα ἐς τὸ βουλευτήριον παρέπεμψαν, τοῦτον τότε ἐς τὸ οἴκημα ὡς μηδενὸς βελτίω κατέσυρον, καὶ ὃν στεφάνων πρότερον πολλῶν ἠξίουν, τούτῳ τότε δεσμὰ περιέθεσαν· (2) ὃν δὲ ἐδορυφόρουν ὡς δεσπότην, τοῦτον ἐφρούρουν ὡς δραπέτην καὶ ἀπεκάλυπτον ἐπικαλυπτόμενον, καὶ ὃν τῷ περιπορφύρῳ ἱματίῳ ἐκεκοσμήκεσαν, ἐπὶ κόρρης ἔπαιον, ὅν τε προσεκύνουν ᾧ τε ὡς θεῷ ἔθυον, τοῦτον θανατώσοντες ἦγον. (3) Καὶ αὐτῷ καὶ ὁ δῆμος προσπίπτων πολλὰ μὲν ἐπὶ τοῖς ἀπολωλόσιν ὑπ´ αὐτοῦ ἐπεβόα, πολλὰ δὲ καὶ ἐπὶ τοῖς ἐλπισθεῖσιν ἐπέσκωπτε. Τάς τε εἰκόνας αὐτοῦ πάσας κατέβαλλον καὶ κατέκοπτον καὶ κατέσυρον ὡς καὶ αὐτὸν ἐκεῖνον αἰκιζόμενοι· καὶ οὕτω θεατὴς ὧν πείσεσθαι ἔμελλεν ἐγίγνετο.
[58,11] (1) C’est là surtout qu’on put se convaincre de la fragilité humaine, afin de ne jamais s’enorgueillir de rien. Car cet homme, que tous, à l’aube, avaient accompagné au Sénat comme leur chef, maintenant ils le traînaient au cachot comme le dernier des misérables, et lui qu’ils jugeaient auparavant digne de multiples couronnes, c’est désormais de chaînes qu’ils le ceignaient. (2) Lui qu’ils avaient escorté comme un maître, ils le surveillaient comme un esclave fugitif et le découvraient quand il se couvrait la tête, lui qu’ils avaient paré d’une toge bordée de pourpre, ils le giflaient, lui devant qui ils se prosternaient et à qui ils sacrifiaient comme à un dieu, ils le menaient au supplice. (3) Et le peuple aussi, se jetant sur lui, se répandait en reproches pour les morts qu’il avait causées, et en railleries contre les espoirs qu’il avait nourris. Ils renversaient ses images, les mettaient en pièces et les traînaient à terre, comme s’ils maltraitaient l’homme lui-même. Ainsi ce dernier devenait le spectateur des outrages qui l’attendaient.
Ce témoignage présente à nos yeux un triple intérêt : historique, stylistique et enfin politique.
Tout d’abord, si on le lit comme une chronique de la chute de Séjan, on peut tenter d’opérer des rapprochements entre les données du texte et les découvertes archéologiques. Cassius Dion commence par décrire les avanies infligées au prisonnier par la foule en colère et poursuit son récit par l’évocation de la destruction ciblée des représentations de Séjan, l’image apparaissant alors comme un substitut de la personne physique. Aucune des images de Séjan n’a été à ce jour retrouvée (preuve d’une damnatio memoriae particulièrement réussie), néanmoins un as (monnaie de bronze) provenant Augusta Bilbilis dans la province de Tarraconnaise, portant une légende partiellement arasée, atteste bien la damnatio qui affecta la mémoire posthume du préfet. Bilbilis avait innové en cherchant à surenchérir sur les honneurs rendus à Séjan partout dans l’empire, dans l’espoir de se faire remarquer de lui, à l’occasion d’un duumvirat conféré simultanément à lui et à Tibère lors de leur prise commune du consulat en 31 ap. J.-C.. Après la chute de Séjan, les notables de Bilbilis ont dû craindre une répression à leur encontre et ont donc ordonné l’arasement du nom de Séjan sur toutes les émissions monétaires. Néanmoins l’une d’elles, au moins, a échappé à ce traitement et on peut y lire la légende complète MV • AVGVSTA • BILBILIS • TI • CÆSARE • V L ÆLIO • SEIANO (« Le municipe d’Auguta Bilbilis, Tibère César (consul) pour la cinquième fois avec L. Aelius Séjan »).


Si toutes les représentations de Séjan semblent avoir disparu, le témoignage de Cassius Dion nous permet en revanche d’imaginer à quoi celles-ci pouvaient ressembler. Le texte évoque en effet trois types de destructions qui correspondent sans doute à trois types distincts de représentations, graphiques ou plastiques. D’abord, κατέκοπτον (« ils lacéraient »), renvoie certainement à la destruction des portraits peints (on connaît quelques exemples de représentations de ce genre, par exemple le tondo severiano, panneau de bois représentant l’empereur Septime Sévère et sa famille). Puis, κατέσυρον (« ils tiraient de force ») fait écho au renversement des statues de leur socle. Ces effigies honorifiques sont fréquemment en pied, qu’elles soient réalisées selon un format naturel ou plus grand que nature : ainsi Juvénal, dans sa dixième satire, décrit le démantèlement d’une statue monumentale en bronze représentant Séjan monté sur un char (vers 58-64). Enfin, le verbe κατέβαλλον (« ils jetaient à bas »), peut renvoyer à des statues ornant des niches architecturales, certainement en élévation, comme la statue de bronze érigée dans le théâtre de Pompée que Cassius Dion a mentionné plus tôt. L’absence de vestiges archéologiques confirmant ces destructions s’explique sans doute en grande partie par la réutilisation des matériaux : les sculptures en bronze ont pu être refondues, ce qu’atteste Juvénal en soulignant le dénigrement de la mémoire du damnatus par la transformation de ses portraits en objets banals (pichets, poêles à frire…). Quant aux statues de pierres mutilées et défigurées, elles pouvaient, dans les cas les plus fréquents, être retirées de l’espace public ou directement détruites. Dans d’autres cas, seule la tête des effigies était ôtée et détruite, ou bien retaillée afin de lui donner les traits d’un autre personnage. On en voit un exemple ici avec le portrait de Claude. Les portraits de Séjan ont pu connaître un sort identique.

Si la destruction de telles œuvres peut aujourd’hui nous émouvoir, on s’aperçoit cependant, en lisant de près le texte de Cassius Dion, que ce n’est pas l’iconoclastie en elle-même qui pose problème à l’historien antique : en effet, à aucun moment ce dernier ne semble prêter à ces images une quelconque valeur artistique ou patrimoniale ; pour lui comme pour la majorité des Romains, elles ne constituaient sans doute qu’un simple instrument de communication politique. En revanche, ce qui est dénoncé dans cet extrait, c’est le revirement d’attitude des adulateurs de Séjan. Et pour mieux souligner leur hypocrisie et leur inconstance, Dion déploie toutes les ressources de l’art oratoire. L’histoire, dans le monde antique, était en effet considérée comme un genre littéraire apparenté à la rhétorique, qui visait à émouvoir et instruire le lecteur, à lui fournir des modèles de conduite à imiter ou au contraire à éviter. Les nombreuses antithèses, opposant la grandeur à l’abaissement et les gestes d’adoration aux brimades, appuyées par des anaphores (« cet homme que/qui… »), soulignent ici ironiquement la versatilité des courtisans passant presque sans transition de l’adulation au lynchage avec la même ardeur passionnée et irréfléchie. L’historien délivre également une morale, comme au théâtre : l’homme, si puissant soit-il, ne doit jamais oublier la fragilité de sa position, toujours soumise aux changements d’humeur d’une Fortune et d’une opinion publique capricieuses.
