Les frontières du texte littéraire. Maryse Palévody. 5-12-23.

Les frontières du texte littéraire.
Pourquoi la notice de mon lave-vaisselle n’est pas de la littérature ?
Maryse Palévody

Podcast : https://audioblog.arteradio.com/blog/215487/podcast/217062/les-frontieres-du-texte-litteraire-maryse-palevody-05-12-2023

Je voudrais pour commencer vous lire une recette de cuisine, une recette de soupe aux poireaux, plus exactement les conseils originaux que me donnait une amie, aujourd’hui disparue : 

« On croit savoir la faire, elle paraît si simple, et trop souvent on la néglige. Il faut qu’elle cuise entre quinze et vingt minutes, et non pas deux heures – toutes les femmes françaises font trop cuire les légumes et les soupes. Et puis il vaut mieux mettre les poireaux lorsque les pommes de terre bouillent : la soupe restera verte et beaucoup plus parfumée. Et puis aussi il faut bien doser les poireaux : deux poireaux moyens suffisent pour un kilo de pommes de terre. Dans les restaurants cette soupe n’est jamais bonne : elle est toujours trop cuite (recuite), trop « longue », elle est triste, morne […]. Non on doit vouloir la faire et la faire avec soin, éviter de l’ « oublier sur le feu » et qu’elle perde son identité. On la sert soit sans rien, soit avec du beurre frais ou de la crème fraîche. On peut aussi y ajouter des croûtons au moment de servir : on l’appellera alors d’un autre nom, on inventera lequel, de cette façon les enfants la mangeront plus volontiers que si on lui affuble le nom de soupe aux poireaux pommes de terre. Il faut du temps, des années, pour retrouver la saveur de cette soupe […]. Rien dans la cuisine française ne rejoint la simplicité, la nécessité de la soupe aux poireaux. »

Voilà un document simple, peu stimulant il faut bien le dire, sans doute un peu fastidieux à la lecture. Pourtant, votre intérêt sera sûrement éveillé si je vous dis qu’il s’agit d’une recette de Marguerite Duras : dès lors cette recette n’est plus un énoncé banal, utile si tant est qu’on veuille réaliser une soupe : cela devient un texte, i. e. un tissu, un système dans lequel j’identifie les signes qui établissent sa valeur littéraire, en d’autres termes sa littérarité. 
C’est Roman Jakobson qui introduit ce concept de « littérarité » en 1919 : « ce qui fait d’une œuvre donnée une œuvre littéraire ».
Dès lors que je sais que Duras est l’autrice de ce texte, je la cherche, je cherche à reconnaître dans la recette des signes, des tics d’écriture que je sais caractéristiques de son style. C’est mon activité de lectrice qui, volontairement, construit la littérarité de la recette, indépendamment de sa destination et de son statut initial. En relisant la dernière page du roman de Duras L’Amant, je saisis par rapprochement la littérarité de la recette, et ce qui m’attire en elle :

« Des années après la guerre, après les mariages, les enfants, les divorces, les livres, il était venu à Paris avec sa femme. Il lui avait téléphoné. C’est moi. Elle l’avait reconnu dès la voix. Il avait dit : je voulais seulement entendre votre voix. Elle avait dit, c’est moi, bonjour. Il était intimidé, il avait peur comme avant. Sa voix tremblait tout à coup. Et avec le tremblement tout à coup, elle avait retrouvé l’accent de la Chine. Il savait qu’elle avait commencé à écrire des livres, il l’avait su par la mère qu’il avait revue à Saigon. Et aussi pour le petit frère, qu’il avait été triste pour elle. Et puis il n’avait plus su quoi lui dire. Et puis il le lui avait dit. Il lui avait dit que c’était comme avant, qu’il l’aimait encore, qu’il ne pourrait jamais cesser de l’aimer, qu’il l’aimerait jusqu’à sa mort. »

Si je déconnecte la recette de sa simple destination culinaire, j’y vois un art poétique possible, le point de départ d’une réflexion sur l’écriture dite « blanche » de Duras : « on croit savoir… elle paraît si simple », « non on doit vouloir la faire et la faire avec soin, éviter … qu’elle perde son identité », « on l’appellera d’un autre nom, on trouvera lequel », autant de formules qui semblent indiquer les recherches de Duras sur son propre style ;
La « simplicité » et la « nécessité », caractéristiques de la soupe aux poireaux selon Duras, se trouvent être les signes remarquables de son style : la « simplicité » se voit dans la multiplication des répétitions, le lexique simple ; la « nécessité », dans l’emploi d’expressions comme « il faut, on doit vouloir », et surtout, dans L’Amant, l’emploi absolu, sans complément, du verbe « dire » ;
Dans les deux textes, on ressent un engendrement morne des syntagmes, une parole comme épuisée (tout comme la soupe est « triste, morne ») ; le stylème (élément récurrent caractéristique du style d’un auteur) « et puis » se retrouve de façon remarquable et troublante, aussi bien dans la recette que dans L’Amant.

Que conclure de cette expérience : le rôle déterminant du lecteur dans la qualification du texte littéraire. Le texte littéraire est celui que par ma lecture je reconnais comme tel. Le lecteur est celui qui retient la leçon du peintre Magritte : « Ceci n’est pas une pipe ». Ceci n’est pas une recette de soupe aux poireaux, dont la seule visée serait performative, c’est-à-dire stimulant une action dans le réel (je lis la recette et je sors aussitôt une marmite, je fais chauffer de l’eau). Non, par ma lecture, le texte ne renvoie qu’à lui-même, qu’à la littérature, et à la relation, intellectuelle et affective, que j’entretiens avec lui. Comme le tableau de Magritte, le texte littéraire ne montre pas des objets du réel, mais les re-présente, les transfigure, et les place dans une autre sphère que celle du réel, qui est celle de l’art. C’est-à-dire que la recette de Marguerite continue d’exister comme document utilitaire, qui permet réellement de réaliser une soupe. Mais pour les durassiens, c’est un texte qui porte en lui l’œuvre de Duras et ouvre à une expérience poétique. 

Cette démonstration potagère n’est pas sans implications esthétiques, mais aussi idéologiques. 

Le 6 octobre 2022, le prix Nobel de littérature a été décerné à l’écrivaine Annie Ernaux. Les critiques se sont déchaînées à l’annonce de cette distinction ; je passe sur les attaques concernant l’islamo-gauchisme supposé de l’autrice, pour me concentrer sur la critique du statut même de son œuvre : ce ne serait pas de la littérature, au prétexte que son écriture serait « plate », « banale », relevant de la chronique ordinaire, du témoignage, dans une prose, peu noble et peu relevée. Pour les détracteurs d’Ernaux, il y aurait donc une essence du littéraire, qui serait en dehors du langage commun, et à laquelle l’œuvre d’Ernaux n’accède pas. En revanche, comment les lecteurs qui apprécient Annie Ernaux lisent-ils donc son œuvre pour la classer dans la catégorie de la littérature ? Qu’y voient-ils de plus que ce récit de soi dans une langue ordinaire ? ou encore qu’elle est la littérarité de la banalité ?
Dans cet extrait de son roman autobiographique La Place, Ernaux évoque ses parents, ouvriers, cherchant à s’installer comme commerçants : 

« Le dimanche, ils sont allés voir à vélo les petits bistrots de quartier, les épiceries-merceries de campagne. Ils se renseignaient pour savoir s’il n’y avait pas de concurrent à proximité, ils avaient peur d’être roulés, de tout perdre pour finalement retomber ouvriers. »

