Éthique et métaphysique. E. Lacoue-Labarthe. 20-03-25.

Pourquoi l’éthique peut-elle être considérée comme la philosophie première ?

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Aristote a livré à la postérité une indécision au sujet de la « philosophie première », qu’on nommera bien plus tard la « métaphysique » : est-elle identifiable à la science de l’être (ou ontologie) ou bien à la science du divin (ou théologie) ? Un philosophe français contemporain, Émmanuel Lévinas a proposé une troisième voie : c’est l’éthique qui réalise le sens de la métaphysique. Mais pourquoi l’éthique mérite-t-elle d’être considérée comme la véritable métaphysique ? C’est la question que notre collègue É. Lacoue-Larbathe a choisi de traiter aujourd’hui pour nous. On le remercie à nouveau vivement pour sa fidèle participation aux Midi-Conférences. (L. C.)


Introduction

En septembre 1982 à Louvain, le philosophe français d’origine lituanienne Emmanuel Levinas a prononcé une conférence dont le texte nous est resté sous le titre Éthique comme philosophie première, titre qui résume bien l’une de ses idées les plus profondes. Je voudrais expliquer aujourd’hui les raisons pour lesquelles c’est, selon lui, l’éthique, c’est-à-dire, pour simplifier, le souci de l’autre, et non l’ontologie, c’est-à-dire, toujours pour simplifier, le souci de l’être, qui est la véritable « philosophie première », c’est-à-dire, dans le sens où il l’entend, celle dont l’objet est le plus éminent et qui recèle la plus haute sagesse.
Pour bien comprendre cette thèse, il faut commencer par examiner les idées auxquelles elles vient s’opposer explicitement : celles d’Aristote, d’abord, puis celles de Heidegger.

1. Aristote

En effet, l’idée que c’est l’ontologie qui constitue la philosophie première vient pour commencer d’Aristote. Dans la Métaphysique, celui-ci examine les différents types de sciences et il constate qu’aucune d’entre elles ne s’occupe de l’être en tant que tel, c’est-à-dire de l’être en tant qu’être, qui est pourtant un objet hautement important, puisqu’il est le dénominateur commun de tout ce qui « est », de toutes les choses qui « sont ».
Il existe en effet, selon lui, trois grandes familles de sciences :
(i) D’abord les sciences pratiques, qui sont relatives à l’action et aux agents, qui sont aux prises avec le hasard et la liberté. Il s’agit principalement de l’éthique et de la politique, qui visent l’établissement de la vertu et d’une cité dotée d’une bonne constitution.
(ii) Ensuite, les sciences « poétiques », qui sont relatives à la production et aux producteurs (artistes, artisans, médecins, etc.), dont la fin est l’œuvre prise dans un sens très large, qu’il s’agisse de la statue que produit le sculpteur ou de la santé que produit le médecin.
(iii) Enfin, les sciences théorétiques, qui sont relatives à la seule connaissance et sont purement contemplatives, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas d’autre fin que la connaissance elle-même. Il s’agit de : 
– La physique, qui étudie les réalités naturelles et changeantes : les plantes, les animaux, les astres.
– La mathématique, qui étudie ces réalités aux propriétés immuables que sont les nombres et les figures géométriques.
– La théologie, science de ce qu’il y a « d’éternel, d’immobile et de séparé », si une telle chose existe (1026a 10), à savoir le premier moteur ou Dieu.
On voit donc qu’il n’existe, même parmi les sciences dites théorétiques, aucune science qui s’occupe spécifiquement de l’être en tant qu’être, sans lequel pourtant rien ne serait, rien ne pourrait être, et c’est pourquoi Aristote juge qu’une ontologie pure est absolument nécessaire, ontologie qui est le cœur de ce que la tradition a ensuite appelé la métaphysique. D’où l’effort d’Aristote pour détecter, distinguer et étudier à la fois :
– tous les types d’êtres (les êtres naturels, mathématiques ou divins, comme on vient de le voir), 
– tous les modes d’être (par ex. être en acte ou en puissance, être par soi ou par accident
– et aussi toutes les catégories de l’être (la quantité, la qualité, le lieu, le temps, etc.).
Ainsi, pour Aristote, la philosophie première, celle qui remonte jusqu’à l’objet le plus originaire et éminent, et dont la valeur est par conséquent la plus haute, c’est donc bien l’ontologie, c’est-à-dire la science de l’être en tant qu’être.

2. Heidegger

1) Pourtant, comme l’a montré Martin Heidegger, l’ontologie véritable n’a jamais été vraiment réalisée : au lieu, en effet, de s’intéresser à l’être en tant qu’être, c’est-à-dire à l’être pris dans son sens purement verbal, à savoir l’action ou le fait d’être, la métaphysique s’est, tout au long de son histoire, intéressée plutôt aux êtres, c’est-à-dire aux choses qui sont, que Heidegger appelle les « étants », ainsi qu’à leurs différentes manières d’être. Et elle s’est tout particulièrement concentrée sur l’étant suprême, c’est-à-dire sur Dieu. Pour Heidegger, l’histoire de la métaphysique est donc marquée à la fois par un constant oubli de l’être en tant qu’être et par une constante dérive vers la théologie.
2) Mais qu’est-ce, dès lors, que l’être en tant qu’être, l’être au sens purement verbal, auquel, selon Heidegger, la métaphysique n’a pas su être attentive ? Eh bien, c’est ce mystérieux « il y a » de toute chose, c’est le simple fait qu’« il y a » des choses (un bol, une table, une fleur, etc.) et que chaque chose dont nous faisons l’expérience, y compris le silence ou le vide, « est ». L’être en tant qu’être, c’est la simple présence de chaque chose, c’est le fait pur de la présence des choses, de leur « il y a », auquel, selon Heidegger, ce sont, non les métaphysiciens, mais les poètes et les peintres qui ont su être vraiment attentifs,  comme on peut le voir dans cette nature morte du peintre italien Giorgio Morandi, où l’on peut considérer que c’est effectivement la pure présence des objets déposés sur la table qui est donnée à voir, bien plus que les objets eux-mêmes, qui sont extrêmement banals et anonymes. 


Natura morta, 1944 (Centre Pompidou)

3) Ainsi, on peut dire que, pour Heidegger, la philosophie première ou la plus éminente est cette ontologie fondamentale qui distingue l’« être » des « choses qui sont » et qui s’efforce de le penser pour lui-même. Car toute la difficulté d’une telle ontologie réside dans le fait que l’être est à la fois pour l’homme ce qu’il y a de plus proche et de plus éloigné : 
– il est ce qu’il y a de plus proche parce qu’il est présent en toute chose qui est, en tout « étant », dit Heidegger,
– mais il est aussi, pourtant, ce qu’il y a de plus éloigné, dans la mesure où ce n’est jamais lui qu’on voit, mais seulement les choses qui sont, les étants. L’être demeure donc toujours plus ou moins insaisissable et invisible, occulté qu’il est par les choses derrière lesquelles il s’efface :

« L’Être est le plus proche. Cette proximité toutefois reste pour l’homme ce qu’il y a de plus reculé. L’homme s’en tient toujours, et d’abord, et seulement, à l’étant. » Lettre sur l’humanisme, p. 88).

4) Mais pourquoi, peut-on se demander pour finir l’examen de la thèse de Heidegger, une telle attention à l’être est-elle si importante, selon lui ? Pourquoi juge-t-il si essentiel de sortir l’être de l’oubli dans lequel il est plongé et, par conséquent, de rappeler la métaphysique à sa tâche fondamentale, à savoir penser l’être en tant qu’être ?
Eh bien, c’est une double réduction de nos préoccupations et de notre pensée que semble vouloir éviter Heidegger :
– D’une part, la réduction aux choses, aux « étants », que Heidegger appelle la réduction « ontique » et qu’on pourrait appeler – très maladroitement et très improprement, mais peu importe – la réduction « matérialiste » et qui consiste à ne se soucier que des choses et de leurs manières d’être et à rester ainsi insensible à l’émerveillement poétique devant le fait qu’il y a quelque chose et non pas rien, devant la simple présence des choses – la moindre fleur, le moindre brin d’herbe – offertes à notre contemplation.
– D’autre part, Heidegger veut éviter la réduction à Dieu, la réduction théologique, qui consiste à ne dépasser la préoccupation tournée vers les choses, vers le monde, qu’en en cherchant la cause ultime, l’origineradicale. Or s’intéresser à l’être suprême, à Dieu, qu’on pense celui-ci comme une cause du monde (déisme) ou comme un auteur du monde (théisme), conduit à manquer le fait que ce qui est proprement divin – au sens, ici, de merveilleux et digne de la plus haute considération – est peut-être moins Dieu que le simple fait de l’« il y a », le simple fait que des choses, quelles qu’elles soient, sont présentes et nous sont données à percevoir.
En d’autres termes, tourner notre attention vers l’être en tant qu’être semble la seule manière de penser et de préserver cet émerveillement devant la simple présence des choses et du monde, émerveillement qui est à bien des égards, pour Heidegger, l’essence même de l’être humain.

3. Levinas

Pour autant, l’ontologie fondamentale, le souci de l’être en tant qu’être, sont-ils vraiment le dernier mot, ou plutôt le premier mot de la philosophie ? L’être est-il l’objet ultime de la pensée, son objet le plus digne et éminent ? Emmanuel Levinas pense que non pour les raisons suivantes :
1) Pour commencer, quelle que soit son importance, l’être est essentiellement impersonnel et neutre : 
– Il est impersonnel, d’abord, parce qu’il n’est ni un « je », ni un « tu », mais seulement un « il » qui n’est une personne que grammaticalement (3e personne) mais non ontologiquement : comme dans les expressions « il pleut » ou « il fait nuit », le « il » de l’« il y a » ne renvoie à personne, mais seulement à un fait entièrement impersonnel :

« J’insiste en effet sur l’impersonnalité de l’« il y a » ; « il y a », comme « il pleut » ou « il fait nuit ». » (Éthique et infini, 3, p. 38).
« L’il y a, dans son refus de prendre une forme personnelle, est « l’être en général ». […] Il y a en général, sans qu’importe ce qu’il y a, sans qu’on puisse accoler un substantif à ce terme. Il y a, forme impersonnelle, comme il pleut ou il fait chaud. Anonymat essentiel. » (De l’existence à l’existant, p. 94-5).

– Mais l’être n’est pas seulement impersonnel, il est aussi moralement neutre, puisqu’il n’est pas moins présent dans le mal que dans le bien, le méchant, le vice et le crime n’ayant, à certains égards, pas moins d’être que l’homme bon, la vertu et la bienfaisance : de fait, il y a, incontestablement, du mal et de la méchanceté, tout comme il y a de la bienveillance et de la bonté. Comme le soleil, qui luit indifféremment sur tout le monde et qui n’est pas moins chaud pour le méchant que pour l’homme bon, l’être est, lui aussi, essentiellement indifférent au bien et au mal : il souffre donc d’une « inhumaine neutralité[1] », écrit Levinas.

2) Ensuite, et par conséquent, comme toute autre réflexion, la réflexion ontologique, centrée sur l’être, même quand elle prend la forme de l’ontologie fondamentale voulue par Heidegger, n’est vraiment bonne que si et seulement sielle est accompagnée et encadrée par une réflexion éthique. Le souci du bien est la condition sine qua non d’un bon usage de la méditation ontologique et de l’émerveillement poétique devant l’être. Sans souci éthique, en effet, cet émerveillement peut tout à fait cohabiter avec une indifférence au mal qui se produit dans le monde : sans souci éthique, le philosophe peut choisir de n’ouvrir les yeux que sur la captivante beauté de l’« il y a », tout en restant aveugle à l’injustice, à la souffrance, à la violence qui existent autour de lui. C’est pourquoi Levinas affirme la nécessité de la « mauvaise conscience », c’est-à-dire de la conscience animée par l’inquiétude éthique et le souci du bien – qui est la seule conscience qui mérite d’être appelée « bonne ». Et il oppose celle-ci à la « bonne conscience d’être en vue de cet être même[2] » de l’homme en qui ne s’éveille aucun « scrupule d’être ». Il y a, en effet, une « sagesse plus urgente[3] » que tout savoir et que toute ontologie, même fondamentale : c’est la sagesse éthique : « par-delà la sagesse du connaître, écrit Levinas, la sagesse de l’amour ou la sagesse en guise d’amour. Philosophie comme amour de l’amour.[4] » 

« Par conséquent, la question importante du sens de l’être n’est pas : pourquoi y a-t-il quelque chose et non rien — question leibnizienne tant commentée par Heidegger — mais : est-ce que je ne tue pas en étant ? […]
Je veux dire qu’une vie vraiment humaine ne peut rester vie satisfaite dans son égalité à l’être, vie de quiétude, qu’elle s’éveille à l’autre, c’est-à-dire est toujours à se dégriser, que l’être n’est jamais — contrairement à ce que disent tant de traditions rassurantes — sa propre raison d’être, que le fameux conatus essendi n’est pas la source de tout droit et de tout sens. » (Éthique et infini, 10, p. 119-121).

3) Ainsi, le Bien, parce qu’il n’est pas neutre, lui, et parce qu’il implique une attention aux êtres vivants, à leur souffrance potentielle, à leur vulnérabilité, et non à l’être impersonnel, possède, comme l’affirmait déjà Platon, une dignité et une éminence plus grandes encore que celles de l’être. Et c’est la raison pour laquelle on peut dire que l’éthique est elle aussi plus éminente encore que l’ontologie et qu’elle doit donc l’emporter sur elle : donnant à penser au-delà de l’être et plus haut que lui, elle est la véritable philosophie première, elle est le véritable point d’aboutissement du désir métaphysique.
Cette thèse peu commune peut et doit être encore précisée de la façon suivante :
(i) Selon Levinas, le désir métaphysique est essentiellement le désir d’une rencontre avec une altérité absolue. Comme il l’écrit : 

« « La vraie vie est absente. » Mais nous sommes au monde. La métaphysique surgit et se maintient dans cet alibi. Elle est tournée vers l’« ailleurs », et l’« autrement », et l’« autre ». […] Le désir métaphysique tend vers tout autre chose, vers l’absolument autre. » Totalité et infini, p. 21

(ii) Or « l’absolument Autre, selon Levinas, c’est Autrui » (Totalité et infini, p. 28) car, contrairement aux choses, que je peux toujours réduire à moi par la connaissance, par la possession ou par la consommation, autrui est, lui, cet être dont la subjectivité est entièrement irréductible à ce que j’en sais et au pouvoir que je peux exercer sur elle. Autrui est donc, écrit Levinas, « le lieu même de la vérité métaphysique » (Totalité et infini, p. 77).
(iii) Or la relation à autrui n’est pas une relation contemplative et neutre comme la relation à l’être : elle est une relation personnelle qui met pleinement en jeu ma responsabilité parce qu’autrui est celui auquel je peux mais ne doisabsolument pas porter atteinte, puisqu’il est cet autre qui seul m’offre la perspective d’une altérité radicale qui m’arrache au cercle clos de mon ego. La relation à autrui est donc une relation éthique et c’est la raison pour laquelle la métaphysique véritable, selon Levinas, « se joue dans les rapports éthiques » (Totalité et infini, p. 77) et non dans la contemplation poétique ou dans la méditation ontologique.
Ainsi, pour Levinas, « l’homme n’est pas seulement l’être qui comprend ce que signifie l’être, comme le voudrait Heidegger, mais l’être qui a déjà entendu et compris le commandement de la sainteté dans le visage de l’autre homme[5]. »
Par conséquent, placer, comme le fait Heidegger, l’être avant les êtres (c’est-à-dire non seulement les autres hommes, mais aussi, plus largement, les autres êtres sensibles) et placer l’ontologie fondamentale (la question de l’être) avant le désir métaphysique et la relation éthique (la question de l’autre), c’est sacraliser la contemplation poétique de l’« il y a » impersonnel et sacrifier l’exigence de justice qu’implique la relation personnelle avec autrui. C’est pourquoi Levinas parle d’un « « égoïsme » de l’ontologie » (Totalité et infini, p. 37), qu’il condamne, bien évidemment. Et c’est également dans cet esprit qu’il écrit dans Totalité et infini :

« L’établissement de ce primat de l’éthique, c’est-à-dire de la relation d’homme à homme […], primat d’une structure irréductible à laquelle s’appuient toutes les autres (et en particulier toutes celles qui, d’une façon originelle, nous semblent mettre au contact d’un sublime impersonnel, esthétique ou ontologique), est l’un des buts du présent ouvrage.
La métaphysique se joue dans les rapports éthiques. » (Totalité et infini, p. 77).



Conclusion

Pour conclure, je dirais la chose suivante : souci de l’être ou souci de l’autre ; souci ontologique ou souci éthique : la priorité doit assurément et impérativement revenir à l’éthique qui, en ce sens, mérite bien d’être considérée comme la philosophie première, c’est-à-dire la plus éminente. Mais cette primauté ne signifie sans doute pas qu’il faille pour autant délaisser complètement l’ontologie ou renoncer à l’émerveillement poétique devant l’être.
C’est la raison de mon attachement personnel très profond au poète suisse Philippe Jaccottet dont toute l’œuvre ne cesse d’exprimer à la fois l’émerveillement ontologique (mis en valeur par Heidegger) et l’inquiétude éthique (mise en valeur par Levinas). Dans son dernier texte, par exemple, publié de façon posthume, on trouve notamment ces mots sur lesquels je voudrais finir et qu’il a écrits après une belle promenade méditative troublée par le souvenir de l’effroyable témoignage, vu à la télévision, d’un journaliste belge venant d’être libéré d’un prison syrienne  :

« Aurais-je pu un jour avoir fait le tour de tous les plus grands livres de sagesse que je n’en serais, me semble-t-il […], pas plus avancé. Réduit donc, en toute fin de parcours[6], à tituber entre deux aspects de mon expérience, eux au moins indubitables : le recueil des signes qui est presque toute ma poésie [Jaccottet désigne ici ces choses vues ou entendues (une fleur, le tintement d’une cloche, etc.) qui sont pour lui autant de signes, toujours discrets et presque insaisissables, du mystère poétique de l’« il y a »] ; et, de l’autre côté, l’effroi grandissant de celui qui marche dans le corridor d’une prison de Syrie et ne pourra plus jamais effacer de son esprit les cris qu’il y a entendus, montés d’un des plus bas cercles de l’Enfer. » Philippe Jaccottet, La Clarté Notre-Dame, II, p. 23


[1] Levinas, De l’existence à l’existant, Préface de la 2e édition, p. 11
[2] Levinas, Éthique comme philosophie première, p. 75 & 103. Cf. aussi De Dieu qui vient à l’idée, p. 264.
[3] Ibid., p. 77.
[4] Totalité et infini, Préface de l’édition allemande, p. IV.
[5] Altérité et transcendance, p. 181
[6] La Clarté Notre-Dame est un texte constitué de notes écrites entre 2012 et 2020 : Jaccottet avait donc entre 87 et 95 ans.

Qu’est-ce que la philosophie antique ? — un cas d’écoles. L. Cournarie. 18-03-25.

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Cet article est la version longue et complète de la conférence orale.

« La première et la plus importante partie de la philosophie
est de mettre les maximes en pratique » (Épictète, Manuel, LII, 1)

Introduction : La philosophie antique à partir d’elle-même

Je commence par problématiser un peu la question : « qu’est-ce que la philosophie antique ? ». Il y a deux manières de l’aborder. Ou bien on admet que la philosophie antique c’est la philosophie à l’époque antique. La proposition a un double défaut. Elle est circulaire : on définit la philosophie antique par la philosophie et la philosophie par la philosophie antique. Et elle repose sur le présupposé d’une sorte de philosophia perenis. Ou bien on suppose que la philosophie antique a bien quelque chose de spécifique, et alors le problème est de savoir comment la définir positivement et à partir de sa différence. C’est cette 2ème option que suit P. Hadot et qui le conduit à définir la philosophie antique comme « art de vivre ». 

1.    La philosophie antique comme art de vivre

La philosophie antique est une affaire d’écoles (d’où le sous-titre retenu). Chaque école enseigne évidemment une doctrine. Seulement c’est davantage une doctrine de vie qu’une doctrine de science. La question essentielle d’un philosophe antique est à peu près celle-ci : comment vivre une vie authentiquement humaine ou comment vivre une vie humaine dans l’excellence de sa nature propre (ni animale, ni divine) ? Autrement dit, derrière son caractère « scolaire », la philosophie antique se définit comme un « art de vivre ». Socrate a fixé, avec le thème du « souci de soi » (epimeleai heautou) et plus tard dans le monde romain cura sui et même la « culture de soi », tout le programme de la philosophie antique comme art de vivre[1].

« Une vie qui ne s’examine pas est une vie qui ne mérite pas d’être vécue par un homme (ὁ δὲ ἀνεξέταστος βίος οὐ βιωτὸς ἀνθρώπῳ) »[2]

Le concept d’art de vivre permet de dégager, contre la diversité doctrinale des écoles[3], l’unité de la philosophie antique — même si, comme le reconnaît P. Hadot, c’est à partir des écoles de la période hellénistique[4] que l’identification antique entre philosophie et art de vivre se laisse la mieux établir[5]. Et s’il faut « se rappeler Socrate », comme disait Merleau-Ponty, c’est précisément parce qu’il est « la figure même du philosophe » qui s’est exercé sa vie durant « à la Sagesse » [6]. L’expression d’ « art de vivre » ne renvoie pas à une école philosophique en particulier. Elle suffit à désigner précisément le phénomène culturel et historique[7] nommé « philosophie » dans l’Antiquité, càd une vie en quête de la sophia, conformément à l’étymologie — c’est Pythagore qui marque la différence entre la philosophie comme quête de la sophia et la possession de la sophia réservée aux dieux.  
Par quoi il faut entendre deux choses. D’un part l’art de vivre est philosophique parce qu’il vise la sophia. Or la sophia philosophique se distingue de la sagesse populaire ou religieuse d’autres traditions parce qu’elle comporte un moment de « savoir », notamment de la phusis (pas de sagesse sans savoir). Mais elle n’est pas un idéal du savoir : plutôt un idéal de vie (pas de sagesse sans art de vivre). En bref, on pourrait dire que la sagesse visée par la philosophie est un idéal de vie par le savoir au-delà du savoir. Aussi répond-elle à trois caractéristiques elles-mêmes existentielles plutôt qu’épistémiques : être sans trouble, être libre, être en harmonie avec le monde.

« La sagesse est l’état auquel peut-être le philosophe ne parviendra jamais, mais auquel il tend en s’efforçant de se transformer lui-même pour se dépasser. Il s’agit d’un mode d’existence qui est caractérisé par trois aspects essentiels : la paix de l’âme (ataraxia), la liberté intérieure (autarkeia) et (sauf pour les sceptiques) la conscience cosmique, càd la prise de conscience de l’appartenance au Tout humain et cosmique, sorte de dilatation, de transfiguration du moi qui réalise la grandeur d’âme (mega lopsuchia) »[8].

2.    Les conditions pratiques de la philosophie antique

Pour saisir correctement cette définition de la philosophie comme art de vivre, càd la définition de la philosophie antique [9], il faut en souligner les conditions pratiques. 

2.1          Le choix et la conversion à la vie philosophique.

Être philosophe c’est avoir choisi de se « convertir » à la vie philosophique pour fuir la vie insensée du reste des hommes. L’opposition entre le sage et l’insensé, assimilé au « vulgaire » (vulgo) comme par exemple Sénèque dans le De beata vita, est un lieu commun de la philosophie antique. Ce lieu commun est lui-même associé à un autre : l’analogie de la philosophie avec la médecine de l’âme. Mais le choix de la vie philosophique est toujours le choix d’une certaine école philosophique. Autrement dit, le choix existentiel précède le discours qui se contente de le justifier ; le choix de la vie philosophique est le choix d’une école philosophique ; la pratique philosophique n’a jamais rien de solitaire — c’est une pratique sociétaire[10].
Ainsi le maître est avant tout un maître de vie plutôt qu’un savant. Et c’est en pratiquant les préceptes du maître que le disciple devient lui-même philosophe. Ce primat existentiel et pratique du savoir est constant dans la philosophie[11] — on peut le vérifier par ex. par la doctrine surprenante chez Épicure des explications multiples (Lettre à Pythoclès).

2.2 La pratique d’ « exercices spirituels ».

« Exercices spirituels » est l’expression (contestée parce qu’elle tend à christianiser la philosophie antique et qu’aucun terme grec connu ne peut lui correspondre) que retient P. Hadot[12] pour rendre compte de la variété des pratiques de la vie philosophique : à la fois des exercices intellectuels, des dispositions éthiques et surtout une métamorphose complète de soi-même en vue de la sagesse. 
On n’a conservé que des listes incomplètes de ces exercices, pratiqués seuls ou avec le maître. Mais on sait qu’ils étaient variés : exercices d’abstinence pour éprouver la maîtrise de soi dans les aphrodisia (venera en latin)[13], ascèse mentale (maîtrise des représentations, anticipation des maux…), méditation sur la mort, examen de conscience vespéral (comme par ex. Sénèque au livre III du De ira)[14], mais aussi dialogue, écriture ou notes personnelles. On trouve ainsi chez les Stoïciens l’usage de carnets de notes (hypomnêmata) consacrés à cette appropriation des règles de vie, permettant de se remémorer la doctrine du maître et pouvoir se conduire en toute circonstance de la manière la plus sage possible afin que l’âme ne soit jamais prise au dépourvu. Appartiennent à ce type d’« écrit-sous-la-main » pour la méditation quotidienne le Manuel d’Épictète, les Pensées pour soi-même de Marc-Aurèle et même les Lettres à Lucilius de Sénèque[15].
L’art de vivre est donc une vie intégralement consacrée à la philosophie pour autant que la philosophie est une vie appliquée sans relâche à la culture de soi, à travers des exercices qui occupent tout le temps de la vie.

« Ce temps n’est pas vide : il est peuplé d’exercices, de tâches pratiques, d’activités diverses. S’occuper de soi n’est pas une sinécure. Il y a les soins du corps, les régimes santé, les exercices physiques sans excès, la satisfaction aussi mesurée que possible des besoins. Il y a les méditations, les lectures, les notes qu’on prend sur les livres ou sur les conversations entendues, et qu’on relit par la suite, la remémoration des vérités qu’on sait déjà mais qu’il faut s’approprier mieux encore. (…) Il y a aussi les entretiens avec un confident, avec des amis, avec un guide ou directeur ; à quoi s’ajoute la correspondance dans laquelle on expose l’état de son âme, on sollicite des conseils. (…) Autour du soin de soi-même, toute une activité de parole et d’écriture… »[16].

La vie philosophique ou la vie comme art de vivre est une affaire à plein temps, parce il n’y a pas de césure entre la vie et la philosophie. On ne naît pas philosophe, on ne cesse de s’exercer à le devenir mieux pour devenir sage. On philosophe parce qu’on apprend à vivre toute sa vie (Sénèque) : on apprend à vivre une vie digne d’être vécue en philosophant.. La vie ou la philosophie est un exercice permanent.

2.3 La métamorphose de la vie par l’usage du discours[17].

Le discours poursuit une double fonction : justifier le choix de vie et s’approprier personnellement les principes, les préceptes de la doctrine. On en a un bon exemple avec le début des trois Lettres d’Épicure :

« Épicure à Hérodote, salut.
Pour ceux, Hérodote, qui ne peuvent pas se consacrer à l’étude détaillée de ce que j’ai écrit sur la nature … j’ai préparé un résumé (ἐπιτομήn) de tout le système pour leur permettre de retenir d’une manière suffisante dans la mémoire (μνήμηn) les opinions les plus fondamentales, afin qu’en chaque occasion (ἵνα παρ’ ἕκαστοuς τῶν καιρῶν), dans les questions les plus importantes, ils puissent s’aider eux-mêmes, toutes les fois qu’ils toucheront à l’étude de la nature »[18]
« Épicure à Pythoclès, salut.
Cléon m’a apporté une lettre de toi (…) tu essaies, non sans succès, de te rappeler les raisonnements qui tendent à la vie heureuse, et enfin tu me demandes de t’envoyer, au sujet des météores, un exposé concis et récapitulatif ((σύντομον  καί  εὐπερίγραφον  διαλογισμόν), afin de t’en souvenir facilement »[19].
« Épicure à Ménécée, salut.
Que nul, étant jeune, ne tarde à philosopher, ni, vieux, ne se lasse de la philosophie. Car il n’est, pour personne, ni trop tôt ni trop tard, pour assurer la santé de l’âme (πρὸς  τό κατά  ψυχήν  ὑγιαίνον). (…) Il faut méditer ((μελετάν) sur ce qui procure le bonheur…
Ce que je te conseillais sans cesse, ces enseignements-là, mets-les en pratique et médite-les (πράττε καί μελετά), en comprenant que ce sont les éléments du bien-vivre »[20].

[NB : certains accents grecs ne sont pas corrects]

Le discours dans la philosophie antique, qu’il soit oral ou écrit, a donc une dimension pratique. Il sert à former l’âme du disciple qui doit seulement s’assimiler une vérité déjà établie[21]. En dehors du cas de Socrate, de Diogène ou de Pyrrhon qui n’ont rien écrit, le discours écrit était utilisé par les académiciens, les épicuriens, les stoïciens, sous la forme de lettres, d’exhortations, de courts traités pour conforter et stabiliser la vérité dans l’âme et édifier celle-ci comme une « citadelle intérieure »[22]. Le discours doit transformer une vérité en une manière d’être. 
Ces trois conditions pratiques de la vie philosophique font comprendre combien la philosophie antique est éloignée de notre compréhension et de notre pratique de la philosophie. Être un philosophe, alors, c’est choisir la vie philosophique. Choisir la vie philosophique, c’est choisir une école philosophique, et cet engagement unique[23] tient précisément au fait que le choix de la/une philosophie est existentiel et non pas simplement intellectuel. Ensuite être un philosophe antique, ce n’est pas chercher la vérité par soi-même, mais s’approprier la vérité déjà établie par un maître et partagée par d’autres disciples. Donc là où un philosophe contemporain pense la vie ou passe sa vie à penser, testant des hypothèses, un philosophe antique vit la pensée en s’appliquant à être toujours plus sage. Il n’aspire pas à être original et ne « théorise » pas gratuitement. Ou bien il s’impose de marcher dans les pas de son maître pour en chanter la gloire, tel Lucrèce à l’égard d’Épicure[24], ou bien se contente de suivre, pour lui-même et sans rien écrire, les préceptes de son école. Car ce qui importe ce n’est pas de « faire » de la philosophie, mais d’être sage.

« Il ne faut pas faire semblant de philosopher, mais philosopher pour de bon (οὐ προσποιεῖσθαι δεῖ φιλοσοφεῖν, ἀλλ’ ὄντως φιλοσοφεῖν) ; car nous n’avons pas besoin de paraître en bonne santé, mais de l’être vraiment »[25].

3.    Les vies philosophiques des écoles antiques

La philosophie antique est un art de vivre, toute école philosophique antique est une école de vie en vue de la sagesse. La différence entre les écoles se fait sur la définition du souverain bien, les exercices et la pratique du discours. Ainsi, « chaque école à sa méthode thérapeutique propre »[26].

3.1 Socratisme : une vie qui s’examine

On ne pourra sans doute jamais savoir quelles étaient les idées philosophiques de Socrate. De son activité philosophique, nous avons des descriptions diverses et parfois contradictoires entre ce qu’on appelle les grands (Platon) et les petits socratiques (cyrénaïques, cyniques…). 
Le socratisme a son point de départ dans la réflexion de l’individu sur ses actions et sur les valeurs qu’elles impliquent. Quel est le mal à éviter, quel est le bien à rechercher ? Le mal, c’est l’ignorance de l’ignorance qui empêche de chercher à devenir meilleur ou vertueux. Pour le bien, c’est le souci de soi ou le souci de l’examen de soi : ἐπιμέλεια ἑαυτοῦ. Répétons la formule de Socrate qui sera à l’origine de toute la philosophie antique. 

« Une vie sans examen de soi est une vie indigne de l’homme (ὁ δὲ ἀνεξέταστος βίος οὐ βιωτὸς ἀνθρώπῳ) »[27].

La vie philosophique pour s’examiner elle-même, mais toujours au contact des autres, a pour méthode l’elenchos (ἔλεγχος). Le terme est difficile à traduire : « réfutation » est trop restrictif et « examen » ou « mise à l’épreuve » est trop large[28]. L’elenchos pose comme exigence pour soi et pour autrui d’être en accord non seulement dans sa pensée, mais entre sa vie et sa pensée. Ainsi une vie qui s’examine (en l’occurrence sous l’injonction du dieu, ce qui restreint l’interprétation « rationaliste” du procédé socratique) est une vie qui met à l’épreuve l’opinion d’autrui et la réfute par le raisonnement ou qui met sa propre opinion à l’épreuve de celle d’autrui pour se réfuter.