Le ton sentencieux et généralisant employé ici montre que l’historien cherche moins à critiquer un individu précis qu’à dénoncer les dysfonctionnements d’un mode de gouvernement. À Rome, l’absence prolongée de Tibère a en effet donné le sentiment d’une carence du pouvoir impérial et laissé le champ libre aux ambitions de son préfet du prétoire, qui finit par outrepasser sa fonction. Au lieu de jouer leur rôle de contre-pouvoir institutionnel, les sénateurs ont entretenu les espoirs de Séjan d’accéder à l’empire par leurs flatteries outrancières, en lui votant toutes sortes d’honneurs, en lui faisant ériger des statues etc. Et le peuple a suivi leur exemple, avant de corriger brusquement ces excès d’idolâtrie par un déchaînement de violence iconoclaste. Séjan n’est donc pas le seul à blâmer, et Dion pointe ici la responsabilité collective des citoyens, des plus puissants aux plus humbles, dans ce dysfonctionnement institutionnel. Le cercle vicieux du pouvoir despotique constitue d’ailleurs un schéma récurrent dans l’Histoire romaine : les honneurs exaltent le tyran au point de causer sa chute. Mais une fois celui-ci renversé, l’on s’empresse aussitôt de reproduire la même erreur avec son successeur. On ne cesse en effet de fabriquer de nouvelles idoles, pour mieux les abattre ensuite afin de faire oublier ses propres compromissions.

Et aujourd’hui ? Les destructions sont-elles un miroir des destructions actuelles ? La mésaventure de Séjan peut faire penser à la situation de certaines personnalités qui ont joui à un moment donné d’une immense popularité mais se sont aliénés ensuite une grande partie de leurs admirateurs à la suite de prises de positions publiques controversées au point parfois de devenir indésirables dans les médias et de subir des campagnes de dénigrement. Pour ce qui est des déboulonnages de statues en revanche, les événements décrits par Cassius Dion ne sont pas exactement comparables avec la situation actuelle : les déboulonnages que l’on observe dans les pays occidentaux à l’heure actuelle ne s’inscrivent pas dans une temporalité révolutionnaire, ils n’ont pas pour finalité de faire basculer la souveraineté ou le régime politique. Ils suivent plutôt une logique réparatrice, portant l’exigence d’une reconnaissance des victimes (du racisme, de la colonisation, des traites négrières etc.).
Ensuite, cette pratique n’était pas, dans l’Antiquité, renvoyée comme aujourd’hui au « vandalisme » par ses détracteurs. Comme je l’ai dit, la dimension esthétique ou patrimoniale de l’œuvre n’était pas prise en compte, seul comptait le statut politique de son modèle : s’il s’agissait de l’empereur en exercice ou de l’un de proches influents, déshonorer une image à son effigie (statue ou même portrait monétaire) pouvait alors vous valoir une accusation de lèse-majesté et la peine de mort en cas de condamnation. Mais si au contraire il s’agit d’un personnalité tombée en disgrâce, l’image peinte ou sculptée est alors déchue de son statut d’idole, désacralisée, et l’on peut sans crainte lui faire subir toutes sortes de transformations allant jusqu’à la destruction totale.
Enfin, dans le cas des actions militantes actuelles, ces violences symboliques, ritualisées ne s’accompagnent généralement pas de violences contre les personnes physiques, n’en déplaise à leurs détracteurs. On s’en prend à des êtres de pierres et non à des êtres de chair. Dans le cas de Séjan en revanche, il s’agit d’un prélude aux outrages qu’il subira ensuite (en particulier son cadavre).
Ce qui nous amène enfin à poser la question de l’efficacité réelle de ces attaques contre des objets à valeur symbolique. Si le but poursuivi par les « iconoclastes » est d’effacer complètement de l’Histoire les personnages ciblés, force est de constater que c’est un échec : on connaît malgré tout le nom de Séjan, même si l’on ne connaît plus son visage. Et les déboulonnages actuels ne suffiront pas à faire oublier les noms de Colbert, Christophe Colomb, du général sudiste Lee etc. Croire qu’une telle action a le pouvoir d’effacer le passé ou de le réécrire serait naïf, et cela reviendrait d’ailleurs à confondre politique mémorielle et écriture de l’histoire. Quel est donc le bénéfice véritable de ces destructions ? Il tient surtout à leur effet cathartique, libérateur, que Pline le Jeune évoquait déjà en ces termes au début du IIe siècle de notre ère : « personne ne fut assez maître de ses transports pour ne pas goûter une sorte de vengeance à contempler ces corps mutilés, ces membres mis en pièces, à voir ces portraits menaçants et horribles jetés dans les flammes et réduits en fusion ». La frénésie destructrice des sénateurs était alors à la mesure de la tyrannie de Domitien qu’ils dénonçaient. Elle témoigne aussi d’une volonté d’expiation du passé et de purification, régénération pour l’avenir.
Finalement, le texte de Cassius Dion, qui pose la question de la responsabilité collective des sénateurs et du peuple, c’est-à-dire du corps civique dans son ensemble, dans ce qui apparaît comme une scène de chaos, nous conduit à nous poser la question suivante, toujours d’actualité : Que cherche-t-on véritablement à détruire lorsque l’on déboulonne une statue ou lorsque l’on dégrade un portrait : est-ce uniquement la personne qui lui a servi modèle, sont-ce les valeurs que cette personne est supposée représenter (et qui sont celles que la classe dominante a cherché à imposer à l’ensemble de la société à une époque donnée) ? ou bien n’est-ce plutôt le souvenir de ses propres errements passés, de ses compromissions avec le « système » ? Comment ne pas voir, dans l’acharnement de certains militants contre des symboles supposés de l’oppression, l’expression d’une forme de honte ou de culpabilité, celle de s’être aveuglé, d’avoir accordé son admiration à la mauvaise personne, ou de n’être pas intervenu plus tôt pour dénoncer ces injustices ?
Schopenhauer : la musique ou la métaphysique sans y penser. E. Lacoue-Labarthe. 14-11-23.
[Pour les diapositives voir le PDF ci-joint :
Introduction
En assistant l’année dernière à la très belle conférence de Pauline Borrel sur Schubert, le désir m’est venu d’exposer, dans le cadre des Midi-Conférences, la conception de la musique qu’a proposée Arthur Schopenhauer[1] (diapo 2), dont on dit qu’il jouait de la flûte quotidiennement et qu’il aimait tout particulièrement Mozart et Rossini[2].
Sa thèse peut être résumée de la façon suivante : de tous les arts, la musique est le plus précieux parce que le plus métaphysique : loin de n’être, comme le pensait Leibniz, qu’une simple « pratique occulte de l’arithmétique dans laquelle l’esprit ignore qu’il compte »[3], elle est, bien plus que tous les autres arts, (diapo 3) « un exercice de métaphysique inconscient, dans lequel l’esprit ne sait pas qu’il fait de la philosophie » (p. 338).
Comment Schopenhauer en est-il arrivé à cette idée d’une portée éminemment métaphysique de la musique ? C’est ce que je propose de vous expliquer aujourd’hui.
1. La représentation artistique du monde et le plaisir esthétique
Comme l’indique le titre de son ouvrage, Le monde comme volonté et comme représentation, l’idée initiale de Schopenhauer est qu’il existe un écart entre le monde tel qu’il est en lui-même et la représentation que nous en avons :
1) En son essence propre, indépendamment des sujets que nous sommes et de nos représentations, le monde est, selon lui, volonté : de même, en effet, que la volonté nous apparaît comme notre propre essence intime, nous qui ne cessons de faire effort pour persévérer dans notre être, de même, elle est, selon Schopenhauer, l’essence intime de la nature entière, qui se manifeste tantôt comme force naturelle aveugle, comme gravité (« aucune matière n’est absolument dépourvue de volonté »[4], écrit-il : p. 330), tantôt comme croissance végétale ou mouvement animal, tantôt encore comme conduite raisonnée. Le monde tel qu’il est en lui-même ou, pour parler comme Kant, le monde comme chose en soi, c’est donc, pour Schopenhauer, le monde comme volonté.
2) Mais ce n’est pas du tout ainsi qu’il nous apparaît : à notre intelligence, gouvernée par le principe de causalité, et à notre sensibilité, structurée par les formes de l’espace et du temps, le monde apparaît comme nature, c’est-à-dire comme un tout spatio-temporel gouverné par des lois et des relations de causalité.