Voilà typiquement un passage qui peut sembler plat, les indices de littérarité sont faibles. Mais la narratrice dans La Place justifie ainsi son style :

« Naturellement, aucun bonheur d’écrire, dans cette entreprise où je me tiens au plus près des mots et des phrases entendues, les soulignant parfois par des italiques. Non pour indiquer un double sens au lecteur et lui offrir le plaisir d’une complicité, que je refuse sous toutes ses formes, nostalgie, pathétique, ou dérision. Simplement parce que ces mots et ces phrases disent les limites et la couleur du monde où vécut mon père, où j’ai vécu aussi. Et l’on n’y prenait jamais un mot pour un autre. »

La littérarité de l’écriture d’Ernaux réside précisément dans la contrainte qu’elle s’est fixée, le choix et le travail d’une écriture qui vise à retrouver la langue simple de son père. Sa fameuse « platitude » est le résultat assumé d’un refus du romanesque, et de ce qu’on appelle le « beau style ». Réfléchissant à sa place sociale (professeure de lettres, fille d’un ouvrier devenu commerçant), elle ne peut adopter une écriture dominante, flamboyante ; son écriture « neutre » est le choix d’une « place » d’entre-deux, ni celle de son milieu d’origine ni celle de la classe bourgeoise que ses études la conduisent à côtoyer. Le choix conscient d’une écriture, fût-elle plate, est un acte créateur qui suffit à valider la littérarité de l’œuvre.
A charge donc au lecteur d’être actif et de reconnaître cette littérarité, alors même qu’il n’y a pas deux langages, l’un utilitaire et banal qui servirait à nos échanges ordinaires ou à écrire des recettes de cuisine, et l’autre sophistiqué voire sublime qui ferait pénétrer à l’intérieur des frontières bien gardées de la littérature. Il n’y a pas la poésie d’une part, grandiose et inutile, et d’autre part cette langue prosaïque que M. Jourdain dans Le Bourgeois gentilhommes’étonne de connaître et de maîtriser, cette prose, qui lui permet de dire : « Nicole apportez-moi mes pantoufles et me donnez mon bonnet de nuit », et d’être effectivement servi.
Mais est-ce à dire que tout énoncé peut se transformer en texte de littérature par le zèle ou l’imagination du lecteur ? Si cela me chante, puis-je lire l’annuaire comme un texte littéraire ou prétendre que la notice de mon lave-vaisselle est un morceau de poésie post-moderne ? 

Soit donc la notice de mon lave-vaisselle Bosch Acquasensor :
« Rangez la vaisselle de telle sorte
– de sorte qu’elle repose de façon sûre et ne puisse pas se renverser.
– de sorte que l’ouverture de tous les récipients regarde vers le bas.
– debout inclinée lorsque les pièces présentent un galbe prononcé, afin que l’eau puisse s’écouler.
– qu’elle n’empêche pas le bras d’aspersion de tourner.

Il faudrait toujours ranger les couverts non triés, avec la pointe regardant en bas.
Pour éviter des blessures, déposez les pièces et couteaux longs et pointus sur la tablette à couteaux […].
L’acquasensor est un équipement optique (barrage photoélectrique) servant à mesurer la turbidité de l’eau. »

N’importe quel professeur de lettres facétieux peut se prêter au jeu de l’explication littéraire de cette notice ; d’ailleurs, je vais m’y livrer devant vous :

« Nous avons ici un texte qui d’évidence efface la voix auctoriale pour présenter la brutalité anonymisante du réel : l’apparente neutralité qui ressort de la mise en liste des injonctions fait pourtant sentir une présence autoritaire (l’emploi de termes savants est intimidant) ; un verbe inquisiteur (avec, par exemple, la répétition insinuante de la locution « de telle sorte ») s’impose face  à un destinataire absent, ou plutôt ignoré, et pourtant visé par cette mise en demeure d’organiser cette caverne de l’intime, qu’est le lave-vaisselle, puissante métaphore du bas corporel et de nos instincts. Cette instance d’énonciation abstraite, quasi orwellienne, va jusqu’à la censure de toute sensualité, suggérée par le galbe des formes ainsi emprisonnées dans le squelette de fer de la machine. La ménagère, car c’est bien d’elle dont il s’agit, dépose les armes, les couteaux de sa volonté regardent vers le bas, vaincue qu’elle est par un Big Brother de l’aspersion mécanique qui prend le nom héroïque d’Acquasensor. A ce stade, l’esthétique est une métaphysique révélant l’abdication du vouloir et les remous turbides de l’existence. »

On voit l’imposture d’une telle démarche. Mais comment se garantir contre ce travers qui ferait de tout texte un texte littéraire en puissance, au risque de signer, dans l’indistinction, l’arrêt de mort de la littérature elle-même ? Pour prendre les choses sous un angle différent : qu’est-ce qui formellement me permet de différencier la rencontre de Mme Arnoux et de Frédéric Moreau dans L’Education sentimentale de Flaubert, d’une scène de rencontre dans un roman à l’eau de rose ? qu’est-ce qui m’interdit de les considérer à égalité ?

Flaubert, L’Education sentimentale :

« Frédéric, pour rejoindre sa place, poussa la grille des Premières, dérangea deux chasseurs avec leurs chiens.
Ce fut comme une apparition :
Elle était assise, au milieu du banc, toute seule ; ou du moins il ne distingua personne, dans l’éblouissement que lui envoyèrent ses yeux. En même temps qu’il passait, elle leva la tête ; il fléchit involontairement les épaules ; et, quand il se fut mis plus loin, du même côté, il la regarda.
[…]
Il la supposait d’origine andalouse, créole peut-être ; elle avait ramené des îles cette négresse avec elle ?
Cependant, un long châle à bandes violettes était placé derrière son dos, sur le bordage de cuivre. Elle avait dû, bien des fois, au milieu de la mer, durant les soirs humides, en envelopper sa taille, s’en couvrir les pieds, dormir dedans ! Mais, entraîné par les franges, il glissait peu à peu, il allait tomber dans l’eau, Frédéric fit un bond et le rattrapa. Elle lui dit :
— ‘’ Je vous remercie, monsieur.’’
Leurs yeux se rencontrèrent. »

Autre scène de rencontre dans Le Défi du Prince de Sharon Kendrick (édition Harlequin) :

« Elle ressassait ces pensées moroses lorsque la soudaine conscience d’une présence lui fit relever la tête.
Un homme se tenait debout devant le comptoir de la réception.
Seigneur, elle manquait à tous ses devoirs ! Se redressant, elle afficha sur ses lèvres le sourire qui s’imposait. Mais, quand son regard rencontra celui du visiteur, elle se figea, consciente de vivre un de ces moments rares, spéciaux, magiques, qui n’arrivent qu’une fois dans une vie…
Les yeux de l’homme étaient extraordinaires. Jamais elle n’en avait vu de semblables. D’un noir intense, ils étaient pailletés d’or.
Elle frémit de tout son être. Qui était ce visiteur ? Les traits de son visage semblaient avoir été taillés dans du granit par un sculpteur de talent : nez aquilin, lèvres bien ourlées, menton volontaire. Sa bouche affichait un sourire ensorceleur. Grand et élancé, doté d’une carrure impressionnante, il aurait été indéniablement élégant si son jean et ses bottes n’avaient été maculés de boue.
Troublée, Cathy avala sa salive avec difficulté.
— Euh… monsieur… je suis désolée mais vous ne pouvez entrer dans cet hôtel ainsi couvert de boue…
[…] Son regard [celui de l’homme] enveloppa son interlocutrice. De petite taille, elle était plutôt agréable à regarder et, surtout, elle possédait la poitrine la plus fascinante qu’il ait jamais vue. »

