mardi 14 novembre
salle des conférences : 9h30
dans le cadre du Cycle de conférences : « la Grande Guerre en toutes lettres », organisé par l’Université Toulouse 1 Capitole
Conférence-rencontre
« Le rôle de l’historien dans la société »
Jean-Noël JEANNENEY,
historien, ancien ministre
Débat France culture Jeanneney/Boucheron
Présentation : Un historien du temps présent, acteur des institutions républicaines
par Philippe Ruiz
Il existe un intérêt immédiat à la venue dans notre Lycée de Jean-Noël Jeanneney. Cet historien de la vie politique française au XXe siècle publie depuis cinquante ans à un rythme soutenu des ouvrages dont on pourrait trouver la thématique assez éparpillée : de la IIIe à la Ve République (un dernier ouvrage, présenté ce lundi à Ombres Blanches sur l’attentat du Petit Clamart) en s’attachant à des événements forts et fondateurs comme la Première Guerre Mondiale, des figures saillantes (Clémenceau, Mandel), des structures déterminantes de la vie politique (les milieux économiques et financiers, les grandes entreprises), des phénomènes plus ponctuels. Il y a pourtant une perspective commune à tous ces titres : rendre perceptible le lien qui articule le pouvoir à la société, c’est-à-dire comprendre le politique, dans le sens où l’ont défini Platon et Aristote il y a vingt-cinq siècles. Cela suffirait à retenir notre attention et à motiver notre intérêt pour les interventions des jours qui viennent.
Mais Jean-Noël Jeanneney, outre qu’il est un historien du « temps présent », est aussi lui-même un moment d’histoire de la Ve République. Président de Radio France, Président de la Mission du Bicentenaire de la Révolution Française, Président de la Bibliothèque Nationale de France (pour ne retenir que les fonctions de premier plan…), il fut deux fois ministre de François Mitterrand. Il a connu, dirigé, développé nos institutions de l’intérieur, témoin et acteur de cette vie politique qui est par ailleurs l’objet premier de son propre travail d’historien. Il s’est plusieurs fois trouvé au cœur d’enjeux décisifs. Gérer le débat historiographique sur la Révolution, Furet et Ozouf d’une part, Soboul et Vovelle de l’autre, cela demande plus que du doigté. Piloter l’essor de la B.N.F. , identifier dès le début de ce siècle les enjeux et les risques de la numérisation universelle de notre patrimoine écrit, cela exige une singulière acuité du regard et de la pensée, celle que confère le sens de l’histoire. Jeanneney n’est plus exactement au cœur des institutions républicaines, mais sa voix continue pourtant de nous être familière : nous sommes dans la dix-huitième année de sa Concordance des temps sur France Culture, ce kiosque intelligent de l’actualité éditoriale des historiens français et européens.
C’est donc un historien de la vie politique française et une institution de la Ve République que nous allons recevoir mardi et notre intérêt sera doublement soutenu par la richesse de ce parcours.
Un élément cependant retiendra notre attention de façon plus particulière : Jeanneney nous fait l’amitié d’une visite à la manière d’un retour aux sources : hypokhâgneux, khâgneux, normalien, agrégé, c’est une sorte de miroir qu’il tend à beaucoup d’entre nous.
Nous n’avons donc que de très bonnes raisons d’aller l’accueillir, l’écouter, le questionner mardi prochain.
Présentation : parcours biographique et bibliographique
par Marcel Marty
Ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure et diplômé de l’IEP de Paris, agrégé d’histoire, docteur ès Lettres, Jean-Noël Jeanneney s’est consacré toute sa vie à ses deux passions, « Clio » et « Marianne » : il a mené une brillante carrière d’enseignant-chercheur et, dans un même mouvement, s’est voué à la vie publique, occupant d’éminentes responsabilités.