Il y a donc un abîme entre le monde tel qu’il est en lui-même et le monde tel qu’il nous apparaît, entre le monde comme volonté et le monde comme représentation, ou, pour parler encore comme Kant, entre le monde comme chose en soi et le monde comme simple phénomène, objet de notre expérience et de l’exploration scientifique.
Pourtant, il existe une autre forme de représentation du monde que la représentation courante ou scientifique : c’est la représentation artistique. L’art, en effet, ne représente pas, comme la science ou l’entendement commun, les relations d’espace, de temps ou de causalité qui existent entre les choses : il représente ou tente de représenter, non certes la chose en soi, puisque celle-ci se situe par définition par-delà toute représentation, mais l’Idée ou l’idéalité de chaque chose au sens platonicien du terme, c’est-à-dire la forme essentielle de chaque chose : celle, par exemple, (diapo 4) des tournesols ou des souliers de paysans chez van Gogh.
La représentation artistique est donc une représentation des Idées platoniciennes, c’est-à-dire une représentation des choses en leur idéalité ou forme essentielle. Forme essentielle qui, se situant au-delà des catégories de la connaissance rationnelle (l’espace, le temps, la causalité) et relevant ainsi nécessairement de l’intuition contemplative et non du raisonnement discursif, ne peut être pleinement saisie et exprimée que par l’art.
3) L’art est ainsi pour Schopenhauer un véritable mode de connaissance qui permet d’accéder aux Idées par la contemplation du monde et dont les œuvres (les œuvres d’art) permettent la communication (diapo 5) :
« L’art reproduit les Idées éternelles qu’il a conçues par le moyen de la contemplation pure, c’est-à-dire l’essentiel et le permanent de tous les phénomènes du monde […]. Son origine unique est la connaissance des Idées ; son but unique, la communication de cette connaissance. » (p. 239).
Et ce mode de connaissance est la source d’un plaisir très vif, puisqu’il nous permet d’accéder auroyaume de ce qui, échappant « au tourbillon du temps et des autres relations » (§ 38, p. 253), estvéritablement : c’est, pour parler comme Spinoza, le plaisir de voir les choses « sub specie æternitatis »[5], sous l’aspect de l’éternité.
2. Le système des arts
Ainsi, après avoir défini la représentation artistique et caractérisé le plaisir qu’elle procure, Schopenhauer se penche sur la diversité des arts, qu’il propose de penser et d’ordonner par référence à la diversité et à l’ordre naturel des choses et des Idées qui leur correspondent :
(i) Pour Schopenhauer, en effet, il y a d’abord, au sein de la nature, une échelle graduelle des êtres qui va des plus inertes et grossiers aux plus vivants, conscients et subtils. Cette échelle des êtres se déploie non seulement selon les quatre grands règnes naturels – minéral, végétal, animal et humain –, mais encore à l’intérieur même de chacun de ces règnes : à l’intérieur du règne humain, par exemple, il y a une gradation qui va de l’action la plus grossière au sentiment le plus pur ou à l’action la plus noble.
(ii) À cette première échelle des êtres correspond nécessairement l’échelle des Idées de chacun de ces êtres ou de chacun de ces niveaux de réalité : cette échelle va, par exemple, des Idées de pesanteur, de cohésion, de croissance ou de floraison aux Idées de vertu, d’héroïsme ou de sagesse.
(iii) Enfin, parce que l’art doit être « le miroir fidèle de la vie, de l’humanité et de la réalité » (§ 51), à ces deux échelles, des êtres et des Idées, correspond une échelle des arts eux-mêmes, chaque art étant à la fois spécifiquement capable et, dès lors, en quelque sorte spécifiquement chargé de représenter un ou plusieurs niveaux ou aspects spécifiques de la réalité (diapo 6) :
(i) Les arts qui représentent les degrés « inférieurs » de la réalité (c’est-à-dire la matière inerte et la vie végétale) sont : l’« architecture artistique », l’hydraulique artistique (jeux d’eaux & fontaines), l’art des jardins, la peinture de paysage ou encore la poésie descriptive. Leur mission propre est de faciliter l’intuition claire de quelques-unes des Idées qui constituent les degrés « inférieurs » de la réalité : pesanteur, cohésion, foisonnement, floraison, fluidité, jaillissement, etc.
(ii) Les arts qui représentent les degrés « supérieurs » de la volonté (c’est-à-dire la vie animale et, surtout, humaine), sont : les arts plastiques (sculpture et « peinture d’histoire », centrée sur l’homme et ses actions) et les diverses formes non descriptives de la poésie : poésie lyrique, narrative, épique, dramatique et tragique. Leur mission propre est, évidemment, de permettre l’intuition des Idées qui correspondent aux degrés « supérieurs » de la réalité : noblesse, angoisse, résolution, amour, sacrifice, etc.
Tout art a donc, pour Schopenhauer, une fonction qu’on peut dire métaphysique puisqu’il s’agit toujours de donner accès au monde en son essence. Mais qu’en est-il de la musique ? Pourquoi Schopenhauer la met-il à part ?
3. Le statut spécifique de la musique
Pour justifier l’éminente dignité qu’il lui accorde, Schopenhauer part du constat suivant : de tous les arts, la musique est celui qui s’adresse à nous de la façon la plus immédiate, la plus puissante, voire bouleversante, et la plus intime : il suffit d’écouter le moindre morceau de musique pour être immédiatement plongé ou transporté dans son climat affectif. Il cherche donc à expliquer ce fait et il propose l’explication suivante, dont il reconnaît lui-même bien volontiers que sa vérité est impossible à prouver (p. 328), mais qui n’en constitue pas moins, je trouve, une très belle tentative pour rendre compte de ce pouvoir spécifique de la musique.
Selon lui, la musique ne proposerait pas, comme les autres arts, une simple représentation des Idées, qui sont elles-mêmes des représentations du monde en son essence, du monde comme volonté : elle ne serait donc pas la représentation d’une représentation (la représentation d’une Idée), mais proposerait,comme les Idées elles-mêmes, une représentation ou manifestation immédiate et adéquate de la volonté sous ses différentes formes, c’est-à-dire de l’essence intime du monde et de la vie. Il y aurait donc (diapo 7) un « rapport » particulièrement « étroit entre la musique et l’être vrai des choses » (p. 335), qui expliquerait son extraordinaire puissance émotionnelle.