On est d’abord au désespoir de constater un certain nombre de points communs entre les deux textes : surprise de l’amour, focalisation interne à partir du regard de l’un des deux personnages, le travail du paragraphe dont la brièveté nourrit le romanesque, discours indirect libre si caractéristique de la manière de Flaubert et que l’on retrouve aussi sous la plume de Sharon Kendrick !
Alors quelles différences ? Quelles différences entre le cultissime roman de Flaubert et le roman de gare ? Intuitivement la vulgarité de la littérature commerciale (le roman Harlequin) qui a comme principe d’appeler un chat un chat, pourrait être un critère ; la scène topique de la rencontre amoureuse est dévoyée parce qu’elle dit tout, jusqu’à l’obscénité ; rien n’est suggéré. En ce sens Le Défi du Prince peut être qualifié de pornographique, alors que Flaubert, comme le dit Barthes, pratique une écriture érotique qui ne dévoile la chose qu’ « entre la manche et le gant ». Mais là encore cette intuition est trompeuse : l’obscénité, la pornographie peuvent aussi être un projet d’écriture, bien des exemples nous le montrent, de l’antiquité à nos jours. Ma classification relève en fait d’une subjectivité indépassable : ce sont mes précédentes lectures, tout un réseau de références qui me font dire que Le Défi du Prince est exécrable, qu’il est le produit d’une littérature industrielle, qui utilise toujours le même schéma de la scène de première vue (les hommes y ont invariablement le menton volontaire, et la carrure impressionnante !). Plus que l’objet lui-même, qu’on apprécie plus ou moins, c’est le lecteur, sa culture, ses attentes qui font la valeur de l’œuvre. C’est le lecteur qui peut juger de la dégénérescence d’un lieu commun – la rencontre amoureuse – en cliché, jusqu’à la nausée.
On constate donc la variabilité et l’instabilité de la notion de valeur, appliquée aux textes littéraires, valeur qui n’existe que parce qu’elle est proclamée. Ainsi la littérarité d’un texte obéit à deux types de critères :
– Au niveau du texte lui-même, dans ses particularités formelles, rythme, images, figures, etc. Selon ce critère, l’appartenance de certains textes au champ de la littérature apparaît indiscutable (un sonnet, une épopée, une tragédie en alexandrins) ;
– Mais aussi au niveau subjectif, selon la façon dont l’œuvre opère un retour sur le lecteur et le travaille en profondeur. Que dire d’autre sinon que la littérarité est un statut qui est accordé à l’œuvre, proportionnel à l’intérêt, au plaisir, au trouble que provoque sa lecture, parfois sans en comprendre davantage la raison ?
Mais dans cette reconnaissance de la littérarité de l’œuvre, le lecteur ne chemine pas seul. Sa démarche rencontre le projet d’un auteur. Ce que je peux considérer comme littérature est le fruit, miraculeux, d’un double projet : celui de l’auteur, avec sa logique propre ; celui du lecteur qui la reconnaît comme littéraire. On peut avec optimisme considérer que même les textes les plus originaux ou intéressants, produits par une intelligence artificielle, ne déclencheraient pas ce mouvement de désir du lecteur vers l’auteur. En l’occurrence Sharon Kendrick, prestataire d’une entreprise de production industrielle de romans d’amour, ne me permet pas cette rencontre avec le charme indicible d’une voix originale.
Roland Barthes avait proclamé la « mort de l’auteur » comme figure d’autorité, dans un texte décisif de 1967 ; il y revient en 1973 avec une nuance tout aussi décisive dans Le Plaisir du texte :

« Comme institution, l’auteur est mort […] mais dans le texte, d’une certaine façon, je désire l’auteur : j’ai besoin de sa figure (qui n’est ni sa représentation, ni sa projection) comme il a besoin de la mienne […] »

Barthes, comme revenu des rigueurs du structuralisme, évoque ailleurs le « retour amical de l’auteur », de ses « charmes ». Mais entendons-nous, la réhabilitation de l’auteur, qu’on croyait éliminé, se fait par le biais, non de sa personne réelle, mais de sa « figure ». Cette figure est nécessairement abstraite, rêvée en quelque sorte. Elle est, avec la « figure » du lecteur, ce qui structure le cadre d’un dialogue. L’auteur est celui qui s’absente corporellement de son texte mais qui est néanmoins la condition nécessaire pour qu’un texte me parle.

Le charme de Duras dans ses recettes, comble mon désir d’auteur, et de cette autrice tout particulièrement, ce qui n’a rien à voir avec la fétichisation de l’autrice réelle, médiatique (pas toujours sympathique, d’ailleurs la Marguerite de chair et de col roulé ; et franchement dérangeante lorsqu’elle s’est mêlée de l’affaire Grégory). Non, je n’aime dans la recette de la soupe que ses « et puis », sans désirer être invitée à sa table.
Contre une approche essentialiste de la littérature qui justifie la hiérarchie des œuvres et des genres (la poésie vaut mieux que le roman, une tragédie vaut mieux qu’une farce), les modernes font de la valeur littéraire une notion mouvante, contingente. On a inventé à partir du XVIIIe s. la subjectivité du Beau (grâce à Kant notamment) ; le jugement devient alors relatif à la notion de plaisir qui ne peut recevoir aucune démonstration.
Certaines œuvres, certains genres voient ainsi leur statut se modifier dans le temps, ou d’un lieu à l’autre. Par exemple l’autobiographie entre dans le champ des études littéraires dans les années 70. Ou encore, La Princesse de Clèves a pu être considérée comme un chef-d’œuvre de la littérature précieuse, le premier grand roman psychologique, ou, selon un certain président de la République, un pavé (sic), franchement inutile et indigeste, qu’un « sadique ou un imbécile » (je cite toujours) avait mis au concours de recrutement des postiers. Je me suis laissé dire que Sharon Kendrick pourrait remplacer Madame de Lafayette dans le dit-programme…

Définitivement la notice de mon lave-vaisselle Bosch Acquasensor n’est pas un texte littéraire. Je peux l’affirmer, non parce que je me réfère à des conditions objectives que ce document ne remplit pas, mais parce qu’il est écrit en quelque sorte dans une langue morte, indifférente, qui n’instaure aucun dialogue, ne suscite en moi aucun désir, pas plus que son instance d’origine ne constitue pour moi une figure « amicale ». Tout ne se vaut pas, on ne saurait céder aux facilités du relativisme. Mais il serait impertinent de refuser à la littérature la possibilité de révéler le banal, l’insignifiant, car sa valeur ne se situe pas au niveau des objets qu’elle décrit, mais bien au niveau des pratiques, des représentations, et des discours qu’elle suscite.