Spécialisé dans l’histoire politique et culturelle, de même que dans l’histoire des médias, Jean-Noël Jeanneney a enseigné à l’université de Nanterre, puis, à partir de 1968, à l’IEP de Paris (sa thèse s’intitule François de Wendel en République : l’argent et le pouvoir, 1914-1940). Créateur du premier séminaire consacré à l’histoire de la radio et de la télévision, il comptera parmi ses disciples des universitaires de renom comme Jérôme Bourdon, Isabelle Veyrat-Masson, etc. A partir des années 1980, il occupe de hautes responsabilités dans l’audiovisuel public : de 1982 à 1986, il est président-directeur général de Radio France et de Radio France internationale (RFI) : à ce titre, il refonde l’information sur France Inter, développe le réseau des antennes locales et fonde le « Festival de Radio France et de Monptellier-Languedoc-Roussillon » (devenu le « Festival de Radio France Occitanie »). Au-delà, il a travaillé pour la chaîne « Histoire », dont il a présidé le conseil d’orientation de 1997 à 2004, après avoir été l’un des membres fondateurs de la revue du même nom, en 1978. Président d’honneur du Festival international du film d’histoire de Pessac depuis sa création – 1990 –, il est aussi président du Conseil scientifique des « Rendez-vous de l’histoire » de Blois depuis 2003. Depuis 1999, il anime chaque samedi, sur France Culture, l’émission « Concordance des temps », qui porte un regard historique sur l’actualité.
Parallèlement, son engagement en politique, proche du Parti socialiste, attire l’attention de François Mitterrand : entre 1988, il est nommé à la Présidence de la Mission du Bicentenaire de la Révolution française et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : à ce titre, il organise avec Jack Lang, ministre de la Culture, le défilé historique du 14 juillet 1989. Plus tard, en 1991, il est nommé secrétaire d’Etat au Commerce extérieur (gouvernement Cresson), puis, est nommé, en 1992, secrétaire d’Etat à la Communication (gouvernement Bérégovoy). Il contribuera notamment à la création de la chaîne ARTE. De 1992 à 1998, il est aussi Conseiller général de Franche-Comté.
Nommé Président de la Bibliothèque nationale de France en 2002, Jean-Noël Jeanneney promeut l’archivage sur l’Internet, concrétisé, en 2008, par le projet de Bibliothèque numérique européenne « Europeana », et, à ce titre, combattra le projet de numérisation massive engagé en 2004 par Google. Son essai Quand Google défie l’Europe : plaidoyer pour un sursaut, édité en 2005, réédité en 2006 et 2010, a été traduit en 16 langues.
Jean-Noël Jeanneney est l’auteur de plus de 40 ouvrages, en particulier le Monde de Beuve-Méry (Seuil, 1979), l’Argent caché : milieux d’affaires et pouvoirs politiques dans la France du XXe siècle (Fayard, 1981), Une histoire des médias, des origines à nos jours (Seuil, 1990), l’Avenir vient de loin : essai sur la gauche (Seuil, 1994), le Passé dans le prétoire (Seuil, 1998), L’écho du siècle : dictionnaire historique de la radio et de la télévision en France (Hachette, 1999), La République a besoin d’histoire (Seuil, 2000),Victor Hugo et la République (Gallimard, 2002),le Duel, une passion française (Seuil, 2004). La biographie qu’il a consacrée à Georges Mandel (Georges Mandel : l’homme qu’on attendait – Seuil, 1991) et ses travaux sur Clemenceau font autorité, en particulier Clemenceau : dernière nouvelles du Tigre – CNRS Editions, 2016).
En 2016 et 2017, il fait paraître :
- l’Histoire de France vue d’ailleurs, en collaboration avec Jeanne Guérout (Arènes, 2016) ;
- Un attentat : Petit-Clamart, 22 août 1962 (Seuil, 2016) ;
- le Récit national : une querelle française (Fayard, 2017)
- l’Instant Macron (Seuil, 2017) :
Depuis son mémoire de Maîtrise, qu’il a consacré à la censure des lettres des « Poilus », l’intérêt de Jean-Noël Jeanneney pour la Grande Guerre n’a jamais faibli : outre ses nombreux travaux sur Clemenceau, il fait paraître, en 2013, Jours de guerre, 1914-1918 : les trésors des archives photographiques du journal « Excelsior » (Editions des Arènes), puis, en 2014 : la Grande guerre, si loin, si proche : réflexions sur un centenaire (Seuil).
Il a, en outre, réalisé une dizaine de documentaires pour la télévision, en particulier Léon Blum ou la fidélité (1973), Léopold Senghor entre deux mondes (1997), 1919-1939 : la drôle de paix (2009), Maghreb 39-45 : une destin qui bascule (2016).
Président du Conseil scientifique de l’Institut François-Mitterrand, président de la Fondation du Musée Clemenceau, Jean-Noël Jeanneney est Chevalier de la Légion d’honneur, Grand officier de l’ordre national du Mérite et Commandeur des Arts et Lettres.