Cette hypothèse implique deux choses distinctes qu’il va nous falloir essayer d’expliquer :
(i) Elle implique, d’abord, que contrairement aux autres arts, la musique se situerait au même niveau ontologique que les Idées : il semble y avoir, écrit Schopenhauer, « un parallélisme, une analogie entre la musique et les Idées » (p. 329). La musique, écrit-il (diapo 8) :
« n’est […] pas, comme les autres arts, une reproduction des Idées, mais une reproduction de la volonté au même titre que les Idées elles-mêmes. C’est pourquoi l’influence de la musique est plus puissante et plus pénétrante que celle des autres arts : ceux-ci n’expriment que l’ombre, tandis qu’elle parle de l’être. » (§ 52, p. 329)
(ii) Mais cette hypothèse implique sans doute également, non certes que le monde serait lui-même intrinsèquement musical, mais qu’il existerait tout de même un profond « point commun du monde et de la musique » (p. 328) ou une profonde analogie, une proximité ou une affinité particulièrement étroite entre le monde et la musique, puisqu’elle seule semble être en mesure d’en exprimer vraiment toute l’essence intime. En d’autres termes, Schopenhauer ne se contente pas de mettre la musique au même niveau ontologique que les Idées : (diapo 9) il va jusqu’à la mettre au même niveau ontologique que la volonté elle-même, c’est-à-dire que l’essence du monde :
« La musique […] exprime ce qu’il y a de métaphysique dans le monde physique, la chose en soi de chaque phénomène. En conséquence, le monde pourrait être appelé une incarnation de la musique tout aussi bien qu’une incarnation de la volonté. » Le Monde…, III, § 52, p. 335-6
Il nous faut donc tenter d’expliquer ces deux points (diapo 10), c’est-à-dire à la fois (i) l’étroite parenté de la musique avec les Idées platoniciennes et (ii) son étroite proximité avec la volonté, avec l’essence du monde, c’est-à-dire la dimension quasi musicale du monde lui-même :
(i) Pour ce qui est de la parenté de la musique avec les Idées, elle vient, selon Schopenhauer, du fait que la musique est l’art le plus indépendant du monde phénoménal, c’est-à-dire du monde tel qu’il nous apparaît, et qu’elle est, par conséquent, l’art le plus propre à en exprimer l’essence invisible (diapo 11) :
« La musique […] est complètement indépendante du monde phénoménal ; elle l’ignore absolument, et pourrait en quelque sorte continuer à exister alors même que l’univers n’existerait pas ; on ne peut en dire autant des autres arts. » (p. 329)
Cette indépendance de la musique par rapport au monde phénoménal correspond concrètement à deux choses :
D’une part, contrairement aux autres arts, la musique « n’existe que dans le temps, sans le moindre rapport avec l’espace », ce qui la place, dans la hiérarchie des arts, à l’extrémité opposée à l’architecture qui, elle, « n’existe que dans l’espace, sans aucun rapport avec le temps ». Quant à la sculpture, la peinture et la poésie (diapo 12), elles relèvent, elles, à la fois de l’espace et du temps, et non seulement de l’un ou de l’autre, comme l’architecture et la musique : en effet, la sculpture et la peinture « représentent la vie, le mouvement, l’action » et relèvent donc du temps et non seulement de l’espace, comme on pourrait être tenté de le croire au premier abord ; et la poésie, qui pourrait, elle, sembler purement temporelle, a pour matière « tout ce qui existe » et relève donc aussi de l’espace et non seulement du temps[6]. La musique est donc bien le seul art qui soit affranchi de l’ordre extérieur de l’espace et c’est cet affranchissement qui lui permet de nous offrir, « une traduction plus intime de l’être que les autres arts ». C’est lui qui permet de comprendre « pourquoi la musique peut seule manifester, sous forme esthétique, l’intuition du vouloir dans sa plénitude »[7], car le vouloir, la volonté, relève de l’intériorité et du temps bien plus que de l’espace et de l’extériorité.
D’autre part, la musique, parce qu’elle n’est faite que de sons et de rythmes, est le moins imitatif des arts : il existe bien sûr quelques œuvres musicales imitatives (Les Saisons de Haydn, les Jeux d’eau de Liszt ou de Ravel, la Pastorale de Beethoven, par exemple), mais la plupart des sonates, quatuors ou symphonies n’imitent rien et on peut dire que la musique est plus naturellement abstraite que les autres arts qui, de leur côté, ont tendance à devenir musicaux lorsqu’ils deviennent abstraits : il est en effet très frappant de constater que les peintres abstraits ont fréquemment donné des titres musicaux à certaines de leurs toiles, comme dans les exemples suivants : le Concert de Vassily Kandinsky, le Quatuor de Joan Mitchell, la Polyphonie de Paul Klee ou encore la Sonate de Mark Tobey (diapos 13 à 16). La musique se situe donc plus spontanément que les autres arts au-delà de l’apparence sensible du monde, du côté de son essence, et c’est la raison pour laquelle Schopenhauer marque une nette préférence pour les œuvres et formes musicales les moins imitatives, les plus pures[8].
(ii) Quant à l’étroite analogie (diapo 17) qui relie la musique à la volonté, à l’essence du monde, et, réciproquement, la volonté à la musique – analogie qui est le 2e élément qui permet d’expliquer le pouvoir singulier de la musique –, elle réside sans doute dans le fait que, un peu comme la musique, la volonté est essentiellement un mélange de mouvement et d’intensité. Il existerait donc un très étroit parallélisme entre la musique et la volonté, que Schopenhauer s’est efforcé d’explorer de façon systématique et dont voici, par exemple, l’un des aspects (diapo 18) :
« La mélodie exprime tous les mouvements de la volonté telle qu’elle se manifeste dans la conscience humaine, c’est-à-dire tous les affects, sentiments, etc., tandis que l’harmonie, au contraire, indique la graduation de l’objectivation de la volonté dans le reste de la nature. » Fragments sur l’histoire de la philosophie, II, in Parerga et paralipomena, p. 816
Mais ce parallélisme entre la musique et la volonté n’est pas pour autant une identité car, contrairement à la volonté, la musique n’existe que pour notre sensibilité et notre intelligence capables de la percevoir comme telle car, objectivement, elle n’est évidemment qu’une somme de sons et de rapports numériques. La musique est donc « une seconde réalité, qui marche tout à fait parallèlement avec la première, tout en étant d’une nature et d’un caractère fort différents » ; elle a « une complète analogie » avec le monde en son essence, « mais aucune similitude »[9]. Elle n’est donc pas l’essence même du monde, mais elle est ce qui exprime le mieux cette essence, de telle sorte que, pour accéder pleinement au monde, il faut sans doute être à son écoute, plutôt que de se contenter de le regarder[10].
Conclusion
La musique est donc bien, pour Schopenhauer, « un exercice de métaphysique inconscient, dans lequel l’esprit ne sait pas qu’il fait de la philosophie » (p. 338). Or cette thèse implique, de l’aveu même de Schopenhauer, que la « vraie philosophie » ne consiste finalement qu’à énoncer et développer en concepts ce que la musique exprime, elle, plus immédiatement et plus adéquatement (diapo 19) :
« Si donc nous énoncions et développions en concepts ce [que la musique] exprime à sa façon, nous aurions par le fait même l’explication raisonnée et l’exposition fidèle du monde exprimée en concepts, ou du moins quelque chose d’équivalent. Là serait la vraie philosophie. » (§ 52, p. 338)
[1] J’avais aussi en tête la célèbre phrase de Nietzsche dans sa Lettre du 15 janvier 1888 à Heinrich Köselitz/Peter Gast : « Das Leben ohne Musik ist einfach ein Irrtum, eine Strapaze, ein Exil »: la vie sans musique n’est qu’une erreur, une épreuve, un exil. Cf. aussi la lettre du 27 mars 1888 à Georg Brandes : « Ohne Musik, wäre mir das Leben ein Irrtum » : sans musique la vie serait pour moi une erreur.
[2] Cf. David E. Cartwright, Schopenhauer : A Biography, p. 30 & 533, et Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, § 186.
[3] Lettre à Christian Goldbach du 17 avril 1712. Cf. aussi le texte suivant : « J’ai montré ailleurs que la perception confuse de l’agrément ou des agréments qui se trouvent dans les consonances ou dissonances consiste dans une arithmétique occulte. L’âme compte les battements du corps sonnant qui est en vibration, et quand ces battements se rencontrent régulièrement à des intervalles courts, elle y trouve du plaisir. Ainsi, elle fait des comptes sans le savoir. » Extrait du dictionnaire de Monsieur Bayle, article « Rorarius », dans Die philosophischen Schriften von G.W. Leibniz, édité par Carl J. Gerhardt (1875-1890), Hildesheim, Olms, 1965, vol. IV, p. 550. Cf. Patrice Bailhache, Leibniz et la théorie de la musique, p. 40 & 151.
[4] On retrouve, de manière inattendue, une idée proche dans ce passage de Francis Ponge : « Le sens de mon œuvre […] est d’ôter à la matière son caractère inerte : de lui reconnaître sa qualité de vie particulière, son activité, son côté affirmatif, sa volonté d’être, son étrangeté foncière (qui en fait la providence de l’esprit), sa sauvagerie, ses dangers, ses risques. » Le Verre d’eau, in Le Grand Recueil, II. Méthodes
[5] Cf. Éthique, V, pr. 31, sch., cité par Schopenhauer § 34, p. 231-2.