Bibliographie : 
Roland Barthes, Le Plaisir du texte, Seuil, 1973
Marguerite Duras, L’Amant, Minuit, 1984
Marguerite Duras, La Cuisine de Marguerite, Benoît Jacob, 2018
Annie Ernaux, La Place, 1983
Gustave Flaubert, L’Education sentimentale, 1869
Sharon Kendrick, Le Défi du Prince, Harlequin, coll. Azur (disponible gratuitement en e-book sur le site de l’éditeur) 
Notice d’utilisation du lave-vaisselle Bosch Acquasensor, p. 9-10-14 : 9000438182_A.pdf (bosch-home.com)

La bêtise, son territoire, ses ruses, son génie. Maryse Palévody. 16-11-22

La bêtise, son territoire, ses ruses, son génie.
Maryse Palévody

Podcast https://audioblog.arteradio.com/blog/192901/podcast/193266/la-betise-son-territoire-ses-ruses-son-genie-maryse-palevody-14-11-2022

Qu’est-ce que la bêtise ? ou plutôt, comme se le demande Robert Musil : « Qu’est-ce au juste que la bêtise ? » (Robert Musil, conférence à Vienne en mars 1937, De la bêtise). Car on sait reconnaître la bêtise, à coup sûr, mais peut-on au juste la définir ?

Michel Audiard dans La Grande Sauterelle de Georges Lautner, 1967, n’y va pas par quatre chemins :

« C’que tu peux être con. T’es même pas con t’es bête. Tu sais rien, tu vas jamais au cinoche, tu te tiens au courant de rien. Si ça se trouve t’as même pas de cerveau, et si on regarde au-dessus de ta tête, on doit voir tes dents… » 

Le Grand Robert, lui, parle de défaut d’intelligence et de jugement ; d’action ou de parole sotte ou maladroite ; d’absence de mobilité d’esprit. Les contraires sont, sans surprise, l’intelligence, l’esprit, la finesse, le bon sens ; mais aussi l’adaptation, la curiosité, la tolérance.

Le Littré nous dit que le mot « bêtise » est récent ; autrefois (XVe-XVIe s.), on disait besterie.
Être bête, c’est donc faire la bête, comme en témoignent certaines expressions (« bête à manger du foin ») ; l’âne, l’oie, arrivant en tête du bestiaire de la bêtise. Dès le moyen-âge, le mot bête s’applique métaphoriquement à l’homme pour évoquer son caractère instinctif, irrationnel, dominé par la physiologie. Montaigne, Pascal par exemple, opposent deux attitudes, toutes deux dangereuses, « faire l’ange » ou « faire la bête ». La « bête humaine » qui désigne le personnage de Jacques Lantier, assassin compulsif, dans le roman éponyme de Zola, dit assez la dérivation sémantique du mot « bête » vers la cruauté, l’acharnement, la voracité.
Ces acceptions affleurent donc dans le mot bêtise, qui ne peut être limité à un sens bon enfant, notamment quand il est employé au pluriel : faire ou dire des bêtises. Cette bêtise accidentelle et vénielle ne nous intéressera pas ici, ni même un emploi condescendant ou euphémistique du terme : 

“… faisons cette bêtise,
L’amour, et livrons-nous naïvement à Dieu.”
HUGO, La Légende des siècles, t. 4, 1877, p. 846.

Non, bien plus fascinante est la bêtise crasse, consubstantielle à l’individu, et lorsqu’elle persévère dans son être. Cf. Le Guignolo de Georges Lautner, 1980, dialogue J. Audiard :

« – Vous savez quelle différence il y a entre un con et un voleur ?
– Non.
– Un voleur, de temps en temps, ça se repose. »

Entendons-nous bien, analyser les fondements et les manifestations éclatantes de la bêtise est faussement un projet réjouissant, comme si l’exposé avait une vertu prophylactique : analyser la bêtise, serait la considérer à bonne distance, et s’en immuniser, une sorte de « geste barrière » de l’intelligence satisfaite. Parler de la bêtise dans ce temple de l’intelligence, en connivence avec son auditoire, c’est prendre le risque de la regarder de haut, dans une pernicieuse stratégie du décalage, et manquer son but par orgueil. La bêtise est d’évidence, comme le bon sens chez Descartes, « la chose du monde la mieux partagée. » Il convient donc de ne se situer ni au-dessus ni à côté de son sujet.  

Bêtes à pleurer

Dans les Fables de La Fontaine, certains animaux ou certains hommes, bêtes comme leurs pieds, commettent d’irréparables boulettes faute d’avoir la tête bien faite : tel ours pour chasser une mouche sur le nez d’un jardinier s’arme d’un pavé et lui fracasse la tête, tel paysan éventre la poule qui lui donne chaque jour un œuf en or, tel volatile sur un arbre perché, pour son péché mignon de flatteries, laisse choir son alléchant fromage. L’avarice, la vanité, et tous les autres péchés capitaux sont solubles dans la bêtise qui sanctionne l’universelle dupe qui n’a plus que ses yeux pour pleurer. 
Aux XVIIe et XVIIIe s. le péché capital est la bêtise sociale de celui qui se donne en ridicule en société. Molière nous en a donné un fameux exemple avec le personnage du « trois fois sot » Trissotin dans Les Femmes savantes. Typiquement ce lourdaud n’a pas d’intelligence sociale, il est le contraire du bel esprit de salon. Plus tard, Rousseau dit de lui-même qu’il est « bête » en société, parce qu’il ne sait pas quoi dire. 
Flaubert dans l’un de ses Trois contesUn cœur simple, invente le personnage de la servante Félicité qui est sotte, crédule, mais sa simplicité est sans malice. Sa bêtise est passive, elle pourrait progresser : lorsqu’elle cherche la maison où habite son neveu Victor à Cuba, elle est déçue de ne pas la voir sur les cartes que lui montre un avocat : 
« Il avait un beau sourire de cuistre devant l’ahurissement de Félicité […] Une candeur pareille excitait sa joie. » 
Mais il suffirait qu’il lui explique. Sa bêtise à elle est pardonnable et amendable ; elle est simple mais récupérable ! C’est le savant ici qui est bête et méchant, on y reviendra…
Flaubert a de la sympathie pour la pauvre Félicité, et pour cause. Sartre dans la somme qu’il consacre à Flaubert, L’Idiot de la famille, relate une anecdote familiale touchant le jeune Gustave : 
« Ma grand-mère [c’est la nièce de Flaubert qui parle] m’a raconté qu’il restait de longues heures un doigt dans sa bouche, absorbé, l’air presque bête. » 
Il paraît même qu’un vieux domestique le faisait tourner chèvre en lui disant : « va voir… À la cuisine si j’y suis. »
On peut avoir de l’indulgence par rapport à cette forme de bêtise qui ne pense pas à mal, qui peut néanmoins devenir nuisible, parce qu’elle est influençable. En revanche, la bêtise est irrécupérable et impardonnable quand elle s’obstine.