3.2 Cynisme : une vie naturelle

Le philosophe cynique (le « philosophe-chien » du nom du gymnase « Cynosargès » fréquenté par les disciples d’Antisthène) retient du socratisme l’option existentielle, en choisissant non la voie longue de la dialectique, privilégiée par Platon (le long détour) mais la voie courte vers la vertu par la subversion des valeurs traditionnelles[29]. Le philosophe cynique retient de Socrate la capacité à se maîtriser, en vue d’atteindre l’autarcie la plus complète. La vie philosophique, pour atteindre le souverain bien, impose de conformer sa vie à la nature, en se délivrant des chaînes des conventions, des commodités et des artifices de la vie sociale. Diogène ne possédait, selon la légende, qu’un bâton, une besace et un manteau.
Cette radicalité du cynisme[30] l’écarte non seulement de la foule (insensés) mais aussi des autres écoles philosophiques Le philosophe cynique heurte les règles élémentaires, les valeurs partagées de propreté, de tenue, de politesse. Le philosophe cynique est « sans cité, sans maison, privé de patrie, miséreux, errant vivant au jour le jour »[31] Diogène se masturbe[32] ou fait l’amour en public : le plaisir sexuel est entièrement naturel et ce sont les normes sociales qui l’entravent. L’état de nature (phusis), manifeste dans le comportement animal ou enfantin, est supérieur à toute la civilisation (nomos). 
La vie philosophique est constituée par des exercices pour supporter la faim, la soif, les intempéries, c’est-à-dire pour acquérir l’indépendance. La vie authentiquement philosophique est, pour la cité, la vie la plus scandaleuse. Mais le scandale social est le signe d’une vie indépendante.
Sur le plan du discours, le cynisme cultive le franc-parler, la liberté de parole (parrhêsia) en toute situation, sans craindre les puissants. Il est concis, manie le sarcasme ou la boutade plutôt que l’argumentation logique : à celui qui affirme que le mouvement n’existe pas, Diogène se contente de se lever et de marcher. 
M. Foucault cerne, de manière saillante dans Le courage de la vérité, la signification de la parrhêsia dans la philosophie cynique. Elle est un « dire-vrai » sans honte et sans crainte, sans retenue, qui pousse le courage de la vérité jusqu’à l’insolence. Le dire-vrai s’identifie ici avec le mode de vie, ou la vie se doit d’être seulement la manifestation de la vérité. Il s’agit pour le cynique d’ « exercer dans sa vie et par sa vie le scandale de la vérité. (…) Bien peu de vérité est indispensable pour qui veut vivre vraiment et… bien peu de vie est nécessaire quand on tient vraiment à la vérité » [33]. Peu de vérité dans la vie, peu de vie dans la vérité. C’est cette identité, par leur resserrement maximal, qui caractérise la « vraie vie » (aléthinos bios). L’adjectif « vrai » recouvre alors quatre significations : (1) une vie sans dissimulation, intégralement transparente ; (2) une vie sans mélange ; (3) une vie droite, jusqu’à braver les lois conventionnelles ; (4) une vie qui cherche le bonheur par la maîtrise de soi. Or seul le bios kunikos est capable de réaliser ainsi cet idéal de la vraie vie. Et c’est effectivement une vie de chien : une vie sans pudeur, sans honte ; une vie qui se satisfait des besoins immédiats, tout le reste étant indifférent (adiophoron) ; une vie d’aboyeur toujours en éveil ; une vie de chien de garde pour l’humanité en général. La vie non-dissimulée se convertit en exigence de visibilité absolue qui frise l’impudicité (masturbation, défécation, copulation en public). L’exigence de pureté prend la forme de la pauvreté extrême, qui ne se limite pas à un simple détachement de l’âme par rapport au corps. Puisque toute autre loi que la nature est conventionnelle, la droiture a une connotation naturaliste. Alors que dans les autres écoles philosophiques, la différence de l’homme à l’égard de l’animal est un motif de fierté, le cynisme se replie sur l’animalité comme modèle d’une vie réduite. 

3.3 Scepticisme : une vie détachée

Le scepticisme est un art de vivre qui consiste dans une règle simple : « une indifférence parfaite à l’égard de toutes choses ». Diogène-Laërce soutient que la source de la pensée de Pyrrhon, fondateur de la philosophie sceptique, vient de sa découverte, au cours de son voyage en Inde avec Alexandre, des gymnosophistes et brahmanes (Calanos en particulier). Il en tira peut-être l’idée de l’irréalité de tout ce qui semble réel, c’est-à-dire de l’universalité de l’apparence. L’être n’existe pas : il n’est que la réification illusoire d’une apparence[34].
Le sceptique reconnaît que nous n’avons aucun moyen de savoir si les choses sont, en elles-mêmes, ou des biens ou des maux. Et ne pouvant accéder jamais qu’aux apparences des choses toujours changeantes, les jugements que nous portons sur elles occasionnent des troubles dans l’âme au lieu de la quiétude recherchée. Donc tout le malheur tient au jugement que l’esprit ajoute aux apparences. Inversement, toute la sagesse se réduit à retrancher le jugement, donc la croyance et l’adhésion aux choses, pour s’en tenir à l’égalité des apparences. 

« mais le phénomène l’emporte partout »[35].

Ainsi l’exercice fondamental de la vie philosophique sceptique consiste dans la suspension du jugement (épochê) : il faut laisser apparaître les choses comme elles apparaissent, c’est-à-dire les laisser se présenter d’elles-mêmes pour les recevoir dans leur adiaphora (indifférence) et à agir sur cette base. Cette règle seule est susceptible de produire la sérénité, la quiétude de l’âme. Peu importe ce qu’on fait, l’essentiel est de le faire avec indifférence, avec la disposition intérieure de ne pas valoriser ce qu’on fait (pour en tirer une vaine satisfaction) ou ce qu’on ne fait pas (pour le regretter). Cette totale indifférence ou impassibilité est la manière humaine d’atteindre la nature du bien ou du divin qui est de demeurer toujours la même. Diogène-Laërce raconte ainsi comment Pyrrhon, voyant son ami Anaxarque tombé dans un marais, ne lui porte pas secours ; et celui-ci de le féliciter pour son insensibilité. Par ailleurs, Pyrrhon mène une vie simple — très éloignée du scandale du philosophe cynique : 

« Il vivait pieusement avec sa sœur qui était sage-femme ; quelque fois il allait vendre au marché de la volaille et des cochons de lait et, avec indifférence, il faisait le ménage ; et on dit aussi qu’il faisait, avec indifférence, la toilette du cochon ».[36]

L’usage du discours est ici évidemment très limité, restreint à la répétition de quelques formules (phonai) : « pas plus ceci que cela », « je ne définis rien », « à tout argument s’oppose une argument de force égale »[37]
Au fond, il s’agit pour le sceptique de vivre la vie sans un jugement sur la vie : éprouver la vie sans y ajouter son opinion. Le sceptique « prenait la vie pour guide » comme dit Sextus Empiricus à propos de Pyrrhon : non pas se guider dans la vie mais faire de la vie simplement le guide de l’homme.
Le scepticisme est bien une vie « philosophique » (un « art » de vivre), tant il paraît difficile de parvenir à pareil état d’indifférence, de poser que tout est indifférent sauf l’indifférence, que le bien est l’indifférence même[38]. La vie sceptique vise un dépouillement total pour vivre le monde à partir de l’égalité de toutes les différences. 

3.4 Épicurisme : une vie réjouie

L’épicurisme est une quête du bonheur par le plaisir. C’est pourtant un art de vivre parce qu’il ne s’agit pas pour le sage de rechercher le plaisir des « gens dissolus » et que le plaisir doit durer toute la vie. Or une vie de plaisir ne va pas sans philosophie — ce qui n’a rien d’un idéal « ascétique »[39] puisque si l’on pouvait vivre heureux, c’est-à-dire sans trouble, en éprouvant sans limite toutes les sortes de plaisirs, il ne faudrait pas s’en priver. L’épicurisme illustre la définition antique de la philosophie comme art de vivre et sagesse pratique. La philosophie réjouit la vie immédiatement, et c’est pourquoi il faut la pratiquer sans tarder quand on est jeune, et sans s’en priver quand on ne l’est plus.
« Dans l’exercice de la sagesse (philosophie), le plaisir va de pair avec la connaissance. Car on ne jouit pas après avoir appris, c’est tout ensemble qu’on apprend et qu’on jouit »[1]
Tout le malheur humain vient des craintes de l’âme et de la douleur du corps. Aussi toute l’éthique épicurienne et toute la thérapeutique tient dans ce tetraphramakon :  il n’y a rien à craindre des dieux ; la mort n’est rien par rapport à nous ; le bien est facile à obtenir (par la maîtrise et la hiérarchie des désirs) ; la douleur est facile à supporter (car elle est ou brève et supportable ou insupportable et mortelle).
Il s’agit ainsi de supprimer les craintes par la connaissance de la nature[2] et de s’exercer à distinguer les types de désirs selon leur capacité à conduire au bonheur, c’est-à-dire renoncer aux désirs vains (ni naturels ni nécessaires), maîtriser les désirs intermédiaires (désirs naturels non nécessaires) et réduire sa vie autant que possible aux désirs naturels et nécessaires qui assurent des plaisirs stables. 
Ce n’est pas le corps qui est mauvais, mais l’opinion qui oublie la nature. Si le désir limité est le désir naturel-nécessaire, inversement tout ce qui s’oppose à la limite s’oppose à la nature. C’est pourquoi Épicure ne propose pas une police des mœurs mais une hygiène de vie : réguler les désirs ce n’est pas la même chose qu’éradiquer certains désirs. Si l’on se fixe sur cette équation : nature = limite, alors la modération des désirs conduit à une « pauvreté joyeuse » selon l’expression de Sénèque. L’hédoniste se satisfait de peu parce que la vie est comblée par peu de choses. Ainsi Épicure invite-t-il finalement à la frugalité et à la sobriété. Diogène Laërce et Sénèque rapportent ce propos du maître :  « ayons de l’eau, de la polenta, rivalisons de félicité avec Zeus lui-même»[3]
Il y a renoncement donc sans ascétisme. Car renoncer à l’inutile aliénant n’est pas renoncer, soustraire mais augmenter, affirmer. Certes le plaisir vient après un désir et donc un manque. Mais il y a désir et désir, manque et manque. On peut étancher sa soif, manger à satiété. Mais qui désire l’ambition, la gloire désire à perte et sans fin. Ainsi la priorité est de discriminer les désirs[4], ce qui revient finalement à simplifier sa vie autour de ce qui est naturel et nécessaire. 


[1] Épicure, Lettres et maximesSentence vaticane 27, op. cit., p. 255.
[2] (1) Les dieux sont matériels et indifférents à l’égard des hommes. (2) La douleur suppose la vie, or la mort est la destruction atomique du lien entre l’âme (matérielle) et le corps, condition de la vie et de la perception, donc la mort ne peut être un mal à redouter.
[3] « La richesse selon la nature est bornée et facile à se procurer ; mais celle des opinions vides tombent dans l’illimité » (Épicure, Lettres et maximesMaximes capitales, XV, op. cit., p. 235-237). 
4] « Il faut, en outre, considérer que, parmi les désirs, les uns sont naturels, les autres vains, et que, parmi les désirs naturels, les uns sont nécessaires, les autres naturels seulement » (Épicure, Lettres et maximesLettre à Ménécée, 127, op. cit., p. 221).
Désirs vains : a) illimitation des désirs naturels et non-nécessaires (passion amoureuse et raffinement ) ;  b) désirs ni naturels ni nécessaires (désir des richesses ; désir des honneurs ; désir de gloire).
Désirs naturels : désirs naturels et nécessaires : pour le bonheur, pour le corps, pour la vie
Désirs intermédiaires : désirs naturels non-nécessaires : pour le désir sexuel, pour les désirs esthétiques

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« Dans l’exercice de la sagesse (philosophie), le plaisir va de pair avec la connaissance. Car on ne jouit pas après avoir appris, c’est tout ensemble qu’on apprend et qu’on jouit »[40]
Tout le malheur humain vient des craintes de l’âme et de la douleur du corps. Aussi toute l’éthique épicurienne et toute la thérapeutique tient dans ce tetraphramakon :  il n’y a rien à craindre des dieux ; la mort n’est rien par rapport à nous ; le bien est facile à obtenir (par la maîtrise et la hiérarchie des désirs) ; la douleur est facile à supporter (car elle est ou brève et supportable ou insupportable et mortelle).
Il s’agit ainsi de supprimer les craintes par la connaissance de la nature[41] et de s’exercer à distinguer les types de désirs selon leur capacité à conduire au bonheur, c’est-à-dire renoncer aux désirs vains (ni naturels ni nécessaires), maîtriser les désirs intermédiaires (désirs naturels non nécessaires) et réduire sa vie autant que possible aux désirs naturels et nécessaires qui assurent des plaisirs stables. 
Ce n’est pas le corps qui est mauvais, mais l’opinion qui oublie la nature. Si le désir limité est le désir naturel-nécessaire, inversement tout ce qui s’oppose à la limite s’oppose à la nature. C’est pourquoi Épicure ne propose pas une police des mœurs mais une hygiène de vie : réguler les désirs ce n’est pas la même chose qu’éradiquer certains désirs. Si l’on se fixe sur cette équation : nature = limite, alors la modération des désirs conduit à une « pauvreté joyeuse » selon l’expression de Sénèque. L’hédoniste se satisfait de peu parce que la vie est comblée par peu de choses. Ainsi Épicure invite-t-il finalement à la frugalité et à la sobriété. Diogène Laërce et Sénèque rapportent ce propos du maître :  « ayons de l’eau, de la polenta, rivalisons de félicité avec Zeus lui-même»[42]
Il y a renoncement donc sans ascétisme. Car renoncer à l’inutile aliénant n’est pas renoncer, soustraire mais augmenter, affirmer. Certes le plaisir vient après un désir et donc un manque. Mais il y a désir et désir, manque et manque. On peut étancher sa soif, manger à satiété. Mais qui désire l’ambition, la gloire désire à perte et sans fin. Ainsi la priorité est de discriminer les désirs[43], ce qui revient finalement à simplifier sa vie autour de ce qui est naturel et nécessaire. 

« A tous les désirs, il faut appliquer cette question : que m’arrivera-t-il si est accompli ce qui est recherché conformément à mon désir, et quoi si ce n’est pas accompli ? »[44].

Enfin, l’exercice d’une sorte de gratitude envers la vie, par remémoration des plaisirs passés, notamment du plaisir de l’amitié et du plaisir de la discussion avec le maître et entre les disciples, permet de supporter la douleur[45].
La vie philosophique consiste ainsi à vivre pleinement la vie dans son unicité, à partir de la conscience qu’elle est le produit d’un pur hasard, situé entre deux néants, en méditant jour et nuit les enseignements du maître pour être « comme un dieu parmi les hommes », en pratiquant un discours conforme à la nature (phusiologia), pour chercher à partir de la sensation des contenus d’expérience capables d’apaiser l’âme inquiète. La vie philosophique est une vie bornée au simple plaisir d’exister.

3.5 Stoïcisme : une vie intérieure

La source d’inspiration du stoïcisme est sans doute le tragique de la vie. Ce n’est pas une philosophie tragique mais une philosophie en réponse au destin qui accable les hommes. La seule manière de le supporter, c’est de veiller à la manière de recevoir les choses et de les juger. La liberté est seulement là. Les choses sont ce qu’elles sont, ni bonnes ni mauvaises en soi. Le malheur n’est pas une structure objective du monde. Il provient exclusivement du rapport de l’homme au monde, c’est-à-dire fondamentalement d’une inadéquation entre les désirs humains et les choses, entre l’individu et lui-même. Aussi le stoïcisme propose-t-il un principe simple : maîtriser ce qui dépend de nous et consentir (ce qui dépend également de nous) à ce qui relève de l’ordre du monde (qui ne dépend pas de nous) : 

« Il y a des choses qui dépendent de nous, il y en a d’autres qui n’en dépendent pas. Ce qui dépend de nous ce sont nos jugements, nos tendances et nos désirs (…) Ce qui ne dépend pas de nous, c’est le corps, la richesse, la célébrité, le pouvoir ; en un mot, toute les œuvres qui ne nous appartiennent pas »[46].

Le souverain bien pour le stoïcien implique que « l’âme reprenne possession d’elle-même »[47] pour vivre en plein accord avec soi et avec le monde.
Les exercices de la vie philosophique stoïcienne s’organisent autour de trois disciplines auxquels le sage pouvait s’exercer grâce aux hypomnêmata dans le but de fortifier la vie intérieure de l’âme pour en faire une « citadelle imprenable » : discipline des désirs (physique) (consentir à l’univers en accueillant avec joie les événements comme ils arrivent) ; discipline de l’action (éthique) (pratiquer la justice) ; discipline du jugement (logique) (distinguer ce qui dépend et ce qui ne dépend pas de soi).

« Ce qui trouble les hommes, ne sont pas les choses, ce sont les jugements sur les choses. (…) Lorsque … nous sommes traversés, troublés, chagrinés, ne nous en prenons jamais à un autre, mais à nous-mêmes, càd à nos jugements propres. Accuser les autres de ses malheurs est le fait d’un ignorant ; s’en prendre à soi-même est d’un homme qui commence à s’instruire ; n’en accuser ni un autre ni soi-même est d’un homme parfaitement instruit »[48].

Et puisque les jugements sur les choses dépendent absolument de nous, le sujet à en lui le pouvoir de ne jamais être troublé. Et si les choses arrivent comme elles doivent arriver, la liberté est de vouloir et aimer la nécessité qui exprime la loi du monde, de Dieu ou de la Providence[49] pour être heureux[50].
Voici un tableau récapitulatif des vies philosophiques selon les écoles antiques. 

 socratismecynismescepticismeépicurismestoïcisme
bien recherchéarétè autarcie
Indépendance
ataraxie par indifférenceataraxie par sérénitéapathie par indifférence  
option existentiellevie qui s’examinevie naturellevie détachée vie réjouie vie intérieure
exercicesCohérence
Examen dialectique
Endurance
Scandale
Epochê
Silence
Maîtrise des désirs, calcul des plaisirsAscèse mentale
Contemplation du monde
discoursElenchosParrhêsiaPhonaïPhusiologiaHypomnêmata

Conclusion : Actualité de la philosophie antique

La difficulté initiale était de saisir la philosophie antique à partir d’elle-même, sans en déformer la conception à partir de notre compréhension de la philosophie. La difficulté terminale est inverse : que faire de la philosophie antique si la philosophie aujourd’hui n’est pas ce qu’elle fut ? Un philosophe n’est plus un maître de vie et de sagesse. C’est un intellectuel, mi-écrivain, mi-professeur, mais jamais un « semi-conducteur » pour former les âmes. La philosophie s’enseigne, mais ce qui s’enseigne à l’université est surtout l’histoire de la philosophie — ou quand elle se fait recherche, c’est autour de micro-arguments par articles spécialisés interposés. La philosophie contemporaine ne possède aucune unité et certainement pas sous l’égide d’un art de vivre. Donc qu’est-ce que la philosophie antique pour nous ? Que faire de la philosophie antique en philosophie aujourd’hui ?
Avant d’avancer quelques éléments de réponse, on fera quatre remarques préalables.
(1) L’idéal de la philosophie antique n’a jamais complètement disparu. La « dimension existentielle et vitale de la philosophie antique »[51] a continué d’inspirer les auteurs au cours des siècles, de la Renaissance[52] à Kant[53], et jusqu’au « trip gréco-latin » de Foucault[54] en passant (paradoxalement) par Descartes[55].
(2) La philosophie antique est inactuelle pour la philosophie contemporaine, mais actuelle pour le sens commun. Elle correspond pour lui à ce que doit être la philosophie. La philosophie ne vaudrait pas une heure de peine si elle devait renoncer complètement à faire de la vérité un enjeu existentiel et proposer une forme de vie spirituelle.
(3) Cet attachement à la définition de la philosophie comme art de vivre, donc à la définition de la philosophie antique, explique peut-être l’émergence de nouveaux lieux et peut-être de nouvelles pratiques de la philosophie : à l’école primaire, dans l’entreprise, au café, sous forme de BD… Un désir « sociétal » de philosophie semble s’exprimer comme une sorte de quête de sens, en marge du savoir académique de la philosophie et dans le déclin du christianisme qui avait eu précisément pour effet, à partir du Moyen Age et l’institution de l’Université, de réduire la philosophie à une tâche théorique, au service à la théologie (ancilla), pour s’accaparer religieusement intégralement l’aspiration spirituelle et la vocation existentielle.
(4) Paradoxalement, l’art de vivre c’est ce qui reste de la philosophie quand le projet de la métaphysique comme science a été abandonné. Donc le socratisme, le cynisme, le scepticisme, l’épicurisme, le stoïcisme peuvent être investis comme des possibilités de vie, peut-être davantage que le platonisme ou l’aristotélisme en raison de leur soubassement ontologique. En particulier, la philosophie antique fondée sur le « souci de soi » peut être explorée comme un modèle de « subjectivation ». C’est la voie suivie par Foucault dans ses derniers ouvrages : Subjectivité et vérité (1980-81) : L’Herméneutique du sujet (1981-82), Le Gouvernement de soi et des autres (1982-83), Le Courage de la vérité (1983-84), L’Usage des plaisirsLe Souci de soi.
Mais, donc, finalement, la philosophie antique peut-elle être vraiment actualisée ? Elle l’a été et elle l’est, de fait. Seulement, dans la société civile, la réactivation de la philosophie antique est portée trop souvent par des experts en développement personnel. Marc-Aurèle est promu ou rabaissé au rang de « conseiller d’existence ». Ici la philosophie antique perd à la fois sa technicité et son exigence éthique. On y confond aussi volontiers l’ascèse d’une construction patiente de soi avec le retour authentique à soi. Quant à la réinterprétation philosophique foucaldienne du souci de soi comme subjectivation, elle tire la philosophie antique davantage vers une « esthétique de soi » que vers une éthique de soi. Elle dissocie le rapport entre sagesse et exercices spirituels et oublie la dimension cosmique de la philosophie antique. C’est la double objection de P. Hadot adressée à Foucault[56].
Enfin, la vie donne certes des occasions d’être socratique, en veillant à la cohérence de sa pensée, entre son discours et sa vie, d’être cynique en choisissant la voie de la marginalisation sociale, d’être épicurien par le calcul des plaisirs, d’être stoïcien en tentant de reprendre le contrôle de sa vie par la maîtrise de ses représentations, d’être sceptique devant des informations contradictoires ? Mais peut-on encore adopter l’art de vivre socratique, ou cynique, ou stoïcien, etc. ? Outre le fait que la philosophie ne s’organise plus en écoles (même s’il y a des « chapelles »), que la relation maître-disciple a disparu, peut-être est-ce le monde qui se refuse à l’idéal d’un art de vivre, soit parce qu’il est technoscientifique, soit parce qu’il n’est plus un modèle d’ordre par rapport auquel s’orienter, soit parce qu’un art de vivre est décidément trop « subjectif » ?
Mais si la philosophie n’est plus ce qu’elle fut, si elle fut ce qu’elle n’est pas, et s’il s’agit malgré tout ici et là de philosophie, la vraie question générale et préalable est : « qu’est-ce que la philosophie ? ». Aucun philosophe n’a de réponse à cette question, preuve désespérante qu’il est philosophe. Ou alors, la réponse adoptera une position à la fois nominaliste et pragmatiste, comme le fait selon nous P. Vesperini[57] : il y a philosophie partout où une pratique quelle qu’elle soit a été nommée telle. Ainsi il faut conclure que la philosophie antique fut une philosophie, comme il y eut une philosophie scolastique. La définition de la philosophie comme art de vivre est sans doute la moins mauvaise définition de la philosophie antique et doit nous avertir de ne pas projeter sur elle notre conception moderne de la philosophie comme système théorique. Mais, pour cette raison même, elle n’est pas la définition de la philosophie. La conclusion serait donc qu’on ne peut philosopher comme philosophaient les Anciens, surtout s’il faut voir les Grecs comme des Irokois. L’actualisation de la philosophie antique ne peut être qu’une actualisation historique de la philosophie antique qui, quelle qu’en soit la forme (éthique spiritualiste : Hadot ; esthétique de l’existence :Foucault ; anthropologie historique : Vesperini) qui ne saurait répondre à l’idéal d’une sagesse pratique fondée sur un rapport théorétique au monde.


[1] « C’est ce thème du souci de soi, consacré par Socrate que la philosophie ultérieure a repris et qu’elle a fini par placer au cœur de cet “art l’existence” qu’elle prétend être. [La culture de soi] est … un impératif qui circule parmi nombre de doctrines différentes … a imprégné des façons de vivre ; il s’est développé en procédures, en pratiques et en recettes qu’on réfléchissait, développait, perfectionnait et enseignait ; il a constitué une pratique sociale… » (M. Foucault, Histoire de la sexualité, 3, Le souci de soi, Paris, Gallimard, 1984, p. 59).
[2] Platon, Apologie de Socrate, 38a.
[3] Par ex. l’alternative physique : atomes et vide ou Providence (voir Marc-Aurèle, Pensées pour soi-même, IV, 5 : « Répète-toi l’alternative : ou bien la Providence, ou bien les atomes »), ou l’alternative éthique : plaisir ou vertu.
[4] « C’est dans les écoles hellénistiques et romaines de philosophie que le phénomène est plus facile à observer. Les stoïciens, par exemple, le déclarent, explicitement : pour eux, la philosophie est un “exercice”. A leurs yeux, la philosophie ne consiste pas dans l’enseignement d’une théorie abstraite, encore moins dans une exégèse de textes, mais dans un art de vivre, dans une attitude concrète, dans un style de vie déterminé, qui engage toute l’existence. L’acte philosophique ne se situe pas seulement dans l’ordre de la connaissance, mais dans l’ordre du “soi” et de l’être : c’est un progrès qui nous fait plus être, qui nous rend meilleurs. C’est une conversion qui bouleverse toute la vie, qui change l’être de celui qui l’accomplit. Elle le fait passer d’un état de vie inauthentique, obscurci par l’inconscience, rongé par le souci, à un état de vie authentique, dans lequel l’homme atteint la conscience de soi, la vision exacte du monde, la paix et la liberté intérieures » (P. Hadot, Exercices spirituels, p. 15-16).
[5] Il faudrait, en conséquence, corriger une certaine lecture de l’histoire de la philosophie antique laissant penser que la philosophie aurait « changé d’essence au cours de son histoire dans l’Antiquité » passant de l’enquête sur la phusis (philosophie pré-socratique) aux grandes synthèses « métaphysiques » (Platon, Aristote), à un repli de la raison philosophique sur l’approfondissement d’une liberté plus intérieure, à l’époque hellénistique. En réalité, déjà chez Socrate au moins, la philosophie est « un mode de vie, une technique de la vie intérieure » (P. Hadot, Exercices spirituels, p. 222).
[6] Ibid., p. 9.
[7] P. Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique ?, p. 16.
[8] P. Hadot, Exercices spirituels, p. 308.
[9] Nous suivons dans la suite l’article de D. Desroches, « La philosophie comme mode de vie chez Pierre Hadot », L’Encyclopédie de L’AGORA, 2011.
[10] « Au moins depuis Socrate, l’option pour un mode de vie ne se situe pas à la fin du processus de l’activité philosophique, comme une sorte d’appendice accessoire, mais bien au contraire, à l’origine, dans une complexe interaction entre la réaction critique à d’autres attitudes existentielles, la vision globale d’une certaine manière de vivre et de voir le monde, et la décision volontaire elle-même ; et cette option détermine jusqu’à un certain point la doctrine elle-même et le mode d’enseignement de cette doctrine. Le discours philosophique prend donc son origine dans un choix de vie et une option existentielle et non l’inverse. En second lieu, cette décision et ce choix ne se font jamais dans la solitude : il n’y a jamais un philosophe ni philosophes en dehors d’un groupe, d’une communauté, en un mot d’une “école” philosophique et, précisément, une école philosophique correspond alors avant tout au choix d’une certaine manière de vivre, à un certain choix de vie, à une certaine  option existentielle, qui exige de l’individu un changement total de vie, une conversion de tout l’être, finalement un désir d’être et de vivre d’une certaine manière. Cette option existentielle implique à son tour une certaine vision du monde, et ce sera la tâche du discours philosophique de révéler et de justifier rationnellement aussi bien cette option existentielle initiale et il y reconduit, dans la mesure où par sa force logique et persuasive, par l’action qu’il veut exercer sur l’interlocuteur, il incite maîtres et disciples à vivre réellement en conformité avec leur choix initial, ou bien il est en quelque sorte la mise en application d’un certain idéal de vie » (P. Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique ?, p. 17-18).
[11] La philosophie est certes divisée en parties (physique, logique ou canonique, éthique). Mais d’une part la physique et la logique ne sont que les moyens de l’éthique, c’est-à-dire de la visée du souverain bien. D’autre part la philosophie est en fait une sorte un acte unique qui rassemble les parties du discours philosophique. 
« Selon les Stoïciens, les parties de la philosophie, c’est-à-dire la physique, l’éthique et la logique étaient en fait non pas des parties de la philosophie elle-même mais des parties du discours (…) Mais la philosophie elle-même, c’est-à-dire le mode de vie philosophique, n’est plus une théorie divisée en parties mais un acte unique qui consiste à vivre la logique, la physique et l’éthique. On ne fait plus alors la théorie de la logique, c’est-à-dire du bien parler et du bien penser, mais on pense et on parle bien, on ne fait plus la théorie du monde physique, mais on contemple le cosmos, on ne fait plus la théorie de l’action morale, mais on agit d’une certaine manière droite et juste » (P. Hadot, Exercices spirituels, p. 219-220).
[12] Ibid., p. 13-14. Hadot qui anticipe l’objection rappelle que les Exercia spiritualia sont attestés avant Ignace de Loyala dans l’ancien christianisme latin, correspondent à l’askesis du christianisme grec qui existe déjà dans la tradition philosophique antique. M. Foucault, de son côté (voir Histoire de la sexualité, Les aveux de la chair, p. 106 sq), souligne que les auteurs chrétiens des premiers siècles n’ont pas « masqué » l’antériorité et la parenté de leurs exercices (direction spirituelle, examen de soi…) avec ceux des philosophes « païens », avant de souligner la différence des pratiques : reconnaissance en soi de ce qui conduit à Dieu qui est la vérité, détachement à l’égard du monde extérieur, renoncement à la volonté, aveu sans répit des fautes (exagoreusis).
[13] Voir M. Foucault, Histoire de la sexualité, L’usage des plaisirs, Paris, Gallimard, 1984. 
Le souci éthique des plaisirs sexuels ne porte pas sur des types de plaisirs mais sur des actes, ne repose pas sur le soupçon du mal mais fait craindre une perte de maîtrise de soi et associe dans une dynamique acte, désir et plaisir (la pastorale chrétienne dissociera). La question n’est pas de savoir quels désirs ou quels plaisirs sont licites ou illicites, mais avec quelle force il faut se livrer aux plaisirs. Le partage se fait selon le plus ou le moins,non selon le permis et le défendu. L’éthique des plaisirs reçoit deux noms : sophrôsunê et enkrateia. Les deux se traduisent par « tempérance » mais en un sens différent. Ils peuvent être associés comme chez Platon : se commander (archein) c’est être sage (sophrona onta) et se dominer (enkratè) et commander en soi aux plaisirs et aux désirs (Gorgias, 491d). Pour Foucault la sophrôsunê, c’est la tempérance comme il convient vis-à-vis des hommes et des dieux. L’enkratia, c’est la tempérance active envers soi. C’est pourquoi la tempérance prend la forme d’un combat, avec la connotation de virilité qui l’accompagne (pour cette morale d’homme, comme ne cesse de le répéter Foucault). Car la vertu n’est pas de ne pas désirer, de ne pas jouir, mais de savoir dominer les plaisirs, les vaincre sans être vaincu par eux. Il faut s’armer, par l’exercice (askesis) — souffrir la privation, rabattre le plaisir sur le besoin — pour conserver son âme-acropole. L’enjeu du souci éthique, c’est non pas la préservation de la pureté (spiritualité chrétienne) mais la capacité de la liberté.  « Beaucoup plus que la souillure, le danger que porte avec eux les aphrodisia, c’est la servitude » (ibid., p. 92).
[14] « Telle est ma règle : chaque jour je me cite à mon tribunal. Dès que la lumière a disparu de mon appartement, et que ma femme, qui sait mon usage, respecte mon silence par le sien, je commente l’inspection de ma journée entière, et reviens, pour les peser, sur mes discours, comme sur mes actes. Je ne me déguise ni ne me passe rien. » (Sénèque, De la colère, III, 3). Voir le commentaire de M. Foucault, Histoire de la sexualité 4, Les aveux de la chair, Paris, Gallimard, 2018, p. 111-112. 
[15] Voir P. Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique ?, p. 289 sq)
[16] M. Foucault, Histoire de la sexualitéop. cit., p. 66-67.
[17] P. Hadot, Exercices spirituels, p. 218.
[18] Épicure, Lettre à Pythoclès, 35, trad. M. Conche, Paris, éd. Mégare, 1977, p. 99.
[19] Épicure, Lettre à Pythoclès, 84, trad. M. Conche, Paris, éd. Mégare, 1977, p. 191.
[20] Épicure, Lettre à Ménécée 122-123, trad. M. Conche, Paris, éd. Mégare, 1977, p. 122-123.
[21] Ainsi comme l’écrivait justement É. Bréhier :« Le jeune philosophe n’a point à chercher ce qui a été trouvé avant lui ; la raison et le raisonnement ne servent qu’à consolider en lui les dogmes de l’école et à leur donner une assurance inébranlable ; mais il ne s’agit de rien moins dans ces écoles que d’une recherche libre, désintéressée et illimitée du vrai ; il faut s’assimiler une vérité déjà trouvée. » (É. Bréhier, Histoire de la philosophie antique, T. I, L’Antiquité et le Moyen Age, Paris, Félix Alcan, 1928, 788 p. V. p. 19)
[22] Selon le titre de P. Hadot pour son ouvrage consacré aux Pensées de Marc-Aurèle. Voir Marc-Aurèle, Pensées pour soi-même, IV, 3 ; VIII, 48.
[23] Ce point est discutable au moins pour la philosophie antique à l’époque impériale, si l’on en croit P. Vesperini (Droiture et mélancolie – Sur les écrits de Marc-Aurèle, Verdier, 2016). Marc-Aurèle n’est pas un empereur philosophe ou un empereur qui fait de la philosophie, mais un empereur qui utilise les « logoi » des philosophes pour vivre droitement, en romain et en disciple d’Antonin (philosophie = orthopraxie). Voir notre article sur l’ouvrage de Vesperini, L’empereur Marc-Aurèle fut-il un philosophe stoïcien ?, Philopsis, 2020. 
[24] P. Vesperini conteste cette interprétation dans son étude consacrée à Lucrèce, sous-titrée « Archéologie d’un classique européen » (Paris, Fayard, 2017) où il propose, à nouveau, une autre lecture de l’Antiquité hellénistique. On découvre que Lucrèce n’est pas un philosophe qui recourt à la poésie pour exposer la doctrine philosophique d’Epicure (poésie didactique) mais un poète professionnel répondant à une commande de Mémmius, aristocrate en fin de carrière, qui, par-là, espère voir son nom éternellement commémoré. Mémmius n’est pas seulement le destinataire du Poème, vite évacué dans les commentaires sous prétexte qu’on ne sait à peu près rien de lui. En fait, c’est le commanditaire, sénateur de cette République aristocratique romaine où la culture grecque est “cultivée” par toute l’élite. Mémmius, proche du chef de l’école épicurienne à Rome, un certain Patron, entend associer l’épicurisme à son prestige d’aristocrate. L’épicurisme du Poème se déplacerait de l’auteur à son commanditaire-dédicataire. Lucrèce n’aurait pas de conviction philosophique particulière (comme Marc-Aurèle). C’est un artiste, non un philosophe. Donc il faut lire le Poème comme un poème et non comme une œuvre philosophique. Ou il ne faut plus lire Lucrèce comme un philosophe romain exposant sa philosophie ou, en disciple zélé, la philosophie d’Épicure. Il faut rompre avec (le préjugé d’) une certaine hiérarchie des disciplines, par exemple entre la poésie et la philosophie. Lucrèce est un poète et non un philosophe faisant de la poésie pour exposer la philosophie épicurienne, c’est-à-dire une sorte de vulgarisateur de l’épicurisme. Ce qui n’ôte rien à son mérite mais donne plutôt l’occasion de montrer comment une œuvre d’art fonctionne, comment le jugement esthétique n’a besoin d’aucun prétexte philosophique. Plus largement, cette méthode d’histoire appliquée à l’histoire de la philosophie antique — depuis théorisée par son auteur dans son dernier ouvrage, La philosophie antique. Essai d’histoire, Fayard, 2019, notamment dans le chapitre intitulé « Comment on peut écrire l’histoire de la philosophie. Discours d’une méthode » — corrige notre vision de la philosophie antique et de la pratique du savoir antique. En effet, on se méprend sur la culture hellénistique si l’on néglige le fait que celle-ci ignore la séparation des disciplines (philosophie, politique, poésie, géométrie, histoire, etc.) — Vesperini parle de la « ronde des savoirs », et que le savoir est y toujours un objet de plaisir. On mesure donc les déplacements ou les effets de déconstruction : (1) Lucrèce n’est pas un philosophe mais un artiste ; (2) La vérité du texte n’est pas conceptuelle mais contextuelle ; (3)Le savoir est une pratique sociale plutôt qu’une théorie de la vérité ; (4) Non seulement la philosophie antique ne correspond pas à ce qu’on désigne aujourd’hui sous ce terme, mais l’histoire de la philosophie cesse d’apparaître comme l’histoire des problèmes philosophiques.
[25] Épicure, Sentences vaticanes, 54, trad. M. Conche, op. cit., p. 261.
[26] P. Hadot, Exercices spirituelsop. cit., p. 16.
[27] Platon, Apologie de Socrate, 38a.
[28] Voir J.-F. Balaudé, Le savoir philosophique, Paris, Grasset, 2010.
[29] Selon Diogène-Laërce (Vies des plus illustres philosophes de l’antiquité, VI, 22), Platon se serait exclamé à propos de Diogène : « C’est Socrate devenu fou ».
[30] P. Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique ?, p. 170
[31] Diogène-Laërce, Vies des plus illustres philosophes de l’antiquité, VI, 38.
[32] « Il se masturbait constamment en public et disait : “Ah ! si seulement en se frottant aussi le ventre, on pouvait calmer sa faim” ».[33] M. Foucault, Le courage de la véritéop. cit., p. 161 et p. 175.
[34] « Ceux qui disent que les sceptiques suppriment les [choses] apparentes (phainomena) me semblent ne pas avoir écouté ce que nous disons : car ce qui nous conduit à l’assentiment sans que nous le voulions, conformément à une représentation (phantasia) passive, nous ne nous en détournons pas, comme nous l’avons déjà dit plus haut – or c’est cela les [choses] apparentes (phainomena). Et quand nous cherchons si la réalité est telle qu’elle apparaît (phainetai), nous accordons le fait qu’elle apparaît (phainetai), et notre recherche ne porte pas sur ce qui apparaît (phainomenou) mais sur ce qui est dit de ce qui apparaît (phainomenou) – or cela est différent du fait de faire une recherche sur ce qui apparaît (phainomenou) lui-même. Par exemple, le miel nous apparaît (phainetai) avoir une action adoucissante. De cela nous sommes d’accord, car nous subissons cette action adoucissante par nos sens. Mais si, de plus, il est doux, pour autant que l’on suit l’argument, nous le cherchons – ce n’est pas ce qui apparaît (phainomenon), mais quelque chose qui est dit de ce qui apparaît (phainomenou). Et si nous proposons également des arguments directement contre les [choses] apparentes (phainomenôn), nous ne les exposons pas avec la volonté de supprimer les [choses] apparentes (phainomena), mais pour bien montrer la précipitation des dogmatiques : car si le raisonnement est trompeur au point qu’il s’en faille de peu qu’il ne dérobe même les [choses] apparentes (phainomena) sous nos yeux, combien ne faut-il pas détourner le regard de lui dans le cas des choses obscures, de peur que nous ne soyons entraînés par lui à nous précipiter ? (Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes I, 10 [19-20]).
[35] Timon de Philonte (325-235 av JC), disciple direct de Pyrrhon. Il est cité notamment par Sextus dans son Contre les logiciens (ou Adversus Mathematicos) de la manière suivante : « En effet le philosophe sceptique, s’il ne veut pas être entièrement inactif et s’il veut prendre part aux activités de la vie quotidienne, est contraint de posséder un critère de choix qui est l’apparence (to phainomenon) dont témoigne aussi Timon lorsqu’il déclare : Mais l’apparence (to phainomenon) l’emporte sur tout, où qu’elle aille » (Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes, VII, 30).
[36] P. Hadot signale qu’on trouve à peu près la même anecdote, sans qu’on puisse établir aucun lien entre les deux textes, par Tchouang-tseu à propos de Lie-tseu (maître taoïste) : « Trois années durant, il s’enferma, faisant des besognes ménagères pour sa femme et servant la nourriture aux cochons, comme il l’aurait servie à des hommes ; il se fit indifférent à tout et il élimina tout ornement pour retrouver la simplicité » (Qu’est-ce que la philosophie antique ?op. cit., p. 175).
[37] Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhonniennes, I, 194-204.
[38] Ce qui n’implique pas contradiction précisément parce que ce n’est pas un principe théorique mais une règle pratique dont l’application permet l’ataraxie recherchée.
[39] Voir J. Salem, Tel un dieu parmi les hommes, Paris, Vrin, 1994.
[40] Épicure, Lettres et maximesSentence vaticane 27, op. cit., p. 255.
[41] (1) Les dieux sont matériels et indifférents à l’égard des hommes. (2) La douleur suppose la vie, or la mort est la destruction atomique du lien entre l’âme (matérielle) et le corps, condition de la vie et de la perception, donc la mort ne peut être un mal à redouter.
[42] « La richesse selon la nature est bornée et facile à se procurer ; mais celle des opinions vides tombent dans l’illimité » (Épicure, Lettres et maximesMaximes capitales, XV, op. cit., p. 235-237). 
[43] « Il faut, en outre, considérer que, parmi les désirs, les uns sont naturels, les autres vains, et que, parmi les désirs naturels, les uns sont nécessaires, les autres naturels seulement » (Épicure, Lettres et maximesLettre à Ménécée, 127, op. cit., p. 221).
1 Désirs naturels : désirs naturels et nécessaires : pour le bonheur, pour le corps, pour la vie
2 Désirs intermédiaires : désirs naturels non-nécessaires : pour le désir sexuel, pour les désirs esthétiques
3 Désirs vains : a) illimitation des désirs naturels et non-nécessaires (passion amoureuse et raffinement ) ;  b) désirs ni naturels ni nécessaires (désir des richesses ; désir des honneurs ; désir de gloire).
[44] Épicure, Lettres et maximesMaximes capitalesSentences vaticanes 71, op. cit., p. 265.
[45] « A ces douleurs, j’ai opposé la joie de l’âme que j’éprouve au souvenir de nos entretiens philosophiques » (Lettre d’Épicure à Idoménée).
[46] Épictète, Manuel, I, 1.
[47] Sénèque, Lettres à Lucilius, 93, 2-3.
[48] Épictète, Manuel, V, trad. M. Meunier, Paris, GF, 1964, p. 209-210.
[49] Voir Marc-Aurèle, Pensées pour soi-même, II, 3 ; 4, 27 et 40.
[50] « Ne demande pas que ce qui arrive arrive comme tu veux. Mais veuille que les choses arrivent comme elles arrivent, et tu seras heureux » Épictète, Manuel, VIII, op. cit., p. 210
[51] P. Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique ?, p. 392.
[52] On citera par exemple Pétrarque dans on De vita solitaria, Érasme dans son Adagia, et Montaigne avec son hellénisme unique, curieux, cultivé, éclectique, évoluant du stoïcisme vers l’hédonisme en passant par le pyrrhonisme.
[53] « Une Idée cachée de la philosophie a depuis longtemps été présente parmi les hommes. Mais soit ils ne l’ont pas comprise, soit ils l’ont considérée comme une contribution à l’érudition. Si nous prenons les anciens philosophes grecs, comme Épicure, Zénon, Socrate, etc., nous découvrons que l’objet principal de leur science a été la destination de l’homme et les moyens de l’atteindre. Ils sont donc restés beaucoup plus fidèles à l’Idée vraie du philosophe, que cela n’est arrivé dans les temps modernes, où l’on ne rencontrer le philosophe que comme artiste de la raison. (…) Quand vas-tu enfin commencer à vivre vertueusement, disait Platon à un vieillard qui lui racontait qu’il écoutait des leçons sur la vertu. — Il ne s’agit pas de spéculer toujours, mais il faut aussi une bonne fois penser à l’exercice effectif. Mais aujourd’hui on prend pour un rêveur celui qui vit d’une manière conforme à ce qu’il enseigne » (Vorlesungen über die philosophische Encyclopädie, cité par Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique ?, p. 399).
L’idéal antique de sagesse commande encore la distinction kantienne dans la Logique et dans la Critique de la raison pure entre un concept scolastique et un concept cosmique de la philosophie.
[54] M. Foucault, Le courage de la vérité, p. 3.
[55] Les Lettres à Elisabeth, commentant et corrigeant Sénèque, représentent une forme de « direction spirituelle » (Hadot, ibid., p. 399).
[56] À travers deux articles : « Un dialogue interrompu avec Michel Foucault : convergences et divergences » et « Réflexions sur la notion de “culture de soi” ».
[57] Pierre Vesperini, Droiture et mélancolie, Verdier 2016 ; Lucrèce, archéologie d’un classique européen, Fayard, 2018 ; La philosophie antique, Fayard, 2019. Aucune définition de la philosophie ne contiendra toute la diversité des pratiques reconnues sous ce nom au cours de l’histoire, ou toute définition de la philosophie exclura arbitrairement des formes de philosophie, pourtant culturellement et historiquement reconnues et attestées. C’est pourquoi, il faut s’interdire de définir la philosophie, ou alors il faut la définir uniquement selon le critère le plus ouvert, d’après son contexte pratique de production et de diffusion, ce qui implique de suivre, en histoire de la philosophie, la voie d’une anthropologie historique. 
Ici le nominalisme rejoint le positivisme. La philosophie est constituée de faits et de témoignages, qu’il faut rassembler très au-delà du matériel textuel privilégié par l’histoire philosophique académique de la philosophie (histoire philosophante de la philosophie) : ils attestent une certaine pratique par des individus, dans des échanges, des institutions et un milieu, qui correspond à ce qu’on nomme philosophie. La logique du raisonnement de Vespérini paraît être la suivante. La philosophie est un mot (nominalisme) : il faut rechercher les pratiques conformes à ce mot (pragmatisme), en s’attachant à étudier tous les faits sans distinction (positivisme) afin de préserver ou de promouvoir sa définition la moins dogmatique possible (libéralisme). A moins que ce ne soit l’inverse : à partir du souci d’éviter toute position verticale de surplomb (libéralisme), il convient de tout lire et n’écarter surtout aucun fait (positivisme), pour reconnaître que décidément la philosophie n’est qu’un mot (nominalisme).