[6] Cf. XXXIX, p. 1195
[7] « Si la musique nous offre une traduction plus intime de l’être que les autres arts, c’est qu’elle reste étrangère au monde de l’espace. L’analyse de la notion de temps […] nous explique maintenant pourquoi la musique peut seule manifester, sous forme esthétique, l’intuition du vouloir dans sa plénitude. L’acte miraculeux qui nous révèle et l’essence de l’être et notre identité foncière avec le monde se produisant dans le temps, non dans l’espace, un signe spatial lui reste toujours inadéquat. De cette servitude la musique est affranchie. » André Fauconnet, L’esthétique de Schopenhauer, p. 340-341
[8] « [La musique] se meut librement dans le concerto, dans la sonate, et avant tout dans la symphonie, qui est sa plus belle arène, celle sur laquelle elle célèbre ses saturnales. » Métaphysique du beau et esthétique, in Parerga et paralipomena, p. 654. D’où le commentaire d’André Fauconnet : « [La musique] est d’autant plus belle qu’elle est plus libre, plus sincère et plus pure. Plus elle est elle-même, plus elle vaut. Ainsi s’explique cette table des valeurs, aux termes de laquelle le concerto et la sonate sont déclarés très supérieurs aux danses, aux lieder chantés, et la musique religieuse, où le texte importe si peu, est mise très au-dessus de l’opéra, où le texte importe tant ; enfin, voilà pourquoi c’est dans la symphonie que la musique libérée, affranchie, rendue à soi « fête ses saturnales ». » L’esthétique de Schopenhauer, p. 355
[9] Cf. Fragments sur l’histoire de la philosophie, II, in Parerga et paralipomena, p. 816-7
[10] C’est pourquoi un poète comme Gustave Roud (1897-1976) n’hésite pas à souligner « la parenté profonde [du] pouvoir des paysages avec les puissances de la musique » : « Qui songerait à nier l’irrésistible puissance d’asservissement d’un vaste paysage composé, sur notre regard tout d’abord et, peu à peu, sur tout notre être ? Il nous emprisonne lentement comme une symphonie. Le ciel vide, ou devenu pâture des nuages, la terre jusqu’à l’horizon dans sa figure naïve encore ou retouchée de la main des hommes, proposent à notre vue leurs grands thèmes, non point liés à quelque déroulement temporel, mais énoncés tous ensemble dans l’espace, où ils installent pour toujours le paradoxe d’un immuable contrepoint simultané. C’est notre œil qui se meut au long de ces phrases immobiles, pris dans ce réseau de courbes mélodieuses, ce filet magique, ce piège sans rémission que chaque saison, chaque jour, chaque heure presque charge, comme autant d’appâts nouveaux, de nouvelles harmonies. » Gustave Roud, Air de la solitude (1945), « Pouvoirs d’une prairie », Œuvres complètes, I, p. 844-5
LIVRET 1ère année à télécharger
Veuillez trouver ci-dessous les conseils bibliographiques et les consignes de travail estival pour chacune des trois classes de Lettres supérieures (1ère année) LSH.
LSHA
LSHB
LSHC
Anglais Tronc Commun : Bibliographie 2025-2026
Khâgnes
Anglais Tronc Commun
Mme André
M. Petit
Mme Soler
Anglais LVA (1ère année) BL/LSS : bibliographie 2024
Sébastien Petit
Anglais LVA (1ère année) BL/LSS : bibliographie 2024
Conseils de lecture, travail pour l’été et ouvrages à vous procurer
Le cours d’anglais LVA en Hypokhâgne BL est un cours de civilisation des États-Unis et de la Grande-Bretagne (histoire, société, politique, économie, etc). Les épreuves préparées pour les concours écrits sont les suivantes:
• ENS Paris et Lyon: un commentaire portant sur plusieurs documents de civilisation relatifs aux États-Unis et à la Grande-Bretagne (durée six heures) ;
• ENS Paris-Saclay: traduction en français d’un article de presse, suivie d’un essai (durée totale trois heures).
Pour l’oral les épreuves consistent en :
• ENS Paris: un commentaire de texte historique (préparation 1h30 et passage 30 minutes);
• ENS Lyon: une analyse (synthèse + commentaire) d’un article de presse (préparation une heure et passage 30 minutes) ;
• ENS Paris-Saclay: une analyse de document audio (préparation 45 minutes en laboratoire de langue et passage 30 minutes).
Il s’agit d’exercices qui vous sont pour l’heure étrangers, et qui vont nécessiter de votre part un travail d’apprentissage important, quel que soit le niveau d’anglais avec lequel vous arrivez en hypokhâgne.
Pour vous familiariser avec les thèmes qui seront abordés au cours de l’année, il est fortement recommandé de lire la presse de qualité de langue anglaise et de commencer un carnet de vocabulaire : soit les hebdomadaires (The Economist, The Spectator, The Nation, …) ; soit un quotidien (The Guardian, The Independent, The New York Times, Financial Times, Wall Street Journal …) en version papier ou en ligne.
Vous pouvez également vous familiariser avec la langue :
• en lisant de la littérature : il existe de nombreuses éditions bilingues en poche (chez Pocket et Folio notamment) ;
• en allant sur le site de la BBC qui propose de nombreuses activités (BBC World ; BBC Learning English) et, côté états-unien, sur le site du réseau public NPR (npr.org) ;
• en regardant, en VO, des séries et des films. Pour les Toulousains, pensez à utiliser les ressources de la médiathèque José Cabanis.
• en écoutant de l’anglais régulièrement avec votre smartphone ou tablette (podcasts ou streaming avec des applications dédiées aux podcasts. Il vous est vivement recommandé d’écouter chaque semaine les podcasts tels que « The Guardian Audio Long Read » ; « The Guardian – Politics weekly » ; « The Daily » du New York Times et de tenter d’identifier les biais idéologiques très marqués, propres à chaque source.
Pendant les vacances, vous devez constituer un dossier de presse à rendre. Ce dossier devra :
• porter sur un thème d’actualité (évitez les faits divers, mais l’originalité n’est pas à proscrire) que vous choisirez dans la sphère anglophone des États-Unis, du Royaume-Uni ou éventuellement du Commonwealth.
Les grands thèmes de la rentrée seront encore la crise migratoire aux USA et Royaume-Uni; les conséquences du Brexit (Windsor Framework); l’éléction présidentielle américaine encore un peu lointaine mais dont on parle déjà; la mise en accusation de Trume etc. Il serait dommage de frôler l’indigestion si 40 dossiers se concentrent sur les mêmes sujets: who dares wins (mais les sujets trop éloignés du monde anglophone seront pénalisés).
• reposer sur 4 articles en anglais de sources différentes; sources que vous devrez indiquer clairement, pour me permettre de retrouver les articles (si vous choisissez des articles au format papier, vous devrez les apporter en septembre).
Brassez des articles factuels avec des articles exprimant des points de vue plus orientés, piochés dans les rubriques « comment » ou « opinion » des différents journaux. L’écueil principal serait ici de prendre 4 articles exprimant la même chose ou le même point de vue.
Attention, depuis 2016, la presse s’est fortement polarisée politiquement, voire hystérisée en ce qui concerne la presse américaine. A vous d’avoir une lecture critique de tout ce que vous lisez. Il n’y a plus/pas de point de vue neutre dans la presse, et la nature même des faits est contestée aujourd’hui et mise au même niveau que des opinions, ou un ressenti (lived experience).
Méfiez-vous donc de ces polarisations idéologiques souvent simplistes et parfois entretenues pour générer plus d’engagement et/ou de revenu du lectorat, y compris dans la presse dite de qualité. Un recul critique sera attendu et valorisé.
• être rédigé en anglais de bonne qualité. Spell-checking is your friend. #firstimpressionsmattertoo
Il comportera :
Première partie (une copie double maximum)
1) Une synthèse de chaque article (une demi-page maximum par article) en le reformulant.
2) Un paragraphe (une page maximum) pour montrer les enjeux, l’évolution, ou le traitement subjectif du sujet choisi.