« La bêtise est quelque chose d’inébranlable […] Elle est de la nature du granit, dure et résistante » (Flaubert, Correspondance)

Typiquement, Molière présente des personnages dont l’obstination, le comportement répétitif, les tics gestuels et linguistiques, nous les font apparaître bêtes (ex. Harpagon : « Hélas ! Mon pauvre argent ! »). Leur persévérance, dans l’erreur et l’aveuglement, est comique, parce que nous y voyons leur incapacité d’adaptation. La force d’inertie qui se dégage de leur fonctionnement mécanique est d’ailleurs pour Bergson (Le Rire) l’un des ressorts essentiels du rire, avec la célèbre formule : « de la mécanique plaquée sur du vivant ».
La bêtise est butée, figée dans ses certitudes, son conservatisme ; elle est douée d’une puissance d’enlisement qui ne laisse pas de possibilité de l’ébranler, de la retourner. Le problème avec la bêtise n’est pas tant les erreurs qu’elle véhicule, mais le fait que l’imbécile est tout à fait assuré des inepties qu’il profère. Flaubert propose, entre autres, dans son Dictionnaire des idées reçues, la définition suivante : 
« Bossus. Ont beaucoup d’esprit. — Sont très recherchés des femmes lascives. »
Ce n’est pas tant la fausseté de cet énoncé qu’il faut réfuter (pourquoi d’ailleurs les bossus n’auraient-ils pas effectivement beaucoup d’esprit ? quant à la deuxième proposition, je n’ai pas d’avis…), mais bien plutôt ce qui en fait une idée reçue et non discutée, son évidence convenue. Le contraire de la bêtise n’est pas l’intelligence (c’est tout de même mieux s’il y en a), mais le doute, la prudence de la pensée. Montaigne dans ses Essais, III, 8, « De l’art de conférer » disait bien :
« L’obstination et ardeur d’opinion est la plus sûre preuve de bêtise. »
Ou encore le grand Barthes (dont seule la mort fut bête), colloque de Cerisy, 1977 :
« La bêtise n’est pas liée à l’erreur. Toujours triomphante (impossible à vaincre), son triomphe relève d’une force énigmatique : c’est l’être-là tout nu, dans sa splendeur. D’où une terreur et une fascination, celle du cadavre […]. Donc elle est là, obtuse comme la Mort. »
Dans cet éthos du crétin ou de l’idiote satisfaits, contents de soi, se glisse le stéréotype du bourgeois, modèle inépuisable de la bêtise en littérature. Flaubert n’a de cesse de stigmatiser cette boursouflure de la bêtise humaine, qu’il remarque notamment comme un effet indésirable du tourisme de masse naissant en Egypte, comme ici ce rituel idiot qui consiste à laisser sa marque sur les monuments :
« A Alexandrie, un certain Thomson, de Sunderland, a sur la colonne de Pompée écrit son nom en lettres de six pieds de haut. Cela se lit à un quart de lieu de distance. Il n’y a pas moyen de voir la colonne sans voir le nom de Thomson, et par conséquent sans penser à Thomson. Ce crétin s’est incorporé au monument et se perpétue avec lui. 
Tous les imbéciles sont plus ou moins des Thomson de Sunderland. […] ils sont si nombreux, ils reviennent si souvent, ils ont si bonne santé ! En voyage on en rencontre beaucoup. » (Correspondance)
Ces bourgeois en voyage représentent la bêtise collective, qui devient alors une classe émergeante. Flaubert a la hantise de ce qu’il appelle « l’infinie stupidité des masses ». Cette bêtise-là sous ses dehors inoffensifs, est une force agissante et sourde, qui recèle un gouffre de brutalité passive. 
Une autre forme de bêtise est plus sûre d’elle, triomphante, redoutable parce qu’elle sait s’adapter, sonder le milieu ambiant et en tirer profit.

Bêtes et méchants

On se souvient du film Dupont-Lajoie d’Y. Boisset (1974) qui s’attaque, sur fond de racisme, à la bêtise ordinaire d’honnêtes citoyens prêts à accuser des ouvriers maghrébins du meurtre le plus ignoble. Terrible est cette bêtise qui s’attaque au plus faible, parfaitement nuisible quand elle est consensuelle et se croit subversive, sur l’air de : « on ne nous la fait pas » et « on ne nous dit pas tout ».
Terrible est aussi la bêtise sous l’enveloppe respectable de l’intelligence. Le pharmacien Homais dans Madame Bovary, a la bêtise de celui qui s’en croit à l’abri, son intelligence le rend bête dans son désir forcené d’ascension sociale, sa pédanterie de petit bourgeois qui a des prétentions scientifiques et politiques. Pourtant l’excellence d’Homais affichée en lettres d’or sur son officine, le ramène à une humanité moyenne, celle du type ordinaire qui ne supporte pas la solitude et ne peut que s’agréger à autrui pour y trouver le reflet espéré de sa supériorité. On ne peut être bête tout seul.

L’ironie de l’histoire

Se sentir intelligent, c’est adopter une posture aristocratique ostracisant le crétin. Pour les organisateurs du dîner de cons dans le film éponyme de Francis Veber, en 1998, offrir à la risée publique un beau spécimen d’imbécile, est le plus sûr moyen de paraître spirituel.
« Y’a pas de mal à se moquer des abrutis. Ils sont là pour ça, non ? » (personnage de Pierre Brochant, éditeur)
Mais à force de bourdes à répétition du nigaud de service, joué par J. Villeret, on perçoit la signification réversible du bêtisier. Finalement la bêtise de l’autre s’annule dans le jugement discriminant porté sur lui : stigmatiser la bêtise d’autrui, c’est se considérer prémuni, ce qui est un manque caractérisé de jugement et de prudence. Ainsi, on est toujours la bête de quelqu’un, le jugement sur la bêtise se neutralise dans l’indifférenciation.

Notre lieu commun
Parler de la bêtise, c’est l’illusion du discours sur l’autre. En cherchant l’autre, on ne trouve que son alter ego : « Madame Bovary, c’est moi ! » Mais Charles Bovary, Homais, c’est sans doute un peu moi aussi. En identifiant la bêtise ordinaire, en analysant ses ressorts, je me retrouve, et regarde l’autre comme dans un miroir. La bêtise est notre lieu commun, dont la première manifestation et la preuve évidente de son universalité, est de croire qu’on y échappe. Elle a son discours, la doxa, les idées reçues, c’est-à-dire le discours qui compense le manque de discours, c’est dire quand on n’a rien à dire, et fournir à l’échange social. 
Nathalie Sarraute à travers ce qu’elle appelle les « tropismes » met en évidence toutes les conventions sociales, les stéréotypes par lesquels nous sommes traversés, et qui bloquent l’intelligence de situation. Tropismes, X : 
« Elles allaient dans des thés. Elles restaient là, assises pendant des heures, pendant que des après-midi entières s’écoulaient. Elles parlaient : ‘’Il y a entre eux des scènes lamentables, des disputes à propos de rien. Je dois dire que c’est lui que je plains dans tout cela quand même. Combien ? Mais au moins deux millions. Et rien que l’héritage de la tante Joséphine… Non… comment voulez-vous ? Il ne l’épousera pas. C’est une femme d’intérieur qu’il lui faut, il ne s’en rend pas compte lui-même. […]’’ On le leur avait toujours dit. Cela, elles l’avaient bien toujours entendu dire, elles le savaient : les sentiments, l’amour, la vie, c’était là leur domaine. Il leur appartenait.
Et elles parlaient, parlaient toujours répétant les mêmes choses, les retournant, puis les retournant encore, d’un côté puis de l’autre, les pétrissant, roulant sans cesse entre leurs doigts cette matière ingrate et pauvre qu’elles avaient extraite de leur vie […] jusqu’à ce qu’elle ne forme plus entre leurs doigts qu’un petit tas, une petite boulette grise. »
Le langage est enlisé, laminé par l’usage commun, jusqu’à la bêtise ; les conversations sont le théâtre social de la bêtise. 