Les universaux. Paul Laurens (2024)

(khôlle de l’étudiant P. Laurens (2024) dans le cadre du programme sur « La métaphysique »)

Entre le XIIe et le XIVe siècles, le concept des « universaux », issu de la philosophie antique, fut l’objet de la célèbre querelle des universaux. L’objet du  débat était de savoir si les universaux étaient des êtres réels (position réaliste), que ce soit au sein des choses de notre monde ou dans un monde transcendant ; ou si, comme le pensaient les nominalistes, les universaux n’étaient que des concepts ou des noms, n’ayant d’existence que dans le langage. Les débats auxquels ont donné lieu cette querelle, ainsi que sa réactualisation au XXe siècle, ont fait du problème des universaux un des problèmes centraux de la métaphysique.

Mais traiter des universaux suppose d’abord de trouver une définition sur laquelle réalistes et nominalistes pourraient s’accorder. On les définit généralement comme des propriétés qui ont un caractère universel, au sens où elles peuvent être dites de plusieurs (elles sont prédicables de plusieurs sujets, propres à plusieurs choses particulières). Par exemple, « girafe » ou « jaune » sont des universaux, partagés par toutes les girafes particulières. En fait, il suffit de choisir n’importe quel nom commun, adjectif ou verbe, et de le faire précéder par « le fait de » pour obtenir un universel : le fait d’être un chien, le fait de pondre des œufs, etc. Les universaux ne sont donc universels que dans le sens où ils s’appliquent universellement à tous les particuliers de leur « classe », par ex l’universel « girafe » peut être dit de toutes les girafes. Mais on pressent ici une sorte de tautologie… La question est en fait la suivante : la girafe possède-t-elle ses propriétés (long cou, 4 pattes, …) car elle est une girafe (réalisme), ou est-ce au contraire en raison des propriétés qu’elle possède qu’on l’appelle girafe (nominalisme) ? Si la position réaliste semble d’emblée plus difficile à admettre, voire absurde, on peut essayer de montrer qu’elle n’est pas totalement infondée. Le cœur du problème des universaux est celui de leur rapp avec les particuliers : les précèdent-ils ou sont-ils conçus à partir d’eux ? Et comment un universel pourrait-il être présent dans plusieurs particuliers ? Le concept d’universel englobe plusieurs autres concepts, comme celui d’essence (par ex, définir l’universel girafe consiste à déterminer la combinaison de propriétés spécifique à la girafe, et donc l’essence de la girafe). Une loi de la N peut être considérée comme un universel (la loi de l’attraction universelle consisterait ainsi à attribuer à tous les corps l’universel « exercer une force de gravité »). La question du statut ontol des universaux (qui peuvent avoir une existence matérielle, conceptuelle, transcendante, …) a donc des conséquences scient et métaph. On n’obtient pas la même métaph selon que l’on considère les universaux (et donc les essences) comme des réalités ou comme de simples noms, qui risquent de faire de la métaph une S purement verbale. Il faut donc étudier les avantages et les carences ontol des universaux : sont-ils indisp à la description du M ? Et quelles sont leurs alternatives ? 

Nous examinerons d’abord les forces et les limites de la conception réaliste des universaux, puis nous verrons que les conceptions nominalistes et la théorie des tropes constituent des alternatives séduisantes à ce réalisme, avant de nous demander si on ne peut cpdt tenter de le prendre au sérieux, en le recentrant sur le réalisme immanent.

I) A) Quelles sont les forces et limites d’une conception réaliste des universaux ? Il faut d’abord revenir sur la définition des universaux. C’est Aristote qui semble le premier évoquer les universaux, sans les nommer ainsi. Il écrit dans De l’interprétation : « Il y a des choses universelles et des choses singulières. J’appelle « universel » ce dont la nature est d’être affirmé de plusieurs sujets, et « singulier » ce qui ne le peut. » La question est alors de savoir si par « choses » (pragmata), Aristote entend des réalités concrètes ou des concepts. Le problème est soulevé par Porphyre de Tyr dans son Isagogè. Il s’agit de savoir si les universaux sont « des réalités subsistantes en elles-mêmes ou seulement de simples conceptions de l’esprit ». Mais, si l’on admet la première thèse, deux autres problèmes se présentent : les universaux, s’ils existent, sont-ils corporels ou incorporels ? Enfin, sont-ils séparés ou n’existent-ils que dans les choses ? Càd, existent-ils de manière transcendante ou immanente aux choses ? La position réaliste consiste à soutenir que les universaux existent réellement. Les propriétés partagées par plusieurs particuliers permettraient d’expliquer les ressemblances entre ces particuliers, leur appartenance à des espèces, ou mêmes leurs interactions causales (et jusqu’aux lois de la nature). Par exemple, la structure chimique de l’eau (une combinaison entre un atome d’oxygène et deux atomes d’hydrogènes) serait l’universel « eau », existant réellement dans chaque particulier composé d’eau, et qui expliquerait les ressemblances et les réactions des différentes eaux. Mais ce qu’on appelle ici universel est-il une propriété (la molécule d’eau) partagée à l’identique par plusieurs particuliers, ou bien quelque chose encore au-delà de toutes les molécules d’eau, qui ne seraient que les instanciations imparfaites et non identiques de l’Idée de molécule d’eau ? On retrouve ainsi les problèmes de Porphyre, qui dessinent l’opposition entre deux types de réalisme : un réalisme transcendant et un réalisme immanent.

B) Quels sont les arguments et avantages respectifs de ces deux réalismes ? Le réalisme transcendant correspond à celui de Platon et à sa théorie des Formes. Les choses sensibles nous semblent appartenir à des espèces ou types parce qu’elles sont les actualisations de Formes ou Idées intelligibles. Comme il l’écrit dans le Timée, « Il faut convenir qu’il existe premièrement ce qui reste identique à soi-même en tant qu’idée, qui ne naît ni ne meurt […] qui n’est accessible ni à la vue ni à un autre sens » et « deuxièmement ce qui a même nom et qui est semblable, mais qui est sensible, qui naît, qui est toujours en mouvement ». Seules les Idées seraient alors les vrais universaux. Les choses sensibles peuvent se ressembler, mais ne sont jamais entièrement identiques, et comme elles se modifient sans cesse, il serait impossible de les concevoir comme des universaux stables. On reconnaît pourtant que certains objets sensibles font partie d’une même catégorie. Il doit donc exister une Idée qui informe tous ces objets. Par exemple, c’est parce que tous les humains participent de l’Idée d’ « humanité » qu’ils sont des humains. Même si le rapport causal de l’Idée à la ch est difficile à concevoir et peut apparaître comme une hypothèse infondée, le concept d’entités intelligibles et séparées est compréhensible. Les entités mathématiques, comme le cercle, sont bien des universaux incorporels, chaque cercle particulier étant toujours imparfait. Tous les cercles sont qualifiées ainsi en référence à cet universel transcendant de cercle. L’idée d’universaux non instanciés peut aussi s’appliquer aux objets créés par la science. Par exemple, le nylon a été créé par réaction chimique en laboratoire, donc « être du nylon » était avant sa création un universel non instancié. Les universaux non instanciés pourraient donc être admis, sinon comme des Idées platoniciennes, du moins comme des possibles non actualisés voire non actualisables. Cependant, Aristote considère qu’il est impossible de concevoir un universel indépendamment des entités individuelles. Que signifierait l’humanité en dehors de tout humain particulier ? Les universaux sont immanents et ne peuvent exister que dans les choses. L’universel « être du nylon » n’existait pas avant l’invention du nylon, et l’universel « être un cercle » n’existerait pas s’il n’y avait aucun cercle. L’universel existe bien cependant : il est une propriété réelle, partagée par plusieurs particuliers, qui permet de comprendre leurs ressemblances. Ainsi, deux chiens ne font pas partie de la même espèce parce qu’ils se ressemblent, mais c’est au contraire parce qu’ils ont tous les deux en commun l’universel « chien » qu’ils se ressemblent. L’existence de tels universaux fonde la possibilité de la science, qui peut rechercher ce qui est vrai pour tous les particuliers d’un même type (chien, eau, pestiféré, …).

C) Ces deux réalismes ont cpdt des limites. Pour les universaux non instanciés, il semble qu’il y ait une contradiction entre affirmer qu’ils sont séparés des choses sensibles, qu’ils existent sur un plan intelligible, mais qu’en même temps ils interagissent avec les choses sensibles qui sont leur manifestation. La relation entre les universaux et les particuliers implique des régressions à l’infini, exposées par Platon lui-même dans le Parménide, puis reprises par Aristote dans sa Métaphysique avec l’argument du troisième homme. Dans le Parménide, l’Etranger soumet à Socrate ce problème : si les choses grandes sont grandes en vertu d’une Idée de Grandeur, elles ont en commun la grandeur. Mais cette grandeur qui leur est commune n’est ni la grandeur des choses particulières, ni l’Idée de Grandeur qui ne saurait s’incarner. Il s’agit donc d’une troisième grandeur. Or cette troisième grandeur, pour être une grandeur, doit avoir un rapport à une autre Idée de grandeur, ce qui implique de faire encore intervenir une autre grandeur pour comprendre ce rapport, et ce à l’infini. Il ne faut donc pas substantialiser les propriétés universelles, en faire des entités qui existeraient indépendamment des particuliers, car cela conduit à des impasses logiques : « aucun attribut universel n’est une substance », comme l’écrit Aristote dans sa Métaphysique. Pour autant, le réalisme immanent d’Aristote pose lui aussi des difficultés, notamment celui rapport entre particuliers et universaux : comment une propriété universelle peut-elle être présente à l’identique dans des individus différents ? Comment l’un peut-il exister dans le multiple tout en restant un ? Le simple fait qu’un universel existe dans deux entités différentes n’implique-t-il pas de concevoir deux universaux ? 

Bien que le réalisme immanent des universaux soit plus aisé à admettre que le réalisme transcendant, il aboutit donc lui aussi à des contradictions qui remettent en question la pertinence même du réalisme. Aller au bout du réalisme immanent n’implique-t-il pas de dissoudre complètement les universaux, pour ne plus les considérer que comme des concepts ?

II) A) Les conceptions nominalistes et la théorie des tropes apparaissent alors comme des alternatives séduisantes. Le nominalisme affirme que les universaux ne sont que des noms ou des concepts, conçus a posteriori à partir de ressemblances observées dans les choses, et non des propriétés universelles qui se retrouveraient à l’identique dans chaque chose et les expliqueraient. Guillaume d’Ockham affirme ainsi dans sa Somme de logique que « l’universel est une intention [autrement dit une conception] de l’âme apte à être attribuée à un grand nombre de sujets ». Les universaux n’existent que dans l’âme, et non dans les choses, dont toutes les propriétés sont particulières. Le réalisme semble en fait opérer une inversion inacceptable de l’ordre logique : ce n’est pas parce que deux chiens ont en commun un universel « chien » (une essence de chien) qu’ils se ressemblent, mais c’est parce qu’ils se ressemblent qu’on les regroupe sous la même catégorie de « chien ». On peut distinguer un nominalisme faible  qui refuse l’existence d’universaux mais admet celle de propriétés particulières (il n’y a pas « le rouge », mais des rouges), et un nominalisme fort qui nie aussi l’existence des propriétés particulières (il n’y a pas des « rouges », il n’y a que des objets rouges). Le premier nominalisme peut être assimilé à la théorie des tropes, terme introduit par Donald Williams dans son article « Les éléments de l’être » : il existe des tropes ou « particuliers abstraits », résidant dans les « particuliers concrets » (les objets). Chaque trope résidant dans un particulier, il se distingue de tous les autres : le rouge de la cerise n’est pas celui d’une autre cerise. Deux tropes peuvent être en relation de ressemblance exacte, ce qui explique la ressemblance de deux rouges, sans qu’il s’agisse pour autant du même trope, ce qui évite le problème de la localisation multiple des universaux. Les tropes seraient donc de bons substituts aux universaux, disposant des mêmes capacités explicatives, mais avec un moindre coût ontologique (évitant de supposer des entités embarrassantes). 

B) Il existe encore des raisons supplémentaires de refuser le réalisme des universaux. D’abord parce que les universaux nous masqueraient la réalité, qui serait toujours singulière. On retrouverait ici ce que Bergson a dit sur le langage et les concepts : les universaux (ou concepts chez Bergson) sont un moyen utile par lequel l’intelligence peut agir sur les choses, mais ils ne constituent pas le fond du réel et doivent être abandonnés lorsqu’on tente de connaître l’absolu. Les universaux peuvent aussi donner lieu à une critique plus générale : ils sont alors accusés d’oublier les particularités. On retrouverait cette fois les critiques de l’universalisme, comme celle dvp par Sylviane Agacinski dans Métaphysique des sexes : l’universel du christianisme est un universel masculin (« l’Homme »), qui oublie la femme. Cela rejoint les injonctions à ne pas « essentialiser », à ne pas former d’universaux (qu’on les conçoive comme des entités ou des concepts), qui ne seraient jamais que des manières de privilégier arbitrairement certaines particularités aux dépens des autres. Mais l’argument le plus fort reste sûrement le constat que les universaux ne sont pas universels. Comme l’ont montré Berlin et Kay, toutes les langues n’ont pas les mêmes MBC. Elles ne reconnaissent donc pas les mêmes universaux. Si le chinois classique utilise la couleur 青(qing) pour désigner toutes les nuances du bleu au vert, les réunissant dans un universel, ce qui est impossible pour le français qui y verrait deux universaux distincts, il faudrait en conclure, si l’on croit à l’existence réelle des universaux, que l’une des deux langues a tort. Il semble donc plus naturel de considérer que les universaux sont des concepts inventés par les hommes.

C) Les nominalismes ont cpdt des limites. Les tropes ne sont-ils pas encore des entités en trop ? Le nominalisme le plus extrême, dit nominalisme de la ressemblance, considère que même les tropes sont des entités superflues. Les propriétés ne sont que des manières de réifier des ressemblances entre les choses : deux objets se ressemblent, et c’est en constatant cette ressemblance que l’on invente l’idée d’une « propriété » (par exemple le rouge) qui serait commune aux deux objets, sans être identique. Mais en fait, la notion même de trope semble contradictoire : si deux tropes sont toujours différents, pourquoi les regrouper sous un même nom ? Si tous les rouges diffèrent, pourquoi les dire rouges ? Il n’y a pas des particuliers possédant des propriétés particulières, qui existeraient en eux mais pourraient en être distinguées, mais seulement des particuliers, dont les ressemblances sont posées comme le fait fondamental (Quine défend ce nominalisme fort dans « De ce qui est », en admettant l’existence de particuliers sans reconnaître celle des propriétés). 

Le nominalisme peut donc être une alternative séduisante au réalisme, mais d’un côté la théorie des tropes semble encore postuler des entités inutiles, et d’un autre côté le nominalisme de la ressemblance pose la ressemblance comme un fait premier et inexplicable, ce qui est encore insatisfaisant. Les deux nominalismes échouent également à expliquer pourquoi certains particuliers se ressemblent autant, et réagissent de la même manière. Le réalisme leur oppose la simple identité de propriétés. Après les contorsions des nominalistes, il ne semble plus si coûteux d’affirmer que, si toutes les eaux gèlent, c’est parce qu’elles possèdent une même propriété…

III) A) Il s’agirait donc de prendre au sérieux le réalisme des universaux, en le recentrant sur le réalisme immanent, comme l’a proposé David Armstrong dans Universals and Scientific Realism. Il rappelle les avantages du réalisme, comme expliquer les ressemblances entre particuliers ou leurs comportements récurrents (offrant ainsi une assise métaphysique aux lois de la N). Mais il suggère surtout de se concentrer sur l’étude des « propriétés rares » ou « naturelles », càd des propriétés les plus fondamentales, qui causent toutes les autres. Cela permet d’écarter les propriétés « abondantes », qui ne sont en fait que leurs simples conséquences. Ces propriétés sont censées être en nombre restreint, et il est donc possible de les étudier toutes, afin de rendre compte du réel. L’inventaire de ces propriétés revient à la science, puisque cela nécessite d’analyser précisément les particuliers. Par exemple, « être une molécule d’ADN », « avoir une charge » ou « avoir un spin » sont de telles propriétés rares. Les propriétés rares, qui sont finalement les universaux fondamentaux, permettent d’expliquer plus précisément les ressemblances que le recours aux autres universaux, sur lesquels pèse toujours un soupçon d’arbitraire (comme on l’a vu pour les couleurs). Ainsi, le léger goût de viande des champignons ne sera pas expliqué par le recours à l’universel « avoir un goût de viande », qu’on aurait du mal à localiser, mais par l’universel « avoir des molécules d’Inosine », beaucoup plus précis. Les propriétés rares permettent aussi de distinguer des ressemblances trompeuses. Une bille noire et une zone d’ombre peuvent sembler posséder le même universel, ou deux tropes en situation de ressemblance exacte. Pourtant, le noir de la bille résulte d’une absorption de lumière, le noir de l’ombre d’une obstruction physique. Les propriétés rares permettent donc de déterminer les ressemblances réelles. La théorie des propriétés rares permet donc de redonner du crédit au réalisme immanent des universaux.  

B) Cpdt, le réalisme d’Armstrong rencontre aussi des limites. D’abord, le problème de la localisation multiple demeure : si une propriété rare est présente dans plusieurs particuliers, peut-il vraiment s’agir de la même propriété ? Ensuite, cette théorie semble aboutir à une marginalisation de la métaphysique. En effet, l’étude des universaux (des propriétés rares) bascule du domaine de la métaphysique vers la physique. La métaphysique cède la place au discours scient, et même si Armstrong défend son rôle en affirmant qu’elle doit énoncer ce qu’est une propriété, là où la science se contente de les énumérer, il semble tout de même que la métaphysique soit cantonnée à un simple travail de définition. Mais peut-être ce travail est-il après tout fondamental, et peut-être est-ce un moyen de redonner sa noblesse à la métaphysique, puisqu’il semble que toute la querelle des universaux soit liée à un problème de définition. 

C) L’existence réelle ou conceptuelle des universaux dépend en effet de la façon dont on définit l’identité et la propriété. Deux propriétés qui ont les mêmes caractéristiques (comme deux sphères de même volume) sont-elles identiques (et les deux objets seraient alors deux instanciations de l’universel « sphère »), ou bien ne peuvent-elles jamais être totalement identiques, par le simple fait qu’elles ne sont pas au même endroit ds l’espace (et donc ne sont pas exactement soumises aux mêmes forces, etc.) ? Tout dépend aussi de la façon dont on définit une « propriété ». Considère-t-on qu’une propriété est une caractéristique qui explique et informe la chose, par ex la propriété sphère est la cause du fait que la balle est sphérique ; ou bien la propriété est-elle dégagée a posteriori : on voit la balle et on la dit sphérique car on reconnaît une forme identifiée ailleurs ? Il y aurait ainsi 2 questions fondamentales : deux propriétés peuvent-elles être identiques, ou sont-elles toujours particulières ? Et la propriété est-elle ce qui explique que la ch est comme elle est, ou est-elle dégagée a posteriori ? La réponse à ces 2 questions détermine le type d’existence accordé aux universaux : réel (immanent) ou conceptuel, mais détermine aussi le type d’existence accordé à l’essence et aux lois de la nature. Si une propriété peut être identique à une autre et qu’elle est un vrai agent causal, alors l’essence est ce qui, étant présent en plusieurs choses, fait que ces choses sont ce qu’elles sont, et qu’elles sont essentiellement les mêmes choses bien qu’elles diffèrent au niveau des accidents. Par exemple, tous les chiens sont des actualisations de l’essence du chien. Mais si chaque propriété est particulière et qu’elle est constituée a posteriori par notre esprit, alors l’essence ne précède pas les choses, mais n’est qu’un concept qui réunit des caractéristiques communes à plusieurs choses et permet ainsi d’identifier ce qui fait la spécificité de ces choses, même si ces caractéristiques sont en fait différentes. Par exemple, l’essence du zèbre est d’avoir 4 pattes, des rayures noires et blanches, etc., par quoi on distingue le zèbre des autres animaux, même si les rayures ne sont jamais identiques, et qu’il faudrait donc en fait inventer une essence pour chaque individu (mais alors le concept d’essence perdrait son utilité qui est justement d’ordonner le réel en regroupant les individus dans des catégories). De même, une loi de la nature sera ou bien une sorte de cause universelle et éternelle (la loi existe donc vraiment), ou bien la généralisation par induction de phénomènes s’étant produits dans un très grand nombre de cas (la loi est donc une simple description du réel). 

En conclusion, les universaux naissent de l’intuition que les choses qui se ressemblent ou réagissent de la même manière possèdent des propriétés identiques, qui permettent d’expliquer leurs similitudes et les phénomènes récurrents. Concevoir ces universaux comme des entités transcendantes pose de nombreux problèmes, comme celui de leur relation avec les autres entités, et cette théorie semble alors beaucoup trop coûteuse pour pouvoir être admise. La vraie alternative serait donc entre le réalisme immanent et les différentes formes de nominalisme. Le réalisme immanent rencontre lui aussi des limites, notamment celui de la localisation multiple des universaux, qui semblent faire du nominalisme une position plus facile à défendre. Cpdt, les nominalismes ne parviennent pas à expliquer les ressemblances, voire supposent des tropes qui sont accusés, soient d’être encore de trop, soit de n’être que des ersatz d’universaux. On peut alors tenter de prendre au sérieux le réalisme des universaux, en le recentrant sur le réalisme immanent et les propriétés rares, même si cela ne résout pas toutes les difficultés, et semble réduire la métaphysique à un rôle définitionnel. Mais si tout dépend finalement de la manière dont on définit les notions d’identité et de propriété, la métaphysique retrouve en fait un rôle fondamental. A elle pourrait revenir la charge, sinon de trancher entre les définitions, du moins de déterminer clairement les conséquences logiques qui suivent le choix de telle ou telle définition, afin d’identifier les nœuds conceptuels à partir desquels s’élaborent les différents systèmes en concurrence.

Paul Laurens (2024)

Le principe de précaution : le principe pragmatique d’une politique prudentielle. L. Cournarie. 4-04-24

Podcast : https://audioblog.arteradio.com/blog/215487/podcast/225704/le-principe-de-precaution-le-principe-pragmatique-d-une-politique-prudentielle-laurent-cournarie-04-04-2024

Je vous propose aujourd’hui trois ensembles de remarques sur le principe de précaution : d’abord sur sa nature de principe, ensuite sur sa formulation juridico-politique et sur ses critiques, enfin sur la politique prudentielle qu’il inaugure. La thèse générale serait la suivante : le principe de précaution est un principe pragmatique[1] ambigu[2], proposé et adopté par les sociétés démocratiques pour répondre à de nouveaux risques qui engagent l’avenir de l’humanité autour de trois enjeux principaux : maîtriser la puissance de la technoscience, préserver le futur, protéger la Terre et la vie.