3) Une justification de votre choix de ce thème (une demi-page maximum).
Deuxième partie (une page)
4) Proposez un travail de recherche de vocabulaire à partir des articles choisis ; les classer par thème, relever les mots inconnus, ou chercher des synonymes, par exemple.
Ce dossier sera relevé la première semaine et sera la base de la première interrogation orale de l’année (Khôlle).
Vous devez vous procurer l’ouvrage suivant que nous utiliserons en cours chaque semaine:
Sylvie Persec et Jean-Claude Burgué, Grammaire Raisonnée 2, Ophrys (édition 2020 de préférence): Travaillez les points de grammaire qui vous posent problème, et révisez les chapitres 1, 2, 3, 4 et les verbes irréguliers (liste à la fin de l’ouvrage) – il y aura un test dès la semaine qui suivra la rentrée sur ces chapitres et les verbes irréguliers.
Enfin, tirez profit de vos vacances pour partir à la découverte de la civilisation britannique et américaine avec :
• les manuels de civilisation parus chez Hachette Supérieur (édition numérique ou papier – attention les éditions numériques ne sont pas toujours à jour par rapport à leurs équivalent papier):
•
o Marie-Christine Pauwels, Civilisation des États-Unis (8è édition 2021) numérique / papier
o Peter John et Pierre Lurbe, Civilisation britannique (10è édition 2021) papier
o Pierre Lagayette, Les grandes dates de l’histoire américaine numérique / papier (7è édition 2021) ACHAT OBLIGATOIRE
o Antoine Mioche, Les grandes dates de l’histoire britannique numérique / papier (4è édition 2022) ACHAT OBLIGATOIRE
• des manuels généralistes:
•
o Françoise Grellet, Crossing Boundaries, Presses Universitaires de Rennes papier Achat conseillé
o Sarah Pickard – Civilisation Britannique / British Civilisation (ouvrage bilingue) 2022-2023 papier ACHAT OBLIGATOIRE (excellent – you’ll thank me for the rest of your lives for this purchase…) – remis à jour chaque année.
• Pour aller plus loin:
o John Oakland – British Civilization, an introduction, Routledge (9è édition 2019) papier / numérique
o David Mauk et John Oakland – American Civilization, an introduction, Routledge (8è édition 2021) papier / numérique
o La civilisation américaine , Quadrige – PUF ou Les américains (André Kaspi), Seuil. Tome 1 papier / numérique. Tome 2 papier / numérique
Tous ces livres sont disponibles dans les bibliothèques universitaires de Toulouse (Arsenal et Jean-Jaurès en particulier) en plusieurs exemplaires, avec un exemplaire de réserve, exclu du prêt. Ces bibliothèques pratiquent les prêts d’été…
Je me réjouis de vous retrouver tous à la rentrée et bon été,
Sébastien Petit
E-mail à utiliser en cas d’urgence : sebastien.petit (@) ac-toulouse.fr
Plateforme Moodle (LMS) utilisée à la rentrée:
https://nopainenogain.fr
Espagnol (2ème année) LVA cours commun et Spécialité : bibliographie 2024
2ème année
ESPAGNOL LVA (Cours commun) 2022-2023
Belinda Corbacho
Contact : BCorbacho@ac-toulouse.fr
COMMENTAIRE ET TRADUCTION
L’épreuve d’espagnol LVA est une épreuve littéraire très exigeante dont l’objectif est une approche méthodique des grands textes de la littérature en langue espagnole au travers de commentaires argumentés et de traductions.
Elle mobilise diverses connaissances et aptitudes :
Des connaissances littéraires et culturelles :
-Compréhension fine du discours littéraire et étude de sa mise en œuvre (conventions d’écriture, rhétorique du texte, diversités linguistiques, sociales ou régionales…).
-Connaissance des contextes culturels et historiques des œuvres
-Méthodologie de la traduction.
Des compétences linguistiques :
– Renforcement de l’appropriation de la langue (grammaticalité, idiotismes, richesse lexicale)
– Argumentation structurée en langue étrangère
-Une parfaite maîtrise du français (langue cible de la version)
Les trois heures hebdomadaires de cours dont nous disposons, en regard des six heures qui constituent le temps de l’épreuve le jour du concours, ne pourront être qu’un moment, certes privilégié, à l’intérieur d’un travail personnel régulier et soutenu.
Pour vous préparer au mieux à la rentrée de khâgne, je vous demande tout particulièrement de :
Revoir tous les faits de langue (morphologie verbale, syntaxe, lexique) vus en Hypokhâgne lors des devoirs de version, thème grammatical et thème littéraire.
– Revoir les éléments du cours de littérature d’Hypokhâgne qui concernent le XIX et le XX siècle.
– Consulter quelques chapitres relatifs à la littérature espagnole et hispano-américaine du XIX et du XX siècle dans un manuel de littérature afin de mieux vous constituer des repères dans l’histoire littéraire.
(Exemples de manuel utilisable : Monica Dorange : Manuel de littérature espagnole (Hachette)
– La lecture en espagnol de quelques œuvres est également conseillée pour avoir des textes une approche de première main, qui ne se limite pas à des connaissances littéraires générales.
Lire de la bonne littérature en français CAR la version est avant tout un exercice où seront évaluées non seulement votre compréhension de l’espagnol mais aussi la correction et précision de la langue française.
Les usuels indispensables :
Attention ! Pour l’épreuve un seul dictionnaire unilingue est autorisé :
– CLAVE, Diccionario de uso del español actual. Madrid, Ediciones SM, 2006, 2048 p., ISBN : 84-675-0921-X
Ce dictionnaire est donc obligatoire !
Vous pouvez également consulter pour vos traductions le Diccionario de la Real Academia Española (www.rae.es) ainsi que le très complet Diccionario del uso del español, de Maria Moliner.
Une grammaire d’espagnol vous sera précieuse pour l’analyse des textes avant leur traduction:
– Pierre Gerboin, Christine Leroy, Grammaire d’usage de l’espagnol contemporain, Hachette supérieur (plusieurs rééditions)
– Grammaire de l’espagnol moderne, de Jean-Marc BEDEL, PUF, 2010 (une des plus complètes)
– J. BOUZET, Grammaire espagnole, Belin, Paris. C’est la plus « commode », mais aussi la plus « limitée ».
Ayez aussi à votre disposition pour traduire :
– Un dictionnaire bilingue (Le Larousse convient parfaitement ou le Denis-Maraval-Pompidou chez Hachette)
– Une grammaire française (Le Bon usage de Grevisse, par exemple) / Riegel, Pellat, Rioul, Grammaire méthodique du français, Quadrige, 2001
– Le Bescherelle des conjugaisons.
– Un dictionnaire des synonymes (Henri Bertaud du Chazaud, ed. Quarto, chez Gallimard, un des plus complets)
Voici quelques autres idées de lectures utiles et agréables :
Littérature espagnole
Romans :
Josefina Aldecoa, Historia de una maestra, 1990
Javier Cercas, Soldados de Salamina, 2001
Alfons Cervera, Maquis, 1997
Carmen Laforet, Nada, 1944
Julio Llamazares, Luna de lobos, 1985
Carmen Martín Gaite, El Balneario, 1955
Alberto Méndez, Los girasoles ciegos, 2004
Antonio Munoz Molina, El invierno en Lisboa, 1987
J. Ramón Sender, Réquiem por un campesino español, 1950
Théâtre :
Federico García Lorca, La casa de Bernarda Alba, 1945
Antonio Buero Vallejo, Historia de una escalera, 1949
Littérature hispano-américaine :
Pérou :
Julio Ramón Ribeyro, Silvio en el Rosedal, (Cuentos), 1977
Mario Vargas Llosa, Los cachorros, 1967 (Nouvelle)
Cuba :
Alejo Carpentier, Guerra del tiempo, 1958
Leonardo Padura Fuentes, Pasado perfecto, 1991 (Roman noir)
Argentine :
Jorge Luis Borges, Ficciones, 1944 (Récits fantastiques)
Julio Cortázar, Alguién que anda por ahí, 1974 (Récits fantastiques)
Silvina Ocampo, La furia, 1959 (Cuentos)
Ernesto Sábato, El Túnel, 1948 (Novela corta)
Juan José Saer, El entenado, 1983
Chili :
Luis Sepúlveda, Un viejo que leia novelas de amor, 1992 (Roman)
Antonio Skármeta, Un ardiente paciencia, 1985 (Roman)
Colombie :
Gabriel García Márquez, El coronel no tiene quien le escriba, 1962 ; Crónica de una muerte anunciada, 1982
Guatemala :
Augusto Monterroso, La oveja negra y otros relatos, (1998)
Mexique :
Juan Rulfo, Pedro Páramo, 1953
Ángeles Mastretta, Arráncame la vida, 1985
Carlos Fuentes, La frontera de cristal (1995)
Uruguay :
Eduardo Galeano, El libro de los abrazos, 1989
Bonnes lectures !