Le malheur de « voir la bêtise et de ne plus la tolérer »
Evidemment, il est un peu décourageant d’envisager la bêtise comme notre lieu commun. On n’est pas tout à fait prêt à partager ce pot commun de la bêtise. Le jugement critique, la lucidité, peuvent-ils nous sauver ?
Flaubert pose tout particulièrement ce problème dans Bouvard et Pécuchet, auquel il appose en 1879 le sous-titre d’ « encyclopédie de la bêtise humaine ». Dans ce roman, avant le chapitre VIII, la bêtise des deux compères coïncide à l’incompréhension de ce qu’ils lisent dans leurs livres. Ils multiplient les erreurs de jugement, interprètent de travers les lois scientifiques, se trompent dans leur application. Mais à partir du chapitre VIII qui se termine sur le savoir philosophique, la bêtise se déplace : elle n’est plus définie à partir des contenus savants mal digérés, mais comme une contrepartie malheureuse inhérente à l’exercice intellectuel. On lit à la fin du chapitre : 
« Alors une faculté pitoyable (= digne d’être prise en pitié) se développa dans leur esprit, celle de voir la bêtise et de ne plus la tolérer. »
Bouvard et Pécuchet développent alors une hyper sensibilité qui les conduit à « apercevoir partout la bêtise », ce qui, dit le narrateur, fait le malheur des deux « bonshommes » :
« Des choses insignifiantes les attristaient : les réclames des journaux, le profil d’un bourgeois, une sotte réflexion entendue par hasard. »
Leur bêtise tient donc à la fois à leur désir encyclopédique, puisque l’accumulation indifférenciée de savoirs et d’expériences implique la paralysie de tout jugement, mais la bêtise tient aussi à leur volonté de se distinguerde la bêtise des bourgeois de Chavignolles. Bouvard et Pécuchet vivent alors une vraie crise de la pensée, jusqu’à la mélancolie et la tentation du suicide. Pour y échapper, il faudrait renoncer à l’ambition d’un savoir total, et accepter pour soi, comme pour l’autre, une bêtise innée à toute créature. Il s’agirait de retrouver une sorte d’ignorance positive à la façon de Socrate, qui diffère de la simplicité brute et paresseuse. Savoir repérer, certes, les idées courtes des « nigauds [qui] forment la masse électorale », mais sans adopter une position extérieure et supérieure de vérité, menacée de devenir à son tour un stéréotype.
L’enjeu est discursif : l’affirmation nue, les sentences, sont le terreau d’une bêtise circulaire et proliférante, alors que le questionnement, l’incertitude énonciative, constituent une possibilité de jeu et de libération face à la bêtise. Flaubert notamment avec le fameux discours indirect libre, ne tient pas la bêtise à distance comme avec des pincettes, il l’intègre à la voix narrative. Barthes, pour sa part, après avoir déclaré une haine mortelle envers la bêtise, est finalement dans les Fragments du discours amoureux ou dans son espèce d’autobiographie Roland Barthes par Roland Barthes à la recherche d’une écriture oblique qui évite de se laisser prendre au piège de l’affirmation et du jugement, et admet la possibilité d’une bêtise innocente et dédramatisée, qui serait en tout cas un moyen de résistance contre l’impérialisme des idées.

Pas si bêtes

Balzac, dans les Illusions perdues, décrit ainsi l’un de ses personnages, un opportuniste nommé justement Finot :
« Sous sa fausse bonhomie, […], sous son ignorance et sa bêtise, il y a toute la finesse du marchand de chapeaux dont il est issu. »
“Finesse” de la bêtise et de l’ignorance : avec un puissant instinct de conservation et d’adaptation, elle a des ressources infinies, elle fait fructifier le vide. On hésite parfois à crier au génie. Cf. Nabila : « T’es une fille, t’as pas d’shampoing ?! Allo ! » On hésite à crier au génie. Qui est le plus bête, de Nabilla ou de la société de production qui la met en scène, et croit pouvoir impunément humilier les plus beaux spécimens de la bêtise ? Nabilla est devenue millionnaire en déposant sa phrase culte à l’Institut national de la propriété industrielle. La bête n’est pas si bête. Ni folie ni aliénation ni déficience, la bêtise s’autorise parfois des accès de raison et de calcul, et tire son épingle du jeu, quand l’intelligence raisonnable peut sembler « handicapée », limitée, disons timide.
Mais l’enrichissement obscène de youtubeurs analphabètes ne peut certes suffire pour regarder la bêtise avec bienveillance ou attendrissement.
L’adolescence est souvent qualifiée d’âge bête, période d’oppositions et de transgressions, à l’envers de l’éducation reçue. Alors que l’enfant est intelligent, l’adolescent deviendrait provisoirement bête. Cet âge « ingrat », analysé à partir du XXe s. dans la littérature scientifique, n’est pas bête en réalité, c’est la période pendant laquelle l’adolescent fait ses propres découvertes en désapprenant ce qui lui a été inculqué ; c’est l’âge de l’exploration pour une connaissance à soi, qui permet au jeune de se distinguer de ses parents.
Or, on peut extrapoler et envisager la bêtise, à tout âge, comme une façon de désapprendre pour explorer les potentialités de l’esprit, une innocence qui permet d’observer et d’assumer des responsabilités nouvelles, ou de découvrir de nouveaux horizons spirituels.
Dans La Tentation de Saint-Antoine de Flaubert, l’ermite Antoine se rêve en catoblépas, animal fabuleux qui par la complexion absurde de son corps (« buffle noir, avec une tête de porc tombant jusqu’à terre, et rattachée à ses épaules par un cou mince, long et flasque comme un boyau vidé »), symbolise la bêtise. Or Antoine s’incorpore au rêve du catoblépas :
« Gras, mélancolique, farouche, je reste continuellement à sentir sous mon ventre la chaleur de la boue. Mon crâne est tellement lourd qu’il m’est impossible de le porter. Je le roule autour de moi, lentement ; et la mâchoire entr’ouverte, j’arrache avec ma langue les herbes vénéneuses arrosées de mon haleine. Une fois, je me suis dévoré les pattes sans m’en apercevoir. »
Le rêve de devenir catoblépas est un rêve de régression et de dépouillement, qui permettrait d’atteindre ce que M. Foucault appelle « la stupide sainteté des choses. » (Travail de Flaubert, « La bibliothèque fantastique »).
Enfin, ne nous quittons pas sans évoquer la bêtise sublime de l’amoureux, l’éternel innocent, toujours inexpérimenté malgré la succession des rencontres. Son savoir ne lui sert à rien, il est contraint à la répétition. Son langage est pauvre, redondant, tautologique : il aime parce qu’il aime. Il ne sait dire que : « parce que c’est elle, parce que c’est lui, parce que c’est moi. » Être amoureux, c’est être « bête » !
Il y a dans les Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes, l’idée que l’amour est l’acceptation d’une forme d’innocence stupide, de l’ordre du saisissement :
« La bêtise c’est d’être surpris. L’amoureux l’est sans cesse ; il n’a pas le temps de transformer, de retourner, de protéger. Peut-être connaît-il sa bêtise, mais il ne la censure pas. » 

Conclusion ?
Je m’en garderai bien, laissant décidément à l’incontournable Flaubert, le mot de la fin :
« L’ineptie consiste à vouloir conclure. […] Oui, la bêtise consiste à vouloir conclure. » (Correspondance)

Langues et culture de l’Antiquité : Grec et Latin


Equipe pédagogique :