La précaution comme principe 

Le premier objet d’étonnement philosophique porte sur la forme de ce principe. Par définition, un principe commande, conformément à l’étymologie (principium/archè)[3]. Or le principe de précaution a ceci de paradoxal qu’il est un principe négatif : il commande non pas de faire, mais de ne pas faire ou de s’abstenir de faire.
En un sens il n’y a là rien de nouveau : les principes éthico-religieux ont souvent une forme négative (devoir ne pas…). Mais le principe de précaution ne se présente pas comme un interdit (toujours particulier) : il est à la fois suspensif (ce qui est sa manière d’être négatif) et indéterminé. Autrement dit, il ne s’applique que si l’on juge qu’il doit s’appliquer. Et évidemment tout le problème est de savoir quand et comment il doit s’appliquer et qui est légitime pour s’en saisir.
Le second objet d’étonnement porte sur la question de savoir si le principe de précaution constitue un impératif. On peut hésiter. 
En fait, le principe de précaution est un principe au sens où il désigne une règle supérieure (méta-règle) aux lois ordinaires dont on peut s’autoriser pour fonder une décision : le principe commande non pas une action mais la justification d’une action et, en l’occurrence d’une non-action. On notera que dans les textes juridiques où il est cité, le principe de précaution n’est jamais ni défini, ni formulé comme un impératif. 


«Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage » (Charte de l’environnement intégré au préambule de la Constitution, par son article 5). 


Si l’on veut y voir malgré tout un impératif, on sera plus enclin à l’identifier à un impératif « hypothétique » qu’à un impératif « catégorique ». Un impératif hypothétique désigne un devoir dont l’obligation est suspendue à une condition : si tu veux obtenir A (mais vouloir la fin A n’a rien en soi rien d’obligatoire en soi et dépend toujours en réalité d’un intérêt quelconque), alors tu dois vouloir B comme moyen de A. Le principe de précaution a apparemment tout l’air d’un impératif hypothétique[4]. Si l’on reprend l’article 5 : (a) il ne s’applique que « lorsque [= si] la réalisation d’un dommage… », donc le principe de précaution (non défini) ne commande pas absolument ou catégoriquement. Et (b) il le fait d’autant moins que les autorités « veillent » seulement à des dispositions provisoires et proportionnées à son application, ce qui subordonne celle-ci à des arbitrages politiques. Au fond, le principe de précaution entend seulement souligner que l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas empêcher un État de prendre des mesures qui pourraient permettre d’éviter un risque grave ou irréversible. 
Toutefois, le contexte pragmatique (l’anticipation de risques graves sur l’environnement, la santé publique, ou l’alimentation) qui entoure son recours peut conférer au principe de précaution une valeur quasi-catégorique. En effet, si l’humanité devait être gravement menacée, directement ou indirectement, faute d’avoir mise en suspens sa trajectoire techno-scientifique, alors on doit vouloir le principe de précaution (impératif hypothétique). Or la menace potentielle de la vie (humaine) sur terre n’est pas une fin qu’on puisse vouloir ou, inversement, la préservation de la vie humaine sur terre n’est pas une fin qu’on ne peut pas ne pas vouloir. Donc le principe de précaution se donne aussi bien comme l’objet d’une obligation inconditionnelle (impératif catégorique).
D’ailleurs, le principe de précaution est très proche du « principe responsabilité » que le philosophe allemand H. Jonas formule en 1979 en le présentant comme l’impératif catégorique adapté au monde technologique. Le principe de précaution est la version « juridico-politique » du principe « éthique » de responsabilité :



« Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre »[5].



On peut retraduire en termes de précaution le nouvel impératif catégorique selon Jonas. « Agis en suspendant toute action[6] susceptible de compromettre la préservation d’une vie future authentiquement humaine sur terre », ou : « suspens toute action qui ne serait pas compatible avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre »

Le principe juridico-politique de précaution et ses critiques

Le principe de précaution comme le « principe responsabilité » a été « inventé »[7] pour faire face aux risques majeurs que la vulnérabilité de la nature sous l’emprise de la puissance technologique fait courir à l’avenir de la vie humaine et de toute vie sur terre. A nouveau monde, nouveau principe.
C’est cette prise de conscience qui a trouvé sa traduction juridique dans le principe de précaution. Celui-ci prend naissance en Allemagne dans les années 1970, pour compléter la politique de l’environnement par un « souci » de « prévention » et de « protection » plutôt que de simple réparation des dommages. On parle alors de Vorsorgeprinzip, l’expression étant formée sur Vorsicht qui signifie la prudence, la précaution. Sa première apparition juridico-politique date de 1976, dans un texte gouvernemental allemand intitulé « politique environnementale précautionneuse » (Vorsogende Umweltpolitik). 
Depuis, il a été consacré comme une « méta-règle », supérieure aux lois, donc comme un principe, dans la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de 1992, dans le traité de Maastricht (1992), à l’article 191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne[8] et par le droit français, d’abord avec la loi Barnier en 1995, puis avec la Charte de l’environnement intégrée en 2005 au préambule de la Constitution, par son article 5 (déjà cité).
Cet entérinement assez rapide par les droits nationaux et internationaux ne doit pas dissimuler les difficultés qu’il a à s’imposer. 
Il y a d’abord le problème pratique de son effectivité en dépit de l’affirmation de sa valeur juridiquement contraignante : il suffit de l’art. 191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européennepour s’en convaincre : le principe de précaution est un des principes (avec le principe d’action préventive ou le principe pollueur-payeur) de la politique européenne pour un « niveau de protection élevé » en matière d’environnement qui doit, par ailleurs, tenir « compte de la diversité des situations dans les différentes régions de l’Union ».
Ensuite, le principe de précaution soulève des problèmes plus théoriques. On peut critiquer l’abus ou le mésusage[9] qui en est fait, quand on l’utilise par exemple pour annuler une manifestation publique[10] ou fermer une autoroute : alors on confond à tort (principe de) « précaution » (anticipation en contexte d’incertitude de risques graves, voire irréversibles) avec (principe de) « prévention » (mesure par anticipation sur la base d’une certitude).  En outre, le principe de précaution a pu être perçu comme un principe « anti-scientiste » qui limite la recherche et l’innovation, un principe « risquophobe » caressant le désir d’une société sans risque, un principe « anti-progressiste » qui s’appuie sur le mobile de la peur contre la confiance dans l’avenir, un principe « partialiste » enfin qui se focalise irrationnellement sur les risques au détriment des opportunités et des avantages[11].

Le principe pragmatique d’une politique prudentielle

Pourtant ces objections paraissent injustifiées, si l’on rétablit le contexte pragmatique du principe de précaution. En effet, celui-ci s’applique restrictivement :
– en situation d’incertitude (propre aux phénomènes ou aux systèmes complexes[12]),
– aux risques sur l’environnement et la santé, 
– qui implique(rai)ent un dommage anticipé comme grave et/ou irréversible.
Ainsi à défaut d’une définition formelle, le principe de précaution paraît ainsi assez bien déterminé par ce tryptique[13] : risques graves ou irréversibles, incertitude, prise de mesure anticipée.
Or ce contexte pragmatique du principe de précaution n’a rien d’insolite. Il décrit notre monde, devenu à la fois fragile, complexe et incertain. Nous avons changé de monde. D’une part l’humanité n’est plus dominée par la nature, c’est la nature qui est dominée par la puissance technologique de l’humanité. Et d’autre part, l’humanité ne domine plus sa domination technologique de la nature, elle lui échappe. Autrement dit, la puissance technologique engendre des problèmes éthiques inédits. En effet, les actions humaines (techniques) ont des effets globaux dans l’espace et dans le temps. C’est pourquoi, selon Jonas l’humanité contracte une responsabilité nouvelle, qui n’est plus responsabilité « de » (imputation d’une action passé à un agent) mais responsabilité « pour » (les générations futures).
Ainsi, le monde en même temps qu’il est engagé dans un futur irréversiblement technologique se referme sur son dernier âge géologique, qu’on nomme « anthropocène » où l’action humaine et les processus naturels interférant et co-évoluant, produisent des effets dont les boucles rétroactives engendrent des conséquences aussi irréversibles qu’imprévisibles. 
Dès lors, si l’on a des raisons de supposer, même sans aucune certitude scientifique (d’où le conditionnel « pourrait affecter »), que certaines décisions pourraient avoir sur l’environnement ou sur la santé des conséquences graves (càd affectant un grand nombre d’individus, et pas seulement humains), voire des conséquences irréversibles (càd dont le retour proche de la situation initiale est ou impossible ou seulement possible dans un délai et un à un coût déraisonnables), alors il est sage d’appliquer le principe de précaution. C’est pourquoi on peut dire que le principe de précaution soutient une politique « prudentielle », qui refuse de croire qu’il puisse y avoir une solution purement technique aux problèmes éthiques nouveaux posés par la civilisation technologique.

En conclusion, le principe de précaution n’est ni la précaution (qui reste locale), ni la prévention (qui reste déterministe), ni la vertu antique de prudence[14] (qui reste « centrée sur le soi et sur le proche »). Il inaugure une nouvelle politique qu’on peut nommer une politique « néo-prudentielle » (« néo » par rapport à la phronèsis grecque), certainement amenée à transformer le jeu de la démocratie contemporaine, puisqu’elle oblige à repenser voire à réinventer les rapports entre expertise scientifique et souveraineté populaire[15], en privilégiant (au moins pour les problèmes environnementaux pour lesquels le principe de précaution a été originellement inventé) des solutions de type bottom up plutôt que top down[16].

Bibliographie

Dupuy J.-P., Pour un catastrophisme éclairé, Paris, Seuil, 2002.
Grison D., Qu’est-ce que le principe de précaution ? Paris, Vrin, 2012.
Jonas H., Le principe responsabilité, Paris Cerf, 1990.
Larrère C., « Le principe de précaution et ses critiques », Innovations, 2003/2 n° 18, De Boeck supérieur.
Zarka Y. Ch., « Considérations philosophiques sur le principe de précaution », Revue de métaphysique et de morale, 2012/4, n° 76, Paris, PUF.

[1] Et non pas un principe moral, comme sa proximité avec la prudence le signale.
[2] Parce qu’il comporte quelque chose de la précaution, de la prévention et de la prudence sans se confondre avec elles. Le principe de précaution renoue avec une forme de sagesse prudentielle, qu’on nomme plus loin « politique prudentielle » ou « néo-prudentielle » qui n’est ni la prévision, ni la vertu antique de prudence que la modernité avait appris à dédaigner (Kant), « tout en comportant quelque chose de la prudence et de la prévention » (Y. Ch. Zarka, « Considérations philosophiques sur le principe de précaution », Revue de métaphysique et de morale, 2012/4, n° 76, Paris, PUF, p. 484).
[3] On pourrait traduire indifféremment le Prologue de Jean : « au principe/commencement/commandement était le Verbe (le Logos) » (In principio erat Verbum / Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ Λόγος).
[4] D’ailleurs on ne voit pas comment serait possible un impératif catégorique de précaution, sauf à être contradictoire puisque ce serait une règle pratique inconditionnellement toute action (un scepticisme pratique). Or il n’est pas vrai qu’il faille toujours et en tout lieu prendre pour mobile d’action de ne pas agir. On doit suspendre son action si…, au cas où…
[5] H. Jonas, ibid., p. 250.
[6] Encore une fois, c’est là le paradoxe du principe suspensif de précaution : l’action la plus sage (la plus prudente) est de ne pas agir ou de suspendre une action. Il suffit de « savoir » que les risques sont immenses et incompensables, même en l’absence d’une « certitude » scientifique avérée, pour « devoir » s’abstenir d’agir. 
[7] C’est là une nouvelle source d’étonnement. Le principe de précaution est un nouveau venu dans l’arsenal des principes. Donc c’est un principe inventé. Or, à la réflexion, qu’un principe soit inventé ne va pas de soi. Par ex. on peut se demander si les (certains) principes théoriques le sont et si leur caractère principiel ne tient pas à leur caractère en quelque sorte a priori (ainsi du principe de contradiction), et donc si les principes pratiques (dont fait partie le principe de précaution) partagent la même « principialité » que les principes théoriques. Peut-on dire que le principe de précaution est un principe au même titre que le principe de contradiction, même en admettant la différence des domaines (connaissance/action) ?
[8] « Pour protéger l’environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement ».
On remarquera que la Déclaration se présente non pas comme une suite d’articles ou de lois, mais bien comme un ensemble de 27 principes : pour les Nations Unies, le développement durable dont la protection de l’environnement doit faire partie intégrante (principe 4) doit être coordonné et ordonné à/par des règles universelles, de fait, supérieures aux législations nationales qui doivent les intégrer.
[9] On notera, au passage, qu’il y a peut-être quelque chose de plus important que le principe : l’usage du principe. Or il n’y a pas de principe d’usage du principe, ou alors on tombe dans une régression à l’infini. Dans ces conditions, le principe ne dispense pas du jugement pour déterminer le bien-fondé ou l’étendue de son application. 
[10] D. Grison (Qu’est-ce que le principe de précaution ?, Paris, Vrin, 2012) cite la déprogrammation à Berlin en 2006 de la mise en scène d’Idoménée par Hans Neuenfels. Mais depuis cette date, les exemples sont légion.
[11] On pourrait ajouter l’argument du « catastrophisme éclairé » (J.-P. Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé, Paris, Seuil, 2002) qui, pour des raisons inverses aux critiques précédentes, juge que le principe de précaution se contente d’une gestion probabiliste des risques sans anticiper la catastrophe.  Voir C. Larrère, « Le principe de précaution et ses critiques », Innovations, 2003/2 n° 18, De Boeck supérieur.
[12] On peut prévoir l’évolution d’un système compliqué (décomposable en éléments simples), mais non celle d’un système complexe. En effet, dans un système dit complexe, la sensibilité aux conditions initiales, l’apparition de phénomènes de turbulences, ne permettent pas un déterminisme intégral. « Il peut arriver que de petites différences dans les conditions initiales en engendrent de très grandes dans les phénomènes finaux. (…) La prédiction devient impossible et nous avons le phénomène fortuit » (H. Poincaré, Science et méthode, cité par D. Grison, op. cit., p. 40). Pour ainsi dire vivre dans un monde incertain, c’est vivre dans un monde où les possibles ne sont pas la réalisation de probabilités mais sont eux-mêmes indéterminés : on ne peut déterminer les probabilités des possibles faute de déterminer les possibles. Tout ce qu’on sait et qu’on peut anticiper c’est la possibilité du pire — c’est pourquoi H. Jonas met en exergue ce qu’il nomme l’« heuristique de la peur ».
[13] Voir D. Grison, op. cit., p. 9.
[14] On rappellera que longtemps la prudence a servi à définir l’action raisonnable. Bien agir suppose de délibérer sur les moyens en vue d’une fin, d’agir au moment opportun (kairos), et de déterminer le bien et le juste dans le clair-obscur des situations éthiques, ce qui est impossible sans prudence. C’est pourquoi, la phronèsis, chez Aristote n’est pas exactement une vertu morale càd une vertu du caractère (vertu éthique comme le courage par exemple), mais une vertu (càd une excellence, arètè) de l’intelligence accompagnant l’accomplissement des vertus éthiques (pas de vertu éthique sans prudence) : pour viser le juste milieu entre deux excès en quoi consiste une vertu éthique, il faut user de prudence.
Mais le principe de précaution n’est pas la vertu de prudence. D’abord la prudence n’est justement pas un principe puisque, selon Aristote, la norme de la prudence n’est autre que l’homme prudent lui-même (phronimos). C’est l’homme prudent qui sert de « principe » de référence ou de modèle à (définition de) la prudence (voir, Aristote, Ethique à Nicomaque, II, 6, 1106b 36-38 ; VI, 5, 1140a 23-26). Ensuite, la prudence s’exerce à l’intérieur d’un cadre relativement stable (une incertitude limitée) et où les risques encourus concernent une personne ou un groupe (prudence domestique ou politique). Certes, pour Aristote, c’est parce qu’il y a de la contingence dans le monde, que l’action est possible et que la prudence est nécessaire. Mais l’action humaine n’étant pas d’une puissance telle qu’elle puisse troubler l’ordre de la nature, malgré l’avertissement du chœur d’Antigone, aucune éthique grecque ne peut formuler quelque chose comme un principe de précaution. En effet, celui-ci s’applique à ce qui est non local et lointain. Le risque du changement climatique par exemple engage, avec le déséquilibre de tous les écosystèmes, l’avenir de l’humanité et de l’ensemble du vivant.
[15] Le principe de précaution relève d’une éthique de la discussion qui doit arbitrer entre deux autres principes : le principe de l’égalité réelle des personnes qui participent à la discussion au nom de ceux qui n’y participent pas et le principe de compétence propre à l’expert ou au savant. On peut ainsi facilement substituer, dans la citation suivante d’H. Jonas, « principe de précaution » à « prudence » : « la prudence [le principe de précaution] est la meilleure part du courage et elle est en tous cas un impératif de la responsabilité (…). Il se peut qu’ici l’incertitude soit notre destin permanent — ce qui a des conséquences morales (H. Jonas, Le principe responsabilitéop. cit., p. 257).
[16] Voir C. Larrère, « Le principe de précaution », op. cit., p. 24.

Schopenhauer : la musique ou la métaphysique sans y penser. E. Lacoue-Labarthe. 14-11-23.

Podcast :
https://audioblog.arteradio.com/blog/215487/podcast/215488/schopenhauer-la-musique-ou-la-metaphysique-sans-y-penser-emmanuel-lacoue-labarthe-14-11-2023


[Pour les diapositives voir le PDF ci-joint :


Introduction

En assistant l’année dernière à la très belle conférence de Pauline Borrel sur Schubert, le désir m’est venu d’exposer, dans le cadre des Midi-Conférences, la conception de la musique qu’a proposée Arthur Schopenhauer[1] (diapo 2), dont on dit qu’il jouait de la flûte quotidiennement et qu’il aimait tout particulièrement Mozart et Rossini[2].
Sa thèse peut être résumée de la façon suivante : de tous les arts, la musique est le plus précieux parce que le plus métaphysique : loin de n’être, comme le pensait Leibniz, qu’une simple « pratique occulte de l’arithmétique dans laquelle l’esprit ignore qu’il compte »[3], elle est, bien plus que tous les autres arts, (diapo 3) « un exercice de métaphysique inconscient, dans lequel l’esprit ne sait pas qu’il fait de la philosophie » (p. 338). 
Comment Schopenhauer en est-il arrivé à cette idée d’une portée éminemment métaphysique de la musique ? C’est ce que je propose de vous expliquer aujourd’hui.

1. La représentation artistique du monde et le plaisir esthétique

Comme l’indique le titre de son ouvrage, Le monde comme volonté et comme représentation, l’idée initiale de Schopenhauer est qu’il existe un écart entre le monde tel qu’il est en lui-même et la représentation que nous en avons :
1) En son essence propre, indépendamment des sujets que nous sommes et de nos représentations, le monde est, selon lui, volonté : de même, en effet, que la volonté nous apparaît comme notre propre essence intime, nous qui ne cessons de faire effort pour persévérer dans notre être, de même, elle est, selon Schopenhauer, l’essence intime de la nature entière, qui se manifeste tantôt comme force naturelle aveugle, comme gravité (« aucune matière n’est absolument dépourvue de volonté »[4], écrit-il : p. 330), tantôt comme croissance végétale ou mouvement animal, tantôt encore comme conduite raisonnée. Le monde tel qu’il est en lui-même ou, pour parler comme Kant, le monde comme chose en soi, c’est donc, pour Schopenhauer, le monde comme volonté.
2) Mais ce n’est pas du tout ainsi qu’il nous apparaît : à notre intelligence, gouvernée par le principe de causalité, et à notre sensibilité, structurée par les formes de l’espace et du temps, le monde apparaît comme nature, c’est-à-dire comme un tout spatio-temporel gouverné par des lois et des relations de causalité.
Il y a donc un abîme entre le monde tel qu’il est en lui-même et le monde tel qu’il nous apparaît, entre le monde comme volonté et le monde comme représentation, ou, pour parler encore comme Kant, entre le monde comme chose en soi et le monde comme simple phénomène, objet de notre expérience et de l’exploration scientifique. 
Pourtant, il existe une autre forme de représentation du monde que la représentation courante ou scientifique : c’est la représentation artistique. L’art, en effet, ne représente pas, comme la science ou l’entendement commun, les relations d’espace, de temps ou de causalité qui existent entre les choses : il représente ou tente de représenter, non certes la chose en soi, puisque celle-ci se situe par définition par-delà toute représentation, mais l’Idée ou l’idéalité de chaque chose au sens platonicien du terme, c’est-à-dire la forme essentielle de chaque chose : celle, par exemple, (diapo 4) des tournesols ou des souliers de paysans chez van Gogh. 
La représentation artistique est donc une représentation des Idées platoniciennes, c’est-à-dire une représentation des choses en leur idéalité ou forme essentielle. Forme essentielle qui, se situant au-delà des catégories de la connaissance rationnelle (l’espace, le temps, la causalité) et relevant ainsi nécessairement de l’intuition contemplative et non du raisonnement discursif, ne peut être pleinement saisie et exprimée que par l’art.
3) L’art est ainsi pour Schopenhauer un véritable mode de connaissance qui permet d’accéder aux Idées par la contemplation du monde et dont les œuvres (les œuvres d’art) permettent la communication (diapo 5) : 
« L’art reproduit les Idées éternelles qu’il a conçues par le moyen de la contemplation pure, c’est-à-dire l’essentiel et le permanent de tous les phénomènes du monde […]. Son origine unique est la connaissance des Idées ; son but unique, la communication de cette connaissance. » (p. 239).
Et ce mode de connaissance est la source d’un plaisir très vif, puisqu’il nous permet d’accéder auroyaume de ce qui, échappant « au tourbillon du temps et des autres relations » (§ 38, p. 253), estvéritablement : c’est, pour parler comme Spinoza, le plaisir de voir les choses « sub specie æternitatis »[5], sous l’aspect de l’éternité.

2. Le système des arts

Ainsi, après avoir défini la représentation artistique et caractérisé le plaisir qu’elle procure, Schopenhauer se penche sur la diversité des arts, qu’il propose de penser et d’ordonner par référence à la diversité et à l’ordre naturel des choses et des Idées qui leur correspondent :
(i) Pour Schopenhauer, en effet, il y a d’abord, au sein de la nature, une échelle graduelle des êtres qui va des plus inertes et grossiers aux plus vivants, conscients et subtils. Cette échelle des êtres se déploie non seulement selon les quatre grands règnes naturels – minéral, végétal, animal et humain –, mais encore à l’intérieur même de chacun de ces règnes : à l’intérieur du règne humain, par exemple, il y a une gradation qui va de l’action la plus grossière au sentiment le plus pur ou à l’action la plus noble.
(ii) À cette première échelle des êtres correspond nécessairement l’échelle des Idées de chacun de ces êtres ou de chacun de ces niveaux de réalité : cette échelle va, par exemple, des Idées de pesanteur, de cohésion, de croissance ou de floraison aux Idées de vertu, d’héroïsme ou de sagesse.
(iii) Enfin, parce que l’art doit être « le miroir fidèle de la vie, de l’humanité et de la réalité » (§ 51), à ces deux échelles, des êtres et des Idées, correspond une échelle des arts eux-mêmes, chaque art étant à la fois spécifiquement capable et, dès lors, en quelque sorte spécifiquement chargé de représenter un ou plusieurs niveaux ou aspects spécifiques de la réalité (diapo 6) :
(i) Les arts qui représentent les degrés « inférieurs » de la réalité (c’est-à-dire la matière inerte et la vie végétale) sont : l’« architecture artistique », l’hydraulique artistique (jeux d’eaux & fontaines), l’art des jardins, la peinture de paysage ou encore la poésie descriptive. Leur mission propre est de faciliter l’intuition claire de quelques-unes des Idées qui constituent les degrés « inférieurs » de la réalité : pesanteur, cohésion, foisonnement, floraison, fluidité, jaillissement, etc.
(ii) Les arts qui représentent les degrés « supérieurs » de la volonté (c’est-à-dire la vie animale et, surtout, humaine), sont : les arts plastiques (sculpture et « peinture d’histoire », centrée sur l’homme et ses actions) et les diverses formes non descriptives de la poésie : poésie lyrique, narrative, épique, dramatique et tragique. Leur mission propre est, évidemment, de permettre l’intuition des Idées qui correspondent aux degrés « supérieurs » de la réalité : noblesse, angoisse, résolution, amour, sacrifice, etc.
Tout art a donc, pour Schopenhauer, une fonction qu’on peut dire métaphysique puisqu’il s’agit toujours de donner accès au monde en son essence. Mais qu’en est-il de la musique ? Pourquoi Schopenhauer la met-il à part ?

3. Le statut spécifique de la musique

Pour justifier l’éminente dignité qu’il lui accorde, Schopenhauer part du constat suivant : de tous les arts, la musique est celui qui s’adresse à nous de la façon la plus immédiate, la plus puissante, voire bouleversante, et la plus intime : il suffit d’écouter le moindre morceau de musique pour être immédiatement plongé ou transporté dans son climat affectif. Il cherche donc à expliquer ce fait et il propose l’explication suivante, dont il reconnaît lui-même bien volontiers que sa vérité est impossible à prouver (p. 328), mais qui n’en constitue pas moins, je trouve, une très belle tentative pour rendre compte de ce pouvoir spécifique de la musique.
Selon lui, la musique ne proposerait pas, comme les autres arts, une simple représentation des Idées, qui sont elles-mêmes des représentations du monde en son essence, du monde comme volonté : elle ne serait donc pas la représentation d’une représentation (la représentation d’une Idée), mais proposerait,comme les Idées elles-mêmes, une représentation ou manifestation immédiate et adéquate de la volonté sous ses différentes formes, c’est-à-dire de l’essence intime du monde et de la vie. Il y aurait donc (diapo 7) un « rapport » particulièrement « étroit entre la musique et l’être vrai des choses » (p. 335), qui expliquerait son extraordinaire puissance émotionnelle.
Cette hypothèse implique deux choses distinctes qu’il va nous falloir essayer d’expliquer :
(i) Elle implique, d’abord, que contrairement aux autres arts, la musique se situerait au même niveau ontologique que les Idées : il semble y avoir, écrit Schopenhauer, « un parallélisme, une analogie entre la musique et les Idées » (p. 329). La musique, écrit-il (diapo 8) :
« n’est […] pas, comme les autres arts, une reproduction des Idées, mais une reproduction de la volonté au même titre que les Idées elles-mêmes. C’est pourquoi l’influence de la musique est plus puissante et plus pénétrante que celle des autres arts : ceux-ci n’expriment que l’ombre, tandis qu’elle parle de l’être.  » (§ 52, p. 329)
(ii) Mais cette hypothèse implique sans doute également, non certes que le monde serait lui-même intrinsèquement musical, mais qu’il existerait tout de même un profond « point commun du monde et de la musique » (p. 328) ou une profonde analogie, une proximité ou une affinité particulièrement étroite entre le monde et la musique, puisqu’elle seule semble être en mesure d’en exprimer vraiment toute l’essence intime. En d’autres termes, Schopenhauer ne se contente pas de mettre la musique au même niveau ontologique que les Idées : (diapo 9) il va jusqu’à la mettre au même niveau ontologique que la volonté elle-même, c’est-à-dire que l’essence du monde :
« La musique […] exprime ce qu’il y a de métaphysique dans le monde physique, la chose en soi de chaque phénomène. En conséquence, le monde pourrait être appelé une incarnation de la musique tout aussi bien qu’une incarnation de la volonté. »  Le Monde…, III, § 52, p. 335-6
Il nous faut donc tenter d’expliquer ces deux points (diapo 10), c’est-à-dire à la fois (i) l’étroite parenté de la musique avec les Idées platoniciennes et (ii) son étroite proximité avec la volonté, avec l’essence du monde, c’est-à-dire la dimension quasi musicale du monde lui-même :
(i) Pour ce qui est de la parenté de la musique avec les Idées, elle vient, selon Schopenhauer, du fait que la musique est l’art le plus indépendant du monde phénoménal, c’est-à-dire du monde tel qu’il nous apparaît, et qu’elle est, par conséquent, l’art le plus propre à en exprimer l’essence invisible (diapo 11) :
« La musique […] est complètement indépendante du monde phénoménal ; elle l’ignore absolument, et pourrait en quelque sorte continuer à exister alors même que l’univers n’existerait pas ; on ne peut en dire autant des autres arts. » (p. 329)
Cette indépendance de la musique par rapport au monde phénoménal correspond concrètement à deux choses :
D’une part, contrairement aux autres arts, la musique « n’existe que dans le temps, sans le moindre rapport avec l’espace », ce qui la place, dans la hiérarchie des arts, à l’extrémité opposée à l’architecture qui, elle, « n’existe que dans l’espace, sans aucun rapport avec le temps ». Quant à la sculpture, la peinture et la poésie (diapo 12), elles relèvent, elles, à la fois de l’espace et du temps, et non seulement de l’un ou de l’autre, comme l’architecture et la musique : en effet, la sculpture et la peinture « représentent la vie, le mouvement, l’action » et relèvent donc du temps et non seulement de l’espace, comme on pourrait être tenté de le croire au premier abord ; et la poésie, qui pourrait, elle, sembler purement temporelle, a pour matière « tout ce qui existe » et relève donc aussi de l’espace et non seulement du temps[6]. La musique est donc bien le seul art qui soit affranchi de l’ordre extérieur de l’espace et c’est cet affranchissement qui lui permet de nous offrir, « une traduction plus intime de l’être que les autres arts ». C’est lui qui permet de comprendre « pourquoi la musique peut seule manifester, sous forme esthétique, l’intuition du vouloir dans sa plénitude »[7], car le vouloir, la volonté, relève de l’intériorité et du temps bien plus que de l’espace et de l’extériorité.
D’autre part, la musique, parce qu’elle n’est faite que de sons et de rythmes, est le moins imitatif des arts : il existe bien sûr quelques œuvres musicales imitatives (Les Saisons de Haydn, les Jeux d’eau de Liszt ou de Ravel, la Pastorale de Beethoven, par exemple), mais la plupart des sonates, quatuors ou symphonies n’imitent rien et on peut dire que la musique est plus naturellement abstraite que les autres arts qui, de leur côté, ont tendance à devenir musicaux lorsqu’ils deviennent abstraits : il est en effet très frappant de constater que les peintres abstraits ont fréquemment donné des titres musicaux à certaines de leurs toiles, comme dans les exemples suivants : le Concert de Vassily Kandinsky, le Quatuor de Joan Mitchell, la Polyphonie de Paul Klee ou encore la Sonate de Mark Tobey (diapos 13 à 16). La musique se situe donc plus spontanément que les autres arts au-delà de l’apparence sensible du monde, du côté de son essence, et c’est la raison pour laquelle Schopenhauer marque une nette préférence pour les œuvres et formes musicales les moins imitatives, les plus pures[8].
(ii) Quant à l’étroite analogie (diapo 17) qui relie la musique à la volonté, à l’essence du monde, et, réciproquement, la volonté à la musique – analogie qui est le 2e élément qui permet d’expliquer le pouvoir singulier de la musique –, elle réside sans doute dans le fait que, un peu comme la musique, la volonté est essentiellement un mélange de mouvement et d’intensité. Il existerait donc un très étroit parallélisme entre la musique et la volonté, que Schopenhauer s’est efforcé d’explorer de façon systématique et dont voici, par exemple, l’un des aspects (diapo 18) :
« La mélodie exprime tous les mouvements de la volonté telle qu’elle se manifeste dans la conscience humaine, c’est-à-dire tous les affects, sentiments, etc., tandis que l’harmonie, au contraire, indique la graduation de l’objectivation de la volonté dans le reste de la nature. » Fragments sur l’histoire de la philosophie, II, in Parerga et paralipomena, p. 816
Mais ce parallélisme entre la musique et la volonté n’est pas pour autant une identité car, contrairement à la volonté, la musique n’existe que pour notre sensibilité et notre intelligence capables de la percevoir comme telle car, objectivement, elle n’est évidemment qu’une somme de sons et de rapports numériques. La musique est donc « une seconde réalité, qui marche tout à fait parallèlement avec la première, tout en étant d’une nature et d’un caractère fort différents » ; elle a « une complète analogie » avec le monde en son essence, « mais aucune similitude »[9]. Elle n’est donc pas l’essence même du monde, mais elle est ce qui exprime le mieux cette essence, de telle sorte que, pour accéder pleinement au monde, il faut sans doute être à son écoute, plutôt que de se contenter de le regarder[10].