Ludovic D’Agostin
Spécialité Espagnol
2ème année
Contact : ludovic.dagostin@ac-toulouse.fr
ENSEIGNEMENT DE SPECIALITE
THEME ET LITTERATURE CIVILISATION ET PRESSE
1. EPREUVE ECRITE DE THEME
Il s’agit de l’épreuve de spécialité (appelée aussi option). Elle suppose un travail approfondi qui a été entrepris en première année. Il faut poursuivre nos efforts et même les redoubler pour préparer au mieux cette épreuve en gagnant en efficacité. (Coefficient 2).
La finalité consiste à permettre de faire le point sur les compétences linguistiques des candidats dans l’une et l’autre langue, « linguistique » étant entendu dans son sens le plus large : depuis la simple exactitude lexicale jusqu’à l’appréhension socio-linguistique et stylistique du texte-source, en passant naturellement par l’indispensable maîtrise de la morphosyntaxe de la langue castillane.
L’épreuve de thème est le reflet d’une longue et complexe préparation, à laquelle concourt tout ce qui touche à la langue-cible des candidats : exercices académiques, explications de texte, écrites et orales, dissertations, exposés, etc…L’expression authentique est évidemment privilégiée par rapport à la « langue de bois »… Les lectures et contacts personnels avec une langue authentique ainsi que l’utilisation des nouvelles technologies mettent à la portée de tous les étudiants journaux, films, romans, émissions de télévision et de radio. « Tout est bon pour appréhender et faire sien ce monde protéiforme qu’est une langue vivante, la langue castillane dans notre cas ». (ENS Lyon, rapport de jury 2005).
La première condition de notre travail passe par une connaissance solide de la grammaire de base et des conjugaisons en particulier. Par ailleurs il faut absolument « acquérir »du vocabulaire et ne pas cesser d’en apprendre. Pour cela il faut lire de tout ! Lire et noter les mots et expressions. Ce travail personnel et quotidien est indispensable. Le moment des vacances est idéal pour l’amorcer.
Dictionnaires :
Clave,Diccionario de uso del español actual.Ediciones SM ,2006 ISBN : 84-675-0921-X Excellent dictionnaire. Le seul autorisé pour l’épreuve de commentaire et de version. Il est donc obligatoire.
Larousse Grand dictionnaire français-espagnol, espagnol-français, 420.000 traductions, 2007. Ouvrage indispensable.
María Moliner, Diccionario de uso del español , Gredos, 1966(4èmeédition réactualisée en 2012). Une référence. Dictionnaire disponible au CDI.
Diccionario de la Real Academia de la Lengua Española (DRAE), Espasa Calpe, 1992 édition de poche en deux volumes. Utile dans la mesure où il ne se cantonne pas à l’usage actuel. Consultable gratuitement en ligne.
Manuel Seco, Diccionario de dudas y dificultades de la lengua española,Espasa Calpe, 1994.
Grammaires au choix :
Jean-Marc Bedel, Grammaire de l’espagnol moderne, PUF, 1997. Excellent ouvrage, très complet.
Jean Coste et Augustin Redondo, Syntaxe de l’espagnol moderne, Sedes, 1965. Grammaire très intéressanteavec de nombreux exemples de phrases tirées d’œuvres littéraires.
Pierre Gerboin et Christine Leroy, Grammaire d’usage de l’espagnol contemporain, Hachette Université, 2014.
Michel Camprubi, Etudes fonctionnelles de grammaire espagnole, PUM, 2001.
La conjugaison
Bescherelle, El arte de conjugar los verbos españoles, Hatier, 1984. Plusieurs rééditions. Indispensable pour tout hispanisant.
González Hermoso, Los verbos españoles, Hachette, 2000. Disponible au CDI
Dictionnaires en français :
Petit Robert, Dictionnaire de la langue française, editions Le Robert, réactualisé chaque année. Indispensable.
Dictionnaire historique de la langue française, éditions Le Robert, deux volumes, 1992. Ouvrage passionnant consultable en bibliothèque.
Emile Littré, Dictionnaire de la langue française, Le livre de poche, coll. »La pochothèque », 1863.
Grammaires françaises/manuel de conjugaison
Grévisse/ Goosse, Nouvelle grammaire française, Duculot, 1990.
Grévisse, Le Bon usage, Duculot, 1993.
Bescherelle, L’art de conjuguer les verbes en français, Hatier, 1980 (Plusieurs rééditions). Fortement recommandé.
2. EPREUVE ORALE DE LITTERATURE SUR PROGRAMME (20 mn + 10 mn d’entretien)
Œuvres au programme de la session 2023 :
Tirso de Molina, El Burlador de Sevilla, Ediciones Austral, 2010, ISBN 978-8467033960.
Miguel Delibes, Cinco horas con Mario, Ediciones Austral, 2018, ISBN 9788423353705.
José Marti, Ismaelillo. Versos libres. Versos sencillos, Madrid, Cátedra, 2005, ISBN 978- 84-376-0367-
Lectures complémentaires
A propos de l’œuvre théâtrale de Tirso de Molina :
Molière, Dom Juan (pdf)
Zorrilla, Don Juan Tenorio (pdf)
A propos de l’œuvre narrative de Miguel Delibes :
Delibes, El Camino (ed.destino)
Delibes , Los Santos inocentes (ed.destino)
Delibes, La Hoja roja (ed.destino)
3. ANALYSE D’UN TEXTE HORS PROGRAMME / EPREUVE DE PRESSE
Durée :30 minutes
Le candidat dispose de 20 minutes maximum pour présenter son exposé, le temps restant étant consacré à l’entretien. « Les candidats sont invités à respecter ce découpage ; le jury sanctionne les candidats qui ne parviennent pas à développer leur exposé au-delà de dix minutes ; pareillement, l’entretien intervient à part entière dans l’évaluation en ce sens qu’il est censé constituer, pour le candidat, l’occasion d’approfondir et d’affirmer son analyse, de lever d’éventuels malentendus, et en tout état de cause de mettre en évidence sa maîtrisedans le maniement spontanéde la langue ». ENS rapport du jury 2006.
Objectifs
« L’épreuve a plusieurs finalités : elle vise à tester le niveau de langue des candidats, tant au niveau de la compréhension que de l’explication de texte ; elle vise à apprécier les capacités d’analyse et de synthèse tout comme la maîtrise d’un minimum de références solidesconcernant les grands problèmes du monde hispanique, lesquels peuvent parfois et de plusen plus se confondre avec ceux du monde tout court ». ENS rapport du jury 2006
Le rapport du jury 2012 insiste sur l’effort linguistiqueque doivent fournir les candidats dès la préparation de l’oral et la sévérité avec laquelle le jury entend sanctionner une mauvaise expression orale.
Méthodologie
L’exercice est différent des questions de cours de civilisation (texte-prétexte). Cependant il suppose une connaissance claire des grands faits et repères historiques et des aspects de civilisation dominants.