Muriel Fazeuille
Jean-Luc Lévrier
Maryse Palévody
Marie Platon

Contact : jean-luc.levrier@ac-toulouse.fr


Langues et culture de l’Antiquité : enseignement


Bonjour et bienvenue à toutes et à tous !
Vous suivrez en Lettres supérieures – en hypokhâgne – un enseignement obligatoire de trois heures de langues et culture de l’Antiquité : une heure de culture antique sur le thème « Le pouvoir » et deux heures de langue
ancienne, que vous ayez déjà étudié une langue ancienne ou que vous ne l’ayez jamais fait.
A cet enseignement obligatoire de trois heures, vous pouvez ajouter, si vous le souhaitez, un enseignement de deux heures de langue ancienne, dit « enseignement de spécialité » : les hellénistes auront ainsi quatre heures de grec, les latinistes quatre heures de latin. Vous pourrez même choisir de combiner l’étude du latin et celle du grec, et ce quelles que soient vos compétences dans chacune des deux langues.
Il est vivement conseillé à toutes celles et tous ceux qui ont du goût pour les langues anciennes d’ajouter l’enseignement de spécialité à l’enseignement obligatoire. Sachez, en effet, qu’à l’oral du concours d’entrée à l’ENS Lyon, vous devrez obligatoirement passer une épreuve de langue, et que vous avez alors le choix entre langue vivante et langue ancienne. Or, vous ne pourrez préparer efficacement l’épreuve de langue ancienne qu’en choisissant de suivre les deux heures d’enseignement de spécialité.
Ces deux heures de spécialité sont aussi vivement recommandées à celleset ceux d’entre vous qui souhaitent, à plus long terme, faire des études de Lettres modernes : ils rencontreront obligatoirement le latin dans leur cursus universitaire à venir et devront, à l’écrit de l’agrégation, passer une épreuve de version grecque ou de version latine. Mieux vaut donc se préparer à l’avance à ces échéances.
Sachez enfin que vous intègrerez des groupes de niveaux différents selon que vous aurez déjà étudié une langue ancienne par le passé ou que vous serez débutants.
Cordialement à vous


Grec : poursuivre le grec en 2ème année

Contact :
muriel.fazeuille@ac-toulouse.fr
marie.platon@ac-toulouse.fr

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Vous entrez en khâgne : poursuivre un enseignement de grec (ou de latin) se pose à vous : à quoi cela sert-il ? Qui
peut / doit continuer le grec ?
Ci-dessous vous trouverez les différents cas de figures et vous jugerez de la pertinence de garder ou non cet enseignement.
I.Le grec aux concours

1.Les concours des ENS
✔ Aux épreuves de l’ENS Lyon, il n’y a pas d’épreuves écrites de grec ancien. En revanche, à l’oral dans le cadre des épreuves d’admission, vous pouvez présenter le grec (ou le latin)(traduction d’un texte de 120 mot avec dictionnaire et commentaire*) ou une langue vivante (commentaire d’un article de presse).
*L’épreuve de grec est présentée de façon plus exhaustive en fin de document.
Tout étudiant, quelle que soit sa spécialité en khâgne peut choisir le grec pour les épreuves orales d’admission.
✔ Aux épreuves de l’ENS Ulm, le latin ou le grec sont obligatoires à l’écrit.

2.Les concours bac +2 autres que l’ENS
✔ Ecoles de commerce /ECRICOME (par la Banque Epreuves Littéraires). Pour les épreuves orales, on peut remplacer la langue 2 par une épreuve de grec (ou de latin).
✔ Ecoles de management (par la Banque Epreuves Communes). Epreuve écrite de grec (ou de latin) et éventuellement épreuve orale de grec (ou de latin).

3.Concours de l’Education nationale
✔ AGREGATION de lettres modernes : version grecque ou latine obligatoire à l’écrit.
✔ AGREGATION de philosophie : possibilité de présenter une épreuve orale de grec (ou de latin).
✔ CAPES et AGREGATION de lettres classiques : obligation de présenter des épreuves écrites et orales de latin et de grec.

II.Le grec pour la cohérence du cursus scolaire
Il s’agit de conserver un enseignement de grec mais en ne le présentant pas aux concours.
-dans le cadre d’une spécialité en lettres modernes, la poursuite du grec est obligatoire sauf si si vous étudiez deux langues vivantes ou si vous suivez la préparation aux concours des écoles de commerce, de journalisme…
-dans toutes les autres spécialités (HIDA, théâtre, ciné, philosophie, histoire-géo….), l’enseignement du grec peut se poursuivre car cette langue, à moyen terme, sera utile pour une L3 un M1, M2….
C’est sans doute le plus important, vous pouvez choisir de poursuivre le grec PAR GOUT, PAR PLAISIR ; c’est aussi une dimension importante dans les études….
Concrètement, vous pourrez suivre 2 heures de grec en khâgne. Les étudiants débutants et confirmés y sont mélangés. Les notions grammaticales (morphologie et syntaxe) y seront systématiquement revues ; l’entraînement à la traduction d’un texte grec (version) constituera une part importante de l’enseignement ainsi que le commentaire littéraire. Les cours préparent à l’épreuve ORALE de l’ENS Lyon : traduction d’un texte de 120 mots environ avec dictionnaire ; le texte portera obligatoirement sur le thème de culture antique 2019-20 « Savoir, apprendre, éduquer ». La préparation est de 1 heure ; l’oral dure 20 mn ; s’ensuit un entretien de 10 mn avec le jury.
Si des étudiants veulent préparer les écrits de l’ENS Ulm, qu’ils se fassent connaître à la rentrée, car une préparation spécifique sera mise en place.
Comme la version est au coeur de l’enseignement de grec, vous pouvez vous procurer plusieurs manuels :
-Dictionnaire grec-français d’Antoine Bailly chez Hatier
ou
-Dictionnaire grec-français abrégé d’Antoine Bailly chez Hatier
ou
-Dictionnaire grec-français de Ch.Georgin chez Hatier
Vous pouvez consulter le dictionnaire Bailly en ligne (ou le télécharger) à l’adresse suivante : https://archive.org/details/BaillyDictionnaireGrecFrancais/mode/2up
-Grammaire grecque de J.Allard et E.Feuillâtre chez Librairie Hachette
-Cahier d’activités, Grec débutant de Danielle Jouanna chez Hatier Les belles lettres

Bon été ! Χαίρετε

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Latin : Le latin en Première supérieure

Contact : jean-luc.levrier@ac-toulouse.fr.



1- Le latin aux concours
Il n’existe au concours de l’ENS Lyon (LSH) d’épreuve de latin qu’à l’oral, du moins pour les spécialités qui sont préparées au lycée Saint-Sernin. Pour cette épreuve orale, vous avez le choix entre le latin, le grec et une langue vivante (épreuve de commentaire d’article de presse). A vous d’arrêter votre choix en tenant compte de votre goût, de vos compétences, de votre détermination. Ceux qui hésitent sont invités, à la rentrée, à fréquenter à la fois le cours de langue vivante et celui de latin, le temps de se déterminer. Chacune et chacun d’entre vous a le droit, quelle que soit sa spécialité, de choisir le latin à l’oral. Les mieux armés pour faire face à l’épreuve sont les élèves confirmés ; mais l’expérience a montré que des élèves grands débutants pouvaient aussi présenter cette épreuve avec succès. Sachez que vous pouvez présenter une épreuve de latin tant à l’écrit qu’à l’oral des concours de recrutement aux écoles de commerce. Et n’oubliez pas, si vous avez l’intention de passer aussi le concours de l’ENS Ulm, qu’une langue ancienne y est obligatoire à l’écrit.
A plus long terme, une épreuve de latin peut être présentée à l’oral du CAPES externe de Lettres modernes. L’Agrégation de Lettres modernes comporte une épreuve obligatoire de version latine (ou grecque) ; les Agrégations d’espagnol et de philosophie comportent une épreuve orale à l’occasion de laquelle les candidats peuvent choisir le latin.
2- Le latin hors concours
Même si vous ne souhaitez pas présenter d’épreuve de latin à un concours, vous pouvez néanmoins suivre un enseignement de latin. Vous le ferez de manière facultative si vous estimez que cela est utile compte tenu de votre cursus, ou tout simplement par goût. Vous le ferez obligatoirement si vous êtes spécialiste de Lettres modernes, que vous choisissiez ou non de présenter au concours de l’ENS Lyon l’épreuve orale de latin. Vous ne pourrez être dispensé de cet enseignement tout en étant Lettres modernes que si vous étudiez deux langues vivantes ou si vous suivez la préparation aux concours des écoles de commerce, de journalisme…
3- Horaires et niveaux
Il existe un cours de deux heures destiné aux élèves ayant suivi en Lettres supérieures le cours des grands débutants.
Il existe un cours de deux heures destiné aux élèves ayant suivi en Lettres supérieures le cours des confirmés.
Selon votre cas, vous vous inscrirez dans l’un ou dans l’autre. Si vous le jugez utile, vous pourrez aussi vous inscrire dans les deux.