Conclusion

La musique est donc bien, pour Schopenhauer, « un exercice de métaphysique inconscient, dans lequel l’esprit ne sait pas qu’il fait de la philosophie » (p. 338). Or cette thèse implique, de l’aveu même de Schopenhauer, que la « vraie philosophie » ne consiste finalement qu’à énoncer et développer en concepts ce que la musique exprime, elle, plus immédiatement et plus adéquatement (diapo 19) :
« Si donc nous énoncions et développions en concepts ce [que la musique] exprime à sa façon, nous aurions par le fait même l’explication raisonnée et l’exposition fidèle du monde exprimée en concepts, ou du moins quelque chose d’équivalent. Là serait la vraie philosophie. » (§ 52, p. 338)


[1] J’avais aussi en tête la célèbre phrase de Nietzsche dans sa Lettre du 15 janvier 1888 à Heinrich Köselitz/Peter Gast : « Das Leben ohne Musik ist einfach ein Irrtum, eine Strapaze, ein Exil »: la vie sans musique n’est qu’une erreur, une épreuve, un exil. Cf. aussi la lettre du 27 mars 1888 à Georg Brandes : « Ohne Musik, wäre mir das Leben ein Irrtum » : sans musique la vie serait pour moi une erreur.
[2] Cf. David E. Cartwright, Schopenhauer : A Biography, p. 30 & 533, et Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, § 186.
[3] Lettre à Christian Goldbach du 17 avril 1712. Cf. aussi le texte suivant : « J’ai montré ailleurs que la perception confuse de l’agrément ou des agréments qui se trouvent dans les consonances ou dissonances consiste dans une arithmétique occulte. L’âme compte les battements du corps sonnant qui est en vibration, et quand ces battements se rencontrent régulièrement à des intervalles courts, elle y trouve du plaisir. Ainsi, elle fait des comptes sans le savoir. » Extrait du dictionnaire de Monsieur Bayle, article « Rorarius », dans Die philosophischen Schriften von G.W. Leibniz, édité par Carl J. Gerhardt (1875-1890), Hildesheim, Olms, 1965, vol. IV, p. 550. Cf. Patrice Bailhache, Leibniz et la théorie de la musique, p. 40 & 151.
[4] On retrouve, de manière inattendue, une idée proche dans ce passage de Francis Ponge : « Le sens de mon œuvre […] est d’ôter à la matière son caractère inerte : de lui reconnaître sa qualité de vie particulière, son activité, son côté affirmatif, sa volonté d’être, son étrangeté foncière (qui en fait la providence de l’esprit), sa sauvagerie, ses dangers, ses risques. » Le Verre d’eau, in Le Grand Recueil, II. Méthodes
[5] Cf. Éthique, V, pr. 31, sch., cité par Schopenhauer § 34, p. 231-2.
[6] Cf. XXXIX, p. 1195
[7] « Si la musique nous offre une traduction plus intime de l’être que les autres arts, c’est qu’elle reste étrangère au monde de l’espace. L’analyse de la notion de temps […] nous explique maintenant pourquoi la musique peut seule manifester, sous forme esthétique, l’intuition du vouloir dans sa plénitude. L’acte miraculeux qui nous révèle et l’essence de l’être et notre identité foncière avec le monde se produisant dans le temps, non dans l’espace, un signe spatial lui reste toujours inadéquat. De cette servitude la musique est affranchie. » André Fauconnet, L’esthétique de Schopenhauer, p. 340-341
[8] « [La musique] se meut librement dans le concerto, dans la sonate, et avant tout dans la symphonie, qui est sa plus belle arène, celle sur laquelle elle célèbre ses saturnales. » Métaphysique du beau et esthétique, in Parerga et paralipomena, p. 654. D’où le commentaire d’André Fauconnet : « [La musique] est d’autant plus belle qu’elle est plus libre, plus sincère et plus pure. Plus elle est elle-même, plus elle vaut. Ainsi s’explique cette table des valeurs, aux termes de laquelle le concerto et la sonate sont déclarés très supérieurs aux danses, aux lieder chantés, et la musique religieuse, où le texte importe si peu, est mise très au-dessus de l’opéra, où le texte importe tant ; enfin, voilà pourquoi c’est dans la symphonie que la musique libérée, affranchie, rendue à soi « fête ses saturnales ». » L’esthétique de Schopenhauer, p. 355
[9] Cf. Fragments sur l’histoire de la philosophie, II, in Parerga et paralipomena, p. 816-7
[10] C’est pourquoi un poète comme Gustave Roud (1897-1976) n’hésite pas à souligner « la parenté profonde [du] pouvoir des paysages avec les puissances de la musique » : « Qui songerait à nier l’irrésistible puissance d’asservissement d’un vaste paysage composé, sur notre regard tout d’abord et, peu à peu, sur tout notre être ? Il nous emprisonne lentement comme une symphonie. Le ciel vide, ou devenu pâture des nuages, la terre jusqu’à l’horizon dans sa figure naïve encore ou retouchée de la main des hommes, proposent à notre vue leurs grands thèmes, non point liés à quelque déroulement temporel, mais énoncés tous ensemble dans l’espace, où ils installent pour toujours le paradoxe d’un immuable contrepoint simultané. C’est notre œil qui se meut au long de ces phrases immobiles, pris dans ce réseau de courbes mélodieuses, ce filet magique, ce piège sans rémission que chaque saison, chaque jour, chaque heure presque charge, comme autant d’appâts nouveaux, de nouvelles harmonies. » Gustave Roud, Air de la solitude (1945), « Pouvoirs d’une prairie », Œuvres complètes, I, p. 844-5

Histoire et théorie des arts (1ère année) : bibliographie


Nathalie Cournarie
1ère année


Bienvenue dans la classe d’Histoire et théorie des arts ! 
Il n’est nullement nécessaire, pour y entrer, d’avoir déjà suivi cet enseignement dans le secondaire. Mais c’est une raison supplémentaire pour lire durant l’été quelques-uns des ouvrages suivants. Et pour ceux qui ont déjà travaillé en ce domaine, il s’agit d’approfondir  et de préciser leur culture. 

Bibliographie

Nadeije LANEYRIE-DAGEN, Histoire de l’art pour tous, Hazan, 2021.
Stephen FARTHING (dir.), Tout sur l’art, Panorama des mouvements et des chefs d’œuvre, Flammarion, 2020.
Guitemie MALDONADO, Marie-Pauline Martin, Natacha PERNAC, Chronologie de l’histoire de l’art, Hatier, 2015.

On pourra également consulter les sites suivants : http://www.wga.hu (banque d’images). 
Ou encore les sites des musées, tous aisément accessibles.

Pour la rentrée, regarder l’émission d’Arte sur le Louvre : https://www.arte.tv/fr/videos/093645-000-A/il-etait-une-fois-le-musee-du-louvre/

Nathalie Cournarie 

Philosophie et Philosophie spécialité : bibliographie 2026

Contact : Laurent.Cournarie@ac-toulouse.fr

Cours commun
(enseignement obligatoire, 4 h.)

Equipe pédagogique :
Laurent Cournarie
Emmanuel Lacoue-Labarthe
Pierre Landou

Programme : LA SCIENCE

Les titres précédés d’un astérisque * sont à lire de préférence.
La majorité des ouvrages est disponible au CDI [CDI].
Chaque professeur se réserve la liberté d’indiquer à sa classe des conseils (bibliographiques ou documentaires) spécifiques, par mail ou lors de la rencontre d’accueil prévue le …


À lire en priorité : ** Chalmers A. F., Qu’est-ce que la science ?, Livre de Poche. [CDI]

Ouvrages généraux
Barberousse et al., Précis de philosophie des sciences, Vuibert, 2014. [CDI]
Hoquet et al., Précis de philosophie de la biologie, Vuibert, 2014. [CDI]
Le Bihan, Précis de philosophie de la physique, Vuibert, 2013. [CDI]
*Lemoine, Introduction à la philosophie des sciences médicales, Hermann [CDI]
L’explication dans les sciences, Flammarion, 1973. [CDI]
*Les philosophes et la science [dir. P. Wagner], Folio, 2002. [CDI]
*Serres M. [dir.], Éléments d’histoire des sciences, éditions Bordas, 1989. [CDI]
Philosophie des sciences 1 et 2, Vrin. [CDI]
Philosophie des sciences I et II [dir. D. Andler…], Folio. [CDI]

Histoire de la philosophie
Aristote, Métaphysique, GF. [CDI]
*— Premiers et seconds analytiques, Vrin [CDI]
— Physique, GF, [CDI]
Arnauld et Nicole, La logique ou l’Art de penser, Gallimard. [CDI]
Bacon, Novum organum, PUF.
Carnap, La construction logique du monde, Vrin [CDI]
— Le problème de la logique de la science : science formelle et sciences du réel, Hermann. 
Comte, Cours de philosophie positive [CDI]
— Discours sur l’esprit positif. [CDI]
*Descartes, Discours de la méthode. [CDI]
— Règles pour la direction de l’esprit. [CDI]
Diderot, De l’interprétation de la nature.
Foucault M., Les mots et les choses, Gallimard, 1968. [CDI]
— Archéologie du savoir, Gallimard, 1969. [CDI]
Frege G., Écrits logiques et philosophiques, Points. [CDI]
— Les fondements de l’arithmétique, Seuil.
Habermas J., La Technique et la Science comme Idéologie, Gallimard.
*Heidegger M., « Science et méditation », Essais et conférences, Tel Gallimard.
Hume, Enquête sur l’entendement humain, Aubier. [CDI]
Husserl, La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, Gallimard. [CDI]
*Kant, Critique de la raison pure, préface de la 2de édition [CDI]
Leibniz, Méditations sur la connaissance, la vérité des idées, Vrin
— Nouveaux Essais sur l’entendement humain (GF), 4ème partie [CDI]
Locke, Essai philosophique concernant l’entendement humain, Vrin. [CDI]
Lucrèce, De la nature. [CDI]
Platon, La République [CDI]
* Théétète [CDI]
*Ménon. [CDI]
Russell, Problèmes de philosophie, Payot.
— Signification et vérité, Flammarion, 1990. [CDI]
Spinoza, Traité de la réforme de l’entendement humain. [CDI]
Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, Gallimard, 1961. 
— De la certitude, Tel, trad. J. Fauve.

Épistémologie, histoire des sciences
*Bachelard G., La formation de l’esprit scientifique, Vrin, 1938. [CDI]
— Essai sur la connaissance approchée, Vrin, 1928.
— L’activité rationaliste de la physique contemporaine, PUF.
— La philosophie du non, PUF, 1940. [CDI]
— Le matérialisme rationnel, PUF, 1953. [CDI]
— Le nouvel esprit scientifique, PUF. [CDI]
— Le rationalisme appliqué, PUF. [CDI]
Bernard Cl., Introduction à la médecine expérimentale, GF. [CDI]
Blanché R., L’Épistémologie, PUF. 
— La science actuelle et le rationalisme, PUF. [CDI]
— La science physique et la réalité, PUF. [CDI]
Canguilhem G., Études d’histoire et de philosophie des sciences, Vrin.
— Idéologie et rationalité dans l’histoire des sciences de la vie, Vrin.
— La connaissance de la vie, Vrin. [CDI]
— La formation du concept de réflexe, Vrin.
— Le normal et le pathologique, PUF. [CDI]
Dagognet F., Le Vivant, Bordas, 1988. [CDI]
*Duhem P., La théorie physique, son objet, sa structure, Vrin.
Feyerabend, Contre la méthode, Point Sciences/Seuil.
*Hempel, Éléments d’épistémologie, A. Colin. [CDI] 
Koyré A., Du monde clos à l’univers infini, Idées/Gallimard. [CDI]
— Étude d’histoire de la pensée scientifique, Gallimard. [CDI]
— Études galiléennes, Hermann. [CDI]
Kuhn, Structure des révolutions scientifiques, Flammarion, 1972.
Nietzsche, Le Gai Savoir, GF. [CDI]
Poincaré H., La science et l’hypothèse, Flammarion, 1943. [CDI]
*Popper K., La logique de la découverte scientifique, Payot, 1973. [CDI]
— La connaissance objective, Complexes, 1978. [CDI]
— Conjectures et réfutations, Seuil, 1982. [CDI]
Virieux-Reymond, L’Épistémologie, PUF. [CDI]



Option
(enseignement de spécialité, 6 h.)

Professeur : Laurent Cournarie

Programme

Écrit :
– L’existence
– L’histoire
La bibliographie du programme de spécialité sera adressée directement à chaque élève de l’option.

Oral :
– Platon, Phédon, trad. M. Dixsaut, Flammarion, coll. « GF », 1999.
– Comte, A., Cours de philosophie positive, tome 1, Première et deuxième leçons, Classique Garnier, 2021, p. 49-206.

Acheter les deux ouvrages de Platon et de Comte, dans l’édition indiquée.

Plus ultra : l’Ulysse de Dante. Emmanuel Lacoue-Labarthe. 9-11-22

Plus ultra : l’Ulysse de Dante

Emmanuel Lacoue-Labarthe

1. Ulysse dans La Divine Comédie

L’idée de cette petite conférence m’est venue en lisant et relisant La Divine Comédie. Au chant XXVI de L’Enfer, Dante et son guide Virgile atteignent la fosse[1] où sont punis les conseillers perfides et les coupables de ruse. Là, ils aperçoivent Ulysse et son compagnon Diomède, qui expient au sein d’une flamme fourchue plusieurs fautes commises ensemble, dont la ruse bien connue du cheval de Troie. Ulysse apparaît donc comme un damné jeté en enfer par le jugement divin.
Désirant en apprendre davantage, Dante et Virgile lui demandent alors comment il est mort. Ulysse leur répond qu’en quittant la magicienne Circé, son désir l’a poussé non à rentrer à Ithaque, mais à continuer à explorer le monde. Ses compagnons et lui prirent donc la mer et arrivèrent au « passage étroit où Hercule posa ses signaux afin que l’homme n’allât pas au-delà », non piú oltrene plus ultra : il s’agit, bien sûr, des colonnes d’Hercule, c’est-à-dire du détroit de Gibraltar. Or, au lieu de rebrousser chemin, tenu en respect par l’avertissement de ne pas aller plus loin, Ulysse proposa au contraire à ses compagnons de passer outre et de s’aventurer au-delà en leur disant :
« Ô frères […]
ne refusez pas l’expérience,
en suivant le soleil, du monde inhabité.
Considérez votre semence :
vous ne fûtes pas faits pour vivre comme des bêtes
mais pour suivre vertu et connaissance. »
Les compagnons d’Ulysse acceptèrent avec enthousiasme et leur « vol fou » – ce sont les mots d’Ulysse lui-même – les conduisit à un terrible naufrage qu’il décrit ainsi :
« Une montagne nous apparut, brune
par la distance, et qui semblait si haute
que je n’en avais jamais vu de pareille.
Nous nous réjouîmes, et la joie se changea vite en pleurs,
car de la terre nouvelle un tourbillon naquit,
qui vint frapper le navire à l’avant.
Il le fit tournoyer trois fois avec les eaux ;
à la quatrième il dressa la poupe en l’air,
et enfonça la proue, comme il plut à un Autre,
jusqu’à ce que la mer fût refermée sur nous.»[2]
L’Ulysse de Dante ne rentre donc pas à Ithaque, contrairement à celui d’Homère : il brave l’interdit, s’aventure dans le monde inhabité et finit englouti par les flots avec ses compagnons.
Soit, mais en quoi est-ce important ? Pourquoi des auteurs comme Vladimir Jankélévitch ou Primo Lévi ont-ils accordé une place centrale à ce récit de Dante et à la figure d’Ulysse qu’il propose ? Et pourquoi Dante lui-même a-t-il inventé une telle figure ? 

2. Jankélévitch
Commençons pas les idées de Vladimir Jankélévitch. C’est d’abord en réfléchissant sur l’aventure qu’il s’intéresse à l’Ulysse de Dante[3].
L’aventure véritable, nous dit-il, est celle qui est vraiment aventureuse, c’est-à-dire inattendue, incertaine et risquée. Ce n’est donc pas celle de l’aventurier professionnel, pour qui l’aventure n’est qu’un moyen presque comme un autre de gagner sa vie, un véritable « système de vie », écrit Jankélévitch, qui comporte certes quelques risques, mais qui n’en est pas moins bien installé. Mais l’aventure véritable, ce n’est pas non plus celle qui est subie comme une malédiction et sans aucun goût pour l’aventure, sans aucun désir de s’aventurer. Or, selon Jankélévitch, c’est sur ce point que l’Ulysse d’Homère s’oppose fortement à celui de Dante.
a) Dans L’Odyssée, Ulysse vit certes de nombreuses péripéties, mais il ne les a pas du tout cherchées ou voulues : la légende dit en effet que lorsque Ménélas est venu lui demander son aide pour aller récupérer Hélène à Troie, Ulysse ne s’est résigné qu’avec peine, à contre-cœur, et parce que, comme tous les prétendants d’Hélène, il avait juré de porter secours, si cela s’avérait nécessaire, au mari que le père d’Hélène choisirait pour sa fille. Certains récits[4] disent même qu’Ulysse aurait simulé la folie pour tenter d’échapper à l’expédition troyenne et qu’il aurait fallu poser Télémaque, son fils, encore bébé, devant le soc de sa charrue pour qu’il arrête de labourer son champ et reconnaisse qu’il n’était pas fou.
De plus, nous dit Jankélévitch, dans L’Odyssée, Ulysse est attiré par les haltes bien plus que par le mouvement et il ne désire au fond qu’une chose : « rentrer à la maison, retrouver son épouse fidèle, sa Pénélope, et sa maison d’Ithaque, et la fumée de son petit village ». « Tenté par les délices de la flânerie et de l’école buissonnière, écrit Jankélévitch, Ulysse est pourtant un homme raisonnable qui ne pense qu’à se retrouver « at home » et [qui], pour réintégrer ses foyers, va au plus court ». Ce « faux voyageur » est donc « aventurier par force et casanier par vocation, et ses pérégrinations, à cet égard, sont des aventures un peu bourgeoises ». 
L’Ulysse d’Homère est, ainsi, moins l’homme de l’aventure que d’une nostalgie close et un peu plate, qui n’aspire à aucun absolu, mais seulement au retour chez soi et au rétablissement du passé : il est « le héros du retour », le « voyageur du périple clos », qui est un « faux voyageur, un mauvais voyageur, un voyageur casanier »[5].
b) Par différence, le périple de l’Ulysse de Dante n’est, lui, pas du tout une « croisière circulaire » en mer, mais un « voyage rectiligne », écrit Jankélévitch, qui l’entraîne vers l’ouverture de l’océan et vers un monde nouveau et inconnu. Son aventure est donc bien plus aventureuse que celle de son homonyme homérique : elle est la figure de « l’aventure moderne », qui, nous dit Jankélévitch, s’oppose au « périple antique comme l’ouvert au fermé ».
Chez Dante, en effet, Ulysse est l’incarnation d’un inextinguible désir d’en apprendre toujours davantage, désir qui est prêt à braver tous les interdits et à affronter tous les risques pour s’aventurer vers de nouvelles expériences et connaissances. Au chant XXVI de L’Enfer, Ulysse déclare à Dante et Virgile : « Ni la douceur de mon enfant [Télémaque], ni la piété pour mon vieux père [Laërte], ni l’amour dû qui devait faire la joie de Pénélope, ne purent vaincre en moi l’ardeur que j’eus à devenir expert du monde et des vices des hommes, et de leur valeur »[6].
L’Ulysse de Dante est donc, selon Jankélévitch, la figure emblématique de l’authentique « curiosité aventureuse », il est le héros de l’aventure moderne, qui est essentiellement un « départ sans retour ». Mais il n’est pas seulement la figure de l’authentique aventure : il est également celle de la vraie nostalgie, qui est ouverte et non close, qui est « aspiration infinie »[7], désir d’un absolu qui n’est d’aucun lieu ni d’aucun temps et qui est, par conséquent, tendue vers l’avenir bien plus que vers le passé. Le « point douloureux » de la vraie nostalgie, écrit en effet Jankélévitch, « n’est pas ailleurs qu’ici ou ailleurs que là : ce point est ailleurs que tout ailleurs » ; il est « ailleurs que partout […], c’est-à-dire Nulle part ». C’est qu’en effet l’homme est cet être essentiellement ouvert et non fermé, dont la « vraie patrie » n’est par conséquent jamais seulement « de ce monde », mais toujours aussi « d’outre-monde » : elle « n’est repérable sur aucune carte » et se situe toujours en avant de lui, « à l’horizon de tout espoir »[8]. En ce sens, c’est bien l’Ulysse de Dante et non celui d’Homère qui est « le véritable voyageur nostalgique », celui de la « futurition aventurière » et de « l’odyssée infinie »[9].

3. Primo Levi
Mais venons-en maintenant à Primo Levi : quel rôle l’Ulysse de Dante a-t-il joué pour lui ?
L’un des chapitres de Si c’est un homme, dans lequel Primo Levi a fait le récit de sa déportation au camp d’Auschwitz-Monowitz, s’intitule Le chant d’Ulysse. Dans ce chapitre, il raconte l’échange qu’il a eu un jour, en allant chercher la soupe aux cuisines, avec un certain Jean[10].
Celui-ci, jeune étudiant juif alsacien, était le Pikolo du Kommando de Chimie auquel appartenait Levi, c’est-à-dire qu’il en était le livreur-commis aux écritures, préposé à l’entretien de la baraque, à la distribution des outils, au lavage des gamelles et à la comptabilité des heures de travail. Or, malgré ce poste situé à un échelon très élevé dans la hiérarchie de ceux confiés aux détenus, Jean restait – chose rare – très humain avec ses camarades. De plus, quoique parlant déjà deux langues (le français et l’allemand), il désirait apprendre l’italien et avait donc, un peu comme Ulysse, le désir d’en savoir sans cesse davantage.
Ainsi, en cheminant vers les cuisines, Primo tenta d’apprendre à Pikolo, quelques rudiments d’italien en lui citant des vers de Dante. Or, après avoir prononcé les vers du chant XXVI dans lesquels Ulysse rappelle à ses compagnons leur véritable dignité et vocation — « Considérez votre semence, dit Ulysse : vous ne fûtes pas faits pour vivre comme des bêtes, mais pour suivre vertu et connaissance » —, Primo Levi eut une sorte d’illumination qu’il décrit ainsi :
« Et c’est comme si moi aussi j’entendais ces paroles pour la première fois : comme une sonnerie de trompettes, comme la voix de Dieu. L’espace d’un instant, j’ai oublié qui je suis et où je suis.
Pikolo me prie de répéter. Il est bon, Pikolo, il s’est rendu compte qu’il est en train de me faire du bien. A moins que, peut-être, il n’y ait autre chose : peut-être que, malgré la traduction plate et le commentaire sommaire et hâtif, il a reçu le message, il a senti que ces paroles le concernent, qu’elles concernent tous les hommes qui souffrent, et nous en particulier ; qu’elles nous concernent nous deux, qui osons nous arrêter à ces choses-là avec les bâtons de la corvée de soupe sur les épaules. »
Pour Primo Levi, l’Ulysse de Dante est donc, avec son désir de connaissance et son esprit d’aventure, une figure, si ce n’est la figure, voire le modèle, de la dignité humaine. Il est celui qui comprend et qui incarne par son choix de poursuivre l’aventure au-delà des colonnes d’Hercule, que toute la dignité et vocation de l’homme réside dans le désir de vertu et de connaissance et dans l’audace de placer cet idéal plus haut que le souci de conserver sa vie.
Puis, en se rappelant les vers suivants, qui décrivent le naufrage infligé à Ulysse et à ses compagnons, naufrage voulu et approuvé par « un Autre », dit le texte[11], c’est-à-dire par Dieu, Primo Levi dit avoir eu une deuxième « fulgurante intuition, et qui, écrit-il, contient peut-être l’explication de notre destin, de notre présence ici aujourd’hui… ». Mais cette intuition n’est pas expliquée dans Si c’est un homme : ce n’est que beaucoup plus tard,  dans un entretien[12], que Primo Levi a tenté de la formuler, tout en précisant le caractère très incertain et hypothétique de son idée : 
« Je voulais dire, déclare-t-il à son interlocutrice qui s’appelle Daniella Amsallem, […] qu’Auschwitz fût la punition de la civilisation juive par les barbares, par l’Allemagne barbare, par le nazisme barbare ; c’est-à-dire la punition de l’audace, tout comme le naufrage d’Ulysse est la punition de l’audace de l’homme par un dieu barbare. Je pensais en particulier à cette veine de l’antisémitisme allemand qui frappait principalement l’audace intellectuelle des Juifs, comme Freud, Marx, Kafka et tous les innovateurs, en somme, dans tous les domaines. C’était cela qui dérangeait un certain philistinisme allemand, beaucoup plus que le fait du sang et de la race. »
Pour Levi, la barbarie consiste donc à condamner le désir de savoir, la libido sciendi, qui fait pourtant la dignité de l’homme, et à détruire ceux qui lui donnent vie. Il y aurait donc une sorte de parallélisme entre la barbarie nazie à l’égard des Juifs et celle du Dieu qui fait périr Ulysse dans La Divine Comédie
Et dans un autre entretien[13], Primo Levi va même jusqu’à faire un parallèle entre la cruauté dont Dante lui-même fait preuve au chant XXXIII de L’Enfer à l’égard d’un damné et celle des nazis vis-à-vis des Juifs. Dans cet épisode de La Divine Comédie, Dante refuse de libérer les yeux d’un damné entièrement pris dans la glace, alors même qu’il lui avait promis de le faire : « et ce fut courtoisie, dit-il, d’être envers lui vilain »[14]. D’où le commentaire de Primo Levi :
« En d’autres termes, c’était un devoir pour Dante, que de se montrer cruel avec lui. Je pense que quelque chose de semblable s’est produit en Allemagne. Le sentiment que Dante, qui était un fervent catholique, éprouvait à l’égard des damnés, qui n’avaient plus aucun droit et qui devaient être forcés de souffrir, était peut-être celui des nazis envers les Juifs : il fallait les forcer à endurer autant de souffrance que possible. »

4. Dante et son Ulysse

Primo Levi nous invite donc, pour finir, à nous demander quel est le rôle et la signification de cet Ulysse de Dante pour Dante lui-même. Ulysse est-il pour lui, comme pour Primo Levi et Vladimir Jankélévitch, une figure positive de l’aventure authentique, de la vraie nostalgie et de la dignité humaine ou bien est-il une figure négative de la ruse et d’un désir de savoir orgueilleux, et plein de démesure, d’hubris ? Mon sentiment est qu’il est les deux à la fois.
D’un côté, en effet, Ulysse apparaît comme doublement condamnable aux yeux de Dante, qui a affirmé très explicitement dans certains textes l’intention morale de sa Divine Comédie[15] : Ulysse est condamnable non seulement pour ses multiples ruses et tromperies, qui lui valent d’avoir été jeté en Enfer, mais aussi, et peut-être surtout pour la vanité de sa libido sciendi et de son esprit d’aventure, qui lui valent d’avoir été englouti par les flots. À quoi bon, semble nous dire Dante, explorer le monde inhabité, alors qu’il y a tant à apprendre des hommes ? Et, quitte à transgresser un interdit, ne vaut-il pas mieux s’aventurer dans les abîmes de l’Enfer, c’est-à-dire dans les tréfonds de l’âme humaine, plutôt que de parcourir des océans dépeuplés ?
En adoptant ce premier point de vue, Dante serait donc une sorte de précurseur des moralistes qui, de Montaigne à Rousseau en passant par Pascal[16], ont dénoncé d’un même geste la libido sciendi, désir de savoir du savant et du voyageur, la libido sentiendi, désir du plaisir sensuel des voluptueux et la libido dominandi, désir dominateur des conquérants et des tyrans. Au point de faire l’éloge d’une certaine forme d’ignorance conçue comme rejet de la vaine curiosité, c’est-à-dire de la curiosité oublieuse de la primauté du bien et de notre vocation morale. Cette ignorance « forte et généreuse », écrit Montaigne, qui consiste à « châtrer nos appétits désordonnés », à « émousser cette cupidité qui nous époinçonne à l’étude des livres », et à « priver l’âme de cette complaisance voluptueuse qui nous chatouille par l’opinion de science », « ne doit rien en honneur et en courage à la science », car, écrit-il, elle est une « ignorance pour laquelle concevoir il n’y a pas moins de science que pour concevoir la science »[17]. Quant à Rousseau, il dénonce certes l’ignorance « féroce et brutale, qui naît d’un mauvais cœur et d’un esprit faux » ; l’« ignorance criminelle qui s’étend jusqu’aux devoirs de l’humanité ; qui multiplie les vices ; qui dégrade la raison, avilit l’âme et rend les hommes semblables aux bêtes ». Mais, nous dit-il, « il y a une autre sorte d’ignorance raisonnable, qui consiste à borner sa curiosité à l’étendue des facultés qu’on a reçues ; une ignorance modeste, qui naît d’un vif amour pour la vertu, et n’inspire qu’indifférence sur toutes les choses qui ne sont point dignes de remplir le cœur de l’homme, et qui ne contribuent point à la rendre meilleur […]. »[18]
Ulysse serait donc pour Dante un anti-modèle. Pourtant, d’un autre côté, il semble aussi l’admirer profondément : comme l’écrit Jean-Louis Poirier, le caractère « indéniablement sublime » des vers consacrés à Ulysse laisse deviner « une indéfinissable proximité, une incontestable sympathie de Dante à l’égard de ce damné »[19] et de sa soif de connaissance. En effet, dans son œuvre intitulée le Banquet, Dante reprend à son compte l’idée aristotélicienne du caractère naturel du désir de savoir : « Comme le dit le Philosophe au début de la Première Philosophie[20], écrit-il[21], tous les hommes désirent naturellement savoir. […] Parce que la science est l’ultime perfection de notre âme, en quoi réside notre ultime félicité, nous sommes tous par nature sujets à la désirer. » Dante se range donc ici non seulement du côté d’Aristote, mais aussi de Cicéron, qui affirme[22] :
« Nous avons, innée en nous, une telle passion d’apprendre et de savoir qu’on ne peut douter que la nature humaine n’y soit irrésistiblement entraînée et sans l’attrait d’aucun profit. » 
Ou encore du côté de Francis Bacon, qui dénoncera quelques siècles plus tard[23] les funestes colonnes d’Hercule imposées aux sciences par l’excessive admiration donnée aux choses déjà inventées et qui constituent un fatal frein au progrès du savoir.
Au point qu’on en vient à se demander si Dante n’a pas puisé dans la figure d’Ulysse, ou plutôt dans l’invention de cette figure, l’audace et le courage de cette folle aventure littéraire et poétique qu’est La Divine Comédie : aventure non moins folle et dangereuse, en effet, que le « vol fou » d’Ulysse et de ses compagnons puisque Dante se permet d’y anticiper le Jugement dernier en décidant qui sont les damnés, n’hésite pas à juger et condamner certains papes en les accusant d’avoir prostitué l’Église et prétend raconter comment un simple mortel, lui-même, a pu descendre les cercles de l’Enfer, gravir le mont du Purgatoire et s’élever jusqu’au cercle ultime du Paradis. « Très souvent, écrit l’écrivain argentin Jorge Luis Borges dans son essai sur Le dernier voyage d’Ulysse[24], la rédaction de La Divine Comédie aura dû paraître [à Dante] non moins ardue, peut-être même non moins risquée et fatale que l’ultime voyage d’Ulysse. […] Dante a été Ulysse et il a pu redouter en quelque sorte le châtiment d’Ulysse. »
Pour conclure, je propose donc l’idée suivante : si l’Ulysse de Dante est pour Jankélévitch la figure de l’aventure et de la nostalgie véritables, s’il est pour Primo Levi la figure de la dignité humaine, il semble être pour Dante lui-même la figure ambivalente de l’absence de scrupule et de la vanité, certes, mais aussi de l’audace éblouissante à la source de laquelle toute grande création humaine doit nécessairement puiser.


[1] 8e fosse du 8e cercle.
2] Enfer, XXVI, 112-142.
[3] Cf. L’Aventure, l’Ennui, le Sérieux, Chapitre I, p. 187-198
[4] Notamment un résumé des Chants cypriens, épopée perdue qui ouvrait le Cycle troyen : cf. article Télémaque sur Wikipedia.
[5] L’irréversible et la nostalgie, p. 351 & 382.
[6] Enfer, XXVI, 94-100.
[7] L’irréversible et la nostalgie, p. 352.
[8] Ibid., p. 361-2.
[9] Ibid., p. 382-3.
[10] Cf. Jean Samuel, Il m’appelait Pikolo, Pocket.
[11] Le tourbillon « enfonça la proue, comme il plut à un Autre, jusqu’à ce que la mer fût refermée sur nous », écrit Dante.
[12] Entretien avec Daniella Amsallem du 15 juillet 1980 : cf. Daniela Amsallem, Mes deux rencontres avec Primo Levi, in Témoigner n° 119 (2014). Texte cité par Myriam Anissimov, Primo Levi ou la tragédie d’un optimiste, JC Lattès, 1996, p. 265. Cf. aussi l’intervention de Daniela Amsallem au Colloque « Primo Levi. L’homme, le témoin, l’écrivain » : 11 avril 2012.
[13] Avec Risa Sodi en 1987 : cf. Conversations et entretiens, p. 230-231.
[14] Enfer, XXXIII, 151.
15] Cf. Épîtres, XIII, 16 : « Le genre philosophique, auquel appartient le tout et la partie, est le comportement moral, c’est-à-dire l’éthique, car aussi bien le tout [La Divine Comédie] que la partie [Le Paradis] ont été conçus en vue non pas de la spéculation mais de l’action. »
[16] Cf. Pensées, Fragment 460 (éd. Sellier).
[17] Montaigne, Essais, Livre III, Chapitre XI & XII, p. 1030 & 1039.
[18] Observations de J.-J. Rousseau sur la Réponse à son Discours [Réponse à Stanislas], in op. cit., p. 54.
[19] Ne plus ultra, IV, 3, p. 255.
[20] Cf. Aristote, Métaphysique, Livre A, 980a22.
[21] Convivio, I, I.
22] De finibus, V, 18.
[23] Cf. le frontispice du Novum Organum et le texte de l’Instauratio magna cité par Poirier (Ne plus ultra, p. 213).
[24] Cf. Œuvres complètes, T. II, Pléiade, p. 843-4.

La Guerra Civil : de la muerte de Antonio Machado al compromiso de dos intelectuales franceses relevantes, François Mauriac y Georges Bernanos

La Guerra Civil : de la muerte de Antonio Machado al compromiso de dos intelectuales franceses relevantes, François Mauriac y Georges Bernanos.

Ludovic Dagostin

Article intégral PDF La Guerra Civil – de la muerte de Antonio Machado al compromiso de dos intelectuales franceses relevantes, François Mauriac y Georges Bernanos


Los 80 de Machado

Esta movida de multitudes de la política en precampaña coindice con el 80º aniversario de la muerte de Antonio Machado en Colliure (Francia). Allá quedó enterrado. El poeta cruzó por los Pirineos con un abrigazo grande y la madre en los brazos. En el gabán, antes de darle tierra, le hallaron un papel con un verso anotado a lápiz: «Estos días azules, y este sol de la infancia». Esa es la última huella, el dígito final de su poesía. A Machado (Antonio) lo empujaron a la nómina del exilio, la derrota y la tristeza, todo junto. Pero no lo han callado.Sucede con algunos poetas que sobreviven al fragor de la bandera y la pancarta. Son los que lanzan las palabras más lejos que la vida. Los honestos. Los mágicos. Los de grande fervor social porque en sus palabras cabemos todos. Porque en la plaza íntima de las palabras encontramos la forma de decir lo que afuera no se dice de igual modo. O no se dice. Faltan poetas de verdad. Sobran mujeres y hombres de mentira. Políticas y políticos. Una parte de la calle está muy sensibilizada para la poesía. Es la más social de los esquejes de la literatura. No por la soflama, sino por la verdad que lleva a cuestas cuando la lleva.Buscando citar a un poeta (fray Luis de León), quien escribió el libro que se ha perpetrado Pedro Sánchez, citó alegremente a otro (san Juan de la Cruz). Sucede cuando no se ha leído a ninguno. Este es el nivel. La política fatiga porque todo lo que cuenta es muy probable que no sea cierto o que nunca suceda. Que leyendo en voz alta un verso, se asesine por debajo de la mesa la poesía. Así se hace el oficio, dejando cada vez unas heladas más largas en el corazón.No sé si estoy muy solo también en esto: la pereza ante lo que asoma como hilo musical en los próximos meses resulta desalentadora. Mítines, promesas, telediarios, debates a cuatro, a tres, a dos… Qué más da. Ni la extrema derecha, que es el abrigo de la vieja derecha de siempre dado la vuelta, anima esto. Algunos colegas van dando aviso de lo que van a votar. Les envidio. En este exacto momento del jueves, a las 19.53, descreo sin pliegues de su mercancía congelada. Y fantaseo con la idea de que si salgo de casa el domingo grande de urnas es por probar el placer de llegar al sitio y volverme. Yo creo que sí. Más por tedio que otra cosa. Más por fatiga de lo mismo que por un vicio de derrota. Como dice el inmejorable Manuel Villanueva: «Estamos remontando, pero por el lado que no es». Machado sigue teniendo razón. Nos guarde Dios.

