Marcel Gauchet : Religion, politique, éducation et morale — 2018

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Marcel Gauchet : Religion, politique, morale et éducation (8 mars 2018). Rencontre avec le philosophe animée les optants de philosophie

Emma Blume
Adèle Cardaillac
Elsa Chamont
Lauranne Garcia-Cousteau
Laureline Goetz
Sylvan Hecht
Alexandra Jacotin
Justine Lastelle
Luc Latapie-Barbes


Rédaction du compte-rendu
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Elsa Chamont

Sur la sortie de la religion
Sur le primat du politique
Sur l’éducation
Sur la morale
Sur l’avenir de la démocratie
Sur le projet théorique d’ensemble


  1. Sur la sortie de la religion

« Vous êtes un philosophe et historien de la démocratie des Modernes et par ce biais un analyste du contemporain. La bifurcation de la modernité s’explique par et comme une sortie de la religion. Or notre actualité souligne plutôt un retour du religieux. Dans un de ses premiers textes, La revanche de Dieu, G. Kepel faisait de 1978 la date précise où ce retour du religieux s’est opéré dans le monde chrétien, juif et musulman. Et c’est pourtant à la même décennie, en 1975 précisément, que vous faites commencer la sortie complète de la religion dans votre dernier ouvrage Le nouveau monde. Le recyclage de la religion dans le gouvernement de l’autonomie est, selon vous, définitivement derrière nous.
Pouvez-vous, une fois de plus repréciser les raisons qui vont font penser que le retour du religieux est le phénomène superficiel de la sortie de la religion qui, elle, est en réalité la logique profonde de l’histoire de l’humanité et de l’avènement de la démocratie ? Qu’est-ce qui assure que cette sortie n’est pas une fausse sortie ? Et considérez-vous que cette histoire politique de la religion vaut pour l’humanité entière ou seulement pour l’Occident ? » 

— M.GAUCHET : Sortie de la religion ou retour du religieux ?
Il y a une géographie de ces phénomènes. Le retour du religieux n’est pas en Occident. Il touche l’Occident mais son foyer initial, son épicentre se trouve ailleurs, dans le monde musulman. Mais en réalité il ne faut pas s’arrêter sur cette fenêtre : le retour du religieux touche toutes les religions. Il y a un fondamentalisme religieux américain, en Amérique Latine par exemple.
Tandis que la sortie de la religion c’est la matrice de la Modernité qui constitue un mode d’organisation des sociétés. Cette modernité dans la phase que nous connaissons se mondialise sous l’aspect économique avec l’adoption de processus industriels et de la pensée technique qui l’accompagne. Et le retour du religieux est comme une réaction, un ressac de la mondialisation de la modernité occidentale dans des sociétés encore largement organisées par un mode de structuration religieux mais partagées entre une appropriation nécessaire de la modernité qui ne peut être refusée et la remise en question qu’elle implique de leur mode de pensée, de la tradition, des valeurs établies. Le fondamentalisme est une stratégie d’appropriation de la modernité : on s’approprie ses outils, ses moyens de richesse pour dominer la société en la réinscrivant dans la société nouvelle. Le fondamentalisme est l’utopie d’une sortie de la modernité des sociétés. Contrairement à une sociologie spontanée, ce ne sont pas les plus pauvres qui sont les acteurs de ce radicalisme mais des ingénieurs, des techniciens, etc.  Ils vivent dans un double monde. Ils connaissent très bien l’univers occidental  et ont un attachement identitaire à leur terre d’origine, ce qui leur donne les moyens de maîtriser la modernité occidentale. Mais  quand on y regarde de près, il ne s’agit pas de vraie religion. Les acteurs du fondamentalisme sont des ignorants en matière de religion : il s’agit plutôt de la réaffirmation identitaire du religieux.

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