Les candidats doivent en faire une analyse et un commentaire ordonnés. Il leur est demandé d’effectuer une synthèse fidèle et critique de l’article proposé, sans en négliger aucune partie.
« Le candidat insistera sur les principales idées exprimées par l’auteur, en manifestantcependant un recul indispensable[…] Face au texte, le candidat doit montrer sa capacité à déterminer les intérêts en cause, les enjeux ou les conséquences du problème posé. Peu importe que son point de vue personnel apparaisse au fil du résumé ou après. L’essentiel estque l’article reste toujours le point de référence de la réflexion. Il doit fournir la matière première de celle-ci et susciter la mobilisation de connaissances appropriées ».
Le texte « ne doit jamais être un prétexte à des développements généraux » ENS rapport du jury 2002. De même le rapport 2016 souligne qu’un commentaire d’article de presse « ne peut, en aucun cas, être assimilé à une récitation de cours « . Sur le plan méthodologique lejury accepte « tout type de commentaires, linéaires ou composés, pourvu que celui-ci reflète une bonne compréhension du texte et une démarche analytique ».
Il appartient donc au candidat de définir la stratégie qui lui paraît le mieux adapté au document proposé.
Il est aussi rappelé que l’épreuve est un « exercice de communication. Le candidat doit savoir gérer son temps pour que l’ensemble du texte soit étudié et présenter un commentaireconstruit, sans répétitions inutiles ». ENS, rapport du jury 2016.
Contenu des articles
Il s’agit principalement d’articles de presse issus des médias espagnols et hispano-américains (El País, El Mundo, La Vanguardia, Público, Clarín, La Nación, El Universal, Granma,La Jornada ) qui traitent de l’actualité au sens large : questions de société mais aussi événements plus précis. Les articles peuvent être davantage orientés vers l’information ou l’expression d’une opinion. C’est pourquoi il est indispensable de prendre du recul par rapport à ce qu’affirme l’auteur, de déceler le parti-prisqu’il manifeste.
Connaissances requises et consignes de lecture
Un étudiant d’espagnol se doit de connaître la géographie et les principaux faits historiques du monde hispanique et hispano-américain. De brefs moments de cours seront consacrés à une révision et une évaluation des connaissances des candidats dans ce domaine.
Cette connaissance du passé va de pair avec une attention particulière et régulière aux faits et aux événements qui se déroulent dans le monde. Tel est l’esprit de cette épreuve. Le plus souvent ces derniers portent sur des sujets récurrents dans l’histoire des pays et réactivés par l’actualité.
Pour cela il est indispensable de parcourir le plus souvent possible la presse espagnole et notamment le grand journal de référence « El País » (la version numérique www.elpais.com est partiellement accessible de manière gratuite) mais aussi www.eldiario.es , www.publico.es, www.elmundo.es . Vous pourrez ainsi alimenter votre connaissance de l’actualité et repérer des articles qui très régulièrement constituent des sujets d’interrogation.
Lire c’est aussi s’intéresser à la langue : profitez-en pour relever mots et expressions et enrichir ainsi votre lexique.
Principales sources d’informations en Espagne et en Amérique Latine
1 Espagne
EL PAIS (centre gauche) , EL MUNDO (Droite libérale) sont les deux grands journaux de référence en Espagne. ABC(Monarchiste), LA RAZON (Droite decomplexée !)
CLAVE DE RAZON PRACTICA, revue d’information générale très bien documentée.
PUBLICO (gauche), EL DIARIO.ES et EL CONFIDENCIAL sont trois sites web très consultés.
LA VANGUARDIA (journal de la bourgeoisie catalane) existe en castillan et catalan.
Les journaux régionaux à grand tirage : IDEAL (Andalousie), LEVANTE (Valence), EL NORTE DE CASTILLA (Valladolid), EL HERALDO DE ARAGON, EL PERIODICO DE CATALUNYA, EL CORREO VASCO, LA VOZ DE ASTURIAS, EL COMERCIO, LA NUEVA ESPAÑA (Asturies), LA VOZ DE GALICIA.
2 Amérique
– CLARIN (Droite), LA NACION (droite) et PAGINA 12 (Gauche péroniste) en Argentine.
– EL MERCURIO DE CHILE, LA TERCERA (Droite)
– EL COMERCIO, LA REPUBLICA au Pérou.
– EL TIEMPO et EL ESPECTADOR en Colombie.
– EL UNIVERSAL (opposé au « chavisme ») et EL NACIONAL au Venezuela.
– EL UNIVERSAL, EXCELSIOR, LA JORNADA au Mexique.
– GRANMA (Parti Communiste) , JUVENTUD REBELDE (Jeunesses communistes) et www.14ymedio.com de la blogueuse Y.Sánchez (Anticastriste) à Cuba.
Géographie et Cartographie Spécialité
Professeur : Vincent Doumerc
Programme
À l’écrit : un commentaire de documents géographiques relatifs à la France (DOM compris). Le document de base est une carte topographique. A l’appui du commentaire de celle-ci, le jury peut proposer un extrait de carte topographique (à une autre échelle ou d’une autre édition) ou tout autre support permettant de compléter l’analyse.
À l’oral : un commentaire de carte topographique au 1/25 000 ou au 1/50 000 portant sur la France (DOM compris). La carte est accompagnée de documents complémentaires (cartes d’autres éditions ou d’autre échelle, cartes thématiques, photographies, statistiques, extraits de textes…).
Bibliographie
La bibliographie se résume à 2 ouvrages. Un Atlas de la France et du monde et un ouvrage de présentation des différentes régions françaises.
Pour l’Atlas : le choix est laissé à l’étudiant, un Atlas un peu ancien (année 2000) peut convenir même s’il faudra faire à la lecture l’effort d’actualisation sur le redécoupage des régions françaises suite la loi de réforme territoriale de 2014-2015. L’Atlas ne doit pas forcément être problématisé, il s’agit seulement d’un outil de connaissance de l’espace et de localisation.
L’Atlas suivant peut convenir en cas d’achat : Atlas du 21ème Siècle, Collectif (préface Yves Lacoste), 2017 (première édition 2011)
Pour les ouvrages généraux sur la France : au choix de l’étudiant :
Eric JANIN (dir.), Les 18 régions françaises, Ellipses, août 2017
Laurent CARROUE (dir.), La France des 13 régions, Armand Colin, mars 2017
Travaux d’été :
Feuilleter l’Atlas et se familiariser avec les différentes régions françaises dans leurs composantes urbaines et rurales.
Maîtriser le Cours n°1 sur la typologie des campagnes françaises (pour les étudiants d’un autre établissement que le lycée Saint-Sernin ce travail n’est pas à réaliser car les étudiants ont déjà suivi un cours d’initiation à la cartographie).
Lettres modernes Spécialité (2ème année) bibliographie 2024
Histoire et théorie des arts (1ère année) : bibliographie

Nathalie Cournarie
1ère année
Bienvenue dans la classe d’Histoire et théorie des arts !
Il n’est nullement nécessaire, pour y entrer, d’avoir déjà suivi cet enseignement dans le secondaire. Mais c’est une raison supplémentaire pour lire durant l’été quelques-uns des ouvrages suivants. Et pour ceux qui ont déjà travaillé en ce domaine, il s’agit d’approfondir et de préciser leur culture.
Bibliographie
Nadeije LANEYRIE-DAGEN, Histoire de l’art pour tous, Hazan, 2021.
Stephen FARTHING (dir.), Tout sur l’art, Panorama des mouvements et des chefs d’œuvre, Flammarion, 2020.
Guitemie MALDONADO, Marie-Pauline Martin, Natacha PERNAC, Chronologie de l’histoire de l’art, Hatier, 2015.
On pourra également consulter les sites suivants : http://www.wga.hu (banque d’images).
Ou encore les sites des musées, tous aisément accessibles.
Pour la rentrée, regarder l’émission d’Arte sur le Louvre : https://www.arte.tv/fr/videos/093645-000-A/il-etait-une-fois-le-musee-du-louvre/
Nathalie Cournarie