                          Antonio Lucas, El Mundo sección Opinión, 22 de febrero de 2019.

Machado, el refugiado

Se cumplen 80 años de la muerte de Antonio Machado en el pueblo francés de Colliure, adonde llegó huyendo del avance del ejército franquista

Hoy se cumplen 80 años de la muerte de Antonio Machado en el pueblo francés de Colliure, adonde llegó huyendo del avance del ejército franquista al final de la Guerra Civil y tras pasar la frontera en condiciones penosas en pleno invierno. En condiciones parecidas o incluso peores cruzaron los Pirineos 470.000 personas en apenas mes y medio en una huida a la que hoy se conoce en Francia por su nombre español: La Retirada. Aquel éxodo apresurado desbordó una región que en 1939 tenía 250.000 habitantes y cuyas autoridades improvisaron campos de concentración que a veces no eran más que una playa rodeada de alambre de espino y custodiada por guardias.

El primero en abrirse fue el de Argelès-sur-Mer, que llegó a alojar a 100.000 personas. A él acudirá este domingo el presidente del Gobierno, Pedro Sánchez, durante una jornada que incluye visitas a las tumbas de Machado en Colliure y de Manuel Azaña en Montauban. El homenaje de Sánchez, el primero de este tipo que realiza un presidente en ejercicio, se suma a las continuas peregrinaciones anónimas a la modesta sepultura del poeta —convertido desde hace décadas en símbolo del exilio republicano— y a los actos promovidos por los descendientes de los exiliados. Exposiciones, conferencias y marchas simbólicas por los llamados “lugares de la memoria” recordarán durante todo el año un acontecimiento traumático en la historia europea: la crisis humanitaria que culminó la guerra desatada por el golpe de Estado de Franco.

En Francia, la tensión entre resistencia y colaboracionismo, gloria y vergüenza, hizo que la memoria histórica del siglo XX también pasara por su particular travesía del desierto. Sin embargo, al contrario que en España, hoy permanece al margen del debate político. Ochenta años después de una acogida entre temerosa y cruel por parte de las autoridades —compensada en ocasiones por la solidaridad de muchos particulares—, el país vecino ha hecho suyo de manera ejemplar el recuerdo de la penosa llegada de miles de refugiados que, en muchos casos, terminaron por instalarse en su territorio y convertirse en ciudadanos franceses. Se calcula que 70.000 de los que cambiaron de país en enero y febrero de 1939 eran menores de edad. Sería injusto que España —la gobierne quien la gobierne— se desentendiera por segunda vez de ellos y de sus hijos y nietos. También lo sería que aquella estampida de seres humanos que huían de la represión quedase petrificada como un mero hecho del pasado. El poeta Tomás Segovia, que fue niño del exilio, escribió que la memoria de la diáspora de 1939 solo serviría de algo si se tenía presente que el desamparo de los españoles que llegaron a Francia huyendo de la persecución para verse desposeídos de sus derechos es el mismo que sufren los refugiados que continúan a diario llegando a Europa.

                                           Alejandro Ruesga, El País, 22 de febrero de 2019.

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Eléments du vernaculaire français, Catalogue de l’exposition de Thomas Catifait, « D’ici et de maintenant »

Catalogue intégral Catalogue Exposition Thomas Catifat D’ici et de maintenant 2019

Thomas CATIFAIT

D’ici et de maintenant

              Exposition du 12 septembre au 26 octobre 2019
           Bibliothèque universitaire de l’Arsenal, Université de Toulouse 1 Capitole

Éléments du vernaculaire français
                  14 commentaires d’étudiants d’Histoire des arts classes préparatoires, lycée Saint-Sernin, Toulouse

À la croisée des chemins, Anaëlle Martin
Un panneau si laid, Camille Arola
Supports Surfaces, Camille Arola
Un lieu sans qualité, Cécile Capelle
Sans toit ni loi, Mélaine Chirot
Là au milieu de nulle part, Léa Lara
Un bout de France qui meurt, Mélaine Chirot
Blond, Haute-Vienne, Marthe Gallais
Urbi et orbi, Léa Marie-Rose
Place de la République, Coralie Moisson
Le passage du temps, Léo Mourgues
Carmaux, Tarn, Lucas Nadalin
Après Depardon, Lola Sabardine
Une voie sans issue, Elisa Martin

Catalogue intégral Catalogue Exposition Thomas Catifat D’ici et de maintenant 2019

« A quoi sert l’histoire de la philosophie ? » : Catherine König-Pralong et Pierre Vesperini

« A quoi sert l’histoire de la philosophie ? » : Catherine König-Pralong et Pierre Vesperini (2019
Pierre Mrdjenovic et Théo Chauveau[1]

  Sonya Faure : L’histoire de la philosophie peut apparaître comme une démarche abstraite, gratuite et théorique, détachée de nos préoccupations quotidiennes. Cependant, elle a également participé à la construction des identités européennes et se trouve au cœur de questionnements politiques multiples. Pour en parler, nous accueillons aujourd’hui Catherine König-Pralong, professeure d’histoire de la philosophie à l’université de Fribourg en Allemagne, médiéviste, qui a récemment sorti un essai intitulé La Colonie philosophique[2]. À ses côtés, Pierre Vesperini, philosophe de formation, antiquisant, auteur d’un essai sur Marc-Aurèle, Droiture et mélancolie[3], puis sur Lucrèce, Lucrèce, archéologie d’un classique européen[4], et qui prépare en ce moment un livre sur l’histoire de la philosophie antique.
L’histoire de la philosophie, peut aujourd’hui nous sembler une démarche naturelle et neutre. En réalité, sa pratique et sa démocratisation sont un phénomène récent datant des Lumières.


[1]Compte-rendu du débat animé par la journaliste de Libération, Sonya Faure, dans le cadre du festival « L’histoire à venir », le samedi 25 mai au lycée Sanit-Sernin.

[2]Ed. EHESS, 2019

[3]Verdier 2016.

[4]Fayard, 2018.

Article intégral PDF A quoi sert histoire philosophie Vesperini König-Pralong prepaSernin 

Actualité culturelle et pédagogique


2020-2021

Espagnol

Coord. : R. Lafitte

En el festival Cinelatino, algunos estudiantes de LVB de LSH AL y BL vieron la película El olvido que seremos y algunos LVA presenciaron la entrevista del realizador Fernando Trueba. Trailer : https://www.youtube.com/watch?v=ppezPGQJ8Yw
Entrevista a Fernando Trueba :https://www.youtube.com/watch?v=H9tRQWwpvzg


« Les Colombiens ont la douleur et le refus de l’oubli inscrits dans leur chair ». Le film L’oubli que nous serons de Fernando Trueba est adapté d’un roman autobiographique d’Héctor Abad Faciolince, paru en 2006, qui a connu un succès très important en Colombie.

Nous avons demandé à Marie Estripeaut-Bourjac (1), spécialiste de la question de l’écriture de la mémoire en Colombie, de nous expliquer en quoi ce récit témoignait d’une période particulièrement mouvementée dans le pays. (Pauline Le Gall).

Vous avez travaillé sur l’écriture de la mémoire en Colombie. Comment le roman d’Héctor Abad Faciolince, L’oubli que nous serons, s’inscrit-il dans cet élan littéraire ? 

Ce récit autobiographique, et revendiqué comme tel, a pour objectif de dénoncer l’incurie des pouvoirs publics. À l’heure actuelle, les causes de l’assassinat d’Héctor Abad Gómez ne sont toujours pas éclaircies. Aucun jugement n’a été rendu. Le récit est donc une forme de réparation et de thérapie pour l’auteur et pour sa famille. Faciolince n’a d’ailleurs de cesse de l’écrire : «J’ai enfin pu parler ». Ce témoignage est particulièrement important parce qu’il se situe à l’un des moments les plus tragiques de l’histoire de la Colombie, dans les années 80. 

Le film, tout comme le roman, mêle récit intime et histoire de la Colombie. Comment cette forme permet-elle de raconter la complexité de la situation dans le pays, notamment dans les années 80 ? 

Les quinze dernières années de la vie d’Héctor Abad Gómez, qui sont racontées dans le livre et le film, sont étroitement liées à l’histoire de la Colombie. Il était très investi socialement et s’est d’ailleurs présenté à la mairie de Medellín. Toutes les vexations et les persécutions dont il a été victime montrent bien qu’à cette époque il valait mieux se taire en Colombie. Il s’exprimait notamment sur des sujets polémiques. Or, comme le dit l’une de ses anciennes élèves, à l’époque personne n’en parlait dans le pays. Il s’agissait là d’une préoccupation qui semblait réservée aux étrangers, notamment américains, alors que la santé est un enjeu majeur pour le bien-être et le progrès du pays. Les années 80 marquent aussi les grandes années de Pablo Escobar et la naissance des brigades paramilitaires, aussi appelées « escadrons de la mort ». En 1985 a lieu la prise du Palais de justice par la guérilla M-19, suivie de l’assaut de l’armée puis de l’incendie dans lequel une centaine de civils trouvent la mort. En marge de cela, des membres du parti communiste et des anciens guérilleros, qui avaient décidé de revenir à la vie civile et se présentaient aux élections sous l’étiquette de l’UP (Union Patriotique) sont massacrés. Il y a eu en tout 5000 morts et cela n’a jamais été élucidé.

– Le film est aussi marqué par la violence qui semble venir de partout… 

Oui, d’ailleurs les premières scènes du film sont toutes des scènes de violence. La première montre Héctor Abad Faciolince sortant du cinéma avec son amie et lui disant qu’il en a assez de voir autant de violence et de revolvers dans les films qui parlent de l’Amérique latine. Puis, il revient en Colombie alors que son père vient d’être mis à la retraite de manière forcée. La troisième scène, elle, est vue au travers du viseur d’un revolver. L’importance des armes dans la société est clairement montrée dès le début du film, et il s’agit d’une vraie toile de fond en Colombie. Dans toutes les productions artistiques, le revolver et la vénération des armes sont des motifs centraux. 

– Vous écrivez que les récits personnels font office de « réparation symbolique et de thérapie sociale ». Pourquoi est-il particulièrement important que les Colombiens se réapproprient cette période de leur histoire ? Qu’est-ce qui rend cette réappropriation difficile ? 

Les Colombiens qui souhaitent la fin de la guerre ont commencé, à partir des années 80, à se réapproprier leur histoire. Il existe une effervescence testimoniale impressionnante dans le pays avec des écrits, des productions, des films, des œuvres artistiques… Les Colombiens ont la douleur et le refus de l’oubli inscrits dans leur chair. Cela n’empêche pas que la violence continue. Il y a toujours des forces pour empêcher que la paix s’instaure durablement. Pour certains secteurs de la société (trafiquants de drogues, propriétaires terriens…) la guerre est plus rentable que la paix. Certaines activités, comme l’expropriation de terres, peuvent se dérouler beaucoup plus facilement en temps de guerre. 

– En quoi la figure du docteur Héctor Abad Gómez est-elle emblématique de l’histoire de la Colombie ? 

Tous les Colombiens ont quelque chose à raconter et beaucoup ont perdu un proche, un parent, un membre de leur famille. Héctor Abad Gómez est emblématique de cette violence. Par ailleurs, il s’agit d’une figure connue en Colombie. Quand il est mort, il se présentait comme représentant du parti libéral à la mairie de Medellín. Ses étudiants l’aimaient beaucoup, il suffit de voir dans le film les hommages qui sont organisés, la manifestation qui se tient en marge de son enterrement. Il était aimé, reconnu, et en plus d’être un grand médecin, il défendait les droits humains et était proche du peuple.
 
– Dans l’imaginaire français, la ville de Medellín est associée à la drogue et à la violence. Quel est son profil, par rapport à d’autres villes de Colombie comme Bogotá ? 

La ville de Medellín a un statut particulier en Colombie. Elle se situe dans la région d’Antioquia et est traditionnellement associée aux grands chefs d’industrie. Dans les endroits les plus reculés de Colombie on retrouve des gens originaires d’Antioquia. Ce sont des commerçants, des hommes d’entreprise, des colonisateurs et surtout des travailleurs infatigables. À Medellín, le silence n’existe pas : il y a de l’activité à toutes les heures du jour et de la nuit. Évidemment Medellín est aussi la ville où est né le premier grand cartel de la drogue, celui de Pablo Escobar. Escobar recrutait ses sicaires (hommes de main) dans les quartiers pauvres de la ville. L’esprit d’entreprise de Medellín fait qu’être un tueur à gage qui assassine par contrat, est considéré comme une entreprise comme une autre.  À l’époque de Pablo Escobar les assassinats en pleine rue étaient fréquents. Tout l’entourage d’Héctor Abad Gómez est d’ailleurs parti en exil après son assassinat. 

– Le roman d’Héctor Abad Faciolince a été un immense succès en Colombie. Qu’est-ce qui a particulièrement touché les lecteurs dans ce récit ? Pourquoi a-t-il eu un tel retentissement ? 

Héctor Abad Faciolince était déjà un romancier connu et reconnu en Colombie au moment de la publication de L’Oubli que nous serons. Dans ce livre, il raconte l’histoire de millions de Colombiens, une histoire de douleur. Quand ces récits provenaient de personnes du peuple ou d’indigènes qui vivaient dans des coins reculés du pays, ils n’ont que peu d’échos. Au contraire, L’oubli que nous serons raconte la vie et le destin d’un homme public, connu au plan national, qui s’est présenté à la mairie et qui n’en a pas moins été fusillé en pleine rue. Ce témoignage a montré que la violence ne touchait pas seulement les gens du peuple mais tous ceux qui osaient élever la voix et défendre les Droits Humains. 

Ce récit autobiographique est sorti en 2006, un an après l’adoption de la loi Justice et Paix par le Congrès colombien. Ce contexte a-t-il joué dans la réception du roman ? 

La loi de 2005 a été très mal vécue par la société civile. Elle a été perçue comme une manière d’accorder l’impunité à tous les paramilitaires, encouragés à revenir à la vie civile. Cet ouvrage n’a fait qu’ajouter au mécontentement et aux protestations qui étaient d’ailleurs toujours assez mesurées : ceux qui s’exprimaient trop fort se faisaient descendre. Le roman n’a fait que compléter les critiques qui étaient faites au président Álvaro Uribe. 

Plus de dix ans plus tard, le film est choisi pour représenter la Colombie aux Oscars. Cette histoire est-elle toujours d’actualité ? Comment le contexte a-t-il changé depuis la parution du roman ? 

Oui, cette histoire est toujours d’actualité, dans la mesure où la Colombie est encore aux prises avec le fait que le traité de paix n’est pas appliqué. Malgré toutes les régressions et les révisions qui ont été faites, il n’y a toujours pas de paix dans le pays. Au sein de la guérilla, ceux qui s’étaient démobilisés se remobilisent. Ils savent que le massacre de l’Union Patriotique va se reproduire et ils ont repris le maquis. D’autres ne se sont jamais démobilisés. La mafia et les trafiquants de drogue, eux, continuent à faire leurs affaires. 

(1) Marie Estripeaut-Bourjac est maître de conférence à l’ESPE d’Aquitaine-Université de Bordeaux en langues et études romanes et en sciences du langage. Elle a publié L’écriture de l’urgence en Amérique latine (Presses Universitaires de Bordeaux) et, avec Nicole Pelletier et Patricia Paillot, Vivre avec la mémoire des conflits. D’un continent à l’autre (à paraître aux Presses Universitaires de Bordeaux).

9 juin 2021 — Espagnol

FESTIVAL CINELATINO

Los alumnos de LVA pudieron asistir a la apertura del festival asistiendo a la proyección de : TENGO MIEDO TORERO [JE TREMBLE, Ô MATADOR] de Rodrigo SEPÚLVEDA – Chili, Argentine, Mexique | 2020 
PRIX CINÉ & PRIX DU PUBLIC LONG-MÉTRAGE DE FICTION LA DÉPÊCHE DU MIDI
Y presenciaron un encuentro con el actor principal :
Alfredo Castro est l’un des acteurs les plus primés du cinéma chilien et le plus loué et respecté par la critique. Directeur d’une école, d’un théâtre et d’une troupe du nom de Teatro de la Memoria, metteur en scène, scénariste, acteur, il incarne le plus souvent des personnages tourmentés avec sobriété et complexité. Ce n’est qu’à 50 ans, en 2006, qu’il aborde le cinéma, dans Fuga, premier film de Pablo Larraín, alors inconnu du public. Pour son deuxième opus, Tony Manero (2008), Pablo Larrain fera appel à Cinéma en Construction à Toulouse, révélant aux professionnels du cinéma le talent d’un acteur hors normes, il remportera le Prix Cinéma en Construction avant d’entamer à Cannes, à la Quinzaine des Réalisateurs, un long parcours dans les festivals et les salles de cinéma. Alfredo Castro est devenu par la suite l’un des acteurs fétiches du désormais célèbre Larrain, avec 6 films à son actif.


8 juin 2021 Histoire des arts et Lettres Modernes Autour de l’exposition « Au-delà des apparences, il était une fois, il sera une fois », Musée des Abattoirs

Captation vidéo d’une lecture de textes par les étudiants.

Coord. : C. Catifait et N. Cournarie

31 mai 2021 Espagnol — Visite de l’exposition consacrée au poète et artiste peintre, Rafael Alberti, à l’Institut Cerventès, lundi 31 mai.

Coord. :  Ludovic D’Agostin.


31 mai 2021 Anglais — Conférence à l’Université Jean Jaurès sur les représentations de la nature dans des œuvres littéraires nord-américaines.
Coord. : M. Soler


Histoire — La valorisation d’une archive du Lycée par des étudiants de Lettres supérieures du Lycée Saint-Sernin de Toulouse (LSHA – avril-juin 2020)
Le Lycée de jeunes filles de Toulouse pendant la Première Guerre mondiale : un hôpital militaire au cœur d’un lycée de 1914 à 1918.

Coord. : Marie Perny

https://view.genial.ly/603a27e319e1625625aae2b3/presentation-le-lycee-st-sernin-pendant-la-1ere-guerre-mondiale-analyse-darchives

Journée Portes ouvertes


CPGE
AL LSH et BL

en virtuel
samedi 6 mars 2021


Conférences du Proviseur (10h et 14h)
Discussion avec les professeurs et les élèves (9h-12h / 13h-16h)


CONNEXION pour réunion ZOOM

https://saint-sernin.mon-ent-occitanie.fr/administration-actualites-vie-scolaire/actualites/journee-portes-ouvertes-virtuelles-cpge-6-mars-2021-55063.htm




11 février 2021 — Espagnol

Revue de presse latino-américaine et espagnole et analyse méthodologique par des étudiantes
Coord. Laffite et L. D’Agostin


14 janvier 2021 — Histoire des arts

Séminaire avec Clarisse FAVA-PIZ, PHD à l’Université de Pittsburgh, spécialiste de la sculpture au XIXème siècle, avec le soutien de plusieurs musées et instituts d’histoire d’art aux Etats-Unis. 

Enjeux et débats autour de la sculpture publique aux Etats-Unis.

Coord. : N. Cournarie




11 décembre 2020 — Forum des Grandes écoles et parcours sélectifs








Par visio , communication en ligne avec des anciens élèves ayant intégré les Grandes Ecoles

2019-2020


 1er juillet 2020, 18 et 21 heures
et 2 juillet 2020, 21 heures — Théâtre
E-représentation à partir de Mangeclou d’Albert Cohen.
Sever Martinot-Lagarde

S’inscrire à spectacle.mangeclous@gmail.com

Places limitées : 100



Mangeclous est une célébration comique et rabelaisienne de la vitalité et des rêves de grandeur d’un petit peuple d’amis juifs, les Valeureux, issus du ghetto de l’île grecque de Céphalonie. 
Au cours d’un périple qui nous conduit de Céphalonie à Genève en passant par Marseille (suivant en cela la trajectoire biographique d’Albert Cohen), nous suivons les exploits imaginaires de Pinhas Solal, dit Mangeclous, de l’Oncle Saltiel, de Mattathias, de Michael et du petit Salomon. Nos amis sont des bouffons bavards, hâbleurs et toujours affamés, menteurs et sincères, généreux et grippe-sous, misogynes et amoureux, terriblement courageux et lâches, machiavéliquement rusés et candides, parfaitement pieux et athées, sionistes et antisémites, grands rêveurs devant l’Eternel… 
Derrière la verve éblouissante et l’explosion de joie de vivre, d´humanité, d’humour juif et d’autodérision qui caractérisent le roman d’Albert Cohen, s’amoncellent des nuages de tristesse et d’incompréhension. Ecrit en 1938, Mangeclous lance un éclat de rire au bord du précipice.


24 juin — Accueil en distanciel des nouveaux élèves de 2ème année

20 avril — Philosophie            Reporté
14h-16h., salle des conférences
Conférence d’E. Bories : « Réflexions sur la démocratie »
Coord. : E. Bories


19 mars — Histoire des arts   Reporté
Conférence de M. Gironet, Architecte des bâtiments de France : Influence de Léonard de Vinci sur les fresques de la Renaissance
Coord. : N. Cournarie


5 mars — Cinéma
18h, Amphithéâtre Marsan, Toulouse School of Management.
Conférence AGCOM sur le thème : « Révolution médiatique et nouvelles communications – le cinéma face au streaming en 2020 ». Présence de la société de distribution Wild Bunch aux 5 oscars et rencontre avec sa chargée du digital, Fantine Guemghar.


6 février — Histoire des arts
Conférence de M. Gironet, Architecte des bâtiments de France : Initiation à l’architecture
Coord. : N. Cournarie


3 février— Histoire des arts
Module : Préparation Ecole du Louvre , « Art contemporain 2 » 
18h-19h30 : E. Vidal (conférencier)
Coord.  : N. Cournarie


30 Janvier — Histoire des arts
Visite et présentation des chapiteaux romans du musée des Augustins
Coord. : N. Cournarie


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23-28 janvier — Histoire des arts
Voyage d’études à Paris : visites et rencontres avec des conservateurs (Société française de photographie ; Musée du Louvre ; Musée des Arts décoratifs ; Bibliothèque historique de la ville de Paris ; Musée d’Orsay ; Musée Picasso ; Centre Pompidou ; Exposition L. de Vinci ; Bibliothèque Nationale de France ; Exposition Huysmans)
Musée d’Orsay, salle Gauguin)
Coord. : N. Cournarie

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25 janvier — Journée Portes ouvertes CPGE
9h-12h30
JPO CPGE 25 janvier 2020


20 janvier — Histoire des arts
Module : Préparation Ecole du Louvre , « Art contemporain 1 » 
18h-19h30 : E. Vidal (conférencier)
Coord.  : N. Cournarie


13 et 20 janvier — Espagnol : Atelier de traduction thème/version
Coord. : L. D’agostin


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 10 janvier — Espagnol : Concert « Sur un air andalou« , Halle aux Grains
Coord. L. D’Agostin


6 janvier — Histoire des arts
Module : Préparation Ecole du Louvre , « Art moderne » 
18h-19h30 : E. Vidal (conférencier)
Coord.  : N. Cournarie


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19 décembre — Histoire des arts
Présentation par les étudiants de l’exposition Rose Béton
Musée des Abattoirs      logo_2014
17h30-18h30

Et présentation de l’Ecole du Louvre par deux anciennes étudiantes          Unknown



16 décembre — Histoire des arts

Module : Préparation Ecole du Louvre , « Renaissance nordique » 
18h-19h30 : A. Hémery (conservateur)
Coord.  : N. Cournarie


9 décembre — Histoire des arts
Module : Préparation Ecole du Louvre , « Peinture hollandaise du Siècle d’Or » 
18h-19h30 : A. Hémery (conservateur)
Coord.  : N. Cournarie


16 décembre — Histoire des arts
Module : Préparation Ecole du Louvre , « Peinture hollandaise du Siècle d’Or » 
18h-19h30 : A. Hémery (conservateur)
Coord.  : N. Cournarie


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18 décembre — Espagnol
10h-12h
Université Jean Jaurès Unknown.jpeg
Conférence de Luis González (MCF) :  Lope de Vega y la comedia: la creación del teatro nacional
Coord. : L. D’Agostin


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18 décembre — Philosophie
Conférence-entretien par Edgar Morin
Université Toulouse 1 Capitole
17h30-19h
Coord. : L. Cournarie

L’urgence de transmettre E. Morin


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16 décembre — Etudes théâtrales et musique
Spectacle musical sur des nouvelles de Maupassant et des poèmes de Michaux
20 h., Collège Pierre de Fermat

16 décembre — Etudes théâtrales et musique
Spectacle musical sur des nouvelles de Maupassant et des poèmes de Michaux
20 h., Collège Pierre de Fermat

Coord. : J.-S. Cambon et S. Martinot-Lagarde


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   13 décembre — Forum des Grandes Ecoles
13h30 – 17h (3ème étage) 

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12 décembre — Histoire des arts
Présentation du livre d’artiste par Fabrice Raymond
Médiathèque du Musée des Abattoirs
Coord. : N. Cournarie


gerd-klestadt     12 décembre — Histoire        REPORTÉ
Rencontre avec Gerd Klestadt, rescapé de la Shoah
10h15-12h15
Coord. CPGE  :  Ph. Ruiz.


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6 décembre — Histoire des arts
Lancement du projet de rédaction de cartel et de panneaux pédagogiques au Musée des Augustins
Atelier de peinture a tempera
Coord. : N. Cournarie


26 novembre— Histoire des arts
Module : Préparation Ecole du Louvre , « Peinture, sculpture : Renaissance Italie 2 » 
18h-19h30 : A. Hémery (conservateur)
Coord.  : N. Cournarie


18 novembre— Histoire des arts
Module : Préparation Ecole du Louvre , « Peinture, sculpture : Renaissance Italie 1 » 
18h-19h30 : A. Hémery (conservateur)
Coord.  : N. Cournarie


9 décembre — Histoire des arts
Module : Préparation Ecole du Louvre , « Peinture hollandaise du Siècle d’Or » 
18h-19h30 : A. Hémery (conservateur)
Coord.  : N. Cournarie


18 novembre — Anglais
14h-16h
Conférence de Mme Lécole, MCF Arts plastiques : « Voiles blancs. La blancheur fait-elle motif ? » 
Coord. : J. Miguel


15 novembre — Espagnol
Conférence de Pierre-Frédéric Charpentier


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18 décembre — Philosophie
Conférence-entretien par Edgar Morin
Université Toulouse 1 Capitole
17h30-19h
Coord. : L. Cournarie

: « Les intellectuels français et la guerre d’Espagne, une guerre civile par procuration »
Salle des conférences, 14h-16h
Coord.  : L. D’Agostin

http://www.editionsdufelin.com/o-s-cat-r-623.html


12 novembre — Lettres Modernes

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                         Rencontre avec l’écrivain Jean-Philippe Toussaint au sujet de son premier roman,  et de son dernier texte, La clé USB.
15h30
Amphithéâtre Valade
— en partenariat avec l’Université Toulouse 1 Capitole.                      

Coord. : Carole Catifait


17-31 octobre — Histoire des arts

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Médiation : Exposition Thomas Catifait « D’ici et de maintenant », Bibliothèque de l’Université Toulouse Capitole 1
Coord. : N. Cournarie
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17 octobre —  Histoire des arts

   Médiation (stage) : Exposition Peter Saul, Coord. : N. Cournarie.

logo_2014  Musée des Abattoirs


14 octobre— Histoire des arts
Module : Préparation Ecole du Louvre , « Iconographie : Nouveau Testament » 
18h-19h30 : N. Cournarie
Coord.  : N. Cournarie


4 octobre— Histoire des arts
Module : Préparation Ecole du Louvre , « Iconographie : AncienTestament » 
18h-19h30 : N. Cournarie
Coord.  : N. Cournarie


18-20 septembre 2019 — Voyage d’étude et d’intégration (LSHC)  dans le Haut Ampurdan.
Coord. M. Palevody, V. Doumerc, O. Loubes.


2018-2019


 6 juin — Histoire des arts
16-537947-530x331Médiation Exposition « Picasso et l’exil »
16h30, Musée des Abattoirs
Coord. N. Cournarie et E. Vidal (guide-conférencier)                       logo_2014.png


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25 mai — Histoire
Dans le cadre du Festival L’Histoire à venir, conférence de C. et P. Vesperini, sur le thème : «A quoi sert l’histoire de la philosophie ?»
Un antiquisant et une médiéviste se retrouvent pour parler de la façon dont on a écrit l’histoire de la philosophie en Europe, et s’interroger sur la façon dont on peut l’écrire autrement aujourd’hui. Cette question, en apparence
éloignée de nos préoccupations quotidiennes, est en réalité profondément politique, tant l’histoire de la philosophie fonde notre rapport au politique. Tel sera le fil conducteur d’un dialogue où se confronteront méthodes, périodes et nouvelles perspectives.
Coord. O. Loubes
https://2019.lhistoireavenir.eu/evt/174/


23 mai — Musique
Concert des optants de musique, salle des conférence, 20 h.
Coord. S. Cambon


22 mai — Toutes options
Mercredi 22 mai, à 14h, en salle 322,
Florie Boy, directrice de Media d’Oc, conservatrice de bibliothèque (ancienne élève de khâgne) et Maxime Coumes (BUC de l’Université Jean Jaurès) viennent présenter les métiers liés aux bibliothèques pour les étudiants de CPGE de Toulouse.
Coord. : Carole Catifait, Nathalie Cournarie.


14 mai — Langues vivantes
Ateliers-débats au lycée Saint-Sernin (CPGE-lycée)

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« Le travail de mémoire, un enjeu plurilinguistique »


“Les récentes découvertes sur le positionnement pro-nazi du peintre Emil Nolde ont contraint Angela Merkel à faire décrocher les deux tableaux qui ornaient son bureau à la chancellerie. Dans le contexte de l’Amérique à l’heure d’un président controversé, le collectif For Freedoms (https://www.icp.org/exhibitions/for-freedoms-where-do-we-go-from-here
) revisite les affiches iconiques de Norman Rockwell publiées à l’issue du discours sur l’Etat de l’Union de Franklin D. Roosevelt en 1941. Ces supports permettent un travail très riche à partir de visuels complexes qui amènent à élaborer tout une réflexion sur la mémoire politique d’un pays.
Ces trois événements montrent à quel point les enjeux de mémoire restent prégnants aujourd’hui, voire trouvent une acuité nouvelle. Ils montrent aussi la diversité des formes et des supports de ces débats.
Le mardi 14 mai au lycée Saint-Sernin, des ateliers ont été proposés par les étudiants de classes préparatoires littéraires aux lycéens autour de ces enjeux. La discussion, en anglais ou en allemand, a pris des formes variées, montrant les enjeux mémoriaux qui sous-tendent des images liées au thème de la mémoire choisies par les étudiants et les professeurs”
Coord. A.-S. André et P. Pujo


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7 mai — Langues et culture de l’Antiquité
Journée d’études : Les dieux et les hommes dans l’Antiquité grecque et romaine
Coord. J.-L. Lévrier programme dieux & hommes

11h-12h :  Visite de l’exposition temporaire « Age of Classics ! L’Antiquité dans la culture pop » (Laure Barthet, conservateur du patrimoine et directrice du musée Saint-Raymond,  Pascal Capus, chargé des collections de sculptures romaines et numismatiques, Loussia Da Tos, médiatrice culturelle au musée Saint-Raymond.
14h Jean-Claude Carrière, professeur émérite de langue et littérature grecques à l’Université Toulouse II – Jean Jaurès, « Héraclès de la Méditerranée à l’Océan ».
14h40 Pascal Capus, chargé des collections de sculptures romaines et numismatiques, « Les villae de l’Antiquité tardive : des refuges pour les dieux ? ».

15h40 René Cubaynes, agrégé de l’Université, docteur ès sciences, titulaire d’une thèse post-doctorale en histoire antique de l’École Pratique des Hautes Études, « ‘Deis gratias ago’, cultes et syncrétisme dans les légions romaines, l’exemple de la VIIIe légion Auguste ».
16h20 Jean-Marie Pailler, professeur émérite d’histoire ancienne et archéologie à l’Université Toulouse II – Jean Jaurès, « Saturnin, son martyre et son image dans l’Antiquité (IIIe – Ve siècle) ».