4- Programme, épreuve et bibliographie
Le programme de l’oral de latin est celui que vous avez traité en 2019-2020 : « Savoir, apprendre, éduquer ». Cela signifie que vous serez interrogés à l’oral sur un texte en rapport avec ce thème-là. L’épreuve consiste à traduire et commenter en vingt minutes un texte d’une longueur de 120 mots environ, préparé en une heure avec l’aide d’un dictionnaire. Ces vingt minutes sont suivies d’un entretien de dix minutes avec le jury. Si vous ne vous y êtes jamais entraînés, cela peut vous paraître redoutable ; cela cesse de l’être avec de l’entraînement. Pendant les vacances, je vous conseille de veiller à ne pas perdre le contact avec le latin. Vous pouvez, pour cela, vous entretenir en vous procurant
Le latin pour les débutants, de Micheline Moreau-Rouault, éditions Librio. Quel que soit votre niveau, il vous permettra de (re)faire le tour de la grammaire latine et de traduire des auteurs classiques. Il existe un recueil d’articles intitulé Savoir, apprendre, éduquer, sous la direction de Philippe Guisard et Christelle Laïzé, éd. Ellipses. Il s’adresse spécifiquement aux élèves de CPGE.
L’ouvrage de référence en la matière reste celui d’Henri-Irénée Marrou, Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, Seuil, coll. Points, 1. Le monde grec, 2. Le monde romain.


Journée d’études : Langues et culture de l’Antiquité

7 mai 2019 : Les dieux et les hommes dans l’Antiquité grecque et romaine
Coord. J.-L. Lévrier programme dieux &amp; hommes
22 mai 2018 : Le temps dans l’Antiquité grecque et romaine
2017 : L’éloge et le blâme en Grèce et à Rome
2016 : Le corps dans l’Antiquité
2015 : Guerre et paix
2014 : La famille dans l’Antiquité grecque et romaine
2013 : Expériences et représentations de l’espace







Littérature et option Lettres Modernes (LSH)


La littérature en 1ère année

Equipe pédagogique :

Frédérique Bué
Carole Catifait
Muriel Fazeuil



La Littérature en 2ème année

Equipe pédagogique :

Maryse Palévody
Muriel Rossetti

+ d’infos page de présentation khâgne
contact  Contact Lettres Khâgne 1
Contact Lettres Khâgne 2

5 heures hebdomadaires
étude approfondie de 4 ou 5 œuvres et de 3 thèmes fixés par les ENS
Le cours de tronc commun de Littérature prépare principalement à la Composition française (durée : 6 h, coefficient : 2) et l’explication d’un texte littéraire sur programme (durée 1,5 h., coefficient 1,5).



Option Lettres Modernes : 2ème année

Professeur :
Carole Catifai
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Littérature et Lettres Cours

Christine de Pizan ou le féminisme au XVème siècle (2021)
Conférence de Florence Bouchet

Le récit bref ou l’esthétique du déshabillé (13 juillet 2019)
Muriel Rossetti
Article intégral PDF Lettres récit bref esthétique déshabillé Rossetti 
leschroniquesdemarcel.blogspot.com

Aujourd’hui, Marcel tombe la veste : il croise quelques remarques sur le récit bref et la poétique de Nathalie Sarraute dans l’espoir d’aboutir à une réflexion sur la nouvelle comme art de la mise à nu. Il se livre à une courte analyse de Mademoiselle Else d’Arthur Schnitzler.

Les Fruits d’or ou comment reconnaître un chef d’œuvre quand on en voit un (27 juillet 2019)
Muriel Rossetti
Article intégral PDF Rossetti Fruits d’or chef d’œuvre

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Marcel n’est pas emballé par le retour du thème « l’œuvre littéraire, ses propriétés, sa valeur », mais la lecture des Fruits d’or lui offre l’occasion de poser à nouveau une question élémentaire : qui fixe la valeur de l’œuvre ?
Les Fruits d’or : qu’est-ce que c’est ?
Publié en 1964, Les Fruits d’Or est un roman de Nathalie Sarraute particulièrement féroce pour les coteries littéraires. L’intrigue tient à fil. L’écrivain Brehier vient de faire paraître un roman, Les Fruits d’Or : que vaut-il ? Question apparemment indifférente qui revêt pourtant aux yeux des salons parisiens une importance capitale. Appartient-on au petit cercle très fermé des gens de goût, cette élite raffinée qui sait reconnaître un chef d’œuvre à sa naissance ? Être intronisé ou non dans « le petit noyau, le petit groupe, le petit clan » de ces Verdurin new age, telle est donc la question.

Récits de guerre et crise du récit : « La Grande Guerre en toutes lettres ».  (2018)
Carole Catifait

Projet : Centenaire de la fin de la Guerre, 1918-2018. Cycle de conférences interdisciplinaires en lien avec l’Université. LSHB : Lettres / histoire / philosophie / histoire des arts.
Problématiques littéraires :
L’illusion naturaliste : Barbusse, Le Feu (1916). Interrogation sur le récit-témoignage.
Crise de la modernité, crise du récit : Pourquoi 14-18 chez les contemporains ? Fin des récits de guerre au profit de récits qui « interrogent » la guerre. Quel récit possible ? Interrogation sur le Nouveau Roman : Claude Simon, L’Acacia (1989).
Problématiques transversales :
Les questions épistémologiques fondamentales pour penser les sciences humaines. Comment écrire l’histoire ? Pourquoi toujours la réécrire ?
L’écrivain et l’histoire : Qui peut écrire l’histoire ? Quelle place et/ou quelle légitimité « paradoxale » de la littérature ? Expliquer ou tenter de donner sens ?
Lecture de L’Acacia de Claude Simon. « La modernité commence avec la recherche d’une littérature impossible » (Roland Barthes).
Corpus des textes étudiés, évoqués, lus ou présentés par les élèves :
Barbusse, Le Feu.
Giono, Le Grand Troupeau et la nouvelle « Ivan Ivanovitch Kossiakoff », in Solitude de la pitié.
Céline, Voyage au bout de la nuit.
Rouaud, Les Champs d’honneur.
Bergounioux, Ce pas et le suivant.
Echenoz, 14.
Japrisot, Un long dimanche de fiançailles.
Vuillard, La Bataille d’Occident.