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11 avril — Espagnol, Histoire des arts, Lettres Modernes
Lecture vagabonde — Autour de l’exposition Picasso et l’exil
par les élèves de classes préparatoires 
18h30 — Entrée Libre 
Coord. Carole Catifait, Nathalie Cournarie, Ludovic D’Agostin 
                                                                    logo_2014.png


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16 mars-2 juin — Histoire des arts

Médiation des étudiants à l’exposition de la Collection Motais de Narbonne, Fondation Bemberg
Coord. Nathalie Cournarie

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12 mars — Anglais
Participation à une rencontre-table ronde à l’UT2J sur le Brexit


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21 Février — Histoire des arts
Vernissage de la Collection Motais de Narbonne, Fondation Bemberg
22 Février — Histoire des arts
Rencontre avec les collectionneurs et la commissaire d’exposition

Coord. Nathalie Cournarie


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31 Janvier — Lettres
Les conférences-rencontres des bibliothèques de l’université Toulouse Capitole
Lydi Salvayre, écrivain
Amphi Dauvillier : rencontre et séance de dédicaces
Coord. Carole Catifait et Marcel Marty (UT1)


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24 janvier-29 janvier — Histoire des arts
Voyage d’études à Paris : « La photographie au XIXè siècle » — visites, rencontres et conférences : ENSB, Société française de photographie, Petit Palais, Exposition Nadar, Orsay, BHVP, Louvre et Centre Pompidou
Coord. Nathalie Cournarie


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25 janvier — Anglais
Dans le cadre d’un colloque sur la ville dans les récits de guerre, les étudiants de LSHC assistent à la conférence « The city is a foreign country », de l’écrivain américain Kewin Powers (auteur de)

Université Jean Jaurès, Maison de la Recherche
Coord. Marielle Soler

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    24 janvier — Philosophie
    Participation des étudiants de philosophie à la rencontre-débat avec B. et  S. Klarsfeld
 Université Toulouse Capitole 1, 18h30, Amphi Cujas

    Coord. Laurent Cournarie


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22 janvier 2019 20h — Concert-Lecture « Les Tristesses d’Ovide »
Auditorium Saint-Pierre des Cuisines

avec la participation d’étudiants de CPGE

Coord. Jean-Luc Lévrier


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10 janvier — Histoire des arts
Musée des Abattoirs, Présentation par les étudiants de l’exposition « Prix Mezzanine Sud » (Marie-Luce Nadal, Agathe Pitié, Mazaccio)

Coord. Nathalie Cournarie


IMG_0681     19 janvier 2019, 9h30-12h — Journée Portes Ouvertes
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18 Décembre — Histoire des arts

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   Médiation des étudiants dans le cadre de l’exposition  David Claerbout au musée des Abattoirs
Coord. Nathalie Cournarie


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11 Décembre — Lettres

Les conférences-rencontres des bibliothèques de l’université Toulouse Capitole
Guillaume Sire, écrivain
Amphi Maury : rencontre et séance de dédicaces
Coord. C. Catifait et M. Marty


6 novembre, 14h et 7 novembre 11h — Espagnol

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Spectacle Ligeros de equipaje. Crónica de la retirada par la compagnie Producciones Viridiana, suivi d’un échange avec les comédiens.
http://musee-resistance.haute-garonne.fr/fr/evenements-1/expositions-precedentes/la-retirada.html?search-keywords=retirada
Coord. E. Gil


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6 novembre — Philosophie
Les optants de philosophie participent à la conférence-rencontre, organisée par l’Université Toulouse Capitole 1, avec l’historien François Dosse pour la sortie de son dernier ouvrage en 2 volumes La Saga des intellectuels français
Coord. L. Cournarie


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26 septembre 2018 — Allemand 
Dans le cadre de la Quinzaine franco-allemande (https://www.15francoallemandeoccitanie.fr) organisé par le GOETHE-INSTITUT et en coopération avec le Lycée St Sernin 
Goethe-Institut — 4 bis rue Clémence Isaure à Toulouse (31)
20 h.
Coord. : Catherine Doumerg, Pauline Pujo, Martine Reille

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« N’attends pas de jours meilleurs ! » Textes et chansons de Wolf Biermann

Caractérisé par un destin hors du commun et intimement lié à l’histoire allemande ‒fils de résistants communistes au nazisme puis poète et chansonnier dissident en RDA jusqu’en 1976 puis à l’Ouest ‒Wolf Biermann est aussi un auteur francophile, qui parsème ses textes de mots français, qui se sent cousin de Heinrich Heine et de François Villon, et s’inspire de la chanson française (Brassens, Boris Vian, entre autres). Après une conférence introductive, lectures d’extraits en allemand et en français présentés par les élèves du lycée Saint Sernin, alterneront avec l’interprétation de quelques unes de ses chansons.


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17 septembre — Cinéma Audiovisuel  
Visite et présentation de la Cinémathèque de Toulouse
Coord. M.H. Meaux


8, 15, 22, 29 septembre — Histoire des arts                   logo-big

Médiation par des étudiantes et des étudiants de l’option du lycée Saint-Sernin dans le cadre de l’exposition Même pas peur à la Fondation Bemberg

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15h30-19h30
Fondation Bemberg 
Coord. Nathalie Cournarie


Ecole du Louvre



Résultats Concours d’entrée Ecole du Louvre (3ème année)

2024 : 3 admises (+ 1 liste supplémentaire) sur 4 admissibles
2023 : 3 admises (+ 2 admissibles)
2022 : 1 admis (+ 1 admissible)
2021 : 9 admis sur 9 admissibles (3ème année) — et un total de 33 admis au plan national
+ 1 admis (1ère année)
2020 : Ecole du Louvre -Paris Nanterre-Musée Rodin : Licence 3 « Préparation aux concours de restaurateurs du patrimoine » : 1 admise et 1 admissible (Histoire des arts) / 1ère année : 1 admise (Histoire des arts)
2019 : 3 admis (+ 2 admissibles) / + 1 admis (test probatoire 1ère année)
2018 : 6 admis (sur 6 admissibles)


PRÉPARATION CONCOURS ECOLE DU LOUVRE
Histoire et théorie des arts- CPGE Lycée Saint-Sernin



CALENDRIER DES SÉANCES (sous réserve de modifications)
Intervenants :
M. Axel Hémery, directeur du musée des Augustins, conservateur des peintures
Monsieur Eric Vidal, guide-conférencier au musée des Abattoirs, chargé de cours à l’Université de Toulouse Jean-Jaurès
Mme Nathalie Cournarie, professeur en CPGE, chargée de la spécialité d’Histoire et théorie des arts 

La participation des étudiants est libre, sur la base du volontariat, sans inscription préalable. L’accès aux séances est lui aussi laissé libre. Les étudiants assistent aux séances dans la limite des places disponibles (salle 329).

La préparation est orientée vers le concours d’entrée en 3ème année de 1er cycle (Bac+ 2, concours BEL : épreuve de reconnaissance d’œuvres anonymées dont une hors programme), et non pas en 1ère année (Bac+0 : présélection sur Parcoursup + écrit d’admission : maîtrise des repères spatio-temporels / description d’une œuvre d’art / composition d’histoire de l’art à l’aide d’un programme d’œuvres). 
Mais elle peut cependant être utile aux élèves qui souhaitent se réorienter vers la 1ère année de 1er cycle de l’EDL à la fin de l’hypokhâgne. 
Les élèves de CPGE dans la spécialité d’Histoire des arts peuvent enfin postuler à l’entrée en 2ème cycle de l’EDL sur dossier par équivalence, à l’issue des deux années de classes préparatoires.
Cette préparation peut aussi tenir lieu d’initiation à l’Histoire de l’art.

En savoir davantage sur les concours d’entrée à l’EDL :
. Entrée en 1ère année de 1er cycle : http://www.ecoledulouvre.fr/enseignements/etre-eleve/concours-entree
. Entrée en 3ème année de 1er cycle, concours BEL commun aux deux Écoles Normales Supérieures, réservé aux élèves inscrits dans la spécialité Arts – Histoire et théorie des arts : http://www.ecoledulouvre.fr/sites/default/files/pdf/ssdossier2/NoticeBel2020.pdf   sur cette page, consulter en particulier la bibliographie (attention, page non encore actualisée au 4/10/2020)
Bibliographie proposée par l’École pour la préparation de cette épreuve :
Dans la série Histoire de l’art, Paris, Flammarion, les volumes suivants :
M. Barrucand et C. Heck (sous la dir. de), Moyen Âge. Chrétienté et Islam, Paris, 1996.
C. Mignot et D. Rabreau, Temps modernes. XVe-XVIIIe siècles, Paris, 1996.
F. Hamon, et P. Dagen, Époque contemporaine. XIXe-XXe siècles, Paris, 1998. 

Site du musée du Louvre : https://www.louvre.fr/


Témoignages

Jeanne, Zoé, Aurélie (Ecole du Louvre)

La classe préparatoire, et la spécialité histoire des arts, nous ont permis, particulièrement grâce aux stages en musée, d’acquérir des capacités de réflexion, d’analyse et d’expression orale, décisives pour notre intégration à l’école du Louvre en troisième année de premier cycle (dans le cadre de la BEL). Un enseignement de qualité combiné à nos nombreux contacts avec les œuvres d’art des collections toulousaines nous ont bien préparés à l’approche de l’histoire de l’art développée à l’école du Louvre (fondée sur l’étude des œuvres en salle). Cette école offre également de nombreux projets extrascolaires, avant tout dans le domaine de la médiation (les élèves participent par exemple aux  nocturnes du musée du Louvre ) qui permettent de compléter son enseignement par une première expérience du milieu professionnel. 

Lucie (Essec et Ecole du Louvre)

La classe préparatoire AL est un tremplin vers les Ecoles de commerce qui peut sembler assez surprenant mais qui est tout à fait pertinent et intéressant à envisager. Si vous êtes curieux, ouverts et ambitieux il ne faut pas hésiter à candidater ! Le double diplôme entre l’ESSEC et l’École du Louvre me permet de profiter pleinement de l’enseignement théorique et passionnant de l’École du Louvre tout en bénéficiant des opportunités que m’offre l’École de commerce. Attention, si vous entrez à l’École du Louvre après le concours de la BEL (post prépa) vous ne pourrez pas accéder à cAe double diplôme.



Bibliographie
Nathalie Cournarie

Histoires générales de l’art 
Gombrich Ernst, Histoire de l’art, Londres, Phaidon, 2001
Mignot Claude et Rabreau Daniel (dir.) , Temps Modernes, XVème-XVIIIème siècles, Paris, Flammarion,  2005
Françoise Hamon et Philippe Dagen (dir.), Epoque contemporaine, XIXè-XXè siècles, Paris, Flammarion, 1998

Histoires de l’art spécialisées 
Barbillon Claire, Comment regarder la sculpture. Mille ans de sculpture occidentale, Paris, Hazan, 2017
Bertolino Georgina, Comment identifier les mouvements artistiques, Paris, Hazan, 2018-06-18
Laino Imma, Comment regarder la peinture, Paris, Hazan, 2017

Histoires de l’art par périodes
(à consulter en bibliothèque)
Cornette Joël et Mérot Alain (dir.), Le XVIIème siècle, Paris, Seuil, 1999
Delumeau Jean et Lightbown Ronald, sous la direction de Duby Georges et Laclotte Michel, La Renaissance, Paris, Seuil, 1996
Gaehtgens Thomas et Pomian Krysztof (dir.), Histoire artistique de l’Europe. Le XVIIIème siècle, Paris, Seuil, 1998
Allard Sébastien, L’art français, le XIXème siècle, collection « tout l’art », Flammarion

Philosophie 2023

Contact : Laurent.Cournarie@ac-toulouse.fr

1ère année
(enseignement obligatoire, 4 h.)


Nathalie Cournarie
Jean-Jacques Delfour
Emmanuel Lacoue-Labarthe


Le programme de philosophie en première année comporte 5 domaines (https://prepasaintsernin.wordpress.com/2017/12/15/parcours-sciences-humaines-option-philosophie/) :

La métaphysique  
La politique, le droit  
La morale 
La science
L’art, la technique 
Les sciences humaines : homme, langage, société.   


Bibliographie commune Lisez une œuvre de votre choix.

Platon, Ion
Platon, Ménon
Aristote, Ethique à Nicomaque (livre I, ou II, ou VI)
Descartes, Méditations métaphysiques
Descartes, Lettre à Elisabeth du 21 juillet au 6 octobre 1645
Hobbes, Léviathan, chapitres 13 à 21
Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes
Rousseau, Du contrat social
Kant, Critique de la raison pure, Préface de la seconde édition
Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs
Kant, Critique de la faculté de juger (« Analytique du beau »)
Nietzsche, Généalogie de la morale
Bergson, L’Energie spirituelle (« La conscience et la vie » / « L’âme et le corps »).
Benjamin, L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique
Arendt, Condition de l’homme moderne
Chalmers, Qu’est-ce que la science ?


2ème année

Cours commun
(enseignement obligatoire, 4 h.)

Equipe pédagogique :

Jean-Paul Coujou
Laurent Cournarie
Emmanuel Lacoue-Labarthe


Programme 2023

Les sciences humaines : langage, homme, société

Bibliographie succincte

Benveniste, Problèmes de linguistique générale, 1 (Tel, Gallimard) (V « Communication animale et langage humain  ; VI « Catégories de pensées et catégories de langue »)
Charbonnier, Entretiens avec Claude Lévi-Strauss (Les belles lettres)
Descola, Par-delà nature et culture (Folio Essais)
Durkheim, Les règles de la méthode sociologique (Payot) [téléchargeable en bas de la page]
Foucault, Les mots et les choses, Chapitre X « Les sciences humaines » (Tel, Gallimard)
Kant, Anthropologie d’un point de vue pragmatique (GF) [téléchargeable en bas de la page]
Lévi-Strauss, Les Structures élémentaires de la parenté (chapitres 1 et 2) (GF
Lévi-Strauss, Anthropologie structurale deux (Agora Pocket), (II « Jean-Jacques Rousseau, fondateur des sciences de l’homme »  ; V, 1 « Les trois humanismes » ; XV « Race et histoire »)
Merleau-Ponty, Signes, III « Le philosophe et la sociologie » (Folio Essais) [téléchargeable en bas de la page]
Montaigne, Essais (I, 31 « Des cannibales » et III, 6 « Des coches » (multiples éditions scolaires)
Morin, Le paradigme perdu, la nature humaine (Points Essais)
Rousseau, Essai sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (GF) [téléchargeable en bas de la page]
Rousseau, Essai sur l’origine des langues (Folio, édition de Jean Starobinski) [téléchargeable en bas de la page]


2ème année Option
(enseignement de spécialité, 6 h.)

Professeur :
Laurent Cournarie

Programme 2023

Notions :
Le monde
La force

Auteurs :
– MONTAIGNE, Essais, II, 12, GF, 2009 : ISBN : 9782070423828
– BERGSON, La pensée et le mouvant (I à VI inclus, pp. 41-254), Edition GF 2014 : ISBN 9782081280489.

Les deux ouvrages sont à acheter dans les éditions recommandées.

NB : La bibliographie du programme de spécialité sera adressée directement à chaque élève de l’option.

Federico Garcia Lorca, Yerma (1934)

Federico Garcia Lorca, Yerma (1934)

Maryline Lacouture

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Yerma : la evolución del personaje a la largo de la obra

Si nos atenemos a lo que dijo el propio Lorca, Yermano tiene argumento. Yermaes un carácter que se va desarrollando en el transcurso de los seis cuadros de que consta la obra. El desarrollo del carácter de la protagonista está internamente conectado pues con el tiempo dramático. Pero el tiempo no fluye de manera regular en toda la obra : pasa 1 año entre el primer cuadro y el segundo del primer acto y 2 más entre éste y el segundo cuadro del segundo acto. Luego ya no se menciona explícitamente el paso del tiempo, el espectador comprende que la evolución de Yerma ya ha alcanzado una especie de punto de no retorno que se consuma en la totalidad del tercer acto.

  1. La angustiosa y temblorosa espera y la historia de un desencuentro: acto primero
  • Yerma lleva 24 meses de casada y, como ya hemos visto, la primera escena de la obra da a ver todos los elementos de la tragedia: la presencia de la pareja protagonista # antagonista, el conflicto entre el deseo y la realidad que es la raíz de la tragedia, el rechazo del destino por parte de Yerma, el drama de la incomunicación que explica la « esterilidad » de las relaciones entre marido y mujer
  • Domina el tema de la espera angustiada del hijo evidenciada desde el principio en la canción de cuna de Yerma al final de la primerísima escena : ¿Cuándo, mi niño, vas a venir ?(p.45). Lo que anhela el personaje es la fusión total con el hijoque pasa por el dolor del parto (Te diré, niño mío, que sí,/tronchada y rota soy para ti./¡Cómo me duele esta cintura/donde tendrás primera cuna !, p.45) o el sufrimiento producido por la lactancia (Yo he visto a mi hermana dar de mamar a su niño con el pecho lleno de grietas y le producía un gran dolor, pero era un dolor fresco, bueno, necesario para la salud, p.50). Esta espera de la osmosis sensual con el hijo pasa por un adverbio en la acotación final de la escena con María (Yerma le coge amorosamenteel vientre en las manos, p.50).
  • Premonición de la « maldad » por venir o sea de la evolución del personaje : Si sigo así, acabaré volviéndome mala(p.49) y Cada mujer tiene sangre para cuatro o cinco hijos y cuando no los tienen se les vuelve veneno, como me va a pasar a mí(p.50), le dice a María àel futuro (acabaréyme va a pasar) y la noción de transformación radical (volverse una persona o volvérsele a una persona) anuncian e insisten en la evolución de Yerma.
  • En el cuadro segundo del primer acto, Yerma lleva 3 años de casada pero sigue esperando (escena con la vieja : la vieja dice ¡Ya tendrás [hijos] !y Yerma contesta con ansia ¿Usted lo cree ?, p.53). Quiere comprender por qué no es capaz de tener hijos (¿Por qué estoy yo seca ?, p.54), pero se  nota que las preguntas conllevan todavía una nota de esperanza. Se precisa lo que la primera escena con Juan así como la escena final del cuadro precedente con Víctor  ya habían dejado suponer: Yerma no desea a su marido, no es atraída por él y sí podría serlo por Víctor (p.55-56 : Mi marido es otra cosa…el primer día que me puse de novia con él ya pensé…en los hijos). A pesar de su sensualidad potencial reconocida por la vieja (¡Ay, qué flor abierta !, p.57) y que podría desarrollarse y encarnarse si ella quisiera a un hombre, Yerma está llenándose de odio (p.56). Se van precisando la idea de un desencuentro amorosoy la noción de causalidad : Yerma no tiene hijos porque el deseo no es el motor de su relación con Juan àYerma va adquiriendo pues el estatuto de personaje trágicoen la medida en que empieza a percibirse la hybris(arrogancia irracional del héroe que persevera en su acción), uno de los elementos de la tragedia antigua : Yerma continúa y continuará pensando que una se entrega al marido para tener hijos que resulta ser el único objetivo por alcanzar (Yo me entregué a mi marido por él [por el hijo], y me sigo entregando para ver si llega, pero nunca por divertirme, p.56). La escena con las muchachas bien muestra el contraste entre Yerma y la muchacha segunda : el afán de libertad de la jovencita y su rechazo de la maternidad son el contrapunto perfecto de la angustiada espera de Yerma.
  • Por fin este acto hace hincapié en el deseo frustradocomo causa de la esterilidad : la canción de Víctor, a la cual contesta Yerma cantando también, indica a las claras que no se ha realizado el encuentro posiblemente fructuoso entre dos cuerpos mutuamente atraídos (¿Por qué duermes solo, pastor ?, p.61), de ahí la sensación de soledad y frío (esta isotopía se plasma en las imágenes : oscura piedra, invierno, agujas, hierbas amargas, espina). Todo indica metafóricamente que el deseo reprimido ahoga y mata, lo cual explica la ausencia del hijo (¿qué niño te está matando ?, p.61) . Yerma no ve claramente que Víctor encarna la fecundidad posible (Y qué voz tan pujante. Parece un chorro de agua que te llena toda la boca, le dice a Víctor, p.62) si bien percibe que su marido tiene un carácter seco(p.62). Víctor bien aparece como laocasión perdida, la posibilidad fecundadora inalcanzable (cuando Yerma está a su lado oye la voz de un niño pequeño que llora como ahogado, p.63, metáfora clara de la maternidad imposible). Así que al final del acto, por no poder realizarse el encuentro con un hombre amado, Yerma dice claramente que está perdiendo su femineidad(Ojalá fuera yo una mujer, p.65) y al decirle a su marido ¡Me dormiré !–casi al gritárselo-, en realidad se encierra en su suerte de mujer frustrada, cerrando definitivamente la puerta ante otro destino.

Article intégral PDF 554 ko  Lorca Yerma Lacouture  

                    

Mario Benedetti, Primavera con una esquina rota

Mario BENEDETTI, Primavera con una esquina rota (1982)

Maryline Lacouture

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Texte intégral 246 ko Benedetti Lacouture prepasaintSernin


Plano :

  1. El título
  2. El paratexto: la dedicatoria, los epígrafes
  3. La estructura de la novela: una novela polifónica, la organización de los capítulos, un sistema de ecos y resonancias, un ritmo binario constante.
  4. La multiplicidad de los puntos de vista: narradores y narratarios

Mario Benedetti ha dicho en alguna ocasión : Cuando parece que la vida imita al arte, es porque el arte ha logrado anunciar la vida (Poemas de otros, 1975). Así que parece válido partir de la idea de que la obra de Benedetti –novelas, poemas y cuentos- es inseparable del entorno del artista, del contexto en que le ha tocado en suerte vivir. Novela de una sociedad escindida, fracturada por el autoritarismo y la represión, Primavera con una esquina rota evidencia la profunda conmoción provocada por los acontecimientos políticos en el Uruguay de los 70.

A partir de los personajes de una misma familia o de su entorno próximo, la novela pone énfasis en la influencia que tuvo el contexto político en las relaciones humanas. Pero en medio de la ficción se inmiscuye el propio autor Mario Benedetti que propone su propia experiencia del exilio a partir de algunos recuerdos.

  1. El título:

-Título metafórico y dual : la primavera remite a la esperanza y renacimiento a una nueva vida tras el « invierno » de la cárcel y la represión, pero se trata de una primavera mutilada o truncada (con una esquina rota) ya que los personajes salen diferentes y más o menos heridos de esta experiencia. Se impone pues desde el título la idea de renacimiento inseparable (con) de la idea de pérdida o mutilación.

-La explicación del título se hace más clara al final de la novela : en « Don Rafael (Quitar los escombros) », Rafael, el padre de Santiago, recuerda que, cuando murió su mujer en 1958, estaba sonando por casualidad en la radio la Primavera  de Vivaldi. Le encantaban Las Cuatro Estaciones y ella había dicho alguna vez qué bueno sería morir escuchando alguna de las Cuatro Estaciones de Vivaldi. Y Rafael explica : Santiago lo supo y quizá por eso esa palabra, primavera, ha quedado ligada para siempre a su vida. Es como un termómetro, su patrón, su norma. Aunque no lo mencione sino rarísimas veces, sé que para él los aconteceres del mundo en general y de su mundo en particular se dividen en primaverales, poco primaverales y nada primaverales

La primavera que se anuncia con la liberación de Santiago vuelve a aparecer en el capítulo « Extramuros (Fasten seat belt) » cuando el personaje recién liberado está cavilando en el avión y se dice a sí mismo : después de estos cinco años de invierno nadie me va a robar la primavera

la primavera es como un espejo roto pero el mío tiene una esquina rota/era inevitable no iba a conservarse enterito después de este quinquenio más bien nutrido/pero aun con una esquina rota el espejo sirve la primavera sirve  (el subrayado es mío).

Texte intégral 246 ko Benedetti Lacouture prepasaintSernin

Abécédaire d’éthique et de philosophie morale — collectif, 2018

Unknown.jpegAbécédaire d’éthique et de philosophie morale

Cet Abécédaire rassemble les résumés d’articles du Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale (PUF, Monique Canto-Sperber [dir.]) par les étudiantes et les étudiants de 1ère SUP A (2018), sous la direction de L. Cournarie.

Lire l’article intégral Dictionnaire d_éthique et de philosophie morale 2018 prepasaintSernin
7,4 Mo

Alberto Mendez, Los girasoles ciegos

Alberto Mendez, Los girasoles ciegos, (2004)

Maryline Lacouture

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Article en intégralité PDF 160ko Alberto MENDEZ prepasaintSernin — Lacouture

 


Presentación de la novela –

  1. Alberto MENDEZ :
  • Alberto Méndez Borra nació en Roma en 1941. Su padre, el poeta y traductor, José Méndez Herrera, trabajaba en aquel momento en la ciudad italiana. Era traductor habitual de la editorial Aguilar, para la que tradujo muchas obras de autores llegando a conseguir en 1962 el Premio Nacional de Traducción por sus versiones de las obras teatrales de Shakespeare.
  • Alberto Méndez, hombre de izquierdas, (milita en el Partido Comunista hasta 1982) estuvo siempre vinculado, de una u otra manera, al mundo de la edición. En su lucha contra el franquismo crea, entre otras, la editorial política “Ciencia Nueva”que clausura Manuel Fraga Iribarne en su época de ministro de la dictadura franquista. Asimismo, llega a ser un alto ejecutivo de la editorial Montena y se dedica a labores de guionista (colaboró en programas dramáticos de RTVE y fue guionista con Pilar Miró) y traductor a veces en solitario y otras en compañía de su hermano Juan Antonio.
  1. Los girasoles ciegos : resumen
  • Alberto Méndez es el autor de un único libro que recibió varios premios : el Premio Setenil otorgado por el Ayuntamiento de Molina de Segura al mejor libro de cuentos del año, y póstumamente el Premio de la Crítica y el Premio Nacional de Narrativa en 2005. Conoció una gran difusión ya que se cuentan 25 ediciones entre noviembre de 2004 y 2008. Es un libro de cuentos articulado en torno a cuatro historias- cuatro derrotas existenciales más que bélicas- que transcurren entre el período quizá más duro de la posguerra, que va desde 1939 a 1942, y que siendo totalmente independientes están hábilmente entrelazadas entre sí. Sus personajes son seres vencidos que se encuentran en un camino sin retorno recorriendo una senda dolorosa.
  • En el primer relato, o primera derrota, Carlos Alegría, oficial del ejército nacional, se rinde a los republicanos cuando las tropas golpistas están entrando en Madrid. Postura que, lógicamente, no es entendida por ninguno de los dos bandos, pero que el oficial explica, entre otras muchas razones aparentemente arbitrarias, porque sus correligionarios no querían ganar la guerra, sino matar al enemigo. Su entrega le acallará la mala conciencia de haber sido miembro de un ejército que, para vencer, ha tenido que cometer tantas atrocidades y crímenes Como dice Ramón Pedregal a propósito de una reseña sobre el libro: “El capitán Alegría es un Bartleby que cuestiona la norma de aquellos con los que vive y no puede abandonar su visión de lo que ocurre”.
  • La segunda derrota nos cuenta el breve periplo de un joven poeta que huye de los vencedores hacia las montañas asturianas en compañía de su novia embarazada. En medio de la soledad y el frío la muchacha da a luz a un niño y muere tras el parto. Sólo se encontrarán los restos del joven y de su hijo y un cuaderno que sirve de punto de partida al relato.
  • El tercer relato, o tercera derrota, gira alrededor del soldado republicano Juan Serna. Cuando el presidente del tribunal que debe juzgarle y su mujer se enteran de que el soldado enemigo conoció y vio morir a su hijo (un ser abyecto que fue fusilado por sus múltiples delitos) le conminan a que hable y hable sobre ese hijo. Intentando arañar unos días más a la existencia, convierte al joven traidor en el héroe que quieren los padres. Mas la impostura pronto le asquea y cuenta la verdad. Verdad que indefectiblemente le llevará a la muerte.
  • La cuarta derrota que cierra el libro transcurre en la opresiva vida cotidiana del nuevo régimen. Ricardo es un “topo” al que toda la familia protege entre miedos y silencios. Desde el armario en el que vive encerrado contempla impotente y horrorizado el acoso libinidoso que sufre su mujer por parte de un diácono, profesor del hijo del matrimonio.

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Philosophie (LSH) : enseignements de tronc commun et de spécialité

Après trois années au lycée Saint-Sernin en spécialité philosophie, j’ai intégré sur concours le Master en science politique mention théorie politique de Sciences Po Paris et m’engage aujourd’hui dans les affaires européennes. 
Les outils conceptuels que j’ai acquis en classes préparatoires littéraires par la fréquentation des textes, l’exercice de la dissertation et la rigueur qui était de mise me servent encore aujourd’hui. La méthode de lecture et d’interprétation des textes de se confronter aux textes exigeants, et ce en dehors même du canon philosophique. De plus, le caractère transversal de la philosophie donne une résonance particulière à ces concepts et à ces auteurs tout au long du parcours universitaire. La spécialisation en philosophie ouvre donc à d’autres disciplines : elle permet d’aborder les sciences juridiques ainsi que les sciences sociales et humaines

(Erwan B, SciencesPo, Affaires Européennes, 2021)

Équipe pédagogique

Nathalie Cournarie (LSH)
Jean-Jacques Delfour (LSH)
Emmanuel Lacoue-Labarthe (LSH et SUP)
Laurent Cournarie (SUP et Spécialité)

Pierre Landou (LSSE et SUP)
Éric Bories (SUPE)

CONTACT PHILOSOPHIE

Nouveau programme concours 2026 ENS de Lyon

Tronc commun : La science
Spécialité :
Notions :
– L’existence
– L’histoire
Œuvres :
Platon, Le Phédon, trad. M. Dixsaut, GF, 1999.
A. Comte, Cours de philosophie positive, Leçons 1 et 2, Paris, Classiques Garnier, t. 1., 2021.

Tous les étudiants et toutes les étudiantes reçoivent, aussi bien en 1ère année qu’en 2ème année, un enseignement de philosophie de 4 heures hebdomadaires (enseignement de Tronc commun).

La philosophie en LSH (1ère année = hypokhâgne ) : de la philosophie générale

En 1ère année, cet enseignement est défini par un programme de 5 domaines :

La métaphysique 
La politique, le droit 
La morale 
La science
L’art, la technique
Les sciences humaines : homme, langage, société. 

La philosophie en SUP (2ème année = khâgne) : approfondissement

En 2ème année, l’enseignement porte sur un des 5 domaines, choisi par les ENS comme programme, traité tout au long de l’année.

La spécialité (option) philosophie
en SUP (2ème année = khâgne)

La spécialité philosophie est proposée en 2ème année.
Les étudiantes et les étudiants qui choisissent l’option philosophie suivent, en plus des 4 heures de tronc commun, un enseignement de spécialité de 6 heures hebdomadaires.
Le programme est constitué par l’étude approfondie de deux notions (pour l’épreuve d’admissibilité) et de deux œuvres (pour l’épreuve d’admission). Ce programme, imposé par l’ENS de Lyon, change chaque année (voir ci-dessous ARCHIVES ).

Compétences et acquis de la formation

Au cours de leur formation, les étudiantes et les étudiants de l’option philosophie apprennent à mieux maîtriser la dissertation et le commentaire de texte, à poser et à construire un problème de manière rigoureuse, personnelle et ouverte. L’acquisition de ces compétences est un atout majeur pour la réussite dans toutes les filières sélectives et pour des études de philosophie, notamment en vue des concours du Capes et de l’Agrégation.

Résultats concours ENS LYON
Spécialité Philosophie
au lycée Saint-Sernin


2024 : 2 admis + 1 admissible
2023 : 2 admissibles
2022 : 1 admise
2021 : 1 admise + 1 admissible
2020 : 1 admis Master + 1 admissible
2019 : 1 admis

ARCHIVES
Programmes et sujets

Epreuve de tronc commun


2025 Programme : La morale
— Sujet :  « Tu dois ».
2O24 Programme : La métaphysique
— Sujet : Qu’est-ce que la réalité ?
2023 Programme : Les sciences humaines : l’homme, le langage, la société
— Sujet : Toute conception de l’humain est-elle particulière ?
2022 Programme : L’art, la technique
— Sujet : Quand y a-t-il art ?
2021 Programme : La politique, le droit
— Sujet : « L’Etat, c’est moi »
2020         Programme : La science
— Sujet : Science et objectivité
2019          Programme : La métaphysique
— Sujet : Peut-il y avoir des expériences métaphysiques ?
2018          Programme : La morale
— Sujet : La responsabilité
2017           Programme : Les sciences humaines : homme, langage, société

— Sujet : Peut-on délimiter l’homme ?
2016            Programme : La politique, le droi
Sujet : Que peut-on interdire ?
2015            Programme : La science

— Sujet : Expliquer
2014            Programme : L’art, la technique

— Sujet : Le corps peut-il être objet d’art ?
2013            Programme : La métaphysique

— Sujet : La cause
2012            Programme : La politique, le droit

— Sujet : Qu’est-ce qui est hors la loi ?
2011            Programme : La science

— Sujet : Les sciences sont-elles une description du monde ?
2010            Programme : L’art, la technique

— Sujet : L’imitation

Epreuve de spécialité

2025 : La vérité – La société : Locke, Lettre sur la tolérance ; Platon, Phédon.
— Sujet : Dire la vérité.
2024 : L’expérience – La machine : Bergson, La pensée et le mouvant (I-VI) + Locke, Lettre sur la tolérance
— Sujet : De quoi peut-on faire l’expérience ?
2023 : Le monde – La force : Montaigne, L’Apologie de Raymond Sebond + Bergson, La pensée et le mouvant (I-VI)
— Sujet : Y a-t-il plusieurs mondes ?
2022 : Le principe – La personne : Nietzsche, Le gai savoir, 5ème livre + Montaigne, L’Apologie de Raymond Sebond.
— Sujet : L’absence de principe
2021 : Le plaisir – La vie + Plotin + Nietzsche, Le gai savoir, 5ème livre.
— Sujet : Vie et pensée.
2020 : L’espace – Le sacré : Spinoza, Traité de la réforme de l’entendement + Plotin — Annulation des épreuves orales pour le concours 2020
Sujet : Au centre de l’espace.
2019 : La mémoire : L’œuvre : Marc-Aurèle, Pensées pour soi-même  + Spinoza, Traité de la réforme de l’entendement
— Sujet : Où est la mémoire ?
2018 : Le phénomène : L’éducation : Marc-Aurèle, Pensées pour soi-mêmeHegel, La philosophie de l’histoire, Introduction de 1830-31
— Sujet : Tout phénomène est-il un effet ?
2017 : La religion  : Le travail : Platon, Théétète + Hegel, La philosophie de l’histoire, Introduction de 1830-31
—  Sujet : La religion naturelle
2016 L’action : La nature : Hume, Enquête sur l’entendement humain + Platon, Théétète
— Sujet : La fin de la nature
2015 : L’individu   : Le mouvement : Lucrèce, De la nature IV + Hume, Enquête sur l’entendement humain
Sujet : L’individu est-il un principe ?
2014 : L’Etat : La matière : Descartes, Correspondance avec Elisabeth + Lucrèce, De la nature IV
— Sujet :  Que peut la matière ?
2013 : La perception : L’histoire : Aristote, Politique III + Descartes, Correspondance avec Elisabeth
Sujet :  Peut-on prédire l’histoire ?
2012 : Le principe : Le peuple : Leibniz, Correspondance avec Arnauld + Aristote, Politique III
— Sujet : Y a-t-il une science des principes ?
2011 : Le vivant : Sénèque, De la vie heureuse + Leibniz, Correspondance avec Arnauld
— Sujet : Qu’est-ce que connaître le vivant ?
2010 : Le langage : Diderot, Le Rêve de d’Alembert + Sénèque, De la vie heureuse                                         
— Sujet : A quoi le langage sert-il ?
 2009 : L’inconscient : Diderot, Le Rêve de d’Alembert + Augustin, Confessions XI   
— Sujet : A quoi sert l’idée d’inconscient ? 
2008 : Le plaisir : L’expérience : Augustin, Confessions XI + Kant, Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée ?
— Sujet : De quoi peut-on faire l’expérience ?
2007 : Le monde : La méthode : Kant, Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée ? + Aristote, De l’âme, I-II
— Sujet : Qu’est-ce qu’une mauvaise méthode ?
2006 : La nécessité : L’imagination : Aristote, De l’âme, I-II + Rousseau, Du contrat social, I
— Sujet : Les sciences supposent-elles l’idée de nécessité ? 
2005 : Le choix : Le changement : Rousseau, Du contrat social, I + Platon, Phédon 
— Sujet : Peut-on réduire le choix à un calcul ?
2004 : La raison : L’infini : Platon, Phédon + Hegel, Préface de la Phénoménologie de l’esprit                                     
— Sujet : La raison est-elle historique ?
2003 : La causalité : L’organisme : Hegel, Préface de la Phénoménologie de l’esprit + Aristote, Ethique à Nicomaque, X
— Sujet :  Légalité et causalité     
2002 : La signification : L’obligation : Hume, Enquête sur l’entendement humain + Aristote, Ethique à Nicomaque, X
— Sujet : Interprétation et signification 
2001 : La croyance : Le devenir : Lucrèce, De la nature, II + Hume, Enquête sur l’entendement humain
— Sujet : Peut-on parler de croyances collectives ?
2000          L’idée : Les passions : Lucrèce, De la nature, II + Kant, Préface de la Critique de la raison pure
1999          La démonstration : Le droit : Kant, Préface de la Critique de la raison pure + Platon, Ménon 
1998          Le monde : La norme : Platon, Ménon + Descartes, Passions de l’âme, I
1997          La matière : Le progrès : Descartes, Passions de l’âme, I


Rosenberg : Un hilo rojo

Rosenberg : Un hilo rojo (1998)

Maryline Lacouture

Article intégral Sara Rosenberg Hilo rojo Maryline Lacouture


Presentación de la novela

Estructura de la novela

El paratexto
Los diferentes niveles de la narración : una novela polifónica
Las cintas
La voz de Miguel
Los testimonios recogidos por Miguel
El cuaderno de Julia
Distribución de las voces, ritmo de la novela, tiempo y espacio
Una red de papeles
El título

Julia

La lenta reconstrucción de una imagen
La realidad y el deseo
Un personaje presente / ausente
Conclusión : Julia ¿Un personaje romántico?

Miguel

Su identidad
Su papel en la novela
Conclusión : Miguel ¿la otra cara de Julia?

Los narratarios y el papel del lector

Definición del concepto de narratario
Los diferentes narratarios en la novela
Conclusión : el papel del lector

Conclusión


Presentación de la novela

(Las referencias de las páginas son las de la primera edición, Espasa Calpe narrativa).

Con el fin de realizar una película sobre Julia, alguien rastrea en su vida y va descubriendo ante los ojos del lector el horror de las desapariciones durante la dictadura argentina de los años 70. Un hilo rojo es una novela en primera persona, mayoritariamente la voz del narrador, Miguel, pero en la que se cruzan otras voces para componer el friso de una vida herida por el terror. Sara Rosenberg va introduciendo la información de modo lento, como escondiéndosela al lector en las primeras páginas y el discurso aparece entonces con el desorden propio de la memoria, de quien rescata del olvido trozos perdidos de la vida de un ser, Julia, con el fin de que sea el propio lector el que asista a la edificación de un mundo trágico y se implique en la reconstrucción del mismo. La autora se introduce paulatinamente -e introduce al lector con ella- en el desastre interior de unas vidas -la tragedia de Julia es también la del propio narrador-, se solidariza con el alma solitaria de seres destrozados por las circunstancias con mucho pudor : en efecto no muestra el horror de las desapariciones, lo va sugiriendo más bien tras el mosaico de todos estos testimonios, estas voces que asistieron más o menos impotentes al descenso al infierno de toda una sociedad.

Estructura de la novela

  • La dedicatoria : A los memoriosos, porque

                                « la ternura es un acto de

                                           insurgencia cvil ».

                                                     Para Juan

La dedicatoria hace hincapié en el papel primordial de la memoria, pero más aún de los « memoriosos » o sea de aquellos que hacen memoria. Sólo se comprende la cita en la página 42, capítulo IV en que se oye la voz del narrador Miguel, amigo de Julia. Frase sacada del diario de Julia à el hecho de citar esta frase en la dedicatoria tiende a asimilar a Julia a una persona real, borra los límites entre personaje de ficción y persona real ya que pone a Julia en el mismo nivel que el « Juan » de la dedicatoria. Además esta frase esgrime el doble pendón de la ternura y de la insurrección como motores de la empresa del narrador : la ecuación que establece la cita (amar = rebelarse) anuncia lo que será la búsqueda de Miguel, esto es, un acto de amor y un acto político de rebelión à la empresa individual de Miguel revela puesuna empresa mucho más amplia : comprender y asumir la historia de Julia significará comprender y asumir la Historia de la Argentina de los años negros y reemprender el combate político de otra manera.

  • El epígrafe : Quiero minar la tierra hasta encontrarte

                          y besarte la noble calavera

                         y desamordazarte y regresarte.

                         « ELEGIA » MIGUEL HERNANDEZ

Versos sacados de la undécima estrofa del poema « Elegía » de Miguel Hernández, poeta comunista español muerto en las cárceles franquistas después de la guerra civil española à compromiso político claro aquí. El poemario se titula El rayo que no cesa (1934-1936) à la idea de luz (rayo) se puede emparentar con la de verdad, verdad que se busca, verdad que ilumina breve pero irremediablemente (que no cesa) un espacio concreto o simbólico. El verbo en primera persona (quiero) y los infinitivos asociados a una segunda persona del singular (minar la tierra, encontrarte, besarte, desamordazarte, regresarte) indican ya cuál será la empresa del narrador principal, Miguel : la voluntad de buscar las huellas de Julia en un espacio concreto o simbólico, de indagar a fondo su desaparición (minar la tierra) para darle amor (besarte), darle voz otra vez a Julia (desamordazarte), darle « vida » por fin (regresarte) à novela del dúo entre un YO y un TU y novela del viaje por el espacio y por el tiempo para rescatar del olvido una tragedia.
Es decir que toda la novela se sitúa bajo el signo de la búsqueda, búsqueda del significado de la Historia, búsqueda dolorosa para el que la emprende.

Los diferentes niveles de la narración : una novela polifónica

  • La novela consta de 17 capítulos que llevan un número y 5 más sin número encabezados por la mención respectiva cinta n°2, cinta n°3, cinta n°4, cinta n°5 y cinta n°6 con una indicación espacial, otra temporal y la identidad del que se exprese, o sea 5 capítulos que parecen escapar a la ficción o cobrar una total autonomía à el narrador tradicional se borra y se instala entonces un modo narrativo liberador, no represivo ya que no se somete a la tradición narrativa : así las voces parecen estar en plena posesión de su discurso y de sus opiniones.
  1. Las cintas :
  • La novela se abre con el capítulo I que recoge una primera cinta identificada como tal (Cinta n°1, Catamarca, abril de 1990, después de Madrid) à el hecho de integrar una cinta en la materia narrativa tiende a hacernos pensar que el material forma parte integrante de la ficción y nos sitúa claramente en el marco de la ficción. Sin embargo una cinta es ante todo una voz grabada que aquí se nos ofrece en su forma escrita, o sea que se trata de una transcripción, un discurso que ha pasado por un primer filtro, probablemente el de la persona que ha transcrito el discurso, Miguel a nivel de la ficción à ya se percibe la complejidad y la ambigüedad de la novela con sus muchos hilos que van a tejerse. Problema planteado por las fechas indicadas entre paréntesis : lógicamente remiten al momento en que se grabaron las cintas à problema con la cinta n°2 y el testimonio de José (octubre de 1974) porque José alude a tiempo transcurrido (Todavía ignorábamos que en los años siguientes la represión iba a ser tan feroz, p.39) y a hechos pues que obviamente él no podía conocer en 1974. Ya desde la cinta n°2, las voces cobran la autonomía que hemos mencionado antes y se intercalarán de manera irregular entre los capítulos que llevan números. La última cinta (cinta n°7) vuelve a integrarse en la ficción (capítulo XVI) y anuncia el final de la búsqueda à circularidad de la novela aunque el último capítulo recoge la voz de Miguel que cita el diario de Julia para hacer una verdadera síntesis.
  • Identificación de las voces, lugares y fechas : una vecina de Julia en un pueblo de la provincia de Catamarca (cuyo nombre desconocemos ; capítulo I, cinta n°1) que recuerda la época en que Julia vivía en esa región del norte de Argentina, en 1974 ; José, de origen humilde, compañero de lucha en el grupo terrorista en el cual militaba Julia, y luego traidor y soplón de los militares (cinta n°2, entre el capítulo III y el IV) ; Marcos, el primo de Julia, socio de la empresa Constructora Berenstein, S.A. cinta n°3, entre el IV y V) ; Margarita Gómez, una compañera de Julia en la cárcel del Buen Pastor, la primera vez que fue encarcelada en 1973 o 1974, antes de la amnistía (cinta n°4, entre V y VI) ; Ana María, que fue amiga de Julia en la adolescencia, procedente de una familia tucumana acomodada (cinta n°5, entre VI y VII) ; Trinidad, la criada de los Berenstein que con su novio ayudó a Julia a huir de Argentina (cinta n°6 entre X y XI) ; por fin Natalia, la hija de Julia que nació en la cárcel y luego fue « adoptada » por el verdugo de Julia (cinta n°7, capítulo XVI).
  1. La voz de Miguel à punto de unión entre todas estas voces, como el cemento que las une y les da sentido. Pero la presencia de Miguel reviste formas diferentes :
  • monólogos en los cuales se dirige a Julia (II, III, IV, V, VI, VII, VIII en parte, IX en parte, X, XII, XVII)
  • capítulos en que deja la palabra a los testigos de la vida de Julia y se contenta con transcribir sus palabras (cintas)
  • capítulos en los cuales entrevista a testigos y participa en la conversación o recuerda encuentros con testigos de la vida de Julia.
  1. Los testimonios recogidos por Miguel : intervienen otros personajes entrevistados por Miguel, pero él está presente durante las conversaciones à testimonio del abuelo de Julia, Isaías, en el verano de 1971 (VIII) ; el de Luciano, el amigo patagónico de Julia (IX), el de Maggi y Roberto, los suegros de Julia (XI), el de Javier, el marido de Julia (XIII), el de José, el soplón (= le mouchard) y su mujer Rosita en Madrid (XV).

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Federico Garcia Lorca, La casa de Bernarda Alba — presentación de la obra

Federico Garcia Lorca, La casa de Bernarda Alba — presentación de la obra (1936)

Maryline Lacouture

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Las obras :

  • 1920 : El maleficio de la mariposa (verso y prosa)
  • 1925 : Tragicomedia de don Cristóbal y la señá Rosita y Retablillo de don Cristóbal
  • 1927 : Mariana Pineda (drama en verso)
  • 1930 : El público
  • 1931 : Así que pasen cinco años
  • 1933 : Bodas de sangre
  • 1934 : Yerma
  • 1935 (última versión) : Amor de don Perlimplím con Belisa en su jardín
  • 1935 : Doña Rosita la soltera
  • 1935 (última versión) : La zapatera prodigiosa
  • 1936 : La casa de Bernarda Alba

La introducción de Allen Josephs y Juan Caballero en la edición Cátedra apunta tres constantes en el teatro lorquiano dejando de lado la cronología de las obras : un teatro poético, un teatro experimental y un teatro que da a ver el conflicto entre autoridad y libertad, lo que efectivamente parece ser una lectura acertada de la producción dramatúrgica de Lorca. Sin embargo hace falta completar este estudio :

  • Un teatro poético

–   Varias declaraciones de Lorca permiten efectivamente definirlo así teniendo en cuenta las producciones teatrales de la época, el teatro que invadía los escenarios y proponía a un público burgués un retrato falseado de sí mismo : Creo realmente que el teatro no es ni puede ser otra cosa que emoción y poesía, en la palabra, en la acción y en el gesto à cf. la comparación que establece el poeta Lorca entre el dramaturgo y un prestidigitador en el prólogo de La zapatera prodigiosa (versión definitiva de 1935) : Por este miedo absurdo [el que los autores tienen a la sala] y por ser el teatro en muchas ocasiones una finanza, la poesía se retira de la escena en busca de otros ambientes donde la gente no se asuste de que un árbol, por ejemplo, se convierta en una bola de humo o de que tres peces, por amor de una mano y una palabra, se conviertan en tres millones de peces para calmar el hambre de una multitud à Lorca reivindica la posibilidad de transformar la realidad haciéndola pasar por el filtro de la poesía, es decir de la creación, evocando esta realidad en otra clave u otro registro. Reivindica también la absoluta necesidad de que el espectador sea consciente de la distancia entre lo que ve en el escenario y la realidad, un teatro consciente de que es teatro y no realidad (cf. lo que llevó a cabo Ramón del Valle-Inclán en los años 10 con el « esperpento »).

  • El teatro poético es para Lorca el teatro del sentimiento, lo que es para él un teatro de la autenticidad : El teatro es la poesía que se levanta del libro y se hace humana. Y al hacerse, habla y grita, llora y se desespera. El teatro necesita que los personajes que aparezcan en la escena lleven un traje de poesía y al mismo tiempo que se les vean los huesos, la sangre. Han de ser tan humanos, tan horrorosamente trágicos y ligados a la vida y al día con una fuerza tal, que muestren sus traiciones, que se aprecien sus olores y que salga a los labios toda la valentía de sus palabras llenas de amor y de ascos (abril de 1936). Lo cual no significa en absoluto un teatro realista en el sentido que podía tener en los escenarios de la época (teatro tipo vodevil con interiores burgueses) sino un teatro estilizado arraigado en la pura realidad de los seres, despojado y en que los personajes aparezcan en carne viva.
  • Es pues un teatro que debe ser la expresión de la comunicación, la expresión de la dignidad del ser humano, dignidad incompatible con el envilecimiento comercial del teatro de la época.
  • La expresión en este teatro poético no es sólo poética (en versos), aunque Lorca escribió piezas en versos (El maleficio de la mariposa -1920-, Mariana Pineda –1927) sino una expresión en la que abundan los elementos simbólicos.

(…) + d’infos Article intégral Lorca La casa de Bernarda Alba par Maryline Lacouture

Javier Cercas, Soldados de Salamina — presentacion de la novela

Javier Cercas, Soldados de Salamina — presentacion de la novela (2001)

Maryline Lacouture

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Javier Cercas, Soldados de Salamina M. Lacouture prepasaintSernin 


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  Los números de las páginas corresponden a la primera edición en Tusquets.

  1. Presentación general :

El argumento : en una especie de tríptico la novela narra las indagaciones de un periodista llamado Javier Cercas en torno a un episodio del final de la Guerra Civil española, el fusilamiento frustrado de uno de los fundadores del partido fascista español (Falange), Rafael Sánchez Mazas a finales de enero de 1939, quien escapó a la muerte gracias a un soldado republicano que no lo denunció. Todo se ve desde la perspectiva actual pues el narrador en primera persona recuerda en el año 2000 cuándo y cómo oyó hablar por vez primera de ese episodio de la Guerra. A partir de ahí se desarrolla la novela en 3 partes bastante equilibradas que llevan cada una un título :

  • « Los amigos del bosque »: corresponde a la presentación del narrador, su estado de ánimo en el momento en que se enteró de la historia de Rafael Sánchez Mazas, su progresiva curiosidad por conocer los hechos, sus indagaciones (varios documentos y testimonios), sus tanteos y vacilaciones y su decisión final de escribir un « relato real » titulado « Soldados de Salamina ».
  • « Soldados de Salamina » : parte central de la novela corresponde al relato reconstituido del fusilamiento de Rafael Sánchez Mazas, pero también a su biografía pues son muchos los datos exteriores al acontecimiento preciso que sirve de punto de partida. Toda esta historia la refiere el narrador a partir de los recuerdos de los que participaron o vivieron de cerca los acontecimientos y ayudaron a Rafael Sánchez Mazas.
  • « Cita en Stokton » (explicación del título p.178 à la ciudad de la película de John Huston, 1972, « Fat City » que cuenta la historia de un boxeador fracasado de apenas treinta años que sólo encuentra trabajos miserables y tiene relaciones con muchachas alcohólicas y cuya única salvación será subir otra vez en un ring : la oposición entre el viejo boxeador Billy y el joven Ernie le da a la película toda su fuerzaà « mise en abime » de la historia del personaje Javier Cercas y de Miralles) : después de la euforia por haber acabado el libro, el narrador se siente deprimido porque el libro le parece “cojo”. Su periódico le encarga una entrevista al escritor chileno Roberto Bolaño, quien le cuenta por casualidad la historia de Miralles, un veterano de la Guerra Civil, y el narrador intuye que podría ser el soldado republicano que le salvó la vida a Sánchez Mazas. El narrador ha encontrado la pieza que le faltaba y lo hace todo para dar con Miralles, instalado en Dijon. Acaba por entrevistarlo y la novela se termina con una amplia meditación del narrador sobre un futuro posible con todos los personajes de los cuales se siente próximo y que le parecen constituir una misma familia…2. El paratexto : las fronteras del texto
  • El paratexto remite a todo lo que rodea el texto, es el conjunto de todos los elementos que permiten establecer el pacto de lectura entre el lector y la obra (cf. Gérard Genette, Seuils).

a) El título: « Soldados de Salamina » tiene varias explicaciones y por ello es pues bastante ambiguo o al menos puede explosionar en distintas direcciones.

– à la primera alusión al título aparece en la p.19 cuando el narrador entrevista con muchas dificultades a Rafael Sánchez Ferlosio, el novelista, hijo de Rafael Sánchez Mazas : El problema es que si yo, tratando de salvar mi entrevista, le preguntaba (digamos) por la diferencia entre personajes de carácter y personajes de destino, él se las arreglaba para contestarme con una disquisición sobre (digamos) las causas de la derrota de las naves persas en la batalla de Salamina…Y la segunda alusión interviene en la misma parte (p.43) : desde que el relato de Ferlosio despertara mi curiosidad nunca se me había ocurrido que alguno de los protagonistas de la historia pudiera estar todavía vivo, como si el hecho no hubiera ocurrido apenas sesenta años atrás, sino que fuera tan remoto como la batalla de Salamina. El punto de vista inicial es pues el de un narrador muy de su generación para quien lo que ocurrió hace sesenta años es algo tan lejano como la batalla entre los persas y los griegos en el siglo V antes de Cristo.

– à la segunda explicación tiene que ver con la estructura de la novela : en efecto, el título global es el de la segunda parte o sea el « relato real » propiamente dicho del fusilamiento de Rafael Sánchez Mazas, como si esa parte esencial no fuera suficiente de por sí y requiriera la presencia de la primera y la tercera partes para constituir la novela completa « Soldados de Salamina ». En realidad lo que pretende el personaje Javier Cercas no es exactamente sustituirse a Rafael Sánchez Mazas y escribir un relato como el que él mismo proyectó (cf p.el testigo Daniel Angelats le cuenta al narrador : Antes de marcharse, Sánchez Mazas nos dijo que iba a escribir un libro sobre todo aquello, un libro en el que apareceríamos nosotros. Iba a llamarse Soldados de Salamina ; un título raro, ¿no ?, p.73). El narrador siente la necesidad de explicar su recorrido (el génesis del « relato real ») y el encuentro con Miralles que era imprescindible para concluir el relato ya que a la novela le da el alcance que tiene.

– à el título afecta directamente al significado de la novela : en la batalla de Salamina un puñado de atenienses « salva a la civilización », así Esquilo homenajea a los griegos en Los persas. Esta idea se relaciona con una frase, citada en la novela, que le gustaba repetir a José Antonio Primo de Rivera : « A última hora siempre ha sido un pelotón de soldados el que ha salvado a la civilización ». Rafael Sánchez Mazas cree que esos soldados son los falangistas pero, a última hora y simbólicamente, en la novela, es el soldado republicano quien lo hace pues al salvar a otro salva a la civilización en su conjunto.

  1. La foto de cubierta : en la contraportada se da el origen de esta foto « Ceremonia de despedida a los voluntarios de las Brigadas Internacionales (Barcelona, 25 de octubre de 1938), fotografía de Robert Capa » à todo pasa por la mirada, mirada llena de emoción y de dolor o/y despecho a duras penas contenido para los voluntarios que tuvieron que abandonar España. Un brigadista anónimo de mirada intensa que sabe que la guerra está perdida à anuncia el clima que se va a percibir en la novela y sus ejes esenciales: la mirada (entre Rafael Sánchez Mazas y el soldado republicano), la derrota de los republicanos, una reflexión sobre el heroismo y sin duda la búsqueda de un ideal.
  1. El epígrafe : « Los dioses han ocultado lo que hace vivir a los hombres », Hesíodo, Los trabajos y los días à poeta griego (siglo VIII-siglo VII) que denunció la codicia de los reyes, la injustica y la guerra. ¿Qué sugiere este verso ? Sólo se puede interpretar sin duda después de leer la novela ; según se deduce de la tercera parte, lo que hace vivir a los hombres es el « secreto esencial », quizá se pueda llamar humanidad, generosidad, gratuidad, virtud, es decir todo lo que encarna Miralles, un ideal que el narrador va buscando y que se convierte en algo esencial. Los dioses nos ocultan la alegría de estar vivos y esta cita indica de entrada una adhesión sin resquicios (=inconditionnelle) a la realidad à lo que efectivamente encarna el personaje de Miralles quien salva la vida de Rafael Sánchez Mazas y le devuelve la vida al personaje Javier Cercas.
  1. Los agradecimientos : « Este libro es fruto de numerosas lecturas y de largas conversaciones » à el autor insiste pues desde el paratexto sobre los diferentes materiales que le han servido para escribir la novela, novela documental en parte que se apoya en materiales de orígenes diversos que están incluidos en el texto (artículo de prensa, entrevistas, libreta de Rafael Sánchez Mazas). Asismismo pasa a agradecer a las personas « que aparecen en el texto con sus nombres y apellidos » à es decir que parte de los « personajes » de su novela son seres de carne y huesos, o sea que la frontera entre documental y ficción no parece tan clara à por eso sin duda se podrá hablar de novela posmoderna, noción sobre la que se volverá más adelante.
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    Javier Cercas, Soldados de Salamina M. Lacouture prepasaintSernin

 

 

 

Littérature et Lettres Cours

Christine de Pizan ou le féminisme au XVème siècle (2021)
Conférence de Florence Bouchet

Le récit bref ou l’esthétique du déshabillé (13 juillet 2019)
Muriel Rossetti
Article intégral PDF Lettres récit bref esthétique déshabillé Rossetti 
leschroniquesdemarcel.blogspot.com

Aujourd’hui, Marcel tombe la veste : il croise quelques remarques sur le récit bref et la poétique de Nathalie Sarraute dans l’espoir d’aboutir à une réflexion sur la nouvelle comme art de la mise à nu. Il se livre à une courte analyse de Mademoiselle Else d’Arthur Schnitzler.

Les Fruits d’or ou comment reconnaître un chef d’œuvre quand on en voit un (27 juillet 2019)
Muriel Rossetti
Article intégral PDF Rossetti Fruits d’or chef d’œuvre

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Marcel n’est pas emballé par le retour du thème « l’œuvre littéraire, ses propriétés, sa valeur », mais la lecture des Fruits d’or lui offre l’occasion de poser à nouveau une question élémentaire : qui fixe la valeur de l’œuvre ?
Les Fruits d’or : qu’est-ce que c’est ?
Publié en 1964, Les Fruits d’Or est un roman de Nathalie Sarraute particulièrement féroce pour les coteries littéraires. L’intrigue tient à fil. L’écrivain Brehier vient de faire paraître un roman, Les Fruits d’Or : que vaut-il ? Question apparemment indifférente qui revêt pourtant aux yeux des salons parisiens une importance capitale. Appartient-on au petit cercle très fermé des gens de goût, cette élite raffinée qui sait reconnaître un chef d’œuvre à sa naissance ? Être intronisé ou non dans « le petit noyau, le petit groupe, le petit clan » de ces Verdurin new age, telle est donc la question.

Récits de guerre et crise du récit : « La Grande Guerre en toutes lettres ».  (2018)
Carole Catifait

Projet : Centenaire de la fin de la Guerre, 1918-2018. Cycle de conférences interdisciplinaires en lien avec l’Université. LSHB : Lettres / histoire / philosophie / histoire des arts.
Problématiques littéraires :
L’illusion naturaliste : Barbusse, Le Feu (1916). Interrogation sur le récit-témoignage.
Crise de la modernité, crise du récit : Pourquoi 14-18 chez les contemporains ? Fin des récits de guerre au profit de récits qui « interrogent » la guerre. Quel récit possible ? Interrogation sur le Nouveau Roman : Claude Simon, L’Acacia (1989).
Problématiques transversales :
Les questions épistémologiques fondamentales pour penser les sciences humaines. Comment écrire l’histoire ? Pourquoi toujours la réécrire ?
L’écrivain et l’histoire : Qui peut écrire l’histoire ? Quelle place et/ou quelle légitimité « paradoxale » de la littérature ? Expliquer ou tenter de donner sens ?
Lecture de L’Acacia de Claude Simon. « La modernité commence avec la recherche d’une littérature impossible » (Roland Barthes).
Corpus des textes étudiés, évoqués, lus ou présentés par les élèves :
Barbusse, Le Feu.
Giono, Le Grand Troupeau et la nouvelle « Ivan Ivanovitch Kossiakoff », in Solitude de la pitié.
Céline, Voyage au bout de la nuit.
Rouaud, Les Champs d’honneur.
Bergounioux, Ce pas et le suivant.
Echenoz, 14.
Japrisot, Un long dimanche de fiançailles.
Vuillard, La Bataille d’Occident.

Espagnol Cours

Mario Benedetti, Primavera con una esquina rota (2018)
Maryvonne Lacouture
Article intégral  Benedetti Lacouture prepasaintSernin

Plano :
1. El título
2. El paratexto: la dedicatoria, los epígrafes
3.La estructura de la novela: una novela polifónica, la organización de los capítulos, un sistema de ecos y resonancias, un ritmo binario constante.
4. La multiplicidad de los puntos de vista: narradores y narratarios

Javier Cercas, Soldados de Salamina — presentacion de la novela (2018)
Maryline Lacouture
Article intégral Javier Cercas, Soldados de Salamina M. Lacouture prepasaintSernin 

 Los números de las páginas corresponden a la primera edición en Tusquets.

1. Presentación general :
El argumento : en una especie de tríptico la novela narra las indagaciones de un periodista llamado Javier Cercas en torno a un episodio del final de la Guerra Civil española, el fusilamiento frustrado de uno de los fundadores del partido fascista español (Falange), Rafael Sánchez Mazas a finales de enero de 1939, quien escapó a la muerte gracias a un soldado republicano que no lo denunció. Todo se ve desde la perspectiva actual pues el narrador en primera persona recuerda en el año 2000 cuándo y cómo oyó hablar por vez primera de ese episodio de la Guerra. A partir de ahí se desarrolla la novela en 3 partes bastante equilibradas que llevan cada una un título :

Histoire et théorie des arts Cours


Art abstrait et/ou abstraction ?
Nathalie Cournarie
Article intégral  N Cournarie Art abstrait abstraction prepaSernin

De quoi parle-t-on  quand on évoque l’art abstrait ? L’expression « art abstrait » convient-elle pour ce qu’elle désigne ? Le mot exprime-t-il correctement la chose qu’il est censé nommer ? La querelle de l’art abstrait ne serait-elle qu’une querelle verbale ?
Il y a sans doute deux manières principales de comprendre et d’aborder le thème de l’art abstrait.
Lecture A/ : la plus obvie, consiste à considèrer que l’art abstrait désigne l’abstraction de l’art moderne : l’art abstrait ce ne peut être autre chose que l’abstraction moderne et c’est pourquoi le thème tel qu’il est proposé n’est assorti d’aucune périodisation comme c’est d’usage pour un programme d’histoire (ici d’histoire de l’art). L’évidence rend superflue la datation : quand on parle d’art abstrait on parle d’un courant majeur de l’art du XXè siècle, càd d’une forme d’art telle qu’il n’en existe pas avant le XXè siècle. L’art abstrait désigne donc une révolution dans l’histoire de l’art et il appartient à l’historien d’art qui s’intéresse à cette question d’une part de dater le début de l’art abstrait et d’autre part de se demander si l’abstaction moderne n’a pas suivi plusieurs formes, tant il est vrai que l’abstraction est né plusieurs fois en des lieux différents (cf. Jean Laude, « Les naissances des abstractions »). Autrement dit, par « art abstrait » il faut entendre les abstractions de l’art moderne.
Lecture B/ Mais on peut aussi traiter l’art abstrait comme un genre ou un style, entendus dans la plus grande généralité de ces termes. Cette fois par art abstrait, on entend l’abstraction dans l’art. Ce parti pris peut s’autoriser de l’absence de répères dans le programme. L’abstraction est l’une des deux possibilités fondamentales de l’art avec la figuration. Et cette possibilité est originaire et non pas historique. Il y a toujours eu sinon un art abstrait du moins des motifs abstraits dans l’histoire de l’art.


Le genre principal du portrait
Nathalie Cournarie
Article intégral PDF N. Cournarie Genre Principal portrait prepasaintSernin

Centralité du portrait

Il faut commencer par établir la centralité du portrait dans l’histoire de l’art (et pas seulement de la peinture puisqu’il y a un genre sculptural du portrait, sans oublier les médailles et la monnaie) — et dans l’histoire de l’art occidental. En effet si l’on supprimait tous les portraits des musées, la peinture serait amputée non seulement de ses principaux chefs d’œuvres mais aussi du plus grand nombre d’œuvres.
C’est que le genre du portrait est un genre premier de l’histoire de la peinture (contrairement à celui du paysage par exemple). Et si le genre du portrait occupe cette place, cela tient au fait que le portrait bénéficie immédiatement des fonctions positives de la peinture (art libéral). Ou plutôt c’est le portrait qui légitime la peinture. C’est ce qu’illustre ce propos bien connu d’Alberti : « Comme l’application qu’il faut mettre à cette étude risque de sembler trop pénible aux jeunes gens, je pense qu’il convient ci de montrer que la peinture mérite pleinement que nous lui consacrions notre travail et notre application. Elle a en elle une force tout à fait divine qui lui permet non seulement de rendre les absents présents, comme on le dit de l’amitié, mais aussi de montrer après plusieurs siècles, les morts aux vivants, de façon à les faire reconnaître pour le plus grand plaisir de ceux qui regardent, et pour la plus grande gloire de l’artiste » (De la peinture, 1435). La justification de l’art de la peinture tient à l’art du portrait. À quoi bon la peinture qui imite c’est-à-dire redouble le réel (Pascal) ? Alberti et toute la Renaissance répondent : parce que la peinture a le pouvoir de rendre présents les absents, vivants les morts. 


Romantismes européens : une introduction
Nathalie Cournarie
Article intégral PDF Cournarie N Romantismes européens prepaSernin

Reconnaissons-le d’emblée. « Romantisme » est une notion interprétative, qui comme tous les « –isme », doit être employée avec circonspection et dont l’usage accompagne toujours en partie la recherche de sa définition. Toutes les notions en « -isme » sont problématiques puisqu’au lieu de servir à définir leur objet elles sont toujours elles-mêmes à définir. En plus, en ce qui concerne le romantisme, cette catégorie interprétative n’appartient pas exclusivement à l’histoire de l’art, ce qui doit inciter à redoubler de prudence. Par ailleurs, cette notion n’a pas le même sens selon qu’elle est revendiquée ou combattue, qu’elle est célébrée ou méprisée (cf. “la bataille d’Hernani“). Le romantisme est encore en quête de sa définition[1]. Nous sommes encore loin de pouvoir dire ce qu’est le romantisme tant il nous est difficile de savoir ce qu’il fut pour les romantiques eux-mêmes.  

  

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Marcel Gauchet

Unknown

Débat avec Marcel Gauchet animé par les optant.es de philosophie (2018)

Marcel Gauchet est né en 1946 à Poilley en Normandie. Il est est le fils d’un père cantonnier, gaulliste et d’une mère couturière, fervente catholique, élevé au sein d’une communauté rurale conservatrice. A 15 ans, il s’inscrit à l’Ecole normale de Saint Lô et envisage de devenir instituteur. Il quitte la Manche pour préparer l’ENS au lycée Henri IV. Mais l’atmosphère qui y règne le fait revenir dans son Ouest natal où il enseigne le français pendant deux ans. Profitant d’une disponibilité, il entreprend des études  de philosophie et de sciences humaines, à Caen puis à Paris. En 1966-67, il assiste aux cours de Cl. Lefort qui lui fait découvrir Machiavel, Marx et Tocqueville et lui fait rencontrer des intellectuels en marge du gauchisme de l’époque : Fr. Furet avec lequel il collabore dans deux revues Textures et Libre et P. Nora, également historien, avec qui il fonde Le Débat en 1980.
Article intégral 279 ko Cournarie Présentation M. Gauchet prepasaintSernin 2018

 Bibliographie sélective et thématique
Avènement du sujet
La Pratique de l’esprit humain : l’institution asilaire et la révolutiondémocratique, Gallimard, Paris, 1980.
L’Inconscient cérébral, Éditions du Seuil, « La Librairie du xxe siècle », Paris, 1992*Histoire du sujet et Théorie de la personne PU Rennes, 2009.
Religion et politique
Le Désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Gallimard, Paris, 1985.
La Religion dans la démocratie : parcours de la laïcité, Gallimard, Paris, 1998
Le religieux et le politique, Paris, Desclée de Brouwer, collection Religion & Politique, 2010.
Education et démocratie
Pour une philosophie politique de l’éducation, Hachette littératures, coll. « Pluriel », Paris, 2003.
Conditions de l’éducation, Stock, Paris, 2008.
Transmettre, apprendre, Stock, Paris, 2014
Une anthropologie historique de la démocratie
L’Avènement de la démocratie, t. 1, La Révolution moderne, t. 2 La crise du libéralisme, Gallimard, Paris, 2007.
L’Avènement de la démocratie, t. 2, La crise du libéralisme, Gallimard, Paris, 2007.
L’Avènement de la démocratie, t. 3, A l’épreuve des totalitarismes, 1914-1974, Gallimard, Paris, 2010.
L’Avènement de la démocratie, t. 4, Le Nouveau Monde, Gallimard, Paris, 2017
Ouvrages de synthèse sur l’œuvre
La Condition historique, Stock, coll. « Les essais », Paris, 2003
La Condition politique, Gallimard, Paris, 2005
La Démocratie d’une crise à l’autre, Cécile Defaut, Paris, 2007.